comment construire son portefeuille ?

Transcription

comment construire son portefeuille ?
Tendances en matière de répartition d’actifs
Comment
construire son
portefeuille ?
par Patrick Chamberland
L
a gestion des risques des régimes
de retraite a pris beaucoup d’amp­leur
au cours des dernières années. Avec
le niveau de maturité des régimes qui ne
cesse de croître, les fiduciaires de régimes
de retraite ont effectué une réflexion
majeure sur plusieurs fronts, dont
l’importance de gérer le risque associé à
la volatilité des taux d’intérêt, la diversi­
fication des sources de rende­ment et
l’équilibre entre la croissance du capital
et les revenus courants. De plus, certains
changements anticipés au niveau des
normes comptables et de provision­nement
influencent également la réflexion,
notamment la reconnais­sance des déficits
ou surplus des régimes de retraite aux états
financiers des sociétés inscrites en bourse
ainsi que l’établis­sement d’une provision
pour écart défavorable en lien avec le
risque de la politique de placement pour
les régimes enregistrés au Québec.
www.revueavantages.ca
AVANTAGES
octobre 2008
19
Tendances en matière de répartition d’actifs
Tableau 1
Indices de volatilité implicite
septembre 2003 – août 2008
30
Volatilité%
25
20
15
10
5
Indicede MVX(actionscanadiennes)
IndiceVIX (actions US)
Moyennes
Source : Bourse de Montréal et Chicago Board of Exchange
Alors que l’on assiste à une reprise de
la volatilité (voir le tableau 1 illustrant la
volatilité des actions canadiennes et
américaines), un constat s’impose : les
investisseurs sont plus timides face au
risque et s’attendent à être rémunérés
davantage pour prendre du risque.
La volatilité actuelle des marchés et
une meilleure gestion des risques créent
plusieurs opportunités et nous partageons
ici quelques stratégies d’investissement
mises de l’avant récemment avec nos
clients. Nos analyses s’inscrivent dans
une démarche d’investissement guidé
par le passif (IGP), c’est-à-dire que le
risque de la politique de placement est
défini en fonction du passif actuariel.
Les stratégies analysées s’appuient sur
un thème commun : réduire le risque
sans toutefois sacrifier le rendement.
Ces stratégies sont :
1. Stratégies obligataires
2. Transport d’alpha
3. Placements en infrastructure
1. Les stratégies obligataires
ous présentons ici deux solutions prag­
N
matiques disponibles auprès de plusieurs
gestionnaires. Premièrement, les bienfaits
des obligations de long terme au niveau
de l’appariement avec le passif actuariel
ont été largement analysés et commentés.
Au moment d’écrire cet article, l’indice
obligataire de long terme procure un
rendement à l’échéance qui excède par
plus de 50 points centésimaux celui de
20
octobre 2008
l’indice DEX Univers. Dans un cadre
d’IGP, cette stratégie est intéressante non
seulement pour ses attributs de réduction
de risque, mais elle bonifie le rendement
attendu dans les conditions actuelles.
Deuxièmement, depuis août 2007,
les écarts de rendement pour les émet­
teurs autres que le gouvernement fédéral
ont connu un élargissement important.
Nous avons analysé le marché obligataire
canadien et le rendement à l’échéance
des obligations provinciales semblent
attra­yants compte tenu de la liquidité
et du profil de risque de ces titres.
En substi­tuant 30 % des obligations fédé­rales par des obligations provin­ciales,
nous pouvons bonifier le rendement
à l’échéance d’environ 25 points cen­tési­maux par rapport à celui de l’indice
DEX Univers. Étant donné que le défaut
d’une province sur sa dette est un
événe­ment plutôt rare au Canada,
le rendement additionnel semble très
attrayant compte tenu du risque de crédit
et de la liquidité des obligations provin­
ciales. De plus, le porte­feuille a une durée
légèrement supérieure à celle de l’indice
DEX Univers, ce qui offre un meilleur
appariement au passif actuariel.
2. Le transport d’alpha
Une structure de transport d’alpha
combine, en utilisant l’ingénierie finan­
cière, deux sources de rendements
distinctes. D’une part, le beta, associé
au rendement d’un indice, et d’autre
part, l’alpha, associé à la valeur ajoutée
AVANTAGES
d’un gestionnaire. Une telle structure
offre les avantages suivants : l’alpha
peut être non corrélé avec le rendement
des autres actifs, ayant ainsi de bons
attributs de diversification, et le beta
peut être arrimé au passif actuariel et
réduire ainsi le risque.
Ces stratégies sont disponibles aux
plus grandes caisses depuis longtemps,
mais nous assistons actuellement à
l’émergence d’une gamme de produits
structurés en caisse commune destinés
aux petites et moyennes caisses de retraite.
L’investissement en caisse commune
allège l’implantation et le suivi de la
structure qui peuvent s’avérer relativement
complexes pour le comité de retraite ayant
des res­sources internes limitées.
Au niveau du générateur l’alpha, la
plupart des produits disponibles actuel­
lement utilisent des fonds de fonds de
couverture ou des stratégies d’actions
neutres au marché (acheteur/vendeur).
Nous recherchons un générateur d’alpha
dont les rendements ajustés pour le risque
sont attrayants, stables, et non corrélés
avec les autres actifs en porte­feuille. La
liquidité et la trans­parence sont aussi des
facteurs à privilégier dans ces stratégies.
Au niveau du beta, l’outil naturel
dans un cadre d’IGP est une convention
d’échange de paiement, communément
appelé « swap », sur un indice obli­gataire
de longue durée. Typiquement, dans un
swap, un investisseur s’engage à verser
périodiquement à une banque un taux
variable majoré d’une prime et la ban­que s’engage à verser périodiquement à
l’inves­tisseur le rendement total de
l’indice convenu. Aucun capital n’est
requis pour mettre en place le swap.
Les qualités que nous recherchons du
fournisseur est une expertise éprouvée en
produits dérivés, dont la gestion du risque
de contrepartie, et la compré­hension des
enjeux des régimes de retraite.
Nos attentes de rendement pour ces
stratégies sont semblables à celles des
actions. Or, la corrélation avec le passif
actuariel, les attributs de diversification
de l’alpha, et le niveau de volatilité
moindre lorsque que les montants
investis proviennent des actions, en font
des placements intéressants dans un
cadre d’IGP.
www.revueavantages.ca
Tendances en matière de répartition d’actifs
Rendement espéré
6,25 %
Tableau 2
Portefeuille C
Profil rendement / risque
6,22 %;8,29 %;0,75 %
Portefeuille A
6,20 %
Portefeuille B
6,18 %;9,72 %;0,64 %
6,16 %;9,07 %;0,68 %
6,15 %
Désiré
Portefeuilleinitial
6,10 %
6,05 %
Légende
Actions canadiennes
Actions américaines
Actions internationales
Total – actions
Obligations Univers
Obligations long terme
Obligations surpondérées provinces
Total – revenu fixe
Transport d’alpha *
Placements en infrastructure *
Total – Autres placements
Portefeuilleinitial
20 %
20 %
20 %
60 %
40 %
0 %
0 %
40 %
0 %
0 %
0 %
PortefeuilleA
20 %
20 %
20 %
60 %
20 %
10 %
10 %
40 %
0 %
0 %
0 %
10,0 %
Portefeuille B
18,3 %
18,3 %
18,3 %
55 %
20 %
10 %
10 %
40 %
5 %
0 %
5 %
Portefeuille C
16,7 %
16,7 %
16,7 %
50 %
20 %
10 %
10 %
40 %
5 %
5 %
10 %
* Montant requis prélévé des actions, à part égale dans chaque sous-catégorie.
3. Les placements en infrastructure
Le marché des fonds d’infrastructure non
cotés en bourse disponibles aux régimes
de retraite de taille moyenne a connu une
forte croissance lors des dernières années.
Il y a plus de 70 fonds actuellement en
processus de levée de fonds avec un
objectif de capital excédant 90 milliards
de dollars. Les fonds non cotés
représentent une alternative à l’investissement direct, et le montant minimum
d’investis­sement, de l’ordre de 10 millions
de dollars pour plusieurs fonds, rend
ces produits disponibles aux caisses de
retraite ayant des actifs supérieurs à
200 millions de dollars.
Ces statistiques témoignent du plus
grand confort acquis par les investis­seurs
avec ces placements et d’une plus grande
connaissance de cette classe d’actif.
Plusieurs caisses de retraite ont investi
dans ces fonds afin de profiter du revenu
courant élevé, de la diversi­fication par
rapport aux classes d’actif traditionnelles,
et de la nature prévisible, stable et souvent
liée à l’inflation des flux financiers.
Par contre, rappelons les contraintes
particulières des placements en
infrastructure, dont l’absence de liquidité,
22
octobre 2008
intérêts du promoteur du fonds
soient alignés avec ceux des inves­tis­
seurs. À cet égard, nous préférons
les fonds où le promoteur engage
un montant significatif avec celui des
investisseurs;
sont également des facteurs à
considérer.
Note : Respectivementlerendementespéré,lerisqueetleratiorendement / risque
8,5 %
9,0 %
9,5 %
Risque de politique de placement
3.Il est important de s’assurer que les
4.Le niveau et la structure de frais
6,10 %; 9,88 %; 0,62 %
8,0 %
publiques résultent normalement
en des prix d’achat supérieurs,
réduisant le rendement attendu;
la concentration des porte­feuilles, le
risque opérationnel, l’utilisation du levier
financier et les frais de gestion élevés. En
ce sens, cette classe d’actif peut ne pas
convenir à toutes les caisses de retraite,
notamment celles ayant un horizon de
placement susceptible d’être réduit.
Face à la croissance du nombre de
véhicules d’investissement disponibles,
quels sont les facteurs de succès distin­
guant les meilleurs gestionnaires ?
1.D’emblée, nous privilégions
les gestion­naires d’expérience qui
possèdent une expertise
opérationnelle. Par la nature des
investissements et l’influence
exercée par l’acquéreur d’un actif,
la capacité opérationnelle est
absolument essentielle afin
d’exécuter le plan d’affaires et
réaliser le rendement attendu sur
l’investissement;
2.
Nous analysons aussi la capacité
d’un gestionnaire à générer des
transactions privées en opposition
à des processus publics d’enchères.
Par leur nature, les enchères
AVANTAGES
Les placements en infrastructure
s’inscrivent bien dans une répartition
d’actif diversifiée et appariée au passif
actuariel compte tenu des avantages
énoncés ci-dessus.
L’impact des stratégies analysées
Le tableau 2 présente les résultats d’une
modélisation de l’impact au niveau
du rendement attendu et du risque
d’ajouter les stratégies décrites précé­
demment. Le portefeuille initial est
composé de 60 % d’actions (réparties
à part égales entre les actions cana­
diennes, américaines et internationales)
et 40 % d’obligations Univers.
Dans le portefeuille A, la moitié
des obligations Univers est remplacée
par les stratégies obligataires discutées
précédemment, en part égale. Dans les
portefeuilles B et C, 5 % des actions
sont remplacées respectivement par les
stratégies de transport d’alpha et de
placements en infrastructure.
On constate que les stratégies analysées
permettent d’atteindre l’objectif visé de
réduire le risque relativement au passif
actuariel sans sacrifier de rendement, ce
qui optimise la politique de placement
dans un contexte d’IGP. Ainsi, ces
stratégies offrent des pistes de réflexion
intéressantes pour les fiduciaires de
régimes de retraite qui devront composer,
dans un avenir relativement rapproché,
avec de nouvelles normes comptables et
de provisionnement qui valoriseront
davantage la saine gestion des risques. s
Patrick Chamberland, CFA,
f.s.a., f.i.c.a., est conseiller en gestion
d’actifs, chez Normandin-Beaudry,
à Montréal.
www.revueavantages.ca