La composante génétique du diabète de type 2
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La composante génétique du diabète de type 2
Pratique clinique La composante génétique du diabète de type 2 : suivi des progrès scientifiques du projet DGDG Yanick Farmer et Denise Avard Selon les estimations de la Fédération Internationale du Diabète, 246 millions de personnes sont atteintes de diabète dans le monde. Près de 90 % d’entre elles sont atteintes de diabète de type 2. Les conséquences pour la santé publique à l’échelle mondiale sont dévastatrices. L’Organisation mondiale de la Le Canada n’échappe pas à l’épidémie mondiale de diabète de type 2 : en 2005, 1,3 million de Canadiens, soit 4,9 % de la population âgée de 12 ans et plus, étaient atteints de diabète.1 En outre, d’après l’Agence de la santé publique du Canada, près de 60 000 nouveaux cas santé estime qu’un décès sur 20 dans le monde est provoqué sont diagnostiqués chaque année, soit un par le diabète et que près de 15 % du budget annuel des soins taux d’incidence de 2,6 cas pour 1000 de santé est consacré à cette condition. Etant donné la généralisation des modes de vie sédentaires, la consommation accrue d’aliments riches en sucres et en graisses et le vieillissement de la population, il est estimé que d’ici 2025, 380 millions de personnes seront atteintes de diabète. Toutefois, les facteurs responsables de cette pandémie ne sont pas uniquement liés à l’environnement et au mode de vie ; des facteurs génétiques majorent le risque de développer un diabète de type 2. Yannick résidents de plus de 12 ans.2 Cependant, les causes du diabète de type 2 ne sont pas uniquement liées à l’environnement, à l’alimentation et au mode de vie. Des facteurs génétiques interviennent et majorent le risque de développer la condition. Le diabète de type 2 est complexe à la fois en termes d’étiologie et de gestion puisque des facteurs génétiques et environnementaux sont impliqués. Farmer et Denise Avard font le point sur l’évolution de notre C’est précisément à la lumière de ces fac- compréhension des facteurs héréditaires associés à la condi- teurs génétiques qu’une équipe de cher- tion acquise à travers un projet de recherche révolutionnaire mené au Canada et en France. cheurs canadiens et français a mis sur pied en 2004 le projet Diabetes Gene Discovery Group (DGDG), dont l’objet est Mars 2008 | Volume 53 | Numéro 1 31 32 Pratique clinique Les causes du diabète de type 2 ne se limitent pas à l’environnement, à l’alimentation et au mode de vie. de découvrir les gènes qui prédisposent relation le poids et le développement du Les gènes TCF7L2 et HHEX sont des facteurs certaines personnes au diabète de type 2. diabète de type 2. de transcription qui régulent les activités d’autres gènes. Les études réalisées sur les Les différentes équipes participant au projet animaux ont montré que l’absence de ces ment diffèrent chez les personnes atteintes Identification de quatre gènes de prédisposition – un progrès majeur de diabète de type 2. Grâce notamment à la technologie per- pement du fœtus et de nombreux organes, mettant d’analyser l’ensemble du génome dont le pancréas. Enfin, le gène SLC30A8 Les chercheurs se sont intéressés aux gènes (dépistage génomique), le travail de ces produit la protéine ZnT8, qui intervient et aux protéines qui empêchent les cellules équipes, basées principalement au Canada dans le transport du zinc, qui à son tour bêta du pancréas de produire une quantité et en France, a conduit à une découverte permet aux molécules d’insuline de se fixer suffisante d’insuline (troubles de la sécré- scientifique très significative. Dans un article dans le pancréas. tion) ainsi qu’à ceux qui empêchent le bon récent publié dans la revue Nature, les fonctionnement de l’insuline dans les tissus chercheurs du projet DGDG ont expliqué Dans un premier temps, ce travail a été (insensibilité à l’insuline). Puisque l’obésité qu’ils avaient découvert quatre gènes qui réalisé sur la base de l’analyse de l’ADN est souvent associée au diabète, le projet pourraient expliquer jusqu’à 70 % de l’hé- de 694 personnes atteintes de diabète de a également cherché à identifier les gènes rédité du diabète de type 2. Il s’agit des type 2 non obèses ayant des antécédents et protéines qui permettraient de mettre en gènes TCF7L2, HHEX, EXT2 et SLC30A8. familiaux de la condition – ce qui a permis ont cherché à identifier les gènes et protéines dont la quantité et/ou le fonctionne- Mars 2008 | Volume 53 | Numéro 1 3 gènes altérait l’activité du pancréas. Le gène EXT2 joue un rôle dans le dévelop- Pratique clinique de se concentrer sur les facteurs strictement causes d’obésité chez les enfants, ainsi que des différentes questions éthiques, légales génétiques. Ces analyses ont ensuite été de certains cancers liés à l’obésité. et sociales liées à la génétique des condi- comparées à l’ADN de 669 personnes non tions complexes comme le diabète. Ensuite, atteintes de diabète. Les meilleurs résultats Les prochaines étapes une conférence sera organisée, ouverte au de ces analyses ont ensuite été confirmés Le projet, lancé il y a trois ans, est presque grand public, aux chercheurs associés au chez 5500 autres personnes atteintes de terminé – du moins dans son volet purement projet, aux cliniciens et aux membres des diabète. Sur la base de ces résultats, il a scientifique. Certains aspects doivent être associations qui soutiennent les personnes été possible de mettre en évidence un lien finalisés, notamment la question du transfert atteintes de diabète. Nous espérons que ce avéré entre le diabète de type 2 et les de connaissances vers la communauté, qui projet pourra contribuer à améliorer la santé quatre gènes susmentionnés. fait partie du volet éthique associé à ce publique et à développer les informations projet. Le diabète est un problème de santé accessibles au grand public. Ces recherches seront utiles à plusieurs publique dont les conséquences, importan- niveaux. Elles permettront d’établir avec tes et variées, exercent une pression énorme une plus grande certitude les risques de et grandissante sur les systèmes de soins de développer la condition et donc de mettre santé nationaux. Etant donné l’ampleur du en place de meilleurs outils de prévention défi que représente le diabète pour le grand et de traitement. Par exemple, quelques- public, la diffusion des informations et des uns des gènes découverts, en particulier nouvelles connaissances dans ce domaine le transporteur de zinc ZnT8, pourraient constitue par conséquent une question éthi- constituer des objectifs thérapeutiques in- que de première importance. téressants pour lutter contre le diabète de type 2. Les conclusions du projet DGDG Ainsi, sous la responsabilité de l’équipe pourraient également permettre de mieux Génétique et société du Centre de recherche comprendre les facteurs génétiques qui en droit public de l’Université de Montréal, prédisposent certaines personnes aux Canada, le transfert de connaissances se tra- complications vasculaires du diabète et duira initialement par la création d’une base pourraient contribuer à clarifier certaines de données de questions fréquentes traitant 10 principaux pays en nombre de personnes atteintes de diabète (20-79 ans)4 2007 Pays 2025 Nbre de personnes Pays (en millions) Nbre de personnes (en millions) Inde 40,9 Inde 69,9 Chine 39,8 Chine 59,3 états-Unis 19,2 états-Unis 25,4 Russie 9,6 Brésil 17,6 Allemagne 7,4 Pakistan 11,5 Japon 7,0 Mexique 10,8 Pakistan 6,9 Russie 10,3 Brésil 6,9 Allemagne 8,1 Mexique 6,1 Egypte 7,6 Egypte 4,4 Bangladesh 7,4 Yanick Farmer et Denise Avard Yanick Farmer est associé de recherche auprès du Centre de recherche en droit public de l’Université de Montréal, Canada. Denise Avard est directrice de recherche pour le projet Génétique et société du Centre de recherche en droit public de l’Université de Montréal, Canada. Remerciements Les auteurs souhaitent remercier Genome Quebec et Genome Canada pour le financement du projet DGDG, ainsi que Rob Sladek, Barry Posner, Constantin Polychronakos, Philippe Froguel et Mark Prentki, les principaux chercheurs impliqués dans le projet DGDG, de nous avoir fourni les informations nécessaires à la rédaction de cet article. Le projet DGDG a rassemblé des équipes des universités de Montréal et de McGill au Canada, et du Centre National de la Recherche Scientifique et de l’Université de Lille 2 en France. Références 1 S tatistics Canada. Survey of 2005 on health in Canadian communities. Statistics Canada. Ottawa, 2005. 2 Public Health Agency of Canada. Diabetes in Canada. Health Canada. Ottawa, 1999. 3 Sladek R, et al. A genome-wide association study identifies novel risk loci for type 2 diabetes. Nature 2007; 445: 881-5. 4 Fédération Internationale du Diabète. Diabetes Atlas troisième édition. FID. Bruxelles, 2006. Mars 2008 | Volume 53 | Numéro 1 33