Aspects juridiques et pratiques sur la recherche des origines en
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Aspects juridiques et pratiques sur la recherche des origines en
Brest, 2015 Qui suis-je, en fait? A qui je ressemble? D’où est-ce que je viens, de quel environnement et de quelle culture ? Quelle a été la raison pour laquelle j’ai été donné pour adoption ? etc. Voilà quelques questions les plus fréquentes que nous avons retrouvées dans les demandes faites auprès de notre institution par les personnes adoptées intéressées pour connaitre leurs origines. Le désir d’obtenir des informations sur leurs racines est déterminé par un besoin naturel de définir leur identité, manifesté à niveau psycho-social et émotionnel. Les démarches pour connaître ses origines sont naturelles, nécessaires et légitimes et débutent à différents âges, mais particulièrement dans les moments où les personnes adoptées deviennent des adultes ou des parents, à leur tour. Bien que l’intérêt et l’ouverture vers le besoin des personnes adoptées de connaître leurs origines aient connu une évolution significative pendant les dernières décennies au niveau international, cette question peut souvent engendrer un conflit d’intérêts, respectivement entre le droit de l’enfant à connaître ses origines et le droit des parents biologiques, spécialement de la mère en certaines situations, à sa vie privée. C’est la raison pour laquelle la jurisprudence CEDH représente une aide importante pour les praticiens dans l’approche des demandes de connaitre les origines. Un exemple à cet égard c’est l’affaire GODELLI c. Italie de septembre 2012. La demandeuse, née en l’an 1943, a été abandonnée lors de sa naissance par sa mère naturelle. Ultérieurement elle a été institutionnalisée et adoptée par une famille de citoyens italiens en l’an 1949. A l’âge de 10 ans, après avoir découvert qu’elle avait été adoptée, elle a demandé à ses parents adoptifs des renseignements sur sa famille naturelle, mais elle n’a reçu aucune réponse. La demandeuse soupçonnait qu’une jeune fille de son village, née le même jour, aussi adoptée, était sa sœur jumelle. Les parents adoptifs des deux jeunes filles leur ont interdit toute interaction. En l’an 2006, elle a demandé des renseignements à cet égard, en s’adressant aux autorités italiennes. On lui a mis à disposition le certificat de naissance mais il n’indiquait pas le nom de sa mère biologique, parce qu’elle n’avait pas consenti à dévoiler son identité. La même année, la cour italienne compétente a rejeté la demande de madame Godelli d’avoir accès à ses origines, en argumentant qu’au moment de sa naissance, la mère biologique n’avait pas été d’accord pour dévoiler son identité. Dans cette affaire, la C.E.D.H. a estimé que s’est produit une transgression de l’article 8 de la Convention. Ainsi, le droit de connaître sa propre identité biologique a été clarifiée comme une composante de la notion de la vie privée. Les traités internationaux La Convention de la Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale, la Convention sur les droits de l’enfant et la Convention Européenne en matière d’adoption d’enfants (révisée), adoptée à Strasbourg en novembre 2008, soulignent le besoin de l’enfant de connaître ses antécédents familiaux. Normes législatives internes Les autorités roumaines reconnaissent l’importance de connaître son propre passé et le droit de l’enfant à connaître ses origines et soutiennent les personnes adoptées à obtenir des informations sur les membres de sa famille biologique ou à les contacter, bien que le passé de la Roumanie dans la recherche des origines soit récent. Depuis 2007, l’activité est encadrée par des professionnels dans le domaine de l’adoption, dans le cadre de l’autorité centrale d’adoption, en collaboration avec les autorités locales du pays entier. Le service qui fournit les informations concernant le passé personnel des personnes adoptées et d’identification des personnes impliquées dans l’adoption est en développement et ajustement continuel. La question est règlementée par la Loi n° 273/2004 portant sur la procédure de l’adoption, republiée et par les dispositions légales spéciales visant la confidentialité des données à caractère personnel et le respect du droit à la vie privée et de famille. ASPECTS PRATIQUES DE L’INSTRUMENTATION DES DEMANDES EN ROUMANIE Pendant les 4 dernières années, le nombre des demandes de recherche des origines a augmenté considérablement en Roumanie. Notre institution a essayé de trouver les solutions les plus adéquates et de soutenir chaque demandeur, compte tenu aussi bien des implications émotionnelles que des procédures légales. Les lignes directrices sont le respect du droit de la personne adoptée à connaitre ses origines, le respect de la confidentialité de la découverte des données à caractère personnel, l’assurance d’un équilibre entre les besoins et les droits de chaque partie impliquée en adoption. Les demandes des personnes adoptées sollicitent des renseignements spécifiques: Informations qui se retrouvent dans le dossier d’adoption ou concernant les circonstances de l’adoption; des démarches pour dévoiler l’identité des parents biologiques; le contact de la famille biologique le contact de l’assistant maternel professionnel ou d’autres personnes qui ont accueilli l’adopté avant son adoption; informations visant le trajet institutionnel ou des aspects socio-médicaux du dossier de l’enfant, selon la situation particulière de chaque demandeur. Ainsi, la solution des demandes exige une approche particularisée de chaque cas. Dès la première correspondance/rencontre, notre institution recommande à toutes les personnes adoptées qui désirent démarrer les démarches à s’adresser tout d’abord aux services de conseil. Selon l’objectif général de chaque cas, dans la période 2009 – 2014 on a enregistré des demandes visant les suivantes : Contacter la mère biologique ; Contacter les parents biologiques; Contacter la famille biologique; Contacter les frères biologiques ; Contacter l’assistant maternel professionnel; Contacter les frères biologiques adoptés ; Contacter le père biologique; Visite au centre, à la maternité Infos généraux sur le dossier d’adoption (y inclus médicaux); Identité des parents biologiques; Type de demande Contacter la mère biologique Contacter les parents biologiques Contacter la famille biologique Contacter les frères biologiques Contacter l’assistant maternel professionnel Contacter les frères biologiques adoptés Contacter le père biologique Visite au centre, à la maternité Infos généraux sur le dossier d’adoption (y inclus médicaux) Identité des parents biologiques Total ¹: Demande % 26,73 22,45 21,39 2,67 1,06 1,60 0,53 3,74 8,02 11,76 100% Fig. 1 : Pourcentage des demandes faites par les adoptés selon l’objective de leur démarche 1] Données enregistrées pendant la période 2009 – 2014 12% freres/soeurs biologiques 5% mere biologique 50% pere biologique 33% autres membres de la famille biologique (oncles, tantes, grandparents, arrieregrandparent) Fig. 2 Pourcentage des cas selon la catégorie de demandeur De l’analyse de toutes les demandes reçues par notre institution, il résulte que le segment représentatif comprend les personnes adoptées à l’étranger âgées 18 - 28 ans, surtout des personnes nées entre les années 1991 - 2001, lorsqu’on a enregistré d’augmentations significatives des adoptions internationales. La plupart des demandes a été adressée directement à l’A.N.P.D.E.A par les personnes adoptées à l’étranger ou par un intermédiaire (des autorités centrales en matière d’adoption internationale de l’Etat d’accueil, des ambassades, des fondations avec attributions dans le domaine de la protection de l’enfant ou de l’adoption, un avocat, la D.G.A.S.P.C. - Direction Générale d’Assistance Sociale et Protection de l’Enfant). Je vous présente, comme exemple, la lettre formulée par une jeune fille adoptée en 1991 par une famille française. Elle s’appelle Marie, née en novembre, 1990. Elle nous a contactés à l’âge de 21 ans, quand elle est devenue mère. Margareta, L’histoire qui nous lie date de 20 ans. C’est après ces nombreuses années que j’essaie de te retrouver. Cette durée a permis que j’ai suffisamment de force pour venir vers toi, peut être connaitre un refus de ta part, ou bien peut être de connaitre des histoires douloureuses. Je pense que pendant toutes ces années, beaucoup de choses se sont passées dans ta vie et que je viens peut être réveiller des souvenirs compliqués. Pour cela, je suis désolée. Néanmoins, j’ai souhaité de puis longtemps revenir vers toi. Avant tout, tu dois savoir que je ne te juge pas pour ce que tu as dû faire. Aujourd’hui ma vie est belle parce que tu m’as donné la chance d’être adoptée et j’ai une famille très bien. On ne m’a jamais caché mon histoire. Maintenant je suis maman, j’aime beaucoup mon fils et j’aime beaucoup les enfants. Je travaille pour une institution pour des enfants en difficulté. J’aimerais beaucoup en savoir un peu de plus. Principalement sur toi : Quel visage as-tu? Est-ce que tu as fondé ta famille ? Je n’ai pas de frère ou de sœur. Peut-être j’ai des demi-frères ou demi-sœur en Roumanie ? Ensuite, je me pose la question de « pourquoi » ? Pourquoi est-ce que tu as dû me confier à la crèche ? Mais cette question te rappelle surement des choses très compliquées. Un jour peut-être tu accepteras de m’en parler. Tu peux me répondre en écrivant si tu le souhaites. Même si tu ne réponds pas a toutes mes questions. En espérant que la lecture de cette lettre n’était pas trop difficile, j’attends avec impatience ta réponse. Ci-joint tu trouves quelques photos de moi. Marie» Le total des demandes reçues par l’A.N.P.D.E.A. (Agence Nationale de Protection des Droits de l’Enfant et Adoption) met en évidence les situations suivantes: I. Demandes reçues de la part des personnes adoptées au niveau national ou à l’international II. Demandes de la part des adultes qui n’ont pas la certitude d’avoir été adoptés III. Demandes reçues de la part des parents biologiques/alliés biologiques Demandes reçues de la part des personnes adoptées par des citoyens étrangers Du total des 424 demandes formulées par les personnes adoptées àl’international, environ 59% des personnes adoptées à l’étranger ayant formulé de demandes ont été adoptées en France, aux Etats-Unis, à Malte et en l’Allemagne. Les demandes reçues de la part des personnes adoptées par des citoyens français sont 103. Etat d’accueil Demandes % Etat d’accueil Demandes % France 24,13 % Pays-Bas 4,44 % Etats-Unis 15,52 % Irlande 3,44 % Malte 12,02 % Grande Bretagne 2,44 % Allemagne 8,02 % Canada 4,44 % Belgique 4,02 % Danemark 1,87 % Chypre 6,9 % Israël 2,87 % Nouvelle Zélande 5,02 % Australie, Autriche, Suisse, Grèce, Italie, Espagne, Suède 9,82 % TOTAL 100 % Fig. 2 Pourcentage des cas selon la catégorie de demandeur Apres l’avoir informée sur le désir de sa fille biologique de la contacter et après avoir reçu la lettre de Marie, la mère biologique a été très émue et elle a consenti à porter une correspondance, puis à rencontrer Marie. Chère Marie, Je suis très heureuse d’avoir reçu ta lettre. J’ai toujours pensé à toi et le fait que j’ai reçu des nouvelles de toi m’a fait pleurer de joie. Marie, tu es grandie et tu es très belle grâce à tes parents qui t’ont élevé et éduqué avec dévotement. Je te prie de me pardonner si tu peux ; ma situation matérielle est si précaire que tu n’aurais jamais bénéficié d’une si bonne éducation que tu as eu grâce à tes parents adoptifs. A présent, je suis mariée et mon marrie connait l’histoire de ton adoption. Je serais très heureuse de te rencontrer, ainsi que tes demi-frères Tibi et Zollti et ta demi-sœur Elisabeta. Je remercie beaucoup tes parents adoptifs pour tout ce qu’ils ont fait pour toi ; que Dieu leur donne santé et joie. Chère Marie, tu ressembles plus à ton père et à ta sœur. Nous sommes heureux de savoir que tu aimes les bébés et les enfants et par cela tu nous as donné une leçon de vie. Voici des photos de nous. Nous te souhaitons santé, joie et que tu sois très heureuse. Affectueusement, Ta mère