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RéfleXions
52
avril
2012
Tome 9
Soins de support
Dossier
Nutrition thérapeutique en oncologie :
bénéfices du support nutritionnel
Savoir prescrire
Zytiga® dans le traitement du cancer
de la prostate métastatique résistant
à la castration et après Taxotère
Anti-angiogéniques
et
maladies
artérielles
Congrès
ASCO GU 2012 – morceaux choisis
C.E.R.I.A.
Cas clinique du CERIA
Maladie athéromateuse
et risque des traitements
anti-angiogéniques
ISSN : 1767-655X
Coordination scientifique :
François Goldwasser
4
Crédits
FMC
par an
JBH
santé
De l’information à la formation du spécialiste en médecine oncologique
RÉDACTEURS EN CHEF
François GOLDWASSER, Cochin, Paris
Mario DI PALMA, IGR, Villejuif
SOMMAIRE
DOSSIER
Anti-angiogéniques et maladies artérielles
COMITÉ SCIENTIFIQUE
Philippe ANRACT, Cochin, Paris
Marie-France AVRIL, Cochin, Paris
Daniel BRASNU,HEGP, Paris
Xavier BERTAGNA, Cochin, Paris
Jean-Yves BLAY, Lyon
Roland BUGAT, Centre Claudius Régaud, Toulouse
Charles CHAPRON, Cochin, Paris
Stanislas CHAUSSADE, Cochin, Paris
Bernard CORTET, Lille
Bertrand DOUSSET, Cochin, Paris
Nicolas DUPIN, Cochin, Paris
Daniel DUSSER, Cochin, Paris
Sylvie GISSELBRECHT, Institut Cochin, Paris
Loïc GUILLEVIN, Cochin, Paris
Aimery de GRAMONT, St Antoine, Paris
Martin HOUSSET, HEGP, Paris
Axel KAHN, Institut Cochin, Paris
David KHAYAT, La Pitié Salpêtrière, Paris
Jerzy KLIJANIENKO, Institut Curie, Paris
Jean LACAU-SAINT GUILLY, Tenon, Paris
Paul LEGMANN, Cochin, Paris
Jean-François MEDER, St Anne, Paris
Jean-Louis MISSET, St Louis, Paris
Françoise MORNEX, Lyon
Luc MOUTHON, Cochin, Paris
Stéphane OUDARD, HEGP, Paris
Philippe POURQUIER, Centre Bergonié, Bordeaux
Pascal PIEDBOIS, Henri Mondor, Créteil
Eric PUJADE-LAURAINE, Hôtel Dieu, Paris
Philippe ROUGIER, Ambroise Paré, Boulogne
Christian ROUX, Cochin, Paris
Michèle SALAMAGNE, Paul Brousse, Villejuif
Daniel SERIN, Avignon
Eric SOLARY, Dijon
Jean TREDANIEL, St Joseph, Paris
Jean Michel VANNETZEL, Hartmann, Neuilly
COMITÉ DE LECTURE
Jérôme ALEXANDRE, Hôpital Cochin, Paris
Hervé CURE, Reims
François GOLDWASSER, Hôpital Cochin, Paris
Loïc GUILLEVIN, Hôpital Cochin, Paris
Jean-Louis MISSET, Hôpital St-Louis, Paris
Jean-Yves PIERGA, Institut Curie, Paris
Eric RAYMOND, Hôpital Beaujon, Paris
3
5
7
9
14
Maladie d’Alzheimer et anti-angiogéniques :
une voie thérapeutique prometteuse ? — François Goldwasser, Paula Grammas
Anti-angiogéniques et accident vasculaire ischémique cérébral :
contre-indication transitoire ou définitive ? ———— F. Goldwasser, Adria Arboix
Approches anti-angiogéniques pour l’inhibition de la déstabilisation
des plaques au cours de l’athérosclérose ———— F. Goldwasser, K. Toutouzas
Fréquence, physiopathologie et principe de traitement des complications
cardiaques des anti angiogéniques —————————— Stéphane Ederhy et al.
Conclusion : maladie vasculaire et risque des traitements anti-angiogéniques ;
effet inverse selon le stade —————————————— François Goldwasser
S avo i r p r e s c r i r e
15
Savoir prescrire Zytiga® dans le traitement du cancer de la prostate
métastatique résistant à la castration et après Taxotère — Marine Gross-Goupil
C.E.R.I.A.
17
Cas clinique du CERIA - Maladie athéromateuse
et risque des traitements anti-angiogéniques —————— François Goldwasser
Congrès
19
ASCO GU 2012 – morceaux choisis —————— M. Gross-Goupil, S. Le Moulec
Actualités
24
Le choix crucial entre le feu et les briques - à partir du congrès de l’American
Association for Cancer Research (AACR) ———————— François Goldwasser
I n n ovat i o n t h é r a pe u t i qu e
26
L’afatinib : un pas de plus dans le contrôle des adénocarcinomes
pulmonaires avec mutation du gène du récepteur de l’EGF —— F. Goldwasser
Soins de support
28
UNE ÉDITION J.B.H. SANTÉ
53, rue de Turbigo - 75003 Paris
Tél. : 01 44 54 33 54 - Fax : 01 44 54 33 59
Site : http ://www.jbhsante.fr
Directeur de la publication : Dr Jacques HALIMI
Secrétariat de rédaction : Yaëlle ELBAZ
Maquette : Clémence KINDERF
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Secrétariat et abonnements : Louise ASCOLI ([email protected])
Imprimerie : Gyss Imprimeur Obernai - 314041
ISSN : 1767-655X - Commission paritaire : T 85255
Dépôt légal : 2ème trim. 2012
Adhérent au CESSIM
Les articles de “Réflexions en Médecine Oncologiques” reflètent l’opinion des auteurs et n’engagent
en aucune façon la responsabilité de la Société éditrice. Aucun article publié dans ce numéro ne peut
être reproduit quels que soient la forme et les procédés sans l’autorisation expresse de l’éditeur.
Nutrition thérapeutique en oncologie : bénéfices
du support nutritionnel ———— Pascal Crenn, Jérôme Alexandre, Philippe Rougier
4, 30
Abonnement
COMITÉ DE RÉDACTION
Jérôme ALEXANDRE, Cochin, Paris
Alberto BOSSI, IGR, Villejuif
Stéphane de BOTTON, IGR, Villejuif
Pierre Régis BURGEL, Cochin, Paris
Paul-Henri COTTU, Institut Curie, Paris
Pascale DIELENSEGER, IGR, Villejuif
Julien DOMONT, IGR, Villejuif
Hassan IZZEDINE, La Pitié-Salpétrière, Paris
Pierre KHALIFA, Paris
Olivier MIR, St Vincent de Paul, Paris
Hélène de La MENARDIERE, Cochin, Paris
Mansouriah MERAD, IGR, Villejuif
Thibaut de la MOTTE ROUGE, IGR, Villejuif
Florence RABILLON, Cochin, Paris
Eric RAYMOND, Beaujon, Paris
Olivia RIBARDIERE, IGR, Villejuif
Laurent ZELEK, Avicenne, Bobigny
Eric ZERBIB, Saint-Cloud
Dossier
ANTI-ANGIOGÉNIQUES ET MALADIES ARTÉRIELLES
Maladie d’Alzheimer
et anti-angiogéniques :
une voie thérapeutique prometteuse ?
François Goldwasser
(1)
e t Pa u l a G r a m m a s
(2)
1 : Centre d’Etudes et de Recours sur les inhibiteurs de l’angiogenèse (CE RIA), ser vice de cancérologie,
Hôpital Cochin, faculté de médecine Paris Descartes.
2 : D é p a r t e m e n t d e n e u r o l o g i e , G a r r i s o n I n s t i t u t e o n A g i n g , Te x a s Te c h U n i v e r s i t y H e a l t h S c i e n c e s C e n t e r,
L u b b o c k , Te x a s , E t a t s - U n i s .
D
e nombreuses données permettent de relier dysfonction vasculaire, facteurs de risque vasculaires, et la
pathogénie de la maladie d’Alzheimer (MA). Des données
suggèrent la possibilité d’une relation entre activation vasculaire, et MA (1,2). En conséquence, la microcirculation cérébrale
pourrait être une nouvelle cible thérapeutique pour lutter
contre la maladie.
L’activation vasculaire
angiogénique : un nouveau paradigme
dans la pathogénie de la maladie
L’hypoxie stimule l’angiogenèse (3) et participe aux manifestations cliniques et anatomopathologiques de la MA. Le gène
du VEGF fait partie des gènes induits par l’hypoxie, et le VEGF
est retrouvé dans le cerveau de MA dans les vaisseaux intraparenchymateux, dans les dépôts diffus périvasculaires, et
dans les « clusters » d’astrocytes activés. Il existe une association entre les concentrations intrathécales de VEGF et la
sévérité de la MA ainsi qu’avec la concentration intrathécale
en Abeta (4). Les microvaisseaux dans la maladie expriment
ou libèrent des protéines inflammatoires, parmi lesquelles le
VEGF, la thrombine, HIF1alpha, TNFalpha, TGFbeta, IL6 (5).
La protéine Abeta a des effets anti-angiogéniques (6) . Un
modèle a été proposé pour rendre compte de l’activation
angiogénique pathologique dans la MA (7).
• Dans des conditions physiologiques d’angiogenèse, en
réponse à une hypoxie cérébrale, les cellules endothéliales
cérébrales sont activées et libèrent des facteurs pro-angiogéniques. L’angiogenèse cérébrale suit un processus complexe
à plusieurs étapes, telles que l’activation endothéliale, la
dégradation de la matrice extracellulaire, la prolifération et
la migration des cellules endothéliales, et leur différenciation morphologique pour former des tubes. La néovascularisation
envoie un signal de rétrocontrôle négatif aux cellules endothéliales pour que celles-ci cessent leur activation.
• Dans la MA, en réponse à un stimulus persistant, tel que
l’hypoperfusion cérébrale ou la présence de concentrations
élevées de protéine IL1-bêta, les cellules endothéliales deviennent activées. Les cellules endothéliales libèrent des protéines
de l’inflammation et des médiateurs pro-angiogéniques.
Cependant, il ne se forme pas de néovaisseaux. La cause de
l’absence d’activation vasculaire n’est pas encore élucidée
mais elle pourrait être due à la présence de facteurs antiangiogéniques, tels que Abeta, ou un signal angiogénique
aberrant. L’absence de néovaisseau conduit à l’absence de
rétrocontrôle négatif sur les cellules endothéliales qui demeurent activées et « bloquées » en état de phénotype
pro-angiogénique. Elles continuent donc de libérer des niveaux
élevés de facteurs pro-inflammatoires et neurotoxiques qui
peuvent contribuer directement aux dysfonctions neuronales,
à la mort neuronale et à la pathologie de la MA.
Effet des médicaments
anti-angiogéniques dans le cerveau
Les inhibiteurs de cholinestérase et les antagonistes de récepteurs NMDA sont commercialisés mais ont peu d’effets cliniques
dans la MA. Les AINS sont étudiés dans cette indication
depuis plus de 20 ans. L’inflammation parait en effet être un
N°52 - Tome 9 - avril 2012 - RéfleXions en Médecine Oncologique
3
Maladie d’Alzheimer et anti-angiogéniques : une voie thérapeutique pr ometteuse ?
élément essentiel de la progression de la maladie. Certains
AINS ont pu inhiber la formation du peptide pathologique
Abeta1-42, indépendamment de voie de la cyclo-oxygénase.
Les AINS ont également un effet anti-angiogénique via des
effets directs sur les cellules endothéliales (8) . Les statines
sont des médicaments hypocholestérolémiants qui ont également un effet anti-inflammatoire indépendant de la baisse de
la cholestérolémie. Sur modèles animaux, les statines atténuent l’inflammation cérébrale et l’angiogenèse (9).
La simvastatine inhibe selon une relation dose-dépendante,la
croissance des capillaires sanguins, sur des membranes
chorioallantoïdiennes de poulet stimulées par VEGF (10).
Les médicaments anti-angiogéniques peuvent représenter
une classe thérapeutique importante dans la MA. Ainsi, le
thalidomide prévient la détérioration de la mémoire induite
par Abeta, chez la souris. Sur un modèle animal de MA, le
thalidomide peut inhiber l’expression de marqueurs angiogéniques, réduire la réactivité microgliale, et réduire la perte
neuronale dans l’hippocampe. Le sunitinib améliore la performance cognitive de souris atteintes de MA.
Conflits d’intérêts : aucun
RÉFÉRENCES
1-Boscolo E, Folin M, et coll. Beta amyloid angiogenic activity in vitro and in vivo. Int Mol Med 19: 581-587, 2007.
2-de la Torre JC. Alzheimer disease as a vascular disorder: nosological evidence. Stroke 33 :1152-1162, 2002.
3-Pugh CW, Ratcliffe PJ. Regulation of angiogenesis by hypoxia : Role of the HIF system. Nature Med 9: 677-684, 2003.
4-Tarkowski E, Issa R, et coll. Increased intrathecal levels of the angiogenic factors VEGF and TGF-beta in Alzheimer’s disease and vascular dementia. Neurobiol Aging
23: 237-243, 2003.
5-Grammas P, Ovase R. Cerebrovascular TGF-beta contributes to inflammation in the Alzheimer’s brain. Am J Pathol 160 : 1583-1587, 2002.ra
6- Paris D, Townsend K, et coll. Inhibition of angiogenesis by Abeta peptides. Angiogenesis 7: 75-85, 2004.
7-Grammas P. Angiogenesis mediators and the pathogenesis of Alzheimer’s disease. In: Therapeutic angiogenesis for vascular diseases. M Slevin (Ed). 13: 295-312, 2011.
8-Tarnawski AS, Jones MK. Inhibition of angiogenesis by NSAIDs: Molecular mechanisms and clinical implications. J Mol Med 81: 627-636, 2003.
9-Stuve O, Youssef S et coll. Statins as potential therapeutic agents in neuroinflammatory disorders. Curr Opin Neurol 16: 393-401, 2003.
10-Park HJ, Kong D, et coll. 3-hydroxy-3-methylglutaryl coenzyme A reductase inhibitors interfere with angiogenesis by inhibiting the geranylgeranylation of RhoA.
Circ Res 91: 143-150, 2002.
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Dossier
ANTI-ANGIOGÉNIQUES ET MALADIES ARTÉRIELLES
Anti-angiogéniques et accident vasculaire
ischémique cérébral :
contre-indication transitoire ou définitive ?
François Goldwasser
(1)
et Adria Arboix
(2)
1 : Centre d’Etudes et de Recours sur les inhibiteurs de l’angiogenèse (CE RIA), service de cancérologie,
Hôpital Cochin, faculté de médecine Paris Descartes.
2 : U n i t é n e u r o v a s c u l a i r e , d é p a r t e m e n t d e n e u r o l o g i e , h ô p i t a l u n i v e r s i t a i r e d e l S a g r a t C o r, u n i v e r s i t é d e B a r c e l o n e , E s p a g n e .
L
a question de l’administration d’un médicament antiangiogénique chez un patient ayant un antécédent
d’accident vasculaire cérébral se pose de manière croissante avec l’augmentation de la longévité et la tendance à la
chronicité des maladies cancéreuses métastatiques. Le clinicien n’a qu’un repère : l’antécédent d’accident vasculaire
cérébral était une contre-indication à l’inclusion dans les
essais cliniques de médicaments anti-angiogéniques. Toutefois,
étant donné le bénéfice potentiel des anti-angiogéniques
chez les patients métastatiques, la question est régulièrement re-interrogée au fur et à mesure que l’accident vasculaire
devient un antécédent tardif.
Peut-on trouver des éléments pour guider le délai à respecter ?
Ou est-ce une contre-indication définitive ?
Après un accident vasculaire cérébral (AVC), la réparation
neuronale repose sur la plasticité cérébrale, la neurogenèse
et l’angiogenèse (1). Après AVC, on peut noter une augmentation du remodelage vasculaire dans les zones où sont les
neuroblastes récemment nés. Ceux-ci migrent de la région
sous-ventriculaire à la zone corticale autour du territoire
lésé (2) . L’administration de cellules humaines dérivées du
sang de cordon, CD34+, après un AVC, provoque une néovascularisation du cortex autour de la zone ischémique, et
augmente la migration des neuroblastes vers le tissu cérébral endommagé (3) . La présence de cellules endothéliales
dans la micro-vascularisation est importante car elles secrètent des facteurs de croissance et des chemokines, qui vont
faciliter la survie des neurones nouvellement formés (4,5).
Sur modèle d’occlusion de l’artère cérébrale moyenne chez
la souris ou le rat, les cellules endothéliales commencent à
proliférer dans la zone périphérique de l’infarctus dans les
12 à 24h qui suivent l’occlusion (6-8) . Une augmentation du
nombre de vaisseaux en résulte dans la région péri-infarctus
dès le 3e jour après la lésion artérielle. Des études chez
l’Homme ont mis en évidence une angiogenèse active 3 jours
après la souffrance ischémique (9). La revascularisation collatérale peut être importante pour la survie du patient. Ainsi,
l’existence de fortes densités de microvaisseaux dans les
zones de pénombre est associée avec une meilleure survie.
Afin d’être bénéfique, l’augmentation de la densité microvasculaire doit persister dans les zones d’infarctus cérébral.
Sur modèles animaux, après occlusion de l’artère cérébrale
moyenne, les microvaisseaux induits par l’ischémie sont très
perméables et transitoires. Ces vaisseaux nouvellement
formés pourraient n’intervenir que pour la résorption du
tissu nécrotique et la promotion de l’angiogenèse. On peut
observer après AVC une augmentation de la synthèse de
facteurs de croissance angiogéniques tels que FGF-2, PDGF,
VEGF, ainsi que de leurs récepteurs. Cette augmentation est
détectable dans les heures qui suivent l’AVC, corrèle avec la
croissance microvasculaire dans la zone de pénombre.En
revanche, la durée de l’angiogenèse demeure incertaine. Sur
modèle expérimental, la prolifération vasculaire peut se poursuivre au moins 3 semaines (6).
Ainsi, les données expérimentales et cliniques sont concordantes pour pointer le rôle clé de l’angiogenèse à la phase
aiguë post-AVC ischémique et justifient pleinement la contreindication des anti-angiogéniques en cas d’antécédent récent
d’AVC, quel que soit le mécanisme à l’origine de l’AVC.
La situation est différente si l’on considère un antécédent
ancien d’AVC, supérieur à 1 an. Dans cette hypothèse, il
convient sans doute de distinguer :
N°52 - Tome 9 - avril 2012 - RéfleXions en Médecine Oncologique
5
Anti-angiogéniques et accident vasculaire ischémique cérébral : contre-indication transitoire ou définitive ?
• Les AVCs ischémiques à partir d’une plaque d’athérome
carotidienne. Ils témoignent d’une maladie athéromateuse
sévère. Sur ce terrain, un anti-angiogénique est associé à un
risque accru de complication artérielle aiguë et il est raisonnable de considérer qu’il existe ici une contre-indication
définitive.
• Les AVCs ischémiques en rapport avec une cardiopathie emboligène, le plus souvent une AC/FA. Dans ce cas,
l’arbre artériel peut être sain et l’anti-angiogénique n’augmente pas le risque de complication artérielle aiguë. Le respect
d’un intervalle libre suffisant d’au moins 6 mois est nécessaire mais la contre-indication est transitoire.
Pour la pratique
L’angiogenèse participe à la récupération neuronale postAVC. Le rôle de la durée de la participation de l’angiogenèse
dans la récupération cérébrale est encore controversé,
rendant incertain le délai à respecter avant administration d’un anti-angiogénique. La période post-AVC est
susceptible de bénéficier de facteurs angiogéniques et
est donc une contre-indication à l’administration d’un
anti-angiogénique. A distance de l’épisode aigu, l’origine
carotidienne témoigne d’une maladie athéromateuse qui
contre-indique les anti-angiogéniques, tandis que leur
introduction peut se discuter en cas de cause d’origine
cardiaque.
Conflits d’intérêts : aucun
RÉFÉRENCES
1-Tsai PT, Ohab JJ, et coll. A critical role of erythropoietin receptor in neurogenesis and post-stroke recovery. J Neurosci; 26: 1269-1274, 2006.
2- Yamashita T, Ninomiya M, et coll. Subventricular zone-derived neuroblasts migrate and differentiate into mature neurons in the post-stroke adult striatum. J
Neurosci 26 :6627-6636, 2006.
3-Taguchi A, Soma T, et coll. Administration of cd34+ cells after stroke enhances neurogenesis via angiogenesis in a mouse model. J Clin Invest; 114: 330-338, 2004.
4-Turu MM, Slevin M, et coll. C-reactive protein exerts angiogenic effects on vascular endothelial cells and modulates associated signaling pathways and gene expression. BMC Cell Biol; 9:4, 2008.
5-Yu SW, Friedman B, et coll. Stroke-evoked angiogenesis results in a transient population of microvessels. J Cereb Blood Flow Metab 27: 755-763, 2007.
6-Hayashi T, Noshita N et coll. Temporal profile of angiogenesis and expression of related genes in the brain after ischemia. J Cerebr Blood Flow Metab 23:
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7-Marti HJ, Bernaudin M, et coll. Hypoxia-induced vascular endothelial growth factor expression precedes neovascularization after cerebral ischemia. Am J Pathol
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8-Beck H, Acker T, et coll. Expression of angiopoietin-1, angiopoietin-2, and tie receptors after middle cerebral artery occlusion in the rat. Am J Pathol 157 : 14731483, 2000.
9-Krupinski J, Kaluza J, et coll. Role of angiogenesis in patients with cerebral ischemic stroke. Stroke 25: 1794-1798, 1994.
6
N°52 - Tome 9 - avril 2012 - RéfleXions en Médecine Oncologique
Dossier
ANTI-ANGIOGÉNIQUES ET MALADIES ARTÉRIELLES
Approches anti-angiogéniques pour
l’inhibition de la déstabilisation des
plaques au cours de l’athérosclérose
François Goldwa sser
(1)
e t K o n s ta n t i n o s To u t o u z a s
(2)
1 : Centre d’Etudes et de Recours sur les inhibiteurs de l’angiogenèse (CE RIA), ser vice de cancérologie,
Hôpital Cochin, faculté de médecine Paris Descartes.
2 : Cardiologie, Athènes, Grèce
Introduction
Les données concernant la plaque d’athérome et la néovascularisation sont des éléments de réflexion pour le
cancérologue. Le phénomène de néoangiogenèse locale suit
un processus qui comporte des similitudes avec le processus
tumoral local. L’hémorragie facilitant l’instabilité de plaque
d’athérome renvoie au risque d’hémorragie intra-tumorale.
Les médicaments anti-angiogéniques ont montré leur intérêt
en cancérologie au cours des années 2000. Les années 2010
suggèrent qu’ils ont également un bel avenir en cardiologie.
Les vasa-vasorum nourrissent la plaque d’athérome (1-3). La
néovascularisation de la plaque d’athérome est reconnue
comme un facteur contribuant de manière importante à la
destabilisation de l’athérome, conduisant à une athérosclérose symptomatique et à une fragilité accrue de la plaque (2-3).
Au cours de la maladie artérielle coronaire, l’inhibition de
l’angiogenèse au niveau de la plaque pourrait être une approche
thérapeutique afin de stabiliser la plaque. Plusieurs antiangiogéniques ont été testés, soit par administration locale,
soit par administration systémique.
Rôle de la néovascularisation
dans la déstabilisation des plaques
d’athérome fragiles
La prolifération des vasa vasorum est une caractéristique de
l’athérosclérose précoce, et fait partie de la réponse à la
lésion artérielle, dans le processus qui conduit à la formation d’une plaque d’athérome (1). Il existe une corrélation étroite
entre la formation de ces nouveaux vaisseaux et l’infiltration
par des macrophages au sein de la plaque (4-8). C’est pourquoi, les néovaisseaux sont considérés comme des marqueurs
de l’existence d’une inflammation de la plaque et de sa fragilité (3-9). La densité microvasculaire est augmentée dans les
lésions artérielles avec inflammation, avec hémorragie intraplaque et corrèle avec le risque de rupture de plaque (2-9).
Approches thérapeutiques
pour inhiber la néovascularisation
de la plaque d’athérome
Il est connu depuis plus de 10 ans que la fuite de globules
rouges est le facteur essentiel créant la fragilité de la plaque
d’athérome. C’est pourquoi, l’inhibition de l’angiogenèse de
la plaque est apparue une approche thérapeutique intéressante pour stabiliser la plaque d’athérome (6-12).
• Traitements anti-néoangiogéniques systémiques
Sur modèle expérimental, la simvastatine, à côté de son effet
de réduction de la cholestérolémie, diminue l’expression de
VEGF locale et améliore la densité des vasa vasorum. Elle a
un effet vasculaire propre. De même, l’administration systémique de vitamine E (100 IU/kg) et de vitamine C (1 g/jour),
deux anti-oxydants, permet sur modèles animaux, d’atténuer
la néovascularisation et l’expression du VEGF, indiquant ainsi
un rôle d’une augmentation du stress oxydant dans les changements de la microvascularisation aux phases précoces de
l’athérogenèse (10-12).
N°52 - Tome 9 - avril 2012 - RéfleXions en Médecine Oncologique
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Approches anti-angiogéniques pour l’inhibition de la déstabilisation des plaques au cours de l’athérosclérose
• Traitements anti-angiogéniques locaux
L’angiostatine a été utilisée et introduite dans un stent actif,
capable de la relarguer, au niveau de l’aorte de lapins blancs
néo-zélandais. L’effet observé en immunohistochimie fut une
diminution de la densité microvasculaire, et une diminution
de la prolifération des cellules musculaires intrapariétales. La
comparaison à un groupe contrôle a révélé moins de resténoses au niveau du stent actif. Toutefois, aucune étude clinique
n’a été initiée.
En revanche, le développement de stents actifs au bévacizumab est poursuivi en clinique. Administré au niveau de
l’artère iliaque athéromateuse de lapins, le bévacizumab est
apparu bien toléré localement et efficace. Il fut observé à la
fois une réduction de la néovascularisation et un effet favorable sur l’hyperplasie intimale. Le premier patient traité par
stent actif libérant du bévacizumab a confirmé ces résultats
précliniques, avec une réduction de l’hyperplasie de l’intima
des artères coronaires. Il n’y eut pas de complication thrombotique aiguë ou retardée, et il ne fut pas observé de resténose
à 6 mois. Il n’y eut pas de complication thrombotique à 12 et
24 mois après arrêt du clopidrogrel.
Conclusion
Bien qu’à ces débuts, l’approche thérapeutique anti-angiogénique parait prometteuse pour stabiliser la plaque d’athérome.
L’application locale d’agents actifs s’opposant à la néovascularisation est faisable et bien tolérée, et s’accompagne d’un
effet thérapeutique à la fois sur des modèles expérimentaux
et au cours d’études cliniques. Un stent actif récent qui libère
du bévacizumab à partir d’un polymère bioabsorbable a donné
de très bons résultats artères athéromateuses animales et va
faire l’objet d’études cliniques chez l’Homme (13).
Conflits d’intérêts : aucun
RÉFÉRENCES
1-Barger AC, Beeuwkes R, 3rd, et coll. Hypothesis : vasa vasorum and neovascularization of human coronary arteries. A possible role in the pathophysiology of atherosclerosis. N Engl J Med 310: 175-177, 1984.
2-Burke AP, Farb A, et coll. Plaque rupture and sudden death related to exertion in men with coronary artery disease. JAMA 281: 921-926, 1999.
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RÉFÉRENCES DE LA PAGE 9
Fréquence, physiopathologie et principe de traitement des complications cardiaques des anti angiogéniques
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8
N°52 - Tome 9 - avril 2012 - RéfleXions en Médecine Oncologique
Dossier
ANTI-ANGIOGÉNIQUES ET MALADIES ARTÉRIELLES
Fréquence, physiopathologie et principe
de traitement des complications
cardiaques des anti angiogéniques
Stéphane Ederhy (1), Ghislaine Dufaitre (1), Christophe Massard (2), Catherine Meuleman (1),
Franck Boccara (1), Emmanuelle Berthelot (1), Fanny Douna (1), Jean-Charles Soria (2), Ariel Cohen (1)
1 : Ser vice de Cardiologie, Hôpital Saint Antoine
2 : S I T E P, I G R , Vi l l e j u i f
Introduction
Au cours des dix dernières années, des progrès importants
ont été réalisés dans la prise en charge des patients atteints
de cancer grâce à l’introduction des thérapeutiques moléculaires ciblées (TMC). Ces thérapeutiques ont prouvé leur
efficacité dans le traitement de nombreux cancers solides
(sein, côlon, poumon, du rein). L’utilisation de ces nouvelles
thérapeutiques pour le traitement des cancers peut entraîner
des complications cardiovasculaires pouvant menacer le
pronostic vital ou altérer significativement la qualité de vie.
Les toxicités cardiaques potentiellement induites par les TMC
comprennent les dysfonctions ventriculaires gauches asymptomatiques, l’insuffisance cardiaque, l’hypertension artérielle,
l’allongement du QT, les torsades de pointes, les syndromes
coronaires aigus, les accidents vasculaires cérébraux et les
accidents hémorragiques (1) . Leur fréquence est variable,
dépend de la molécule considérée et reste largement méconnue
ou sous-estimée.
Dysfonction ventriculaire gauche
asymptomatique et insuffisance cardiaque
Diagnostic
Le diagnostic d’insuffisance cardiaque repose sur une association de signes et de symptômes tels que la dyspnée, les
râles crépitants, le reflux hepato jugulaire et les oedèmes des
membres inférieurs.
Le diagnostic d’insuffisance cardiaque, basé sur l’examen
clinique et physique, reste difficile dans la pratique courante.
La sensibilité et la spécificité des signes cliniques n’excèdent
pas 75% pour identifier une insuffisance cardiaque. Ils ne
permettent pas de différencier une dyspnée liée à une insuffisance cardiaque à fonction systolique préservée de
l’insuffisance cardiaque par dysfonction systolique. Chez les
patients atteints de cancer, la dyspnée peut être due à de
multiples étiologies autre que l’insuffisance cardiaque (embolie
pulmonaire, tamponnade cardiaque, métastases pulmonaires).
L’évaluation de la fraction d’éjection du ventricule gauche
(FEVG) est donc primordiale dans ce contexte, permettant de
pallier aux insuffisances et difficultés de l’examen clinique.
En outre, un marqueur biologique tel que le BNP peut dans
certaines situations améliorer la précision diagnostic.
Le BNP est une hormone synthétisée par le myocarde et
sécrétée en réponse à l’augmentation de la distension myocytaire, à l’augmentation des pressions de remplissage ou de
la surcharge volumétrique. Le BNP a une valeur prédictive
négative excellente pour éliminer le diagnostic d’insuffisance
cardiaque lorsqu’il est inférieur à 100 pg/ml. Parallèlement,
chez les patients atteints de cancer, des taux élevés de BNP
ne signent pas forcément la présence d’une insuffisance
cardiaque. La présentation sémiologique de l’insuffisance
cardiaque sous TMC ne présente pas de particularités
L’échographie cardiaque est une technique d’imagerie non
invasive, non irradiante permettant une imagerie en temps
réel, pouvant être réalisée de façon répétée au lit du patient.
En comparaison à une évaluation scintigraphique de la FEVG,
elle permet en outre d’évaluer la fonction diastolique du ventricule gauche ainsi que le péricarde, la fonction valvulaire, les
pressions de remplissages et pulmonaires.
N°52 - Tome 9 - avril 2012 - RéfleXions en Médecine Oncologique
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Fréquence, physiopathologie et principe de traitement des complications cardiaques des anti angiogéniques
Incidence
L’incidence des épisodes d’insuffisance
sous TMC est décrite dans le tableau 1.
Mécanismes
physiopathologiques
Tableau 1 :
Incidence des épisodes
d’insuffisance
cardiaque sous TMC
Les mécanismes physiopathologies à l’origine de la dysfonction ventriculaire gauche
ne sont pas pour le moment clairement établi
et sont probablement multi factoriels. Le
PDGFR est impliqués dans la survie du
cardiomyocyte. Le Sunitinib inhibe une
protéine kinase ribosomale S6 qui par une
cascade d’événements intracellulaire relargue
le facteur apoptotique BCL-2 à l’origine
d’une apoptose intrinsèque. Le Sunitinib
inhibe la protéine kinase AMP activée, qui
a un rôle majeure dans la réponse du cardiomyocyte à l’hypoxie (3).
Traitement de l’insuffisance
cardiaque sous TMC
Il n’existe pas à l’heure actuelle de recomTableau 2 : Classification de la New York Heart Association (NYHA) de l’insuffisance cardiaque
mandations des sociétés savantes de
cardiologie ou de cancérologie quant à la
prise en charge de l’insuffisance cardiaque
est en inflation hydro sodée, il doit recevoir un traitement par
symptomatique ou non chez un patient recevant une TMC
voie intraveineuse associant diurétiques et dérivés nitrés. Une
Nous proposons donc d’adopter les recommandations de
fois la rétention hydro sodée résolue, un inhibiteur de l’enl’ACC/AHA qui indiquent que la prise en charge doit être guidée
zyme de conversion doit être débuté. Quatre semaines après
par la classification NYHA (2).
la phase congestive, un bêtabloquant peut être associé à l’inLe tableau 2 décrit la classification NYHA.
hibiteur de l’enzyme de conversion et ce une fois que le patient
est redevenu asymptomatique et apparaît stable. Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion et les bêtabloquants doivent
être débutés à faibles doses. La posologie doit être augmentée
Dysfonction ventriculaire
progressivement, le but étant d’atteindre une posologie maxigauche asymptomatique
male tolérée.
Selon les recommandations les plus récentes de l’ACC/AHA,
Même si les données de la littérature sont relativement pauvres
les patients atteints de cancer et asymptomatiques recevant
sur ce sujet, il est possible de reprendre le traitement antiune chimiothérapie constituent un groupe à haut risque de
angiogenique après normalisation de la FEVG et sous couvert
développer une insuffisance cardiaque (2). Il est conseillé dans
d’un traitement par IEC.
cette population de traiter de manière intensive les facteurs
de risque cardiovasculaire, de modifier le style de vie et de
traiter l’hypertension artérielle (2).
Les patients développant une dys-fonction ventriculaire
gauche asymptomatique, inférieure à 50 % sous traitement
Hypertension artérielle
anti-angiogénique, doivent recevoir un traitement par inhibiteurs de l’enzyme de conversion et l’inhibiteur de l’angiogénèse
Le tableau 3 décrit l’incidence des épisodes d’hypertension
doit être arrêté jusqu’à amélioration et normalisation de la
artérielle (HTA) associés à la prescription des anti angiogéfraction d’éjection du ventricule gauche. Lorsque le patient
niques.
10
N°52 - Tome 9 - avril 2012 - RéfleXions en Médecine Oncologique
Fréquence, physiopathologie et principe de traitement des complications cardiaques des anti angiogéniques
Traitement
Tableau 3 :
Incidences des
épisodes d’HTA
sous TMC
Figure 1 :
Torsades
de pointes
L’ h y p e r t e n s i o n a r t é r i e l l e i n d u i t e s o u s
Bevacizumab, Sunitinib et Sorafenib requiert
en général plus d’un anti hypertenseur pour
en assurer le contrôle. L’arrêt du traitement
reste controversé car certaines études ont
montré un lien entre HTA et efficacité oncologique Certaines thérapeutiques doivent êtres
évitées chez les patients recevant du Sorafenib.
Le Sorafenib est métabolisé via le cytochrome
p 450 principalement le CYP3A4. Le diltiazem
et le verapamil ne doivent pas êtres utilisés en
combinaison avec le Sorafenib car ce sont des
inhibiteurs du CYP3A4 pouvant augmenter
substantiellement les concentrations de
Sorafenib
Allongement
de l’intervalle QT
L’hypertension artérielle tous grades confondus est un effet
secondaire fréquent sous Bevacizumab avec une incidence
variant entre 4 et 35 %. Une HTA de grade 3 peut survenir dans
11 à 18 % des patients. L’HTA peut apparaitre à n’importe
quel moment de la prescription. La plupart des patients développant une HTA sous Bevacizumab sont en général bien
contrôlé sous traitement anti hypertenseur. Cependant, une
complication neuro vasculaire peut survenir dans 1.7 % des
patients et aboutir à l’arrêt du traitement.
La prescription du Sorafenib peut se compliquer d’une HTA
dans 17 à 43 % des cas. Une HTA de grade 3 ou 4 peut survenir
dans 1,4 à 38 % des cas. Une méta analyse récente portant
sur 4599 patients montre que l’incidence globale d’une HTA
de grade 3 ou 4 varie de 2.1 % à 30.7 %. L’incidence des
épisodes d’HTA sous Sunitinib varie de 5 à 24 % (3)
Physiopathologie
Les mécanismes associés à l’hypertension restent peu connus.
Cependant, l’hypothèse la plus souvent reconnue est que
cette hypertension est le plus souvent lié à une inhibition du
VEGF, entrainant une diminution de la production du NO.
Le NO est un vasodilatateur, la diminution de sa production est à l’origine d’une vasoconstriction, d’une
augmentation des resistances periphériques et donc de
la pression artérielle (3).
Diagnostic
L’allongement de l’intervalle QT peut être à l’origine d’évènements cardiovasculaires important, notamment torsade de
pointes et mort subite. La torsade de pointes est une tachycardie polymorphe en général spontanément résolutive (Figure1).
La sémiologie peut être très frustre allant de l’allongement
isolé du QT, jusqu’au malaise, lipothymie et syncope. Ces
symptômes sont généralement spontanément résolutifs mais
peuvent évoluer vers la fibrillation ventriculaire et l’arrêt
cardiaque (4).
L’intervalle QT est mesuré (QT m exprimé en milisecondes),
sur l’électrocardiogramme entre le début du QRS et la fin de
l’onde T dans la dérivation donnant la plus grande durée.
L’âge, la fréquence cardiaque et les médicaments sont les 3
principaux facteurs pouvant influencer la valeur du QT.
À cause de sa relation inverse avec la fréquence cardiaque,
l’intervalle QT mesuré est systématiquement transformé au
moyen de diverses formules de correction (Bazett, Fridericia)
pour la fréquence cardiaque en une variable appelée intervalle QT corrigé (QTc), qui se veut indépendant de la fréquence
cardiaque (Tableau 4).
Tableau 4 : Formule de correction permettant d’obtenir le QT
corrigé (QT c) à partir du QT mesuré (QT m)
N°52 - Tome 9 - avril 2012 - RéfleXions en Médecine Oncologique
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Fréquence, physiopathologie et principe de traitement des complications cardiaques des anti angiogéniques
Les seuils retenus comme normaux varient essentiellement
en fonction de la fréquence cardiaque et du sexe. Une valeur
du QT corrigée (par la formule de Bazett ou de Friderichia) >
460 msec chez l’homme et 470 msec chez la femme est considéré comme pathologique (5).
mulent au sein du cardiomyocyte (afflux de Na+, défaut d’élimination de K+) ce qui entraîne un retard de repolarisation du
ventricule se traduisant électriquement par un allongement
du QT . Le Sunitinib et son métabolite actif interagissent avec
les canaux HERG K+ et sur le potentiel d’action des fibres de
Purkinje (6)
Incidence
Un allongement du QT est actuellement rapporté pour plusieurs
thérapies moléculaires ciblées et notamment pour le Nilotinib,
le Dasatinib et le Sunitinib. Le tableau 5 décrit l’incidence des
épisodes de prolongation du QT sous TMC.
Facteurs de risques associés à un allongement du
QT
Plusieurs facteurs de risque ont été identifiés pouvant être à
l’origine d’un allongement du QT. Ils sont présentés dans le
tableau 6.
Surveillance
L’attention du patient doit être attirée sur les symptômes
d’alarme évocateurs d’un allongement du QT tels qu’une lipothymie, une syncope, ou des malaises à répétitions.
Un monitorage très rapproché des électrolytes et notamment
de la calcémie, magnésémie et kaliémie doit être réalisé à la
fois avant et durant traitement. Les inhibiteurs du CYP 3A4
doivent être évités notamment chez les patients recevant du
Sunitinib.
Prise en charge d’un allongement du QT asymptomatique ou d’une torsade de pointes
Mécanismes de l’allongement du QT sous TMC
Les mécanismes à l’origine de l’allongement du QT sous TMC
sont actuellement peu ou mal connus. Il semblerait que certains
métabolites actifs issus de la TMC puissent interagir avec le
récepteur HERG.
Au plan physiologique le QT correspond à l’intervalle de temps
allant du début de la dépolarisation à la fin de la repolarisation du ventricule gauche. Le rôle clé est tenu par les canaux
ioniques HERG K+ au niveau du cardiomyocyte. Au cours d’un
dysfonctionnement de ces canaux des ions positifs s’accu-
Tableau 5 : Incidences des épisodes de prolongation du QT sous TMC
En cas d’allongement pathologique du QTc au delà de 500
msec ou une prolongation de plus de 60 msec de l’intervalle
QTc comparativement au QTc pré thérapeutique, la TMC doit
être arrêtée, ainsi que toutes les thérapeutiques potentiellement à l’origine d’un allongement du QT. L’équilibre hydro
électrolytique doit être vérifié. Une dyskalieme doit être notamment corrigée si nécessaire.
En cas de torsade de pointe, la TMC prescrite doit être arrêtée.
Les patients doivent être adressés en unité de soins intensifs
pour un monitorage cardiaque. Parallèlement aux mesures
décrites pour l’allongement du QT, une perfusion de magnésium et un traitement chronotrope (type isoprénaline) afin
d’accélérer la fréquence cardiaque pour réduire le QT sont
les principales mesures thérapeutiques utilisées dans cette
situation.
En l’absence de recommandations sur le sujet, il n’est pas
possible pour le moment de recommander la reprise d’une
TMC ayant entrainée une prolongation du QT ou une torsade
de pointes.
Thrombose Artérielle
Le terme de thromboses artérielles recouvrent les
occlusions des artères à destinée cérébrales (Accident
vasculaire cérébraux) et coronarienne (Infarctus du
myocarde ou plus largement syndrome coronaire
aigus.
Tableau 6 : Facteurs de risques et médicaments associés à une prolongation du QT
12
N°52 - Tome 9 - avril 2012 - RéfleXions en Médecine Oncologique
Fréquence, physiopathologie et principe de traitement des complications cardiaques des anti angiogéniques
Thrombose Veineuses
Diagnostic
La sémiologie de la maladie veineuse thrombo
embolique (MTEV) ne présente pas de particularité spécifique.
Le tableau 7 et 8 présente l’incidence des thromboses veineuses chez les patients sous bevacizumab
Prise en charge des thromboses
veineuses
Tableau 7 : Thrombose veineuse, artérielle et événements hémorragiques sous Bevacizumab
Tableau 8 : Thrombose veineuse, artérielle et événements hémorragiques sous Sunitinib, Sorafénib
Diagnostic
Les accidents ischémiques artériels ont été essentiellement
observés avec le Bevacizumab , le Sorafénib et le Pazobanib.
La sémiologie des accidents ischémiques cardiaques ou cérébraux sous traitement anti-angiogéniques n'a pas de
caractéristique particulière (7).
Incidence
Les tableaux 7 et 8 décrivent l’incidence des événements thrombotique sous Bevacizumab
Il n'y a pas d'élément scientifique permettant d'établir une conduite à tenir spécifique en cas de MTEV
survenant sous traitement anti-angiogénique. Le
traitement curatif repose sous les anti-coagulants
à dose efficace en privilégiant les héparines de
bas poids moléculaire (8).
En cas de survenue d’un épisodee MTEV pendant
le traitement par bevacizumab, Senellart préconisent la suspension du traitement .La survenue
d'une embolie pulmonaire de grade 4 mettant en
jeu le pronostic vital impose l'arrêt définitif du traitement par bevacizumab.
Dans les autres cas le Bevacizumab pourra être
réintroduit dès que l'anticoagulation est efficace
surtout si le bénéfice du traitement contre-balance
les risques.
Hémorragies sous TMC
Diagnostic
La symptomatologie la plus fréquemment rapportée est l'épistaxis (9) . Il est décrit moins fréquemment des hémorragies
rectales, gingivales génitales, digestives. Des hémorragies
intracérébrales chez des patients atteints de cancer du rein
avec des métastases cérébrales ont été décrites sous traitement par inhibiteur de la tyrosine kinase .
Incidence
Physiopathologie
Les mécanismes physiopathologiques de la thrombose artérielle associée à la prescription des anti angiogénique restent
mal connus et serait principalement médié par les plaquettes
et l’inhibition de l’action du VEGF .
Le tableau 7 et 8 décrit l’incidence des événements hémorragiques sous Bevacizumab
Conflits d’intérêts : aucun
Références en page 8
N°52 - Tome 9 - avril 2012 - RéfleXions en Médecine Oncologique
13
Dossier
ANTI-ANGIOGÉNIQUES ET MALADIES ARTÉRIELLES
Conclusion : maladie vasculaire et risque
des traitements anti-angiogéniques ;
effet inverse selon le stade
François Goldwasser
Centre d’Etudes et de Recours sur les inhibiteurs de l’angiogenèse (CERIA), service de cancérologie,
Hôpital Cochin, faculté de médecine Paris Descartes.
L
e clinicien a besoin de règles de prescription simples,
définissant clairement les contre-indications.
Toutefois, il est nécessaire d’avoir présent à l’esprit
qu’une même maladie chronique peut être affectée de
manière très différente par l’introduction d’un anti-angiogénique.
• Au cours de la maladie d’Alzheimer, une action précoce
anti-angiogénique pourrait rompre l’activation permanente
des cellules endothéliales et les conséquences neurotoxiques
de celle-ci. Ainsi, le sunitinib est-il un espoir pour le traitement précoce de la maladie (1). Inversement, il est bien établi
que l’hypoperfusion cérébrale peut induire des micro-infarctus
cérébraux qui accélèrent le déclin cognitif au cours de la
maladie d’Alzheimer (2). Il en résulte qu’un médicament antiangiogénique peut donc également aggraver la maladie
d’Alzheimer s’il provoque sur un terrain vasculaire sévère,
des ischémies cérébrales localisées. On peut donc prédire à
la fois un bénéfice des anti-angiogéniques chez des patients
ayant une maladie d’Alzheimer découverte précocement et
une détérioration potentiellement grave chez des patients
ayant une maladie d’Alzheimer avec des troubles cliniques
sévères.
• Au cours du diabète à un stade précoce, les inhibiteurs
de tyrosine kinase peuvent avoir un effet anti-diabétique
bénéfique, avec réduction de la glycémie in vivo sur modèle
animal (3) , et chez des patients traités pour cancer du rein
métastatique (4). En revanche, au stade de microangiopathie
sévère, des complications distales sévères sont possibles (5).
• Au cours du développement de la maladie athéromateuse coronarienne, l’action d’anti-angiogéniques locaux,
par stents actifs de bévacizumab, est prometteuse (6) . Elle
permet des réductions de taux de resténose qui paraissent
au moins égaux aux données des stents précédents. En
revanche, l’administration sans précaution d’un anti-angiogénique sur une plaque d’athérome instable peut faciliter le
dernier évènement du processus, la survenue d’embols de
cholestérol, et la rupture de plaque (7,8).
• En conclusion, il convient impérativement de précéder la
prescription d’un anti-angiogénique d’une analyse minutieuse des risques vasculaires du patient. Cette démarche
repose principalement sur l’interrogatoire. En cas de maladie
chronique susceptible d’affecter la microvascularisation, il
est essentiel de préciser l’ancienneté et la sévérité de la
maladie vasculaire afin d’évaluer le risque d’accident vasculaire sous anti-angiogénique.
Conflits d’intérêts : aucun
RÉFÉRENCES
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14
N°52 - Tome 9 - avril 2012 - RéfleXions en Médecine Oncologique
Savoir Prescrire
Savoir Prescrire … Zytiga® dans le traitement du cancer de la
prostate métastatique résistant à la castration et après Taxotère
Marine Gross-Goupil -
Service d’Oncologie Médicale, Hôpital Saint-André, Centre Hospitalo-Universitaire Bordeaux
’acétate d’abiratérone, inhibiteur du
cytochrome P450c et plus particulièrement de la 17-20 lyase et de la
17α-hydroxylase, fait désormais partie intégrante de l’arsenal thérapeutique du cancer
de la prostate métastatique, réfractaire à la
castration après chimiothérapie. Ce blocage
garantit l’absence de transformation de la
prégnénolone en DHEA (dihydro-épi-androsténe-dione), limitant sa transformation
enzymatique secondaire en testostérone.
Combinée à une castration, le plus souvent
chimique par analogues de la LHRH, l’acétate
d’abiratérone garantit l’inhibition de production d‘androgènes extra-testiculaire, c’est-à-dire
surrénalienne mais également intracrine prostatique. S’il s’agit d’un nouveau médicament, la
découverte de la molécule remonte à plus de
20 ans. Découverte en 1990 par Dr Gerry Poter,
il aura fallu attendre 2004 et les investissements
de la société Cougar, puis de Johnson et Johnson/
Janssen pour permettre le développement en
recherche clinique, et la commercialisation de
la molécule (1).
L
L’acétate d’abiratérone a confirmé l’efficacité
suggérée au cours des essais de phase I-II (2), et
montré un bénéfice en survie globale au cours
d’un essai de Phase III international, multicentrique randomisé contre placebo, en double
aveugle (3). L’autorisation de mise sur le marché
a été obtenue en Septembre 2011, en combinaison avec la prednisone ou la prednisolone,
dans le traitement du cancer métastatique de
la prostate résistant à la castration chez les
patients dont la maladie a progressé pendant
ou après une chimiothérapie par docétaxel.
L’étude COU-AA-301 a porté sur 1195 patients
atteints de cancer de la prostate métastatique
ayant reçu au moins 1 ligne de docétaxel et
maximum 2 lignes de chimiothérapie, randomisés en deux bras de traitement acétate
d’abiratérone (1000 mg/j) et prednisone (5mgx2/j)
versusplacebo (4cp/j) et prednisone (5mgx2/j) (3).
Le traitement était poursuivi jusqu’à progression biologique (25% par rapport au nadir),
clinique ou sur l’imagerie.
L’analyse intermédiaire, à 12,8 mois de suivi
médian, a rapporté une augmentation statistiquement significative de la survie globale
dans le bras expérimental, médiane de 14,8
mois versus 10,9 mois pour le bras placebo
(HR=0,65 ; IC95 :0,54-0,77; p<0,0001). De plus,
la supériorité de l’AA a été retrouvée également sur les objectifs secondaires : temps médian
avant progression biologique (p<0,0001), survie
médiane sans progression radiologique
(p<0,0001), taux de réponse biologique sur PSA
confirmé (29,1% vs 5,5%, p<0,0001).
Pharmacologie Clinique
L’acétate d’Abiratérone après absorption par
voie orale, est rapidement transformé en abiratérone. La concentration maximale plasmatique
est atteinte deux heures après l’ingestion en
situation de jeûne. La prise du médicament à
proximité d’un repas ou concomitante, augmente
l’exposition systémique à l’abiratérone, spécialement en cas de prise alimentaire à fortes
teneur en graisses, avec dans ce cas une concentration maximale multipliée par un facteur 17,
et une aire sous la courbe d’un facteur 10. La
fixation protéique de l’abiratérone dans le
plasma est de 99,8%.
Le métabolisme du Zytiga® est hépatique, par
sulfatation, hydroxylation, et oxydation.
L’excrétion se fait pour 88% dans les fécès, pour
5 % dans les urines. La demi-vie plasmatique
chez le sujet sain est de 15 heures.
L’acétate d’abiratérone étant un substrat du
cytochrome CYP3A4, les précautions d’usage
sont à respecter quant aux potentielles inter-
actions médicamenteuses à attendre avec inducteurs (phénytoïne, carbamazépime, rifampicine..)
et inhibiteurs (itraconazole, clarythromycine..).
Administration
Le Zytiga ® est disponible sous la forme de
comprimés de 250 mg. La posologie recommandée est de 4 comprimés par jour en une
prise, soit 1000mg/jour. S’agissant de comprimés
pelliculés, ils ne peuvent être fractionnés, et
doivent donc être avalés entier avec de l’eau.
La prise doit par ailleurs être faite à distance
des repas, soit 2 heures avant une prise alimentaire ou 1 heure après, comme détaillé dans la
partie pharmacocinétique. De plus, elle devra
être faite à heure fixe. La combinaison de prednisone est indiquée, pour des raisons d’efficacité
mais également de tolérance. La prednisone
doit être administrée en deux prises matin et
soir de 5 mg chacune.
Chaque flacon de Zytiga ® contient 120
comprimés.
Effets secondaires
L’inhibition du CYP17 est à l’origine, par rétrocontrôle d’une hyper production de
minéralocorticoïdes. Cet effet est prévenu par
la prescription combinée de glucocorticoïdes
tels que la prednisone qui permet de freiner le
processus de feedback. L’administration systématique de prednisone au cours de l’essai de
phase III a ainsi permis d’améliorer le profil de
toxicité comparé à celui observé au cours des
essais de Phase I-II. Parmi les effets les plus
fréquents, l’hypertension artérielle, l’hypokaliémie et le tableau de rétention hydrique
N°52 - Tome 9 - avril 2012 - RéfleXions en Médecine Oncologique
15
Savoir Prescrire … Zytiga®
avec oedèmes périphériques, doivent être systématiquement recherchés, et corrigés si
préexistants ou observés au cours du traitement.
Une autre toxicité, moins fréquente mais potentiellement sévère est hépatique, avec l’apparition
de cytolyse. En cas de cytolyse importante (taux
d’ALAT > 5N), l’interruption immédiate du traitement est indiquée. La surveillance biologique
de la correction des anomalies permettra en
cas de retour à la normale, une réintroduction
du médicament à posologie réduite de moitié
(500mg/jour).
En cas de nouvelle hépatotoxicité, le Zytiga®
devra définitivement être interrompu. Cet arrêt
est indiqué d’emblée en cas de cytolyse majeure
(ALAT > 20 N).
Ces perturbations biologiques, hypokaliémie
et anomalies du bilan hépatique, impliquent
une surveillance rapprochée par bilan sanguin,
toutes les 2 semaines pendant les 3 premiers
mois puis mensuel durant la totalité du traitement.
A noter que l’incidence des infections urinaires
a été statistiquement significativement
augmentée chez les patients exposés à l’AA au
cours de l’étude COU-AA-301 (12% vs 7% ;
p=0,02, d’intensité modérée grade 1-2).
L’asthénie a été fréquemment décrite au cours
de l’essai de phase III, sans différence significative entre les 2 groupes de traitement (13%
dans les 2 bras). ■
Références
1-Barrie SE, Potter GA, Goddard PM, Haynes BP, Dowsett M,
Jarman M. Pharmacology of novel steroidal inhibitors of
cytochrome P450(17) alpha (17 alpha-hydroxylase/C17-20
Lyase). J Steroid Biochem Mol Biol;50(5-6):267-273,1994.
2-Danila DC, Morris MJ, de Bono JS, et al. Phase II multicenter study of abiraterone acetate plus prednisone therapy
in patients with docetaxel-treated castration-resistant
prostate cancer. J Clin Oncol;28(9):1496-501,2010.
3-De Bono JS, Logothetis CJ, Molina L, et al. Abiraterone and
increased survival in metastatic prostate cancer. New Engl
J Med;364:1995-2005, 2011.
4-http://www.ema.europa.eu/docs/fr_FR/document_library/
EPAR_-_Pro duc t_Information /human/002321/
WC500112858.pdf Résumé des caractéristiques du produit
Zytiga®.
>>> En pratique
Pour le médecin
• L’analogue de la LHRH doit être poursuivi ;
le caractère résistant à la castration confirmé
par dosage de la testostérone (<0,50ng/dl),
• la combinaison avec la prednisone ou la
prednisolone est nécessaire, 10 mg / jour en deux
prises,
• la surveillance mensuelle de la tension artérielle, de la kaliémie et de la rétention hydrique
est nécessaire, ainsi que
• la surveillance des transaminases tous les 15
jours durant les 3 premiers mois puis mensuellement,
16
• les interactions médicamenteuses doivent être
anticipées et évitées concernant les substrats du
cytochrome P3A4,
• aucune réduction de posologie n’est recommandée en cas d’insuffisance hépatique légère
(classe A de Child-Pugh). Du fait d’une toxicité
hépatique rapportée au cours des essais cliniques,
une surveillance rapprochée est recommandée
chez l’ensemble des patients, et a fortiori en cas
d’altérations initiales du bilan.
• Aucune adaptation posologique n’est nécessaire en cas d’insuffisance rénale. La prudence
reste cependant de mise.
N°52 - Tome 9 - avril 2012 - RéfleXions en Médecine Oncologique
Pour le patient
• Prise en 1 fois de 4 cp de 250 mg, à distance
des repas, 2 heures avant ou 1 heure après.
A horaire fixe. Les comprimés doivent être avalés
en entier avec de l’eau.
• Prise quotidienne de prednisone ou predinsolone, 10 mg/jour en deux prises.
• En cas d’oubli d’une prise, le traitement sera
repris le lendemain selon le rythme usuel.
C.E.R.I.A.
Cas clinique du CERIA
Maladie athéromateuse et risque
des traitements anti-angiogéniques
François Goldwasser -
A
ngiogenèse et maladie athéromateuse sont liés (voir article
spécifique du dossier de ce
numéro) : les vasa-vasorum et la néoangiogenèse locale jouent un rôle dans la
progression de la maladie athéromateuse artérielle (1).
L’âge des patients atteints de cancer
au diagnostic rend de plus en plus
commune l’indication d’un traitement
anti-tumoral chez un patient qui a par
ailleurs une maladie athéromateuse
simultanée. Celle-ci peut avoir déjà été
parlante cliniquement avec un antécédent d’angor, d’infarctus du myocarde,
d’artériopathie oblitérante des membres
inférieurs, d’épisode embolique cérébral à point de départ carotidien. Elle
peut également être seulement
suspectée à partir des facteurs de risque
du patient : âge, tabagisme, dyslipidémie, diabète, sédentarité,.. Enfin, elle
peut être évoquée fortuitement sur l’imagerie prescrite pour l’évaluation de
l’extension de la maladie cancéreuse
par scanner, sous la forme de calcifications de parois artérielles : tronc de
l’aorte, coronaires, branches abdominales de l’aorte.
L’âge supérieur à 75 ans et un antécédent d’infarctus du myocarde sont des
facteurs de risque identifiés rétrospectivement de sur-morbidité liée à la
prescription de bévacizumab. Ainsi,
l’étude BRiTE fut une étude observationnelle de cohorte étudiant la faisabilité
et l’efficacité de patients traités en
Cancérologie et CERIA, Cochin
p re m i è re l i g n e m é t a s t a t i q u e p o u r
cancer colo-rectal par bévacizumab (2).
Parmi les 1953 patients, 896 avaient
plus de 65 ans, ce qui permit d’obtenir
des données chez le sujet âgé.
L’incidence des complications toxiques
du bévacizumab n’était pas plus élevée
chez les sujets âgés, à l’exception
notable des accidents artériels thromboemboliques. Cependant, point essentiel,
le performance status, l’existence d’un
traitement anticoagulant et surtout d’une
histoire clinique de maladie artérielle
étaient des facteurs de risque plus impor-
tants que l’âge. On pourrait résumer
cette observation par un aphorisme :
ce n’est pas l’âge du patient mais l’âge
de ses artères qu’il convient de connaitre.
Lors des premières administrations de
bévacizumab réalisées à Cochin, l’équipe
du Centre d’Etudes et de Recours sur
les Inhibiteurs de l’Angiogenèse
(C.E.R.I.A.) avait identifié l’existence
d’embols de cholestérol chez certains
patients (3) . Ces patients avaient en
commun l’existence d’une maladie athéromateuse sévère, soit liée au tabagisme
et au vieillissement, soit survenant chez
Figure 1 : A : calcifications de l’artère
mésentérique supérieure avant traitement par
sunitinib
B,C ; coupes horizontales de l’artère mésentérique
supérieure avant et après sunitinib montrant la
disparition de la plaque d’athérome calcifiée.
N°52 - Tome 9 - avril 2012 - RéfleXions en Médecine Oncologique
17
Cas clinique du CERIA - Maladie athéromateuse et risque des traitements anti-angiogéniques
des patients diabétiques sévères. L’un
de ces patients, atteint d’un cancer du
rein métastatique, après avoir eu un
traitement par bévacizumab, eut un traitement par sunitinib. Il existait une
plaque d’athérome calcifiée sur l’artère
mésentérique supérieure visible au
scanner pré-thérapeutique (Figure 1A).
Il se présenta au scanner d’évaluation
après 3 mois de traitement par suni-
tinib avec un tableau douloureux abdom i n a l a i g u , é v o c a t e u r d ’ i n f a rc t u s
mésentérique supérieur (3).
Sur le scanner, la plaque de calcification mésentérique supérieure avait
disparu, témoignant d’une rupture de
plaque d’athérome instable sous sunitinib. Le patient présenta un tableau
abdominal aigu.
Pour la pratique,
on retiendra :
• Identifier à l’interrogatoire la présence de facteurs de risque de maladie athéromateuse chez un patient avant prescription d’anti-angiogénique.
• Ne pas interrompre un traitement hypocholestérolémiant ou antiagrégant
plaquettaire, en cas d’indication d’anti-angiogénique, s’il existe une maladie
athéromateuse sévère, car cela est de nature à déstabiliser la plaque d’athrome.
• L’interrogatoire à la recherche d’une cardiopathie ischémique est insuffisant
chez le patient diabétique sévère. Il faut l’associer à des explorations cardiologiques systématiques.
• La présence de calcifications sur des branches de l’aorte, artères coronaires
ou branches de l’artère aorte abdominale, témoigne généralement d’une maladie
athéromateuse avancée et justifie des explorations cardiologiques préalable,
et la discussion de la mise en route de traitements à visée vasculaire.
18
N°52 - Tome 9 - avril 2012 - RéfleXions en Médecine Oncologique
Les plaques d’athérome instables ont
une néoangiogenèse. L’arrêt d’un traitement stabilisateur de plaque ou d’un
traitement ou l’introduction d’un traitement anti-angiogénique peuvent
favoriser une telle complication aiguë
embolique.
Conflits d’intérêts : aucun
RÉFÉRENCES
1- Kolodgie FD, Gold HK, et coll. Intraplaque
hemorrhage and progression of coronary
atheroma. N Engl J Med 349: 2316-2325,
2003.
2- Kozloff MF, Berlin J, Flynn PJ, Kabbinavar
F, Ashby M, Dong W, Sing AP, Grothey A.
Clinical outcomes in elderly patients with
metastatic colorectal cancer receiving bevacizumab and chemotherapy: results from
the BRiTE observational cohort study.
Oncology. 2010;78(5-6):329-39.
3-Mir O, Mouthon L, Alexandre J, Maillon
JM, Deray G, Guillevin L, and F Goldwasser.
Bevacizumab-induced cardiovascular events:
A consequence of cholesterol emboli syndrom
? J Natl Cancer Inst 2007 Jan 3; 99(1): 85-86.
4- Ropert S, Vignaux O, Mir O, Goldwasser
F. VEGF pathway inhibition by anticancer
agent sunitinib and susceptibility to atherosclerosis plaque disruption. Invest New
Drugs. 2011 Dec;29(6):1497-9.
Congrès
ASCO GU 2012 – morceaux choisis
Marine Gross-Goupil
(1)
, D r S y lv e s t r e L e M o u l e c
(2)
1 : Hôpital Saint-André, CHU Bordeaux, 01 Rue Jean Burguet, 33075 Bordeaux Cedex
2 : Hôpital du val de Grâce, Paris, 75014
L
a dernière édition du GU ASCO
2011 s’est déroulée à San
Francisco du 02 au 04 Février
2012, avec près de 2500 participants.
Ce congrès a permis une mise à jour
des données de recherche clinique et
translationnelle dans le domaine d’oncologie urologique, en particulier du
cancer de la prostate.
Cancer
de la prostate
> Métastatique réfractaire à la castration post Docétaxel. Si cette entité a
bénéficié au cours de l’année 2011 de
l’AMM de deux molécules, acétate d’abiratérone et cabazitaxel, ce GU ASCO a
permis de préciser les données de tolérance et efficacité de ces deux molécules,
ainsi que du dénosumab et de faire
connaître d’autres molécules, sur le
seuil de la porte comme le MDV 3100,
et le radium-223.
>
Manipulations hormonales de
seconde intention
L’analyse de 108 patients traités dans
le cadre de 5 essais sur l’institut Gustave
Roussy, par distilbène, kétoconazole
et hydrocortisone, acétate d’abiratérone et bicalutamide a permis de montrer
que la durée d’efficacité du la première
phase d’hormonosuppression est le
seul élément prédictif de la réponse à
une seconde phase d’hormono-manipulations : réponse biologique : 58%
versus 18%, selon durée > 16 mois ou
< 16 mois (p=0,01) ; Survie sans progression : 5 mois (3,46-6,53) versus 3 mois
(2,10-3,89) (p< 0,043). (Y. Loriot, Abstr
213)
>
Acétate d’Abiratérone (Zytiga ®)
L’analyse à long terme des données
d’efficacité de l’étude COU-AA 301,
confirme un bénéfice de l’acétate d’abiratérone sur le contrôle des douleurs,
ainsi que sur le retard de survenue des
évènements osseux. 45% d’amélioration des douleurs osseuses versus 28,8%
pour les patients traités par placébo
(p=0,0005) ; Durée de contrôle des
douleurs : 4,23 versus 2,13 mois
(p=0,0056). (E. Basch, Abstr 183) Par
ailleurs le gain en survie rapporté existe
quelque soit la cause de l’arrêt du docétaxel, par progression ou autre
(notamment toxicité) : chez les patients
progressifs sous docétaxel, la survie
globale a été de 14,2 mois pour les
patients traités par abiratérone (1215,8) comparée à 10,5 mois(9,3-11,8)
pour les patients du groupe placébo
(HR=0,78 (0,62-0,97), p=0.0222) ; pour
les patients non progressifs sous docétaxel : 17,0 mois (15,6-18,2) versus 12,6
mois (10,4-14,9) (HR=0,73 (0,59-0,89),
p=0,0025). (K. Chi, Abstr 15). Enfin, l’expérience des Autorisations Temporaires
d’Utilisation (ATU) Françaises de 18
centres et 381 patients a fait l’objet d’un
poster. (D. Azria, Abstr 149) La tolérance a été bonne, 13 patients seulement
ayant dû interrompre le traitement pour
cause de toxicité de grade 3/4. Un tiers
des patients ont poursuivi le traitement
instauré devant l’objectivation d’un
bénéfice clinique. Enfin, 2 facteurs
prédictifs de non-réponse ont été définis
: un score de Gleason de 8 à 10, ainsi
qu’un nombre de ligne de chimiothérapies antérieures de plus de 1, piste à
confirmer en prospectif.
>
Cabazitaxel (Jevtana ®)
Sartor (abst 102) a rapporté les données
de l’étude des facteurs pronostiques
chez les 755 patients inclus et traités
dans le cadre de l’essai TROPIC (cabazitaxel + prednisone versus mitoxantrone
+ prednisone). En analyse multivariée :
un Performance status bon (0-1), l’absence de maladie mesurable en début
de traitement, le temps entre dernière
dose de docetaxel et randomisation >
6 mois, l’absence de douleur en début
de traitement, ainsi que le traitement
par cabazitaxel ont été retrouvés comme
facteurs de bon pronostic. Par ailleurs,
l’expérience de l’usage du cabazitaxel
dans le cadre d’une utilisation à titre
compassionnel et d’ATU, a été rapportée
par plusieurs auteurs (abstr 172 (Europe,
Asie, Amérique latine, Canada), abstr
253 (Italie), abstr 44 (UK)). La tolérance
chez des patients hors essai est ainsi
apparue globalement rassurante. L’étude
Européenne (n=399) rapporte ainsi 6,3
N°52 - Tome 9 - avril 2012 - RéfleXions en Médecine Oncologique
19
ASCO
% de neutropénies fébriles, 11,3% de
neutropénies de grade 3/4, 1,8% de
neutropénies septiques. Le recours aux
facteurs de croissance hématologiques
était autorisé et a eu lieu chez 34,3%
des patients soit en prophylaxie, soit à
visée curative (26,6 et 6,3% respectivement, 1,5 mixte). Enfin, l’incidence
des décès toxiques a été de 2% (colite
pseudomembraneuse, sepsis et pancytopénie, mort subite, choc septique,
insuffisance rénale et sepsis) (Abstr
172).
>
Dénosumab (Xgeva ®)
Le dénosumab, anticorps monoclonal
anti-RANK ligand, a montré son efficacité en situation de prévention de
survenue des métastases osseuses
chez des patients atteints de cancer de
la prostate réfractaires à la castration
et à risque d’évolution métastatique
(PSA > 8 ; temps de doublement du PSA
< 10 mois), avec une prolongation de
la survie sans métastase osseuse de
4,2 mois chez les patients traités par
injections mensuelles de dénosumab
comparée aux patients du bras placébo.
(n=1432) (Smith et al., Lancet 2012).
L’analyse des sous-groupes de stratification, présentée par M Smith a précisé
que le bénéfice rapporté était d’autant
plus important que les patients présentaient un temps de doublement bref :
Si PSA DT < 10 mois : 28.4 vs 22.4 mois
(diff = 6 mois) ; si PSA DT < 6 mois
: 25.9 vs 18.7 mois (diff = 7.2 mois) ; si
PSA DT < 4 mois
: 25.8 vs 18.3 mois
(diff = 7.5 mois). Les effets secondaires
rapportés ont été ceux attendus, ostéonécrose mandibulaire et hypocalcémie.
>
MDV 3100
Anti-androgène de seconde génération, le MDV 3100 avait montré une
efficacité potentiellement intéressante
au cours des essais de phase I-II,
confirmée au cours de l’essai de phase
III, AFFIRM, présenté par H. Scher (LBA
1). Chez 1199 patients randomisés en
deux bras de traitement (2 :1), MDV
3100 (n=866, 160 mg/ jour, per os) et
20
GU
2012
–
morceaux
choisis
placébo (n=399), l’analyse intermédiaire
a montré un allongement statistiquement significatif de la survie chez les
patients traités par MDV 3100 de près
de 5 mois avec réduction du risque de
mortalité de 37% (survie globale médiane
de 18,4 versus 13,6 mois, HR : 0,631,
p<0,0001). L’étude a donc été interrompue précocement avec cross over
des patients du bras placébo pour le
MDV 3100. Le profil de tolérance excellent du MDV 3100 devrait rapidement
permettre l’intégration de cet agent
dans l’arsenal thérapeutique pour cette
indication. L’étude PREVAIL en situation pré-chimiothérapie est actuellement
en cours, ouverte aux inclusions.
>
Alpharadyn / Radium-223
Le radium-223 est un agent proche du
calcium, qui se fixe au sein du stroma
adjacent aux métastases osseuses. Les
résultats de l’étude ALSYMPCA,
présentés à l’ESMO en octobre 2011,
ont fait l’objet d’une actualisation par
C Parker (abst 8). Cet essai de phase
III a porté sur 922 patients atteints de
cancer de prostate réfractaires à la
castration post-taxotère, sauf pour
certains patients considérés inaptes à
la chimiothérapie et présentant au
minimum 2 localisations métastatiques
osseuses. Les patients ont été randomisés entre alpharadyn (50kBq/kg) et
soins standard et placébo et soins standards. Une différence statistiquement
significative a été observée sur la survie
globale : 14 mois pour le rad-223 versus
11,2 mois pour le bras placébo (HR
0.695; 95% CI, 0.552-0.875, p = 0.00185).
Par ailleurs, l’administration du rad-223
retarde la survenue des évènements
osseux avec un délai médian de 13,6
mois versus 8,4 mois (p=0,00046 ;
HR=0,610 ;95%CI :0,461-0,807) Le profil
de tolérance est également plus que
satisfaisant, avec une incidence d’évènements secondaires tous grades
confondus, inférieure à celle observée
dans le groupe placébo : 88% versus
94% ; tendance retrouvée pour les toxicités de grade 3/4 : 51% versus 59%.
N°52 - Tome 9 - avril 2012 - RéfleXions en Médecine Oncologique
Sur le plan hématologique, en particulier, la tolérance est acceptable avec
1,8% de neutropénie de grade 3/4 et
4% de thrombopénie de grade 3/4.
Session Pénis,
Tumeurs urothéliales,
et tumeurs
testiculaires
Pas de grande révolution sur ces entités.
>
Cancer de vessie
De nouvelles données confirmant l’efficacité de la chimiothérapie
néo-adjuvante dans le traitement des
tumeurs infiltrantes urothéliales ont été
présentées par A Siefker-Radtke. (Abstr
261) Cette étude de phase II a inclus 60
patients atteints de tumeurs de vessie,
stade pT3 ou des voies urinaires hautes
et traités par chimiothérapie de type
MVAC DD (4 cycles, j1=j14). Le taux de
réduction du stade tumoral < pT1N0 a
été de plus de la moitié (53%), avec
38% de réponse complètes (pT0N0).
La survie globale à 2 ans a atteint 78%,
avec une survie sans progression spécifique de 85%. Par ailleurs, la tolérance
s’est confirmée bonne, 85% des patients
ayant complété les 4 cycles, 27% de
neutropénies de grade 3, 12% de fatigue
de grade 3, moins de 10% de complications thromboemboliques. Quarante
quatre patients ont reçu l’administration de bévacizumab en combinaison
avec la chimiothérapie.
Malheureusement, les données de
morbidité péri-opératoire n’ont pas été
précisées. Par ailleurs l’ajout de la
thérapie ciblée ne semble pas apporter
de bénéfice en termes de down-staging.
Le suivi de cette étude reste au cours
de 26 mois.
>
Cancer du testicule
Seule l’étude de l’équipe de K. Fizazi
est venue bousculer les idées reçues
sur la prise en charge des tumeurs testiculaires. (Thibault, Abst 323) Si la prise
ASCO
en charge du temps chirurgical des
masses résiduelles par des équipes
référentes, tendait à faire l’unanimité,
la question de la prise en charge médicale restait davantage ouverte. Cette
étude mono-centrique rétrospective a
porté sur 78 patients pris en charge
pour rechute et traitement de deuxième
ligne entre 2000 et 2010 (54% prétraités
dans des centres anticancéreux, 19%
dans des établissements publics, 27%
dans le privé). Les résultats ont montré
que lors de la prise en charge initiale :
les marqueurs n’étaient disponibles que
pour 61% des patients, la classification IGCCCG était adéquate pour 58%
des patients et non spécifiée dans 40%
des cas, la stadification adéquate pour
60% et non spécifiée pour 38% des cas.
Au final, 51% des patients adressés
pour rattrapage n’avaient pas bénéficié
d’un traitement en accord avec les
recommandations internationales. Les
raisons ont été : doses de chimiothérapie (16%), nombre de cycles (12%),
protocole standard de chimiothérapie
(10%), délai entre cycles (17%), retard
de chirurgie avec délai supérieur à 6
semaines (52%), type de chirurgie (17%),
indication inadéquat de chirurgie (17%)
suivi inadéquat (5%)/ Les tumeurs testiculaires restent rares mais curables,
reste la question du lieu de traitement.
Pour rappel, le traitement et la semiintensification de la chimiothérapie des
tumeurs germinales non séminomateuses de mauvais pronostic fait l’objet
d’un protocole national ouvert aux inclusions: le GETUG 13. La question de
l’intensification thérapeutique pour les
tumeurs germinales en rechute de
mauvais pronostic est également posée
dans le protocole TICE.
>
Tumeur de la verge
Les résultats de l’essai CRUK/09/2011
se sont avérés négatifs. (Bahl, Abstr
326) Il s’agissait d’obtenir avec l’administration de 3 cycles de
chimiothérapie par TPF (Taxotère 75
mg/m2, cisplatine 60mg/m2, 5Fluorouracile 750 mg/m2/j de J1 à J5),
GU
2012
–
morceaux
choisis
un taux de réponses objectives de 60%
chez des patients atteints de cancers
épidermoïdes avancés, M1, T4 M0, ou
N2/3M0, ou N1M0 en situation préopératoire. Parmi les 29 patients inclus, 9
étaient métastatiques, le taux global
de réponses complètes a été de 7,5% ;
taux de réponses partielles de 30,8% ;
taux de stabilisation de 30,8%, avec
une survie globale médiane de 19,9
mois. L’analyse en sous groupe des
patients présentant une maladie locorégionale, montre une survie globale
médiane non atteinte, et un taux de
survie globale à 1 an de 31,2% [37,178 ,4, 95%CI], et une survie sans
progression à 1 an de 48,8%.
Cancer du Rein
Si les inhibiteurs de tyrosine kinase font
désormais partie de la pratique quotidienne, méfiance tout de même ! C’est
la conclusion d’une méta analyse
présentée par Richards (Abstr 349) ayant
porté sur 10 essais et au total 4679
patients atteints de mélanome, cancer
du rein, du sein ou du poumon, inclus
dans des essais randomisés portant sur
des traitements par sorafénib, sunitinib,
pazopanib. Le risque de toxicité létale
est 2,23 fois, celui de la population
contrôle (1,12-4,44, p=0,023), représentée principalement par des
complications hémorragiques, infarctus
du myocarde et insuffisance hépatique.
L’incidence des évènements secondaires mortels est de 1,5% (0,8-2,4%).
Si ce taux reste faible, il faut souligner
une probable protection liée à la sélection de ces patients traités dans le cadre
d’essai cliniques, et qui laisse craindre
une incidence accrue sur la population
générale….
>
L’axitinib a récemment été approuvé
aux Etats-Unis, devant le gain en survie
sans progression apporté dans l’essai
AXIS de phase III, comparé au sorafénib, en situation d’échec d’une
première ligne par anti-angiogénique.
B. Rini a présenté les résultats d’analyses complémentaires, étudiant l’effet
d’une titration de doses de l’axitinib et
l’influence potentielle de la 1ère ligne
de traitement sur l’efficacité. (Abstr 354)
Ainsi les patients débutant l’axitinib ont
pu bénéficier sous réserve de l’absence
d’effets secondaires de grade ¾ d’une
augmentation de posologie de 5 mg
deux fois/ jour puis 7mg x 2 /j jusqu’à
10 mg deux fois par jour. Si la titration
permet une meilleure exposition au
médicament, il n’y a cependant pas été
rapporté de différence de survie sans
progression entre les groupes. Par
ailleurs, le bénéfice de l’axitinib sur la
survie sans progression a été retrouvé
chez l’ensemble des patients, groupe
avec ou sans titration (petits effectifs,
n=132/ 247). Les patients ayant bénéficié d’une première ligne prolongée au
sutent de plus de 9 mois puis de l’axitinib, ont eu tendance à avoir une survie
sans progression supérieure mais sans
différence significative : 6,3 versus 4,5
mois.
>
L’éverolimus, traitement de seconde
ligne du carcinome rénal à cellules
claires, a démontré son efficacité dans
le traitement des angiomyolipomes,
dans le cadre de l’étude EXIST-2 1,
phase III randomisée contre placébo
(2 :1). Le taux de réponses objectives
a été de 41,8% dans le groupe des
patients traités par everolimus (n=79),
et de 0% pour le groupe placébo (n=39),
p< 0,0001. Le délai avant progression
a été de 11,4 mois pour le groupe placébo
et n’a pas été atteint pour le groupe
everolimus.
>
Nouvelle cible - MET
Le cabozantinib, TKI ciblant VEFGR2
et MET, avait déjà fait l’objet de résultats potentiellement intéressants dans
le cancer de la prostate, c’est désormais le cas également pour le cancer
du rein. En situation de maladie avancée
(68% des patients en 2 ème ligne et plus),
chez 25 patients inclus dans un essai
N°52 - Tome 9 - avril 2012 - RéfleXions en Médecine Oncologique
21
ASCO
de phase II, le taux de contrôle de la
maladie à 6 semaines a été de 68%,
avec une survie globale et sans progression non atteinte. (Choueri, Abstr 364)
Le profil de toxicité diffère des TKI usuels
avec notamment 32% d’hypophosphorémie de grade 3 et plus, 12%
d’embolie pulmonaire. Dirigé sur les
mêmes cibles, le foretinib, a également
montré son potentiel dans une étude
prospective dans le traitement du cancer
du rein papillaire. (Choueri, Abstr 355)
22
GU
2012
–
morceaux
choisis
Le taux de réponses objectives a atteint
13,5%, avec une survie à 1 an chez 70%
des patients inclus (n=74), et une survie
sans progression de 9,3 mois. De même
diarrhées, embolie pulmonaire et hypertension ont été observés dans les effets
secondaires.
tate d’abiratérone pour la prostate et
les résultats de l’essai COMPARZ, pazopanib comparé au sunitinib en 1 ère ligne
de cancer du rein métastatique ou
PISCES, sunitinib et pazopanib es
séquentiel avec choix préférentiel du
patient….
Il ne reste plus qu’à attendre les
nouveautés de l’ASCO 2012, avec sans
doute, les résultats de l’étude COU
AA302, en pré-chimiothérapie de l’acé-
Conflits d’intérêts : aucun
N°52 - Tome 9 - avril 2012 - RéfleXions en Médecine Oncologique
Actualités
Le choix crucial entre le feu et les briques
à partir du congrès de l’American Association for Cancer Research (AACR)
François Goldwasser -
e 1 0 3 ème C o n g r è s a n n u e l d e
l’AACR s’est tenu du 31 mars au
4 avril 2012 à Chicago (Illinois).
Un thème émergent se confirme et
conduit à porter un nouveau regard sur
l’oncogenèse, l’histoire naturelle de la
maladie clinique, et offre de nouvelles
perspectives thérapeutiques : l’analyse des voies du métabolisme
cellulaire énergétique de la cellule
cancéreuse.
Les altérations du métabolisme cellulaire ont été reconnues depuis longtemps
comme l’une des caractéristiques des
cellules cancéreuses mais leurs bases
moléculaires et la vision globale des
mécanismes par lesquels le métabolisme est modifié durant l’initiation puis
la progression tumorale ont commencé
à être véritablement décodés au cours
des 10 dernières années. Une meilleure
compréhension de la manière dont différentes tumeurs et différentes lésions
génétiques contribuent à une reprog r a m m a t i o n m é t a b o l i q u e a re n d u
possible l’émergence de nouvelles thérapies ciblées. Ce champ de recherche
se développe très rapidement.
Les tumeurs sont métaboliquement
distinctes du tissu environnant comme
en témoigne la fixation du fluoro-desoxyglucose lors de l’imagerie TEP. Celle-ci
illustre le rôle du métabolisme glucidique dans la respiration de la cellule
cancéreuse.
Dans les années 1920, Otto Warburg
observe que les cellules tumorales ont
une forte consommation de glucose, et
L
24
Cancérologie, Hôpital Cochin, Paris
une production accrue de lactates, en
présence d’apports en excès d’oxygène. Cette description porte depuis
le nom « d’effet Warburg ». Il rapporte
ainsi un comportement cellulaire qui
s’éloigne de celui d’une cellule différenciée qui va typiquement oxyder le
glucose en CO2.
L’effet Warburg décrit la glycolyse
aérobie et est sous le contrôle essentiel de la pyruvate kinase (PK ; dont il
existe plusieurs isoformes, M1 et M2).
La PK est en effet la dernière enzyme
de la cascade glycolytique. L’isoforme
PK-M2 est surexprimée dans de nombreux cancers. On peut comparer la
cascade enzymatique de la glycolyse
à un robinet d’eau dont l’ouverture
dépendrait de la PK.
La synthèse du pyruvate est donc une
étape clé, et est consécutive à l’utilisation du glucose par une pyruvate
kinase (PK). La PK-M1 est retrouvée
plus exprimée dans les cellules bien
différenciées qui respirent par phosphorylation oxydative mitochondriale. La
PK-M2 en revanche est surexprimée
dans les cellules prolifératives (cancéreuses ou non), en réponse à des signaux
de croissance, en cas de métabolisme
anabolique et de glycolyse aérobie. La
perte de l’activité PK-M2 accélère la
formation de tumeurs du sein après
perte de Brca 1, chez l’animal. Les PK
sont des tétramères dont la régulation
est en partie stérique, par stabilisation/
déstabilisation du tétramère en dimères.
L’inhibition de PK-M2 favorise le méta-
N°52 - Tome 9 - avril 2012 - RéfleXions en Médecine Oncologique
bolisme anabolique, sans changer la
conversion glucose vers lactates, mais
en découplant synthèse d’ATP et glycolyse. Le glucose est réorienté vers la
voie des pentoses phosphatases, vers
la synthèse de sérine, qui permet ensuite
la synthèse lipidique.
On peut résumer les besoins de la cellule
c a n c é r e u s e à d e s b e s o i n s d ’ AT P
auxquels s’ajoutent la nécessité de
doubler sa masse pour la division cellulaire, et donc de doubler la quantité de
p ro t é i n e s , d e l i p i d e s , e t d ’ a c i d e s
nucléiques.
Le « dilemme permanent » est donc
de choisir entre produire de l’énergie
ou synthétiser : la cellule cancéreuse
doit choisir entre produire de l’ATP ou
des macromolécules de même que l’on
peut à partir du bois, choisir de faire un
feu ou de construire une maison en bois.
Le glucose donne naissance au pyruvate, via la PK. Le pyruvate permet de
produire de l’acétyl CoA, qui pourra
fournir des citrates, à partir desquels
débute la synthèse des lipides.
Glucose et glutamine sont deux
substrats permettant de rejoindre le
cycle TCA pour permettre une synthèse
protéique, ou lipidique via les citrates.
Alternativement à la glycolyse, la glutamine permet également de produire des
citrates. Les vulnérabilités métaboliques dépendent du contexte, et il existe
d e s c e l l u l e s c a n c é re u s e s d o n t l a
synthèse lipidique est dépendante de
la glutamine, ou indépendante de la
glutamine et dépendante du glucose.
Le choix crucial entre le feu et les briques – à partir du congrès de l’American Association for Cancer Research (AACR)
Dans certains contextes tumoraux, la
production d’ATP est dépendante ou
indépendante de la glutamine. Ainsi,
les cancers du sein de type basal, mais
pas ceux de type luminal, sont dépendants de la glutamine. Des altérations
des gènes clés du cycle de Krebs ont
été identifiées dans certaines pathologies malignes. Il existe par exemple des
mutations de SDH dans des paragangliomes malins.
Une autre enzyme clé est l’AMP-kinase
qui permet d’enclencher :
• soit la consommation d’ATP, rendant
possible la synthèse protéique.
• soit la production d’ATP, rendant
possible l’oxydation des lipides.
• soit la production de NADPH, permettant la synthèse de glutathion et la
clairance de radicaux libres, en particulier H202.
> De nouvelles cibles thérapeutiques
sont fournies par la mise en évidence
d’une respiration cellulaire différente
dans la cellule cancéreuse.
Ainsi, Genentech a mis en place un
grand programme de développement
d’inhibiteurs de voies métaboliques.
Ces cibles se déduisent de l’addiction
de la cellule cancéreuse pour une voie
métabolique. Il peut être nécessaire de
bloquer simultanément plusieurs voies
pour prévenir le développement de
compensations métaboliques. La
meilleure cible d’une voie métabolique
donnée est l’enzyme limitante pour la
chaine de réactions, et/ou celle qui a
une spécificité pour la cellule tumorale.
Enfin, il faut pouvoir concevoir une
drogue à partir de cette cible (« druggability »). Parmi les cibles étudiées,
figurent de vieilles connaissances, telles
que l’HMG CoA reductase, la cyclooxygénase…
Une stratégie thérapeutique prometteuse est de pousser la cellule
cancéreuse à préférer le feu à la construction qui conditionne la prolifération
(doublement de la masse, doublement
des acides nucléiques).
> Les cellules normales ont une glycolyse active, contrôlée par PK-M1, très
active (forme tétramérique), le robinet
glycolytique coule à fort débit vers le
cycle de Krebs et fournit de l’ATP. En
revanche, la synthèse de macromolécules est faible, la cellule reste bien
différenciée et quiescente.
> Les cellules cancéreuses ont fermé
le robinet glycolytique vers le cycle de
Krebs, elles sur-expriment PK-M2 aux
dépens de PK-M1, et sous forme mono
ou dimérique, peu active. Le robinet
étant fermé, la voie glycolytique est
dérivée vers la voie des pentoses
phosphates qui conduit à la synthèse
de macromolécules nécessaires à la
prolifération cellulaire, et à la production de NADPH.
>
une voie thérapeutique prometteuse est donc d’activer PK-M2 dans
la cellule cancéreuse, pour la pousser
vers le cycle de Krebs aux dépens de
la synthèse de macromolécules. Ceci
revient à « ouvrir le robinet » glycolytique en direction du cycle TCA et de
la production d’ATP. Il en résulte une
réduction de la voie d’amont des
pentoses phosphates, privée de
substrats. Or celle-ci permet l’enrichissement en « building blocks »,
éléments de synthèse protéique et lipidique.
Une équipe israélienne a montré les
premiers résultats in vitro et in vivo de
l’effet d’activateurs de PK-M2 (V Behar
et coll, abstract 3219). Ces activateurs
stabilisent PK-M2 sous forme tétramérique, et donc active. La déplétion
en building blocks conduit à un ralentissement de la prolifération cellulaire
des cellules de cancer colique HT29 ou
des cellules de cancer pulmonaire H1299,
xénogreffées. Ces données valident
expérimentalement le concept de stratégie anti-tumorale par re-ouverture de
la glycolyse vers le cycle de Krebs. Les
premiers essais thérapeutiques sont
attendus dans les 2 ans.
Conflits d’intérêts : aucun
RÉFÉRENCES pour approfondir le sujet
1- Christofk HR, Vander Heiden MG, Wu N, Asara JM, Cantley LC. Pyruvate kinase M2 is a phosphotyrosine-binding protein. Nature. 2008 Mar 13;452(7184):181-6.
2-Vander Heiden MG, Cantley LC, Thompson CB. Understanding the Warburg effect: the metabolic requirements of cell proliferation. Science. 2009 May 22;324(5930):102933. Review
3-Anastasiou D, Poulogiannis G, Asara JM, Boxer MB, Jiang JK, Shen M, Bellinger G, Sasaki AT, Locasale JW, Auld DS, Thomas CJ, Vander Heiden MG, Cantley LC. Inhibition
of pyruvate kinase M2 by reactive oxygen species contributes to cellular antioxidant responses. Science. 2011 Dec 2;334(6060):1278-83.
N°52 - Tome 9 - avril 2012 - RéfleXions en Médecine Oncologique
25
Innovation thérapeutique
L’afatinib : un pas de plus dans le contrôle des adénocarcinomes
pulmonaires avec mutation du gène du récepteur de l’EGF
François Goldwasser -
Pôle Spécialités médico-chirurgicales et Cancérologie,
G H C o c h i n B r o c a H o t e l D i e u , A P - H P, e t f a c u l t é d e m é d e c i n e P a r i s D e s c a r t e s .
Introduction
La survenue de mutations activatrices du gène
du récepteur de l’Epidermal Growth Factor
(EGF-R) a un rôle essentiel dans l’oncogenèse
de certains cancers pulmonaires (1,2). Il s’agit
particulièrement d’adénocarcinomes survenant en l’absence d’intoxication tabagique.
Cette situation est plus fréquente chez la femme
et est même la situation la plus commune en
Asie. Ces adénocarcinomes pulmonaires se révèlent sensibles à l’inhibition de l’activité tyrosine
kinase intracellulaire du récepteur. Deux médicaments, erlotinib et géfitinib, actifs sur cette
population et commercialisés, ont formé la
première génération d’inhibiteurs du récepteur à activité tyrosine kinase (ITKs). L’afatinib
(BIBW 2992 ; Boehringer Ingelheim), est un
nouvel ITK en cours de développement, dans
le cancer pulmonaire non à petites cellules
métastatique, comportant une activité après
échappement aux ITKs « de première génération ».
Pharmacologie Moléculaire
et Cellulaire
L’afatinib, est un dérivé anilino-quinazoline.
C’est un inhibiteur des récepteurs de la famille
ErbB. Il s’agit d’une inhibition des récepteurs,
rendue irréversible par la formation d’une
liaison covalente. Par rapport aux inhibiteurs
de l’EGF-R auparavant disponibles en clinique,
l’originalité de l’afatinib est donc, à la fois, la
formation de la liaison covalente, qui rend irréversible la liaison, et l’action concomitante sur
HER2.
Plusieurs mécanismes de résistance acquise au
géfitinib et à l’erlotinib ont été décrits, parmi
lesquels la présence de plusieurs mutations, ou
l’amplification de MET, ou encore l’amplification
de la transition épithélio-mésenchymateuse (3,4).
La mutation plus fréquente semble être la mutation T790M (3). L’afatinib a une activité cytotoxique
26
sur des lignées résistantes au cetuximab (5), sur
les variants mutants T790M ou T854A, qui échappent aux ITK de première génération (3,4). Il faut
cependant garder à l’esprit que d’autres mutations existent. Ainsi, les mutations de l’exon
20, localisées généralement après l’hélice C du
domaine tyrosine kinase, rendent compte de
près de 4% des mutations et sont insensibles à
la fois aux inhibiteurs réversibles (géfitinib, à
l’erlotinib) et irréversibles tels que l’afatinib (6) .
Néanmoins, les données très pertinentes en
clinique concernant la mutation T790M ont
conduit à proposer le développement de l’afatinib en cas d’échappement à un inhibiteur
réversible de l’activité tyrosine kinase de
l’EGF-R (7-9). De plus un programme de développement clinique a été initié en première
ligne chez les patients atteints d’une tumeur
avec mutations de l’EGFR basé sur les données
cliniques et précliniques favorables.
Pharmacologie Clinique
L’état d’équilibre des concentrations plasmatiques (« steady state ») est atteint en 8 jours (10).
L’exposition plasmatique est peu corrélée au
poids et à la surface corporelle, ce qui a justifié
le développement de posologies avec une dose
fixe. Une alimentation riche en graisses diminue
l’absorption et donc la biodisponibilité de l’afatinib (11). Le pic plasmatique médian survient
6h après la prise. L’essentiel de l’afatinib est
excrété par les fécès (85,4%). Le volume de
distribution apparent est élevé (4500 l) ce qui
est en faveur d’une forte diffusion tissulaire.
L’élimination est bi-phasique (12). L’exposition
plasmatique est proportionnelle à la dose dans
la gamme testée en phase I. Afatinib est peu
métabolisé. Le principal métabolite est fortement lié aux protéines plasmatiques. Le
métabolisme oxydatif via le cytochrome P-450
a un rôle négligeable dans l’élimination de
l’afatinib, ce qui le distingue notablement du
géfitinib et de l’erlotinib, tous deux métabo-
N°52 - Tome 9 - avril 2012 - RéfleXions en Médecine Oncologique
lisés par le CYP3A4. L’erlotinib est de surcroît
métabolisé par le CYP1A1/1A2 qui explique
une réduction de la biodisponibilité chez le
fumeur (11).
Il existe une variabilité inter-individuelle pour
les paramètres pharmacocinétiques, similaire
à celle observée avec les autres ITKs. A partir
des observations déjà faites sur l’intérêt potentiel du dosage de ces médicaments en
cancérologie thoracique (12,13), on peut penser
que là encore, il pourrait être utile d’exclure
une sous-exposition plasmatique avant de
conclure à une résistance au médicament.
Efficacité
Un programme d’évaluation par 2 études de
phase II et 4 essais de phase III été lancé dans
le CPNPC :
le LUX-Lung clinical trial program (7, 14, 15).
> en première ligne chez des patients atteints
d’une tumeur avec mutation activatrice de
l’EGFR (LUX-Lung 2, 3 and 6)
> en 2e ou 3e ligne chez des patients ayant
acquis une résistance au géfitinib et/ou à l’erlotinib (LUX-Lung 1, 4 and 5).
LUX-Lung 1 et 2 ont montré une augmentation significative du taux de contrôle de la
maladie de 58 et 86%, respectivement, ainsi
qu’une prolongation de la survie sans progression. Certains essais évaluent l’afatinib en
association à un cytotoxique, en particulier le
paclitaxel (LUX-Lung 5), en comparaison aux
associations cytotoxiques utilisées dans les
adénocarcinomes pulmonaires cisplatine/pemetrexed (LUX-Lung 3) ou cisplatine/gemcitabine
(LUX-Lung 6).
A noter par ailleurs, que, in vitro, l’afatinib
semble rétablir une cytotoxicité dans des lignées
cellulaires résistantes au cetuximab (5). Des
études cliniques vont tester prochainement
l’association cetuximab-afatinib.
Toxicité
Au cours d’une étude de phase I d’administration quotidienne en une prise, les toxicités
limitantes furent la survenue de rash cutané
(n=2) et de pneumopathie, à chaque niveau de
dose de 30 à 50 mg/j. Aucune escalade de dose
au-delà de 50 mg/j n’a été réalisée. Au cours
des études cliniques suivantes, les principales
toxicités limitantes retrouvées sont le rash
cutané et la diarrhée. La dose recommandée
pour les études de phase II a été 40 ou 50 mg/jour
chez les patients, selon la population des patients
dans les essais (16-18).
Modalités d’administration
Administration quotidienne per os de 40 ou
50 mg/jour à distance des repas. ■
Références
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Pawar VG, Reuter C, Heuckmann JM, Weiss J, Ruddigkeit L,
Rabiller M, Koker M, Simard JR, Getlik M, Yuza Y, Chen TH,
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and HER2 Overcomes Resistance to Cetuximab in a Novel
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Afatinib versus placebo for patients with advanced, metastatic non-small-cell lung cancer after failure of erlotinib,
gefitinib, or both, and one or two lines of chemotherapy
(LUX-Lung 1): a phase 2b/3 randomised trial. Lancet Oncol
2012: In press.
15-J Chih-Hsin Yang, J-Y Shih, W-C Su, T-C Hsia, C-M Tsai, SH Ignatius Ou, C-J Yu, G-C Chang, C-L Ho, L V Sequist, A Z
Dudek, M Shahidi, X J Cong, R M Lorence, P-C Yang,V A Miller.
Afatinib for patients with lung adenocarcinoma and
epidermal growth factor receptor mutations (LUX-Lung 2):
a phase 2 trial. Lancet Oncol 2012: In press
16-Yap TA, Vidal L, Adam J, Stephens P, Spicer J, Shaw H, Ang
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of the irreversible EGFR and HER2 kinase inhibitor BIBW
2992 in patients with advanced solid tumors. J Clin Oncol.
2010;28(25):3965-72.
17-Stopfer P, Marzin K, Narjes H, Gansser D, Shahidi M,
Uttereuther-Fischer M, Ebner T. Afatinib pharmacokinetics
and metabolism after oral administration to healthy male
volunteers. Cancer Chemother Pharmacol. 2011 Dec 27.
18-Murakami H, Tamura T, Takahashi T, Nokihara H, Naito
T, Nakamura Y, Nishio K, Seki Y, Sarashina A, Shahidi M,
Yamamoto N. Phase I study of continuous afatinib (BIBW
2992) in patients with advanced non-small cell lung cancer
after prior chemotherapy/erlotinib/gefitinib (LUX-Lung
4). Cancer Chemother Pharmacol. 2011 Nov 10.
>>> En pratique
Pour le médecin
• Pas d’interaction métabolique prévisible chez le fumeur ou en cas de
co-médication substrat ou inducteur ou
inhibiteur du CYP 3A4.
• Prévenir de la possibilité de diarrhée et
de rash cutané. Le traitement symptomatique du rash cutané est le même que
pour les anti-rec EGF de première génération.
Pour le patient
• Prise quotidienne, à distance des repas.
• La survenue d’une éruption cutanée justifie
un examen médical, le plus souvent pour
un traitement symptomatique. Elle n’est
habituellement pas synonyme d’allergie,
d’intolérance au médicament et d’arrêt du
traitement.
• Contraception du couple.
N°52 - Tome 9 - avril 2012 - RéfleXions en Médecine Oncologique
27
Soins de support
Nutrition thérapeutique en oncologie :
bénéfices du support nutritionnel
Pa s c a l C r e n n
(1)
, Jérôme Alexandre
(2)
, Philippe Rougier
(1)
1 : Université Versailles Saint Quentin en Yvelines, Hépato-gastroentérologie et Oncologie Digestive, Hôpital Ambroise Paré (APHP), Boulogne
2 : Université Paris Descar tes, Oncologie médicale, Hôtel-Dieu (APHP), Paris
Résumé
Une immunutrition orale préopératoire
a démontré, y compris chez le sujet non
dénutri, sa capacité à diminuer la morbidité postopératoire en cancérologie
digestive. Une diminution de la toxicité
des traitements et donc une facilitation
de ceux-ci apparaît probable quand un
support nutritionnel adapté peut être
mis en place dans les autres situations
en cas d’utilisation d’un support nutritionnel adapté. En phase palliative pure
la médiane de survie en nutrition parentérale est inférieure à 3 mois mais des
formes à évolution prolongée peuvent
s’observer. L’objectif est ici d’assurer
une certaine qualité de vie au patient.
Certains travaux suggèrent par ailleurs
que les acides gras oméga 3 (anti-inflammatoires et anti-cataboliques) oraux,
et tout particulièrement l’EPA, ont une
efficacité anti-cachectisante dans
certaines néoplasies. Un support nutritionnel invasif doit être évité en fin de
vie mais le dilemme éthique est toujours
présent.
Mots-clés
Dénutrition,
EPA,
Nutrition thérapeutique,
Soins de support
28
Figure 1 : Cancer et nutrition : récapitulatif des différentes situations cliniques
U
ne prise en charge adaptée,
notamment en situation périopératoire, améliore la faisabilité
des thérapeutiques oncologiques et
diminue certaines complications des
traitements. Une amélioration du
pronostic apparaît alors possible mais
n’est, à l’heure actuelle, prouvée que
dans un nombre limité de situations. En
sus de la prise en charge nutritionnelle
des études récentes mettent l’accent
sur le bénéfice de l’activité physique
associée quand cela est possible. La
prise en charge des séquelles à long
N°52 - Tome 9 - avril 2012 - RéfleXions en Médecine Oncologique
terme, chez les patients guéris ou en
rémission prolongée, est bien entendu
indispensable.
Les différentes situations cliniques
Les paramètres majeurs à recueillir sont,
outre l’évaluation de l’état nutritionnel,
la quantité et la qualité des ingesta. On
distingue (Figure 1), selon l’évolution :
Nutrition
thérapeutique
• la nutrition thérapeutique proprement
dite, en cours de traitement carcinologique. Le but est ici de pouvoir réaliser
pleinement le protocole thérapeutique
prévu.
• la nutrition de réhabilitation en phase
de rémission puis de guérison. Les
compléments nutritionnels oraux classiques trouvent là une très bonne
indication.
• la prise en charge nutritionnelle des
séquelles, par exemple après chirurgie
de résection digestive ou des voies
aéro-digestives supérieures. Des études
randomisées ne sont pas possibles dans
ce cadre mais il est clair que ces cas
nécessitent une prise en charge spécialisée (centres experts), notamment par
la nutrition entérale à domicile ou parfois
parentérale (insuffisance intestinale).
• la nutrition en phase palliative non
terminale et terminale
Bénéfices
globaux
de la nutrition
thérapeutique en dehors
des situations palliatives
S’il est clair que la nutrition thérapeutique réduit les complications de la
chirurgie et peut probablement favoriser la réalisation d’un protocole complet
de chimio-radiothérapie, en diminuant
certaines des toxicités, son impact
propre sur le pronostic du cancer (évolution de la masse tumorale, amélioration
de la survie) demeure incertain. La
correction de la dénutrition, si tant est
qu’elle soit possible et précoce, permet
en partie de pallier aux conséquences
de cette dernière en oncologie. En toute
rigueur le bénéfice n’est néanmoins à
l’heure actuelle prouvé (grade A) que
lors des traitements chirurgicaux (nutrition périopératoire), notamment en
oncologie digestive (1).
La renutrition avant radiothérapie ou
chimiothérapie permet probablement
en
oncologie
:
bénéfices
un bénéfice mais doit tenir compte des
risques propres de la technique et de
la possibilité d’accroissement de la
masse tumorale en l’absence de traitement spécifique (2) . Un traitement
nutritionnel doit permettre l’optimisation du traitement anticancéreux mais
n’est bien entendu jamais suffisant à
lui seul. La réduction des coûts directs
et indirects de la maladie, notamment
par réduction de certaines toxicités, et
l’amélioration de la qualité de vie des
patients sont deux bénéfices pour
lesquels nous disposons de quelques
données (3, 4) mais l’hétérogénéité des
situations rendent les conclusions des
études parfois difficiles à extrapoler.
Nutrition en
phase palliative
La nutrition en phase palliative, et surtout
terminale, pose des dilemmes éthiques.
Les compléments enrichis en EPA (acides
gras de la série oméga 3 : acide eicosapentaénoïque) dont il existe des
arguments expérimentaux –par effets
anti-cytokines cachectisantes- pour les
utiliser contre la fonte musculaire, réduisent la perte de poids en cas de cancer
bronchique ou pancréatique (5) évolué
mais aucune différence de survie par
rapport aux compléments classiques
n’a pu être objectivée dans les essais
randomisés (6). Les orexigènes, classe
qui abritent à l’heure actuelle très peu
de médicaments, n’ont pas présentement de place bien définie dans le
traitement de l’anorexie et de la dénutrition des malades cancéreux car peu
d’entre eux n’ont montré un bénéfice
objectif franc. Les anabolisants (par
exemple l’acétate de megestrol, progestatif de synthèse) ont surtout un effet
sur la masse grasse, mais ils peuvent
également augmenter l’appétit (7). Les
corticoïdes doivent être évités, du fait
de leurs effets secondaires, dans la
mesure du possible.
du
support
nutritionnel
En cas de carcinose péritonéale la nutrition parentérale peut être utile et peut
améliorer le confort de vie, certains
patients tirant bénéfice d’une augmentation de la survie (supérieure à 6 mois
voire 1 an, par exemple dans certaines
tumeurs endocrines digestives). Le
maintien d’une qualité de vie acceptable et le traitement symptomatique
(asthénie…) demeurent ici l’objectif
premier. Il est néanmoins important de
noter que plus de 80% des malades
adultes recevant une nutrition parentérale à domicile le sont dans une
indication oncologique : la durée de vie
médiane est dans ce cas de 2 mois. La
durée de vie était de 81 jours dans une
série italienne de 152 patients quand
l’indice de Karnofsky était au delà de
50 (8).
La faim et la soif ne sont pas des symptômes constants de la phase terminale.
Il existe un accord professionnel pour
éviter de proposer la nutrition parentérale quand le patient à un indice de
Karnofsky inférieur à 50 (indice OMS 4
ou alitement permanent du fait notamment de la dénutrition) et qu’aucun
projet thérapeutique (chimiothérapie
notamment) ne peut plus être envisagé,
associé à une espérance de vie prévisible inférieure à 3 mois (9). Dans cette
situation l’hydratation simple améliore
la qualité de vie des patients par amélioration des symptômes (myoclonies et
signes de déshydratation) (10).
Conclusion
La dénutrition du malade cancéreux
n’est pas inéluctable. Il est crucial qu’un
projet thérapeutique cohérent et multidisciplinaire prenne en charge cet
élément pour lequel des possibilités
thérapeutiques spécifiques, d’efficacité variable, à utiliser parfois de manière
séquentielle, existent mais restent encore
actuellement très sous-utilisées. La
nutrition thérapeutique aide à la réalisation du protocole anti-tumoral optimal
N°52 - Tome 9 - avril 2012 - RéfleXions en Médecine Oncologique
29
Nutrition
thérapeutique
en
oncologie
:
bénéfices
grêle) et ORL ainsi que les complications abdominales radiques chroniques.
A distance de la prise en charge efficace de la tumeur, chez les sujets guéris
ou en rémission prolongée, il est à remarquer que l’on observe une tendance à
la prise de poids des patients pouvant
et personnalisé et à la diminution de la
toxicité des traitements. Il existe un
grand besoin d’essai randomisé de
phase III dans ces indications en cancéro l o g i e . L a g e s t i o n d e s s é q u e l l e s
nutritionnelles concerne essentiellement les résections digestives (pancréas,
du
support
nutritionnel
conduire à une surcharge pondérale.
Un prise en charge diététique ou nutritionnelle chronique peut ainsi être
également indiqué dans ces cas (11).
Conflits d’intérêts : aucun
RÉFÉRENCES
1. Gianotti L, Braga M, Nespoli L, Radaelli G, Beneduce A, Di Carlo V. A randomized controlled trial of preoperative oral supplementation with a specialized diet in
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9. Bachmann P, Marti-Massoud C, Blanc-Vincent MP, et al. Summary version of the Standards, Options and Recommendations for palliative or terminal nutrition
in adults with progressive cancer (2001). Br J Cancer 2003;89 Suppl 1:S107-10.
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Clin Oncol 2005;23(24):5814-30.
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