La Conduite chez les personnes âgées
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La Conduite chez les personnes âgées
La Conduite chez les personnes âgées D. MARCHAL, Gériatre & G. LEFEBVRE, Psychologue Hôpital LA MUSSE Réunion du 25/01/07 - CMRR Haut- Normandie La personne âgée et la conduite automobile sont un phénomène émergeant qui constituent un véritable problème social émergeant aux USA en 1960 et en Europe en 1985. Ê du nombre des PA : = 1960 - 10 % de conducteurs > 60 ans 2002 - 20 % 2040 - 30 % (Jean Roche, Psychol Neuropsycho Vieil 2005) Une étude parue dans le JAGS (Claire C. Wang 2004) : 13 % de la population des USA > 65 ans représente 18 % de tous les accidents de la circulation. Jusqu ’à 75 ans PA = personnes jeunes Sauf tranche d ’âge 18/25 ans. Il faut rapporter le nombre d ’accident au nombre de kilomètres parcourus et tenir compte des stratégies d ’adaptation : - arrêt de la conduite nocturne, Ì vitesse, Ê des distances inter véhicules. Nombre d ’accidents pour 1000 km parcouru Particularité des accidents chez les PA - 59 % sont dus à une non perception du risque. - 82 % des cas : - Quitter file de droite, prendre file de gauche et tourner à gauche dans une intersection. - Lors d ’une rupture de continuité - Défaut de respect de signalisation - Lors de l ’accident, plusieurs véhicules impliqués et la PA est le plus souvent responsable. (Soins Gérontologie 2001) - Taux de mortalité + élevé, dû à la fragilité de la PA. ( 800 tués pour 9 M de conducteurs) ( Clément Presse Médicale 2005) Vieillissement physiologique - Age : facteur de surmortalité à condition de le comparer au nombre de kilomètres parcourus par an. - Ê du temps de réaction. - Ì des performances visuelles : champ visuel, acuité, éblouissement et temps d ’adaptation au noir. - Ì de l ’attention qui devient « trop sélective ». - Difficultés dans les situations de double tâches. (Clément Presse Médicale 2005) Mais chez les PA non démentes, compensation par des stratégies d ’adaptation. Vieillissement pathologique - En dehors de l’âge, facteur de surmortalité, les troubles cognitifs modifient eux mêmes l’aptitude à la conduite. - La plupart des études prouvent que l ’atteinte des performances cognitives est significativement corrélée à un risque d ’accident. Etude de Jean Roche Psychol Neuropsychiat Vieil 2005 - 1/3 des déments ont au moins 1 AVP depuis le début de leur maladie - 50 % auront 1 accident avant d ’arrêter de conduire - 50 % de déments débutants se perdront au volant contre 8 % du groupe témoin L ’apparition de difficultés à conduire est le signe précoce d ’entrée dans les démences dans 10 % des cas - 26 % de patients déments qui nécessitent des aides pour les ADLVQ conduisent encore ! Difficultés d ’évaluation dans les stades précoces de démence et en cas d ’hypovigilance diurne ( revue de Médecine interne avril 2001). 20 % échappent au dépistage et continuent à conduire (Odenheimer et Coll J. Gérontol 1994). Etude du Centre d ’étude de physiologie appliquées du CNRS avril 2003( Moessinger et Coll) Sélection des patients à partir de septembre 2000 sur des fichiers de sociétaires de la MAIF, H ou F ≥ 60 ans - 2 groupes appareillés en âge et sexe - 34 sociétaires du groupe témoin qui n ’a pas eu d ’accident 72 ± 5 ans - 32 sociétaires du groupe sinistré 70.2 ± 7.5 ans qui ont eu ≥ 2 accidents entre 2000 et 2003 - bonus 50 % - examen médical - examen neuropsychologique : TMT Wisconsin nor SDA Temps de réaction; Wais III Stroop test - questionnaire RESULTATS - Ê du temps de réaction chez la personne ayant eu un accident 275 ms contre 311 ms - QI plus d ’accidents si QI < à 100 groupe témoin QI moyen à 114 - PA accidentées performances moins bonnes en temps d ’exécution, en organisation perceptive et en mémoire de travail. Etude de Catarina Lundberg Stockolm sweden 2003 - Variabilité inter individuelle - ralentissement des performances constant Différence entre : MA : troubles corticaux démence vasculaire : troubles sous cortico frontaux Enquête Poitou Charentes (Presse médicale 2005) - 75 neurologues et gériatres sollicités, 36 (27%) ont acceptés d ’y participer - 146 patients inclus - durée de l ’étude 4 semaines en janvier 2004 - questionnaire anonyme proposé aux patients connus pour démence et qui étaient vus en consultation MMS ≤ 25 - MMS moyen 17.6 ± 5.6 - 52 étaient conducteurs, 48 auraient arrêtés 73.1 % d ’homme - 94 patients (13 %) avaient un traitement pour la MA Conclusions : les PA qui continuent à conduire sont surtout des hommes les moins âgés - démence diagnostic récent - MMS insuffisant pour évaluer l ’aptitude à conduire (certains avec MMS < 25 réussissaient à conduire) Etude de Dubinsky et Coll JAGS 1992 - Patients atteints de MA et conducteurs victimes d ’accident de la route MMS moyen de 17.3 Conclusion : le nombre d ’accidents par millions de miles parcourus est 10 fois supérieurs à la population témoin - ceux qui continuent à conduire perdent moins de points au MMS que ceux qui ne conduisent plus - ceux qui conduisent avaient un MMS moyen à 27.2 Etude de Patten et Coll (Acc Anal prév 2006) - Différence significative entre conducteurs expérimentés et non expérimentés - Allongement du temps de réaction de 250 ms des conducteurs non expérimentés/expérimentés - L ’entraînement améliore l ’attention. Les troubles cognitifs ne sont pas les seuls facteurs de risque d ’accident : - Altération OPH, Ì de l ’acuité visuelle X2 le nombre d ’accident (Hofstetter JAM Optom Assoc 1976) - Troubles neurologiques - Atteintes ostéo articulaires , (sarcopénie) - Pathologie cardiovasculaire, Ê des troubles du rythme - Iatrogénie. Quelle évaluation? Les fonctions cognitives sont déterminantes • Activité très complexe : – Capacités d’attention (soutenue, sélective, divisée) +++ – Capacités visuo-spatiales (position du véhicule, estimation des distances…) – Mémoire (Episodique : trajet, environnement Sémantique : signalisation Procédurale : maniement De travail : contrôle, rétro…) – Jugement / prise de décision – Fonctions exécutives – Langage pour la lecture de la signalisation Moll et al. Revue Médical Suisse, 2297 Modélisation de l’activité de conduite Michon, 1985 : Prise de décision en fonction du risque. • Structure hiérarchique : Niveau stratégique (planifier) Niveau tactique (anticiper) Niveau opérationnel (décider, réagir) Modélisation de l’activité de conduite (2) • Décisions de niveau supérieur peuvent COMPENSER déficits des niveaux inférieurs Ex : des TR (opératoire) compensée par augmentation des distances de sécurité (tactique) Ou difficultés visuelles (opératoire/tactique) compensées par conduite de jour exclusive (stratégique). Modélisation de l’activité de conduite (3) Niveau stratégique → planification, flexibilité, sans pression de temps Niveau tactique → MDT, contrôle cognitif Niveau opérationnel → attention, VT, balayage visuel… Lundqvist,1997 & 2000 Comment évaluer l’aptitude à conduire ? • Pas de méthode consensuelle à ce jour. Pour info :- http://www.ama-assn.org/ama/pub/category/8925.html - Lundberg et al. 1997 : Consensus en Suède, CDR entre 0.5 et 2 : Évaluation nécessaire. CDR>2 Arrêt de la conduite - Dubinsky, 2000 : CDR = 0.5 : Risque = Conducteur 16-25 ans. Informer et ré- évaluer à 6 mois CDR = 1 : Risque accru. Recommander l ’arrêt. - rapport public sur les contre-indications médicales à la conduite automobile • Bcp d’études mais disparité de pathologies, méthodo, âges… • Nécessité d’utiliser +++ outils :Bilan neuropsy, Simulateur de conduite, Test sur Route Évaluation Neuropsychologique • Lundberg, 2003 (revue de la litt. sur 10 ans) – conduite des déments & tests » Les tests de TR simples ou complexes ne différencient pas les bons conducteurs des mauvais » Le Boston Naming Test ! Mais = reflet de la sévérité de la démence » Intérêt des tests évaluant le traitement attentionnel visuel (attention sélective, divisée)….UFOV » TMT : pas de consensus – Test & « mauvais conducteurs âgés » » UFOV, TMT ( A-B), Capacités visuo-spatiales (figure de Rey et cubes) + mémoire visuelle = les plus prédictifs » SDSA : 78% de bonne prédiction sur 48 patients Évaluation Neuropsychologique (2) • Beliauskas, 2005 – UFOV (vision + attention) – Fonctions exécutives (Flexibilité) = stratégie compensation – niveau stratégique. WCST, TMT • Agile & CARA – TAP (attention divisée, flexibilité, balayage visuel, incompatibilité, champ visuel et négligence), UFOV, Figure de Rey Quelques épreuves à découvrir… EpreuvesStroke à découvrir… Driver Screening Assessment http://www.assistireland.ie/ La SDSA est composée de 3 subtests : - barrage de points : présentation de fiches contenant des groupes de 3, 4, et 5 points. Le patient doit barrer tous les groupes de 4 points en 15 minutes maximum. - matrices : raisonnement non verbal dans laquelle le patient doit compléter la grille décrivant des véhicules se déplaçant dans différentes directions selon des flèches et une boussole. - reconnaissance de panneaux de signalisation : 12 images de situations sur route. Le patient doit sélectionner le panneau qui correspond à la situation. Useful Field of View http://harcourtassessment.com/hai/Image s/pdf/catalog/2005_ClinPsyLR.pdf L’UFOV (test du champ visuel utile) est un test d’évaluation de l’attention visuelle et de vitesse de traitement informatisée. Il est composé de trois subtets : temps de réaction, attention sélective, attention divisée. The TAP-Version Mobility (TAP-M) http://www.psytest-fimm.com/TAPM_fr.html The subtests in the newly developed test battery TAP- M permit to assess a variety of visuo-spatial, non-spatial and executive attentional aspects such as alertness, divided attention, flexibility of focused attention, inhibitory processes, working memory, visual search, selective visual attention and suppressing potentially distracting stimulation which are relevant for safe driving. The Neuropsychological Testbattery “TAP-M” consists of newly developed subtests : Executive control, Active visual field, Distractibility, Alertness (a modified shorter version), Sustained attention. and already existing subtests of the Testbattery of Attentional Performance (TAP): Divided Attention Visual Scanning Go/Nogo Flexibility Cognitive Behavioral Driver's Inventory (CBDI) http://www.neuroscience.cnter.com/pss/CBDI/i ndex.html Batterie standardisée évaluant : l’attention et le partage attentionnel, la vitesse de décision, la discrimination des stimuli et la différentiation de la réponse, la capacité de séquencer, la vitesse et la coordination visuomotrices et l’acuité et le balayage visuels. Des scores de démarcation ont été déterminés pour classer la performance selon trois niveaux: (1) succès, (2) échec, (3) limite. http://www.neuropsychonline.com/loni/jcrarchives/vol06/ v6i5(engum).pdf Pb : mauvaise corrélation pour les scores limites, concernant un nombre important de patients Non disponible en Français. DriveABLE Competence Screen http://www.driveable.com/ A été expérimenté auprès de personnes âgées présentant des atteintes cognitives. Il mesure la rapidité du contrôle moteur, le champ visuel, le jugement, le partage attentionnel et les fonctions exécutives. Peu d’études sont disponibles sur son pouvoir prédictif et encore moins pour la population ayant eu un TCC. N’existe pas en Français. Évaluation neuropsychologique ne suffit pas. Evaluation sur Simulateur Evaluation sur Simulateur (2) • Les « - » : Validité à prouver, coût important, = réalité, mal du simulateur, nécessité d’une période de familiarisation. • Les « + » : Expérience de conduite, scénarii (situations critiques), pas de danger, conditions environnement, météo, trafic modulables. Mise en évidence des stratégies adaptatives, prise de conscience des troubles, test de temps de réaction, freinage... • Nécessité d’une grille d’observation : Position dans la voie (frontale, latérale gauche, latérale droite); Signalisation (respect); Vitesse (lent/rapide) ; Manœuvre agressive; Confusion/excès de prudence ; Commandes ; Contrôles (rétroviseurs) ; Erreurs trajets ; Accident Erreurs typiques inventoriées chez les personnes présentant un S.D. • • • • • • • • position du véhicule arrêts sans raison vitesse trop lente signalisation non respectée hésitations coupe les voies ne suit pas les consignes se perd dans l ’environnement. Ball (1991,93,94,97), Owsley (1998), Hunt (93, 99), Fitten (1995), Dobbs (1998) Evaluation sur simulateur (3) • Desmond & Matthews, 1997 – Meilleure validité dans l ’évaluation de la conduite que les tests papier-crayon chez la PA. • Hakamies-Blomqvist, et al., 2000; Lee et al., 2003 – Validité du simulateur chez les PA : Performances comparables (ex : vitesse moyenne) sur route et simu. • Hoe, 2003 – Les personnes âgées qui ont un risque accru d ’avoir des accidents sont repérables par l ’évaluation sur un simulateur. Évaluation sur simulateur (4) • Szlyk, 2002 – 22 patients entre 67 et 91 ans répartis en 2 groupes (< ou >25). Différence significative entre les 2 groupes sur le nombre de franchissement de ligne médiane et la vitesse moyenne. (TMT) • Rizzo, 1997, 2001 – Situation critique avec intersection. 33% des MA ont un accident vs 0% des contrôles appareillés. • Cox, 1998; Beliauskas, 2005 ….. – Gros potentiel de cet outil à condition d’étudier les scénarii – Peu d’études publiées vérifiant la validité de l’outil dans le syndrome démentiel. • Vanier et al., Roche et al. : Études en cours. Evaluation sur Route • Dans la circulation, trajet + ou – défini avec situations à risque. Grille d’observation. • Plusieurs références : – – – – – DPE (Janke & Eberhard, 1998) WURT (Hunt et al., 1997) Sepulveda Road Test (Fitten et al., 1995) CARA (Akinwuntan et al., 2002) TRIP (Whithaar, 2000) • AGILE (Sommer et al., 2003) : TRIP. Basé sur les 3 niveaux du modèle de Michon. – Circuit standardisé de 26 km (ville, autoroute, périphérique, campagne) + manœuvre – Bonnes qualités psychométriques (validité, fidélité) http://www.agile.iao.fraunhofer.de/index_fra.html Ne pas oublier… • Les facteurs motivationnels et les habitudes de conduite. • Lundqvist, 2001 a mis en évidence l’influence de ces facteurs dans la reprise de la conduite après un AVC. • Expérience antérieure, conscience des troubles, représentation de la voiture, de la conduite… Proposition d’un protocole ? • 1. Entretien Analyse de la demande, motivation, habitudes de conduite, traitement médicamenteux, antécédents… Questionnaire habitudes de conduite Questionnaire habitudes de conduites • • • • • • • • • • • Expertise (nombre de km/an, métier, nombre d’années) ? Arrêt de la conduite : quand, pourquoi? Fréquence d’utilisation ? Autre conducteur dans le foyer ? Voiture pour quelles raison ? Conduit-il ses petits enfants ? Représentation de la voiture ? Statut de conducteur vis-à-vis de l’entourage ? Combien d’accidents depuis 5 ans? Auto-estimation des dificultés pendant la conduite (fatigue…) Stratégies de compensation? Patient + entourage Proposition d’un protocole ? • 2. Evaluation neuropsy • TEA (champ visuel, négligence, balayage visuel, attention divisée; flexibilité, incompatibilité) • TMT, Stroop, MCST • Cubes, FDR • + bilan standard • 3. Simulateur • Familiarisation + Tests • 4. Test sur ROUTE (TRIP, Test Ride for Investigation Practical Fitness to Drive ) TRIP I = insuffisant ; D = douteux ; S = suffisant ; B = bien ; NA = Non Applicable. 1. Position sur la route maintien de la direction (zigzag ou direction trop flottante) ? Position de la voiture dans différentes situations? 2. Suivre des véhicules Distances de sécurité 3. Vitesse (générale, adaptée à la situation) 4. Comportement visuel dans différentes situations 6. Dépassements 7. Réactions d’Anticipation 8. Communication avec les autres usagers de la route 9. Evaluation de situations particulières (tourner à gauche + insertion sur 2X2voies) 10. Gestion mécanique 11. Impressions générales 5. Signalisation routière En guise de conclusion … Problème de l ’interdiction de conduire - Raison de l ’arrêt de la conduite : 18.7 % après un accident, 50 % après incitation de la famille ou du médecin traitant (R. Clément Presse médicale 2005) - La législation actuelle : la PA est le plus souvent responsable de sa décision. - La position du médecin. - L ’aspect symbolique de la conduite chez les nouveaux vieux qui auront toujours conduits : conduire signifie, indépendance, liberté, plaisir. « le médecin est tenu au devoir d’information et doit pouvoir en apporter la preuve si litige » Arrêt de la Cour de cassation (25/02/97) « le patient peut être poursuivi au civil et au pénal en cas d’accident s’il était informé des risques qu’il représentait au volant » (arrêté 7/5/97) Commission permis de conduire • Pas de cadre clair pour interdire la conduite • Passage en Commission : – Signalement par les proches auprès du Préfet (médecin tenu au secret médical) – Convocation de la PA si elle a été impliquée dans un accident avec dommage corporel