économie

Transcription

économie
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0123
Mardi 10 janvier 2012
En hausse
En baisse
Les cours du jour ( 09/01/12 , 09 h 40 )
automobile – Le constructeur allemand
sidérurgie – Le géant mondial de l’acier Arce-
BMW a vendu 1,67 million de voitures en 2011,
une hausse de 14,2 % qui lui permet de conserver
sa place de numéro un mondial de l’automobile
haut de gamme, devant ses compatriotes
Mercedes-Benz (Daimler) et Audi (Volkswagen).
lorMittal, qui détient 70 % du capital du complexe sidérurgique d’El-Hadjar, près d’Annaba dans
l’est de l’Algérie, a déposé, dimanche 8 janvier,
auprès d’un tribunal algérien, une demande de
cessation de paiement.
Euro
Or
Pétrole
Taux d’intérêt
Taux d’intérêt
1euro
Once d’or
LightSweet Crude
France
Etats-Unis
1,2717 dollar (achat)
1 616,5 dollars
101,74 dollars
3,39 (à dix ans)
1,96 (à dix ans)
De la taxe Tobin à l’impôt de Bourse
M.Sarkozy veut frapper les esprits avant l’élection présidentielle mais, des annonces à la réalité, il lui faut composer
I
l veut montrer qu’il est président. Pour souligner en creux le
flou des propositions de François Hollande, Nicolas Sarkozy est
prêt à prendre, avant l’élection présidentielle, des mesures spectaculaires, comme la taxe Tobin sur les
transactions financières réclamée
depuisquinze ansparlesaltermondialistes, ou impopulaires, comme
la TVA sociale. Il l’a annoncé lors de
ses vœux et compte bien construirejusqu’auboutcetteimaged’homme d’Etat. C’est en tout cas la thèse
du politologue Patrick Buisson,
conseiller de M. Sarkozy, qui estime que l’opinion s’attend à des
« coups fourrés », des promesses
non tenues après le scrutin.
C’est dans cet état d’esprit que le
chef de l'Etat allait à Berlin, lundi
9janvier, rencontrer la chancelière
allemande Angela Merkel. Au
menu, la crise de l’euro, mais aussi
l’européanisation des mesures
annoncées le 31 décembre.
Mais, des annonces à la réalité, le
chemin est difficile. La taxe Tobin
pourrait se réduire, au moins dans
un premier temps, à la réintroduction de l’impôt de Bourse, qui taxe
les simples achats d’actions. « Ça
n’est pas faux », admet en souriant
un ministre.
Le chef de l'Etat veut faire payer
la finance, responsable à ses yeux
de la crise économico-financière, et
adopter la taxe sur les transactions
financièresen conformitéavec une
proposition de directive de la Commission européenne de septembre 2011 : 0,1 % sur les achats d’actions et les obligations et 0,01 % sur
les produits dérivés.
Bruxelles vise une mise en
œuvre en 2014. Mais la présidence
danoise de l’Union européenne
(UE) n’a pas encore inscrit le sujet
au menu des ministres des finances. La mesure – si elle était adoptée
par les Vingt-Sept, chose improba-
La chancelière allemande, Angela Merkel, et le président français, Nicolas Sarkozy, le 5 décembre 2011 à l’Elysée. REMY DE LA MAUVINIERE/AP
ble compte tenu du refus de Londres – rapporterait 57 milliards
d’euros par an. Qui plus est, il est
techniquement compliqué de
taxer les produits dérivés, les informationsn’étantpastoujoursdisponibles et les transactions réalisées
dans une même journée pas toujours inventoriées. Et s’il est facile
de taxer les obligations, Bercy s’y
refuse en pleine crise de la dette
souveraine. « On va avoir du mal à
dire aux investisseurs d’acheter nos
OAT tout en les taxant », s’inquiète
unministre,alorsquelespayseuropéens ont un programme d’émission massif d’obligations.
S’afficher en précurseur
Reste la taxe sur les actions, qui
reviendrait à remettre au goût du
jour l’impôt de Bourse. Et qui a
l’avantage d’exister à Londres sous
forme d’un droit de timbre de
0,5 %, avec à la clef, selon Bercy, 2 à
3 milliards de livres par an pour le
Trésor britannique.
L’idée serait donc de voter avant
les élections une loi qui transpose
par avance la directive européenne
et commencerait par faire entrer
en vigueur l’impôt de Bourse, la
taxation des obligations et produits dérivés intervenant plus
tard. M. Sarkozy espère que
Mme Merkel ira de l’avant fin 2012
début2013. Il veut s’afficher en précurseur tout en prétendant ne pas
faire cavalier seul même si ses partenaires ne passent aux actes
qu’après l’élection présidentielle
française.
La place de Paris brandit la menace des délocalisations
AU MIEUX inutile, au pire injuste
et contre-productive… L’idée
d’une taxe sur les transactions
financières menée en solo à Paris
pour « montrer l’exemple» fait évidemment bondir les professionnels des marchés.
Ainsi, Paris Europlace, l’organisation qui représente l’ensemble
des acteurs de la place financière
française, n’a pas manqué, avant
la rencontre entre le président
français Nicolas Sarkozy et la chancelière allemande Angela Merkel,
lundi 9 janvier, d’exprimer fermement son opposition. Une telle initiative, si elle n’était pas européenne, « affaiblirait l’économie française. », assure l’organisation.
L’argument principal des
experts consiste à évoquer le choc
d’une délocalisation. Les transactions financières, disent-ils, peuvent facilement s’expatrier là où
les charges seront plus légères et
les profits plus séduisants comme
à la City de Londres, qui attire déjà
nombre de jeunes prodiges de la
finance formés dans les universités françaises. La menace a du
poids. En 2007, Christine Lagarde,
alors ministre des finances n’avaitelle pas décidé de la suppression
de l’impôt de Bourse – cette « taxe
sur la spéculation » datant de 1893
pour remédier à la fuite de ces
« as » de la finance ?
« Les transactions se faisant de
façon électronique, il est très facile
de ne plus les faire depuis Paris »,
insiste Rémi Leservoisier, le directeur général de Mandarine Gestion pourtant pas opposé au principe d’une telle taxe « si elle est
d’un taux très faible et appliquée
partout ».
Cette version française d’une
« taxe Tobin » est aussi jugée inappropriée par les professionnels :
elle vise les banques françaises, les
sociétés de gestion et les sociétés
d’assurance, qui, selon eux, n’ont
pas démérité dans la crise, contrairement à nombre d’établissements anglo-saxons.
Plus grave, cette taxe, ayant
pour objet de lutter contre la spé-
culation financière, toucherait
disent-ils, à la fois des transactions spéculatives mais aussi celles réalisées par les investisseurs
privés. Affectant par ricochet les
entreprises et l’épargne des
ménages.
Les financiers ne sont pas seuls
à protester. «Nous serions tous perdants », a ainsi assuré Laurence
Parisot, présidente du Medef, l’organisation patronale, dimanche
8 janvier, lors de l’émission Internationale, sur TV5 et RFI avec Le
Monde. Avant de relativiser la portée d’une telle taxe, qui « ne changerait pas grand-chose ». p
Claire Gatinois
et Clément Lacombe
A Berlin, M. Sarkozy et Mme Merkel parleront aussi croissance, alors
que la zone euro semble promise à
la récession et que le sommet européen du 30 juin doit définir « une
stratégie de croissance » pour le
Vieux Continent, en insistant
notamment sur la mobilité des
travailleurs et la meilleure utilisation des aides européennes pour
renforcer la compétitivité des pays
européens.
L’emploi, thème du sommet du
18janvier à l’Elysée, sera également
au cœur des discussions entre le
président et la chancelière. Avec
comme objectif, pour M. Sarkozy,
de préparer les esprits à la TVA dite
sociale, adoptée en Allemagne en
janvier 2007. Elle doit réduire le
coût du travail, en permettant d’alléger les charges patronales. Une
loi sera votée avant la présidentielle et des rumeurs d’usage de l’article49-3 circulent.
Le projet doit être massif, Bercy
ayant fait des simulations prévoyant jusqu’à 5 points de hausse
de TVA, pour atteindre 34milliards
d’euros et financer la branche
famille de la Sécurité sociale. L’idée
de financer en partie le projet via
une hausse de la CSG a été défendue un temps par François Baroin,
le ministre de l’économie, mais est
contestée par certains proches de
M. Sarkozy. « On peut prendre des
mesures impopulaires en pleine
campagne, mais il ne faut pas pousser », argue un conseiller du président. Enfin, l’idée d’augmenter de
6 centimes la taxe sur les produits
pétroliers a aussi du plomb dans
l’aile, jugée contracyclique alors
que les cours du brut s’envolent.
«Silamesureapparaîtcontrelepouvoir d’achat, on aura de gros problèmes avec les députés », s’inquiète
un ministre qui escompte que le
compromisfinalconduiraà baisser
aussi les charges salariales. p
Arnaud Leparmentier
Agenda
20 janvier Rencontre à trois, à
Rome, entre Mario Monti, Angela
Merkel et Nicolas Sarkozy.
23 janvier Lors d’un Eurogroupe,
Paris et Berlin doivent présenter
une contribution franco-allemande sur l’assiette de la future taxe
sur les transactions financières.
30 janvier Lors d’un sommet,
chefs d’Etat et de gouvernement
vont discuter de la future taxe.
Egalement au programme : l’emploi et le futur traité sur l’union
budgétaire, adopté le 9 décembre.
1er et 2 mars Le traité doit être
signé par vingt-six des vingtsept Etats membres, dans le but
d’entrer en vigueur à la mi-2012.
SeaFrance: Eurotunnel vole au secours du projet de SCOP porté par la CFDT
Le tribunal de commerce de Paris devait examiner, lundi 9janvier, la solution fragile portée par le syndicat majoritaire de la compagnie de ferries
N
ouveau rebondissement
dans le dossier SeaFrance.
Le groupe Eurotunnel se
dit prêt à soutenir leprojet de société coopérative et participative
(SCOP) défendu par la CFDT Maritime nord pour reprendre la compagnie de ferries Transmanche qui
emploie 880 personnes et assure
la liaison Transmanche CalaisDouvres.
Révélée,lundi 9janvier, par Libération, cette offre-surprise survient au moment même où le tribunal de commerce de Paris devait
examiner, lundi en milieu de mati-
née, la solution portée par le syndicat majoritairechez SeaFrance. Jusqu’à présent, la plupart des observateurs considéraient que le projet
de SCOP était condamné à êtrerejeté par le tribunal, en raison d’un
financement insuffisant et d’un
business plan fragile.
Selon Libération, le PDG d’Eurotunnel, Jacques Gounon, a envoyé,
vendredi, aux administrateurs
judiciaires, Emmanuel Hess et
Christophe Thévenot, une lettre
dans laquelle son groupe exprime
« le souhait de pouvoir se porter
acquéreur de tout ou partie des
actifsdeSeaFrance envue depréserver les chances de recréer une activité maritime au départ de Calais ».
Toutefois, précise le courrier, cette
option ne pourra être explorée que
si la cession des actifs de SeaFrance
est « consécutive à sa liquidation ».
« Toutes bonnes à étudier »
«Je considère aujourd’hui que la
proposition de SCOP est celle qui est
la plus crédible car la plus acceptable socialement, affirme M. Gounon dans un entretien accordé à
Libération. Ce projet est soutenu
par la majorité des salariés de Sea-
France et permettrait de maintenir
un maximum d’emplois à Calais. »
L’exploitant du tunnel sous la
Manche est candidat pour contrôler au moins 51 % d’une « structure
deportage»quirachèteraitlesnavires de SeaFrance et les louerait à la
SCOP, chargée de l’exploitation.
« Toutes les propositions sont
bonnes à étudier », réagit Thierry
Mariani, le ministre des transports.
Un cadre de SeaFrance se dit, lui,
surpris par les déclarations de
M. Gounon car Eurotunnel s’était
heurté, jadis, aux troupes de la
CFDT Maritime nord : elles avaient
occupé des emprises du chantier
du tunnel sous la Manche, lors de
mouvements de protestation.
Pour ce même cadre de SeaFrance, l’offre d’Eurotunnel peut aussi
être une façon de faire « monter les
enchères » sur les bateaux de la
compagnie de ferries. Si leur prix
augmente, cela complique la tâche
du tandem Louis Dreyfus Armateur-DFDS, qui reste intéressé par
une reprise de SeaFrance.
Préoccupé par ce dossier social
à moins de quatre mois du premier tour de l’élection présidentielle, Nicolas Sarkozy avait organi-
sé, dimanche à l’Elysée, une réunion interministérielle pour étudier les différentes solutions de
sauvetage. La ministre de l’écologie et des transports, Nathalie Kosciusco-Morizet a par ailleurs évoqué la possibilité de reclassement
d’une partie des salariés dans la
maison mère. « La SNCF pourrait
proposer un reclassement à
260 personnes », a-t-elle précisé à
l’Agence France-Presse. p
Bertrand Bissuel
n Lire aussi page 16
Notre enquête sur SeaFrance
0123
société
Mardi 10 janvier 2012
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Pour limiter
Tarnac:lajusticeenquêtesurdesécoutes
les «abus»,
illégalesmenéesavantl’affairedusabotage
La juge instruit sur le chef d’atteinte au secret des correspondances et à l’intimité de la vie privée
l’abattage rituel
sera mieux encadré C
Les animaux abattus rituellement ne devraient
plus être commercialisés dans la filière classique
L
es défenseurs des animaux y
ont vu une victoire. Les religieuxun«compromis»acceptable. Un décret, paru le 28 décembre 2011, prévoit de durcir la réglementation en vigueur sur l’abattage rituel. Apparemment technique, le sujet alimente depuis des
mois des querelles entre les « animalistes» et les communautés juiveetmusulmane,adeptesdeceprocédé qui suppose de tuer les animaux sans les avoir étourdis au
préalable. Il est aussi devenu politique depuis que des groupes identitaires proches de l’extrême droite
ont saisi là un moyen de dénoncer
une forme de « communautarisme». Arbitres de ces débats éthicopolitiques, les pouvoirs publics en
discutent de manière récurrente
aux niveaux français et européen.
C’est dans ce contexte que la France, qui défend la dérogation accordée depuis 1962 aux religieux dans
cedomaine,publiecedécret.«Ilpermettradesortirdelastigmatisation
et des polémiques », estime-t-on au
ministère de l’agriculture, où l’on
insiste sur « la concertation entre
religieux, défenseurs des animaux
et responsables d’abattoirs ayant
permis d’aboutir à ce texte».
« Stigmatisation »
A partir de juillet, les abattoirs
devront justifier auprès du préfet
« d’un matériel adapté et d’un personnel formé, de procédures garantissant des cadences et un niveau
d’hygiène adaptés à cette technique d’abattage ». Surtout, les professionnels devront disposer
« d’un système d’enregistrement
permettant de vérifier que l’usage
de la dérogation correspond à des
commandescommerciales». Autrement dit, les animaux abattus
rituellement ne doivent être destinés qu’à la consommation halal ou
cachère et non se retrouver dans la
filière commerciale classique.
Cette pratique, régulièrement
dénoncée par les pourfendeurs de
l’abattage rituel, se serait développéecesdernières années et justifierait la nouvelle réglementation.
« Pour des abattoirs qui pratiquent
l’abattagerituel, ilest pluséconomique de faire du “tout halal” que de
changer le process en cours d’abattage, quels que soient leurs clients »,
souligne la spécialiste du halal Florence Bergeaud-Blackler.Auministère de l’agriculture, on reconnaît
que « 10 % à 12 % des bovins et 75 %
des ovins sont abattus selon cette
pratique », des « abus » qui ne correspondent ni à la consommation
française ni aux volumes exportés
vers les pays musulmans.
En ce qui concerne le rituel juif,
la question se pose pour d’autres
raisons.Laloi juiveinterdit demanger l’arrière de la bête ; aussi, entre
50 % et 70 % de la viande abattue
rituellement est jugée impropre à
la consommation des pratiquants.
Elle est en revanche écoulée dans le
circuit classique.
Si les contrôles sont effectifs,
limiter l’abattage rituel aux commandes devrait permettre de
connaîtrelevolume deviandeabattue de cette manière en France et
« favoriser les bonnes pratiques »,
estime Mme Bergeaud-Blackler. Les
responsables du Conseil français
du culte musulman (CFCM) voient
dans ce texte un moyen d’assainir
un marché où règnent fraude et
approximations. Fethallah Otmani,responsabled’AVS,l’un desprincipaux organismes de certification
de la viande halal, craint toutefois
que « ces nouvelles contraintes rendent l’abattage rituel plus complexe et que certains abattoirs reviennent à l’étourdissement préalable ».
Les autorités juives se montreront « vigilantes », mais devraient
pouvoir continuer à abattre rituellement le nombre de bêtes nécessaires à la communauté, en tenant
compte des contraintes de lacacherout. Ce décret constitue aussi à
leurs yeux un moindre mal par
rapport à « l’étiquetage », réclamé
dans plusieurs pays européens et
repris en 2010 par une cinquantaine de députés UMP. Au nom de l’information du consommateur, ces
derniers, – qui ont finalement retiré leur texte –, demandaient qu’il
soit précisé sur l’emballage que les
bêtes ont été tuées sans étourdissement préalable.
Or, cet étiquetage est perçu par
la communauté juive comme
« une stigmatisation », rappelle le
rabbin Bruno Siszon, responsable
de ce dossier auprès du grand rabbin de France. Cette pratique pourrait donner lieu à des « campagnes
de boycott ». « Si on étiquette pour
le rituel, il faut le faire pour tout :
préciser comment les bêtes ont été
étourdies, rappeler que 6 % à 16 %
des étourdissements sont inefficaces chez les bovins… » La Commission européenne devrait se pencher à nouveau sur l’étiquetage
dans les prochains mois. De leur
côté, les Pays-Bas ont tenté d’interdire l’abattage rituel, avant d’y
renoncer en décembre 2011. La pratique est déjà proscrite en Suède,
en Norvège, en Suisse.
Dans ce contexte, le décret français anticipe une réglementation
européenne attendue pour 2013
visant à renforcer « le respect du
bien-être animal » dans les abattoirs. Il permet aussi d’échapper à
l’étiquetage, dont le gouvernement ne veut pas, et confirme l’attachementde la France– qui compteles plus fortes communautés juive et musulmane d’Europe –, à la
dérogation accordée aux religieux
au nom de la «liberté de culte ». p
Stéphanie Le Bars
Karachi Dominique de Villepin entendu par les juges
L’ancien premier ministre Dominique de Villepin a été convoqué, lundi
9janvier, par les juges Renaud Van Ruymbeke et Roger Le Loire pour être
entendu dans le volet financier de l’affaire de Karachi. «Je suis très heureux de cette occasion de pouvoir contribuer à la vérité », a déclaré l’ancien secrétaire général de l’Elysée sous la présidence de Jacques Chirac.
Sécurité Claude Guéant crée une « haute autorité »
Le ministre de l’intérieur, Claude Guéant, devait installer, lundi 9 janvier, le Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS), une
« haute autorité » destinée à moraliser, réglementer et surveiller les
entreprises de ce secteur. Près de 1 000 entreprises se créent chaque
année, embauchant anciens policiers, gendarmes ou militaires. – (AFP.)
Police Neuf personnes interpellées à Clermont-Ferrand
Neuf personnes ont été interpellées à Clermont-Ferrand, samedi 7 et
dimanche 8 janvier, après l’incendie d’une trentaine de véhicules
durant les nuits précédentes. Ces événements font suite à l’interpellation violente, la nuit de la Saint-Sylvestre, d’un homme qui tombera
dans le coma après son arrestation.
’est une nouvelle petite victoire pour les mis en examen de Tarnac (Corrèze),
soupçonnés depuis novembre 2008 d’avoir saboté des lignes
de la SNCF. Une information judiciaire a été ouverte dans l’affaire
des écoutes sauvages de l’épicerie
gérée par le petit groupe, un dossier annexe au sabotage.
La juge d’instruction de Brive-laGaillarde a estimé, le 3 janvier, qu’il
y avait lieu à instruire sur le chef
d’« atteinte au secret des correspondances » et d’« atteinte à l’intimité
de la vie privée » que le procureur
dela République souhaitaitécarter.
Pour Me William Bourdon, l’avocat
de la société du Magasin général de
Tarnac, qui avait porté plainte avec
constitution de partie civile en
février 2011, la justice rentre ainsi
dans la «phase sombre du dossier».
Le 11 novembre 2008, neuf personnes appartenant à la mouvance « anarcho-autonome » sont
interpellées à Tarnac (Corrèze) et
Paris. Elles sont accusées d’avoir
posé des crochets métalliques sur
des caténaires pour désorganiser
les lignes de la SNCF en octobre et
novembre 2008. A l’issue de leur
garde à vue, quatre d’entre elles
sont remises en liberté, cinq sont
placés en détention provisoire.
Tous sont mis en examen pour
« association de malfaiteurs en vue
de la préparation d’un acte terroriste », sauf Julien Coupat, considéré
comme le leader du groupe, qui
est mis en cause pour « direction
ou organisation d’un groupement
formé en vue de la préparation
d’un acte terroriste ». Installé dans
le petit village de Corrèze depuis le
début des années 2000, le groupe
s’occupe d’une épicerie-bar-restaurant et élève des animaux sur les
40 hectares de la ferme du Goutailloux.
La qualification terroriste des
faits, le maintien en détention de
M.Coupat jusqu’en mai 2009 sont
largement médiatisés ainsi que le
contrôle judiciaire strict imposé
dans un premier temps aux remis
en liberté. La fragilité des éléments
àchargedecequelaministredel’intérieur de l’époque, Michèle AlliotMarie, avait qualifié d’« opération
L’épicerie de la communauté « anarcho-autonome » à Tarnac, le 11 novembre 2008. VINCENT MOULIN/PHOTOPQR/MAXPPP
réussie» dans le « milieu de l’ultragauche » est assez vite apparue.
Notamment les accusations d’un
témoin sous X, rapidement démasqué par la presse et qui aurait subi
des pressions des policiers.
Zones d’ombre
L’affaire des écoutes, quant à
elle, est antérieure aux sabotages.
Tout débute en mars 2008, alors
que le groupe vit tranquillement à
Tarnac.Gaëtan Fussi, l’un des cogérants de l’épicerie, qui ne sera pas
concerné par l’affaire des sabotages, remarque que les télédéclarations de carte bancaire, par l’une
des deux lignes téléphoniques du
magasin, ne sont plus effectuées.
La petite équipe se tourne d’abord
vers sa banque. Après une série de
tests et un changement de machine, toujours rien. Le problème
vient de la ligne téléphonique.
Un technicien de France Télécom se rend sur place, le 4 avril. Et
là, dans le local technique, surprise : un boîtier d’origine inconnue
est branché, en parallèle de la
ligne. M. Fussi plaisante : et si
c’était la police ? Le technicien
répond, très sérieusement : « Ça se
pourrait bien, je vais appeler mon
chef, on verra bien. » Après le coup
de fil du technicien à son responsable, M. Fussi comprend qu’il s’agit
bien d’un dispositif d’espionnage
et le boîtier est débranché.
Le petit groupe a donc été écouté. Ce n’est pas forcément une surprise. En 2008, la mouvance de l’ultragauche fait l’objet de toutes les
attentions du renseignement français. Trois membres du groupe de
Tarnac sont fichés aux renseignements généraux dès 2002, après
une occupation sur le campus universitaire de Nanterre ; en 2005, la
fiche de Julien Coupat est modifiée
pour « mise sous surveillance » ; en
janvier 2008, enfin, Julien Coupat
et sa compagne Yldune Lévy ont
été signalés par le FBI après s’être
soustraits à un contrôle d’identité
à la frontière canadienne.
Pour autant, « aucun fondement juridique ne pouvait justifier
une quelconque écoute », souligne
Me Bourdon. L’enquête préliminaire pour « association de malfaiteurs à visée terroriste » n’a été
ouverte par le parquet de Paris que
le 16 avril 2008. Elle fait suite à un
signalement du groupe au procureur par la sous-direction antiterroriste de la police judiciaire.
Sur quelles bases le groupe a-t-il
été signalé à la justice, et donc sur-
veillé de manière officielle, puis
misencause dansl’affairedessabotagesdelignesSNCF ? Sides écoutes
illégales étaient à l’origine de ces
procédures en cascade, c’est tout le
dossier qui pourrait être touché.
Car l’instruction de Brive vient
s’ajouter à une autre information
judiciaire ouverte en novembre 2011 par le parquet de Nanterre
pour « faux et usages de faux en
écriture publique » concernant un
procès-verbal policier. Le « PV104 »
est une pièce majeure du dossier. Il
s’agit du compte rendu de la filature de Julien Coupat et Yldune Lévy
la nuit des sabotages sur les lignes
de la SNCF, les 7 et 8 novembre
2008. Pour la police, il prouve que
le couple se trouvait à proximité
d’une des lignes sabotées, en Seineet-Marne. Selon la défense, il est
truffé d’incohérences, peut-être
destinées à masquer la pose illégale – là encore – d’une balise sous la
voiture de Julien Coupat.
Autant de zones d’ombre qui
pèsent sur l’instruction principale
concernant les faits de sabotage
que le juge d’instruction Thierry
Fragnoli devrait boucler dans les
prochains mois, après d’ultimes
auditions. p
Laurent Borredon
Un ex-patron de la DST soutient la libération d’Abdallah
L
e préfet Yves Bonnet a des
remords. L’ex-patron de la
direction de la surveillance
du territoire (DST) dénonce, dans
La Dépêche du Midi du 7janvier, le
prolongement de la détention de
Georges Ibrahim Abdallah, incarcéré en France depuis octobre1984. Selon Yves Bonnet, qui a
dirigé le renseignement français
de 1982 à 1985, le maintien de ce
Libanais en détention, ex-chef de
la fraction armée révolutionnaire
libanaise (FARL), résulterait d’une
vengeance d’Etat. « Aujourd’hui,
presque trente ans après les faits, je
trouve anormal et scandaleux de
maintenir Georges Ibrahim Abdallah en prison », s’indigne M.Bonnet, qui demande à être entendu
par la justice dans ce dossier.
A la suite de son arrestation,
M.Abdallah avait d’abord été
condamné à quatre ans de prison
pour détention d’armes et usage
de faux papiers, avant d’être
condamné à perpétuité pour des
meurtres commis en France. Yves
Bonnet raconte qu’au moment où
la police française met la main sur
Abdallah, elle n’a pas grand-chose
contre lui: « Juste une histoire de
faux papiers, de détention d’armes
et d’explosifs. » Son identité et son
appartenance à l’organisation
marxiste propalestinienne sont
alors inconnues des policiers. Ce
n’est qu’après des renseignements obtenus auprès du chef du
renseignement de l’OLP et des ser-
vices israéliens que la DST parvient à identifier son prisonnier.
Un an plus tard, les hommes
d’Abdallah décident d’imposer la
libération de leur chef. Ils enlèvent le directeur du centre culturel de Tripoli, Gilles Sydney Peyroles, fils de l’écrivain Gilles Perrault. Il sera libéré après des tractations menées sous l’égide des autorités algériennes, tractations aux
termes desquelles Yves Bonnet
s’engage à relâcher Ibrahim Abdallah. Problème : dans le même
temps, des enquêteurs découvrent une planque de la FARL à
Paris, qui renferme notamment
une arme qui a servi dans le double assassinat, à Paris en 1982,
d’un attaché militaire américain
et d’un diplomate israélien.
En janvier 1987, la justice française, qui ignore tout du marché
entre l’Algérie et M.Bonnet,
condamne M.Abdallah à la réclusion criminelle. Le Libanais est
enfermé à la centrale de Lannemezan. Depuis 2002, terme de dixhuit ans de réclusion, il peut bénéficier d’une libération conditionnelle, mais ses sept demandes,
selon son comité de soutien, ont
toutes été rejetées. Motif : rentré
dans son pays, le Libanais pourrait renouer avec ses activités.
« J’ai un problème de conscience
avec cette affaire, assure M.Bonnet. La France a trahi sa parole donnée et on a voulu faire croire qu’à
l’époque j’avais négocié tout seul. »
A l’en croire, le ministre de l’intérieur socialiste de l’époque, Pierre
Joxe, qui ne s’était pas opposé à
l’accord passé avec les Algériens,
était au courant. Aujourd’hui,
M.Bonnet estime qu’Ibrahim
Abdallah «avait le droit de revendiquer les actes commis par la FARL,
comme des actes de résistance ». Et
de rappeler le contexte de guerre
qui prévalait alors. Au-delà, Yves
Bonnet relève que l’assassin de
Chapour Bakhtiar, l’ex-premier
ministre iranien tué à Neuilly-surSeine en 1991, a été remis en liberté moins de vingt ans après les
faits en 2010. p
Yves Bordenave
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économie
Mardi 10 janvier 2012
13
La course contre la montre des
banques pour se recapitaliser
En Europe, elles doivent trouver 115milliards d’euros d’ici le 30juin
L
e secteur bancaire européen
s’apprête à entrer dans une
nouvelle zone de turbulences, dont il ne sortira pas avant le
mois de juin.
Les banques du Vieux Continent ont jusqu’au 20 janvier pour
remettre à leurs autorités de tutelle nationales leur plan de recapitalisation. Prenant peur devant l’ampleur de la crise des dettes souveraines, un deuxième choc financier majeur pour le secteur en
moins de quatre ans, l’Autorité
bancaire européenne les a sommées d’augmenter leurs fondspropres en un temps record.
Elles doivent trouver 115 milliards d’euros de capitaux nouveaux avant le 30 juin, soit en puisant dans leurs bénéfices, soit
auprès des investisseurs sur les
marchés financiers ! En cas
d’échec, les fonds publics seraient
mis à contribution.
L’entrée en récession probable
de la zone euro nourrit l’inquiétude sur la capacité des banques à
réaliser des profits suffisants pour
les mettre en réserve, et donc, se
débrouiller seules. Dans ce cas, les
marchés pourront-ils absorber
des augmentations de capital à
répétition, en Allemagne, en Italie
et en Espagne, où les besoins de
capitaux des banques sont élevés
avec respectivement 13, 15,3 et
26,6 milliards d’euros à trouver ?
Ces émissions d’actions trouveront-elles preneurs auprès des
fonds d’investissement et de pension, alors que les Etats sollicitent
eux aussi le marché pour leurs dettes nouvelles ?
Un effort inédit
Vendredi 6 janvier, l’augmentation de capital de la première banque italienne, Unicredit de 7,5 milliards d’euros, à des conditions bradées (– 43 % de décote), dans un
marché tétanisé par le risque, a
donné un signal préoccupant.
La veille, le ministre de l’économie espagnol Luis de Guindos
avait créé un début de panique, en
annonçant que le secteur bancaire
devrait constituer… 50 milliards
d’euros de provisions de plus,
pour nettoyer ses comptes face à
l’éclatement de la bulle immobilière ! L’italienne Unicredit, comme
l’espagnole Santander, ou l’allemande Commerzbank sont des
établissements « systémiques »,
dont la stabilité fonde celle du système bancaire européen.
« Les banques constituent l’un
des grands risques d’une année
2012 particulièrement redoutée, à
multiples inconnues, estime JeanLouis Mourier, économiste chez
Aurel BGC. Les cartes seront rebattues,le poids des anciens actionnaires dans le capital des banques va
se retrouver dilué. »
« C’est l’année de tous les dangers,un pépin sur l’émission obligataire d’un Etat et la machine européenne s’enraye, les banques le
redoutent et pour la première fois,
nous entendons des dirigeants
comme le PDG de la Société générale, Frédéric Oudéa, nous mettre en
Une banque fermée à Athènes pendant la grève générale, le 28 juin 2011. ALKIS KONSTANTINIDIS/AFP
garde contre deux années terribles
en 2012 et 2013 », souligne de son
côté Franklin Pichard, le patron de
la société de Bourse de Barclays.
Les faibles volumes d’échange
constatés sur les marchéset la volatilité record des cours de Bourse ne
faciliteront pas la tâche des banques contraintes de s’y présenter.
Pas plus que la frilosité des investisseurs. « Nous donnons la priorité à la couverture des risques dans
nos portefeuilles d’investissements
et commençons même à “arbitrer”
l’Europe au profit des Etats-Unis,
où tous les indicateurs économiques depuis septembre sont bons »,
affirme ainsi M. Pichard.
La Grèce veut effacer plus de la moitié de son endettement privé
PRISE EN ÉTAU entre la récession
économique et une dette pléthorique, la Grèce accentue la pression
sur ses créanciers.
Les négociations entre Athènes
et les banques visant à gommer la
moitié au moins de son endettement auprès du secteur privé s’accélèrent: le gouvernement souhaiterait conclure les pourparlers au
plus vite, avant le retour des représentants de la « troïka » – le Fonds
monétaire international (FMI), la
Banque centrale européenne
(BCE) et la Commission européenne – prévu lundi 16 janvier.
Pour le gouvernement grec,
l’objectif est de ramener son
niveau d’endettement, aujourd’hui de plus de 160 % de son pro-
duit intérieur brut, à 120 % d’ici
2020, mais aussi de se trouver
dans une meilleure position pour
négocier les prochaines échéances. Faute d’accord rapide, prévient-on à Athènes, « nous serions
sortis des marchés et de la zone
euro et les choses deviendraient
pires ».
Eviter le terme de « défaut »
Autrement dit, les créanciers
n’ont pas le choix. Message bien
reçu ? Baudouin Prot, président
de BNP Paribas, à la tête du comité
de pilotage des négociations côté
créanciers privés, affirmait vendredi 6 janvier sur la radio BFM
que les parties étaient « très proches d’un accord ».
Mais jusqu’où les créanciers
seront-ils prêts à aller de façon
« volontaire » ? Leur participation
sans contrainte au plan « Private
Sector Involvement » (PSI) est
nécessaire pour effacer une partie
de la dette grecque sans employer
le terme de « défaut ». Or, l’accord
du 27 octobre 2011, qui prévoyait
que les créanciers privés abandonnent 50 % de la valeur de leur dette, semble désormais obsolète. La
récession dans laquelle s’enfonce
la Grèce justifie pour eux d’abandonner davantage, a affirmé vendredi 6 janvier lors d’un entretien
télévisé l’économiste en chef du
FMI, Olivier Blanchard.
Seul bémol : banques, assureurs et fonds d’investissement
L’Italie se divise sur la libéralisation
des horaires du commerce
Depuis le 1 janvier, les commerces peuvent gérer, sans autorisation,
leur durée d’ouverture
L
e début des soldes, mercredi
5 janvier, constituait un test
pour la libéralisation des
horaires des commerces, introduite dans le cadre du plan anticrise
italien, présenté le 22 décembre
2011 par le président du conseil,
Mario Monti. Depuis le 1er janvier,
tous les commerçants de la Péninsule peuvent décider, sans requérir d’autorisation préalable, de la
durée d’ouverture de leur négoce –
même 24 heures sur 24 et 7 jours
sur 7 –, qu’il s’agisse de bars, de
magasins d’habillement ou de
meuble, de restaurants, etc.
La régulation du commerce
étant une prérogative des régions,
le Piémont, la Toscane et les
Pouilles ont décidé qu’elles n’appliqueraient pas les nouvelles
mesures. « C’est un autre cadeau à
la grande distribution et un coup
de bâton pour les petites entreprises. Le consumérisme n’est pas la
bonne réponse à la crise », a réagi le
président de la Toscane, Enrico
Rossi (gauche). « Cela n’apportera
pas de bénéfices pour les consommateurs et causera de gros problèmes aux petits commerces », a renchéri son collègue de la région Piémont, Roberto Cota (Ligue du
Nord).
De nombreux commerçants de
détail, déjà pénalisés par une
consommation en baisse pendant
les fêtes (entre – 2 % et – 10 % selon
les secteurs), craignent que les
nouvelles dispositions profitent
avant tout à la grande distribution.
Test pour le gouvernement
Les associations de consommateurs applaudissent dans l’espoir
que la concurrence ainsi créée
Mario Monti : « L’Italie n’est pas irresponsable »
Mario Monti, le président du
conseil italien, veut démontrer à
Angela Merkel, la chancelière
allemande qu’il rencontre à Berlin mercredi 11 janvier, que « l’Allemagne tire profit du marché
unique et de l’euro », comme il
l’a déclaré à la chaîne publique
RAI 3, dimanche 8 janvier.
Afin de rassurer une opinion allemande « inquiète de devoir payer
pour les comportements insouciants d’autres pays », M. Monti
veut faire valoir « que l’Italie est
loin d’avoir des comportements
irresponsables ».
Et si l’Italie fait désormais preuve de vertu, a-t-il ajouté, « nous
ne le faisons pas parce que
l’Union nous le demande, mais
parce qu’il est de notre devoir de
prendre des décisions collectives pour dissiper le doute sur la
solidité de l’euro, afin de ne pas
mettre en péril l’avenir de nos
enfants ».
gue leur permettrait d’être associés au redressement de l’économie grecque.
De l’issue de ces discussions
dépend l’avenir du marché des
dettes souveraines en zone euro.
Un échec achèverait de dissuader
les investisseurs d’y investir, alerte une source proche des négociations. In fine, de l’avis des experts,
la renégociation de la dette grecque pourrait se solder par un compromis autour d’une décote de
60 %. Même dans ce cas la pilule
serait parfois dure à avaler. Le secteur bancaire chypriote, très exposé à la dette grecque, serait ainsi
très affaibli par ce plan. p
Claire Gatinois, Anne Michel,
Alain Salles (à Athènes)
A. M.
Des primes versées chez Dexia scandalisent
er
Rome
Correspondant
considèrent qu’au-delà d’un taux
d’abandon de créances de 65 % ou
70 %, mieux vaudrait aller au
défaut. Cela induirait, en vertu du
principe d’équité entre créanciers, de partager les pertes avec le
secteur public comme la BCE, gros
détenteur de dette grecque. Le
comité des créanciers l’a fait
savoir aux dirigeants de la zone
euro, convaincu que la peur du
« pire » poussera le tandem Sarkozy-Merkel à favoriser un accord
acceptable à leurs yeux, sous ce
seuil des 70 %.
Les créanciers négocient aussi
sur le taux d’intérêt et la maturité des obligations grecques qui
leur seront proposées contre leur
participation. Une maturité lon-
Par ailleurs, le resserrement du
crédit qui découlera inévitablement de cet effort inédit de recapitalisation suscite les plus vives
inquiétudes, parmi les économistes. Il pourrait mettre à mal le redémarrage de l’économie en zone
euro. En Asie, la Chine, qui avait
prisdesmesuressemblablesderenforcement du capital de ses banques,aprisconsciencedel’effetpervers lié à un renforcement des normes prudentiellespar temps de crise. Elle est revenue en arrière, en
décembre2011.
Nicolas Véron, économiste au
centre de recherche Bruegel, critiquelaméthodeemployéepourévaluer les besoins en capitaux du secteur bancaire, et le moment choisi
pour recapitaliser.
« On a appliqué la notion de
valeur de marché au capital réglementaire, c’est un non-sens, dit-il.
En pleine crise, le remède sera pire
quelemal.»M. Véron prédit un credit crunch (crise du crédit) majeur.
« Le bilan de cette recapitalisation
sera négatif, les banques n’avaient
pas toutes besoin d’être recapitalisées en urgence. Or elles n’ont
d’autre choix que de vendre ces
actifs ou de bloquer le crédit. » p
aura un effet bénéfique sur les
prix. Selon une enquête Ipsos de
juillet 2011, 78 % des Italiens sont
favorables à la libéralisation des
horaires « dans les villes touristiques ».
Pour le gouvernement, il s’agit
d’un test. Après avoir présenté un
plan de rigueur (le troisième en
six mois) de 20 milliards d’euros,
l’équipe des « professeurs » de
M. Monti souhaite s’attaquer à la
relance et libéraliser le monde de
l’entreprise et du travail, entravé,
selon eux, de règles qui sont des
« freins à la croissance ».
Les propositions sont attendues dans le courant du mois.
Dans leur collimateur : l’article 18
du Code du travail, qui encadre
strictement les licenciements, et
nombre d’ordres hérités du fascisme, qui régissent et protègent certainesprofessions (médecins, ingénieurs, architectes, psychologues,
vétérinaires, notaires).
M. Monti, qui a rappelé dimanche 8 janvier son intention de « faire plus de place à la concurrence et
au mérite », devrait se heurter à de
vives résistances. Les syndicats
dans leur ensemble sont opposés à
toute réforme du statut des travailleurs, et les lobbies sont à
l’œuvre pour entraver les dérégulations promises. Une première
tentative en vue de libéraliser les
professions de pharmacien et de
chauffeur de taxi s’est soldée par
un retrait. p
Philippe Ridet
L
es Belges, soumis à une
sévère cure d’austérité,
trouvent la nouvelle saumâtre, voire révoltante : le personnel de Dexia Holding, la « bad
bank » dans laquelle ont été
logés tous les actifs toxiques du
groupe Dexia juste avant son
démantèlement, en octobre 2011,
ont reçu de coquettes primes de
fin d’année. De 2 500 à
40 000 euros brut, soit en
moyenne 4 000 euros net pour
les quelque 320 personnes chargées de revendre les filiales qui
peuvent l’être et éviter à l’Etat
belge de faire jouer la garantie
qu’il a dû apporter à Dexia.
Pour éviter le naufrage de cet
établissement jugé « systémique », le gouvernement chargé
des affaires courantes avait dû
provisionner quelque 54 milliards d’euros, la France et le
Luxembourg fournissant le solde d’un montant total de 90 milliards. En 2008, Dexia avait déjà
bénéficié d’une garantie de
150 milliards.
10 milliards d’euros de pertes
Comment, dans ce contexte,
justifier des primes au personnel, révélées vendredi 6 janvier
par la presse financière ? Un porte-parole de Dexia Holding
– rebaptisée « Toxia » par certains esprits farceurs – a expliqué que la banque craignait de
voir un personnel très spécialisé
céder aux sirènes de la concurrence.
Or, sans lui, impossible d’imaginer un atterrissage en douceur
pour cette société en très mauvais état. D’où la nécessité de
conjurer le risque en mobilisant
les montants qui pouvaient
encore l’être. En 2011, Dexia Holding a essuyé des pertes de
10 milliards d’euros.
Autre précision : le personnel
de Dexia Holding a reçu l’assurance d’un reclassement dans
Dexia Banque, actuellement propriété de l’Etat. En bonne santé,
puisqu’elle a été débarrassée de
ses actifs douteux, celle-ci a tenu
à préciser qu’elle n’avait, de son
côté, pas octroyé de primes,
qu’elle se conforme aux règles
définies par le nouveau gouvernement, qui interdisent les
rémunérations variables et les
« avantages spéciaux » dans les
entreprises contrôlées par l’Etat.
Et qu’elle va sans doute hâter
son changement de nom, histoire d’éviter toute confusion et de
rompre avec un passé qui ne passe pas.
Critiqué pour sa passivité, le
gouvernement fédéral tente de
se défendre. « Je n’ai pas de prise
sur le management quotidien », a
indiqué le ministre des finances,
Steven Vanackere. D’après lui,
l’octroi de primes est « un volet
de la politique du personnel ».
Il reste à savoir pourquoi les
représentants de l’Etat ont, semble-t-il, accepté sans broncher
cette décision. Certains syndicats ont, il faut le noter, approuvé la mesure. « Les cadres de la
holding sont des employés qui
méritent d’être défendus, et ils ne
portent aucune responsabilité
dans la chute de Dexia. Ils ont, en
outre, vu leur rémunération
variable supprimée », a indiqué
une responsable du syndicat
chrétien LBC-NVK.
Des députés, dont ceux du parti socialiste flamand SP.A – membre du gouvernement d’Elio Di
Rupo – ont promis d’exiger des
explications. Une commission
d’enquête parlementaire se penche depuis plusieurs semaines
sur la gestion de Dexia et les raisons de son effondrement.
Beaucoup doutent qu’elle parvienne à désigner les coupables,
tant ils sont nombreux… p
Jean-Pierre Stroobants
(Bruxelles, Correspondant)
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économie
Mardi 10 janvier 2012
Hiver printanier, pouvoir d’achat réduit: Endifficulté,Sony
on n’attend pas de ruée sur les soldes
pourraitchanger
La multiplication des opérations de promotion réduit la portée de l’événement commercial
deprésidentdèsavril
S
ans que ce soit dit, les soldes
ontdémarréavantladateofficielle, prévue, cette année,
mercredi11janvierpourcinqsemaines. Déjà, les cartons d’invitation
pour les « ventes privées » étaient
arrivés début janvier par brassées
chez les fidèles clients des marques
de prêt-à-porter – de Gap à Kookaï,
Sandro, Kenzo et même Monoprix.
Presque toutes les boutiques de
mode affichaient aussi sur leurs
vitrines, parfois depuis avant Noël,
des rabais, des promotions, des
remises, et autres prix d’ami, à –
30% auminimum. En prenantsoin
de ne jamais qualifier ces opérations de « soldes », strictement
encadrés par la législation.
Depuis la création, en 2009, des
« soldes flottants » (les deux semaines supplémentaires que les commerçantspeuventutiliserdansl’année pour brader leurs collections),
bon nombre de clients demandent
des baisses de prix en dehors des
soldes, affirme François-Marie
Grau, secrétaire général de la Fédération française du prêt-à-porter
féminin. Réussir à acheter à prix
fort un vêtement est devenu une
exception. « Cette politique affaiblit l’aspect événementiel des soldes
et fait croire au consommateur que
les prix non barrés ne sont pas sincères», regrette M.Grau.
De plus en plus contournés par
les commerçants, les soldes doiventleursuccèsàunfaisceaudefacteurs aussi prosaïques que l’état
des finances des consommateurs,
leurmoralou lesconditionsmétéorologiques… Aucun de ces critères
ne semble aller de soi cet hiver.
Selon un sondage Ipsos réalisé
pourleConseil nationaldescentres
commerciaux (CNCC), les Français
devraient être un peu moins nombreux à se ruer dans les magasins
pour faire des affaires (76 % prévoient de faire les soldes, contre
85 % l’an dernier) et réduire quelque peu leur budget moyen
(244 euros, contre 251 l’an dernier).
Le Japonais Kazuo Hirai remplacerait
l’Américain Howard Stringer, PDG depuis 2005
Tokyo
Correspondance
S
Selon un sondage Ipsos, les Français prévoient de réduire un peu leur budget soldes, crise oblige. FRÉDÉRICK FLORIN/AFP
«Lacriseetlamultiplicationdespromotions et soldes flottants auront
unimpactsignificatifsurlecomportement des consommateurs », analyse le CNCC.
« Toute l’année » sur le Web
Les soldes concernent d’abord
les vêtements et les chaussures. Or,
les ventes de textile et d’habillement se sont effondrées depuis
l’été. Pour la quatrième année
consécutive, elles sont en repli
(– 2,4 % entre janvier et octobre,
selonl’Institutfrançais dela mode).
Rien qu’en novembre, le marché a
dévisséde 6,7 %. Dans les arbitrages
financiers, « l’habillement “contraint” ne concerne plus que la garde-robe des enfants – forcément
renouvelée quand ils grandissent –
et les vêtements chauds », affirme
Jean-Marc Genis, président exécutif de la Fédération des enseignes
de l’habillement (qui regroupe une
centaine d’adhérents, dont Zara,
Gap, H&M, C&A…). Quant à la
météo, particulièrement clémente
depuis cet automne, elle n’a pas
incité à faire trop de folies pour
acheter doudounes ou bottes. Heureusement, commente M. Genis,
les enseignes gèrent désormais
avecprudenceleur niveaude stock,
en renouvelant constamment
leurs collections.
A qui profiteront les soldes ?
«Essentiellement aux enseignes qui
bénéficient des retombées financières des touristes», dit Claude Boule,
président exécutif de l’Union des
commerces de centre-ville. Les
Galeries Lafayette et le Printemps,
boulevard Haussmann à Paris,
attendent respectivement, mercredi, entre 220 000et 250000 clients
et 150 000 acheteurs.
Une nouvelle fois, les soldes
devraient aussi apporter des flots
d’or au commerce en ligne, régi
dans le domaine par la même législation que les boutiques en dur.
Selon une étude du Center for
Retail Research commandée par
Kelkoo, Internet devrait générer
12,5 % du chiffre d’affaires des soldes d’hiver. Boris Saraglia, PDG de
Spartoo.com, attend 4 millions de
visiteursmercredi. Le site, qui réalise habituellement près d’un tiers
de ses ventes en période de soldes,
promet jusqu’à 70% de rabais.
Brandalley, qui se veut le premier grand magasin en ligne,
attend 1,5 million de visiteurs et
150 000 « mobinautes » (sur iPhone et Android) mercredi. Il réitère
son offre de « préréservation » la
veille des soldes, qui avait permis
l’andernier à 35000 internautesde
préempter les habits de leurs rêves.
Chez Venteprivée.com, le principal
site français de déstockage d’invendus de marques, on résume l’affaire:«Cheznous,cesontlessoldestoutel’année.»Oul’évolutioninéluctable du secteur. p
Nicole Vulser
ur le point d’afficher des pertes nettes pour la quatrième
année consécutive, Sony, le
géant japonais de l’électronique
grand public, pourrait accélérer la
transition à sa tête en nommant
dès le mois d’avril Kazuo Hirai au
poste de président.
Agé de 51 ans. M. Hirai a mené la
quasi-totalité de sa carrière chez
Sony, principalement dans le
domaine des contenus : jeux vidéo,
musique et films. Il est l’un des artisans de la réussite de la console
PlayStation dans les années 1990.
Ses succès lui ont permis d’accéder
en 2006 à la tête de la division Sony
Computer Entertainment et, en
avril2011,aupostededirecteurexécutif adjoint. Depuis, il se concentre sur les contenus utilisables sur
différents supports, tablettes,
consoles ou encore smartphones.
Si sa promotion se confirmait,
M. Hirai hériterait d’un poste
aujourd’hui occupé par l’Américain Howard Stringer, 69 ans, à la
têtedu groupedepuis2005. Lesresponsabilités de M. Stringer se verraient réduites mais il devrait rester directeur général et président
du conseil d’administration jusqu’en 2013, date initialement fixée
pour son remplacement.
Ces informations, largement
reprisessamedi7janvierparlapresse nippone, n’ont cependant pas
étéconfirmées. Dansun communiqué diffusé le même jour, Sony ne
dément pas mais précise que « rien
n’est à ce jour décidé ». Le choix de
M. Hirai ne surprendrait guère. En
2011, M. Stringer avait estimé qu’il
représentait « le candidat naturel »
pour lui succéder à la tête de Sony.
Nommé dans ses nouvelles res-
ponsabilités,M. Hiraiauraitla charge de mener une restructuration
drastiquedesactivitésdel’entreprise, dont les résultats restent décevants. Le 2 novembre 2011, le groupe a annoncé une révision à la baisse de ses perspectives de résultats
pour l’exercice clos fin mars 2012.
Les ventes ne devraient pas dépasser 6 500 milliards de yens
(66,3milliards d’euros) et les pertes
nettes s’établir à 90 milliards de
yens (919 millions d’euros). En
juillet, Sony tablait sur des ventes à
7 200 milliards de yens (73,5 milliards d’euros) et un profit net de
60 milliards (612 millions d’euros).
Un groupe très concurrencé
Maisen 2011,legroupea souffert
de l’appréciation du yen par rapport au dollar, de l’impact de la
catastrophe de Fukishima, le
11mars,desconséquences demultiples cyberattaques contre son
réseau PlayStation, des inondations en Thaïlande sans compter
un contexte économique difficile
aux Etats-Unis et en Europe.
Son activité téléviseurs, que le
groupe peine à rentabiliser, est
dans une situation délicate. Très
concurrencée par les conglomérats
coréens Samsung et LG, victime
d’une forte pression à la baisse des
prix,elledevraitenregistrerundéficitpourla huitièmeannéeconsécutive, avec une perte opérationnelle
record de 175 milliards de yens
(1,7milliard d’euros).
Cette situation a poussé Sony à
réduire ses activités de production
dans ce domaine. Fin décembre2011,legroupeaannoncél’abandon de sa participation dans la
coentreprise S-LCD, établie en avec
Samsung pour produire des écrans
à cristaux liquides. p
Philippe Mesmer
Google mise sur des partenariats avec LG et Samsung pour relancer sa «Google TV»
Le géant de l’Internet devrait annoncer l’arrivée de plusieurs nouveaux téléviseurs, fabriqués par les deux coréens et équipés de son logiciel
L
e Consumer Electronics Show
(CES) de Las Vegas, la plus
grande Foire annuelle de
l’électronique grand public, qui a
ouvert ses portes dimanche 8 janvier, devrait être l’occasion pour
Google de donner un second souffle à sa Google TV, un système d’exploitation consacré à la télévision.
Le coréen LG, deuxième fabricant
mondial de dalles, a confirmé le
6 janvier la commercialisation
d’une gamme de téléviseurs dotés
de ce logiciel aux Etats-Unis. Selon
Google, Samsung, le numéro un du
secteur, devrait faire une annonce
similaire mardi.
Le géant américain de l’Internet
avait dévoilé la première mouture
de son produit au printemps 2010.
C’était à la fois un navigateur pour
consulter le Net sur la télévision et
un moteur de recherche permettant, théoriquement, d’aller
fouiller dans tous les contenus
vidéo du Web (YouTube, etc.), mais
aussi de « faire remonter » des programmes diffusés en vidéo à la
demande, ou les émissions de télévision en direct. Les clients intéressés avaient lechoix entre s’offrir un
nouveau téléviseur de la marque
Sony, le seul constructeur à avoir
choisi de préembarquer Google TV
dans certaines de ses machines, ou
garder leur téléviseur et lui adjoindre un modem de la marque Logitech, équipé de Google TV.
Mais le succès n’a pas été au rendez-vous.Logitech a même qualifié
ce partenariat « d’erreur colossale » : il est contraint de brader ses
boîtiers à 99 dollars (77,60 euros)
contre les 299dollars de départ.
«Google n’a pas consacré le budget publicitaire qu’il aurait fallu
pour imposer un produit dont la
valeur ajoutée n’était pas évidente », note Andrew Frank, analyste
du cabinet Gartner. Le nouvel équipement revenait plutôt cher et
n’était pas très ergonomique: pour
naviguer sur la télévision, il fallait
un vrai clavier d’ordinateur !
Enfin, Google a eu du mal à
convaincre les diffuseurs et les éditeurs de programmes télévisuels
de référencer leurs contenus sur
son moteur de recherche. Ces
acteurs redoutaient de perdre le
contact avec leurs téléspectateurs,
l’écrand’accueildutéléviseurdevenantlemoteur Google. Etdu même
coup de voir s’échapper une partie
de leurs revenus publicitaires.
«Google s’est attaqué à un écosystème très complexe, avec beaucoup
d’intervenants, des diffuseurs, des
producteursdecontenus,desopérateurs de télécommunications… Il
n’était pas prêt», juge Luc Dumont,
un des responsables de la plate-forme de vidéo Dailymotion.
Mais cette fois Google affirme
avoir appris de ses erreurs. « Notre
système est plus ergonomique et
beaucoup plus simple à utiliser »,
affirme-t-on à Mountain View, le
siège californien du groupe. Grâce
àl’AndroidMarket,lemagasind’applications de Google disponible sur
les téléviseurs « Google », les téléspectateurs devraient avoir accès à
une cinquantaine d’applications
développées spécifiquement pour
la télévision et à plus de mille
autres rendues compatibles. Google affirme qu’il sera aussi possible
d’accéder à plus de 80 000 programmes de Netflix (spécialiste de
la vidéo à la demande), YouTube ou
des chaînes câblées.
Côté matériel, LG a développé
une télécommande gyroscopique,
comme la manette de la console
Wii de Nintendo, qui permet de
choisir son programme simplement en pointant en direction
d’une icône sur l’écran.
Développement stratégique
« Il commence à y avoir pas mal
d’éléments pour le développement
de la Google TV : les principaux
équipementiers suivent, ce qui va
créer un parc installé de machines,
l’ergonomie est meilleure et la
régie publicitaire de la Google TV
aussi. Il ne manque plus que l’accord des diffuseurs de contenus »,
note Philippe Pestanes, du cabinet
Kurt Salmon.
Eric Carreel, un Français consacré à Las Vegas
DANS l’électronique grand public,
ultradominé par les groupes américains et asiatiques, c’est suffisamment rare pour être relevé. Deux
PME françaises sont sorties du lot,
dimanche 8janvier, jour d’ouverture du Consumer Electronics Show
(CES), la plus grosse Foire mondiale du secteur, en recevant chacune
un prix de « la meilleure innovation » du Salon: Withings, pour
son pèse-bébé connecté à Internet ;
Invoxia, pour un téléphone fixe
utilisant l’iPhone comme interface.
Ces dernières années, bien peu
d’inventions hexagonales sont parvenues à se distinguer, à part les
tablettes d’Archos, ou, en 2010, les
mini-hélicoptères télécommandés
de Parrot. Withings, qui avait déjà
lancé un pèse-personne connecté à
Internet (par le Wi-Fi) en 2009, propose désormais une version pour
les enfants de moins de 25 kg, avec
une application pour iPhone. L’objet permet d’établir des courbes de
poids, de les partager avec ses proches ou son médecin.
Invoxia, quant à lui, convertit l’iPhone en téléphone de bureau: il
suffit de l’insérer dans un boîtier
équipé d’un combiné classique.
Quand l’utilisateur décroche ce
dernier, la communication passe
par le réseau fixe, mais l’interface
reste celle du smartphone, avec
son carnet d’adresses...
Ces sociétés ont toutes deux été
cofondées par Eric Carreel. A
52ans, cet ingénieur de formation
est l’un des pionniers du « triple
play », cette offre couplant l’accès à
Internet, le téléphone fixe illimité
et la TV sur l’Internet devenue un
standard du marché français. Avec
son complice et ex-professeur à
l’Ecole supérieure de physique et
de chimie de Paris, Jacques Lewiner, M.Carreel avait fondé, au
début des années 1990, une première société, Inventel, qui a
conçu les premières Livebox
d’Orange-France Télécom.
Des « next-billion industries »
M.Carreel a aussi créé la société
Sculpteo, qui propose un service
d’impression de petits objets en
trois dimensions. La PME a mis au
point un logiciel de conception 3D
utilisable par le grand public, avec
un site Web ou une application
iPhone, et adapté au prototypage
rapide. Ses clients choisissent une
forme en ligne, la personnalisent.
Le fichier est transféré sur les
imprimantes en relief de Sculpteo,
qui superposent de multiples couches de plastique ou de résine.
Ces start-up pèsent peu face
aux géants. Invoxia et Sculpteo réalisent des chiffres d’affaires encore
anecdotiques, Withings est tout
juste rentable. Mais M. Carreel
veut croire qu’il a choisi des créneaux d’avenir, la « e-santé», la
communication entre machines,
l’impression 3D… «Ce sont des
“next-billion industries”, comme on
dit aux Etats-Unis », prétend-il.
«Réussir à faire parler de soi au
CES, alors qu’il y a plus de 20 000
nouveautés présentées cette année,
c’est déjà énorme », ajoute Xavier
Dalloz, consultant pour de grandes
sociétés françaises. p
C. Du.
Sans eux, le succès de la Google
TV risque encore d’être compromis. Sur ce point aussi, Google
semble avoir évolué : « Je pense
que le groupe a, au fil du temps,
développé un certain respect pour
les éditeurs. Sa décision, en 2011,
d’investir 100 millions de dollars
dans l’achat de contenus pour sa
filiale YouTube le prouve », selon
M. Frank. Les constructeurs se veulent aussi rassurants envers les
diffuseurs. « L’échec de Sony est
dû au fait qu’il faisait porter un risque aux chaînes. Les choses ont
changé. Nous, nous avons une
connaissance du dialogue avec
elles, nous avons réussi à négocier
la présence de Canal+ ou NRJ TV »,
assure Alexandre Fourmont,
directeur marketing chez LG.
Pour Google, le développement sur la télévision est stratégique : c’est son principal réservoir
de croissance, avec le mobile. Le
groupe tire en effet l’essentiel de
ses revenus de la vente d’espaces
publicitaires. Or, c’est encore sur
le petit écran que les annonceurs
dépensent le plus. Mais le temps
presse : la concurrence est féroce.
Il y a tous les opérateurs de télécommunications qui fournissent
du contenu télévisuel en plus de
l’accès à Internet, Microsoft qui
multiplie les partenariats pour
diffuser de la vidéo à la demande
ou de la télévision à péage
(Canal+) sur sa console de jeux
Xbox 360. Ou Apple, à qui la
rumeur prête aussi de grandes
ambitions dans le secteur… p
Sarah Belouezzane
et Cécile Ducourtieux
0123
15
économie
Mardi 10 janvier 2012
Ma vie en boîte | Chronique
par Annie Kahn
Rires de crise
Grève générale au Nigeria contre
le doublement du prix des carburants
La suppression d’une subvention pénalise les catégories vivant sous le seuil de pauvreté
I
l suffit parfois d’arpenter les
couloirs d’un immeuble de
bureaux pour apprendre la
gamme. Celle des rires s’entend.
Non pas que l’humeur y soit forcément au beau fixe. Car si le rire
cristallin, tout en gaieté, déride
tout un chacun, à l’opposé les
rires étrangement sonores et
appuyés dérangent, irritent, agacent, autant qu’une fausse promesse sur un emballage. Tant d’effort déployé pour signifier que
l’on est heureux et que l’ambiance est bonne est suspect.
Il est pourtant de bon ton d’en
faire état. Être de bonne humeur
est considéré comme une qualité
en entreprise. Il faut l’afficher.
«Rire est devenu une arme de
management redoutable », estime
Jawad Mejjad, docteur en sociologie, chercheur au Centre d’études
sur l’actuel et le quotidien (CEAQ)
à l’Université Paris-V-Sorbonne,
dans un article paru le 2 janvier
sur le site Atlantico.fr.
De fait, le « management par le
rire » a désormais pignon sur rue.
C’est une méthode avec consultants et séminaires de formation.
Certes, rire permet de relativiser un débat devenu trop intense
au regard des enjeux défendus.
« Voir les choses avec humour et
dérision » serait le meilleur
moyen de lutter contre le stress,
estiment plus de 2 000 cadres sondés par le site de recherche d’emplois en ligne Monster. Rire est
même bon pour la santé, argumentent certains spécialistes.
Mais rire est aussi un moyen de
détourner une conversation
dérangeante. Il brise la communication, escamote les questions de
fond.
M. Meijjad est sévère. « Ce diktat
du rire dans l’entreprise signale la
souffrance qui s’y est installée, en
raison du décalage entre les
valeurs de l’entreprise et celles,
déjà postmodernes, de la société.
Au lieu de pleurer, les gens rient,
indiquant ainsi qu’ils ont pris acte
du changement et qu’ils sont prêts
à mourir symboliquement,
c’est-à-dire à tirer un trait sur les
attitudes du passé, pour mieux
renaître. »
Les gens indiquent
avoir tiré un trait sur
les valeurs du passé
pour mieux renaître
Les hommes politiques sont au
diapason. Après les discours
sérieux d’un président Charles de
Gaulle, se sont succédé les sourires éclatants de chefs d’Etat, affichant bien-être et joie de vivre. La
dernière prestation du président
de la République, Nicolas Sarkozy,
le 31 décembre 2011, était d’un
tout autre registre. Grave et
sérieux. Crise oblige.
Le mouvement va-t-il suivre en
entreprise ? Où l’on rira peut-être
moins, mais pour de bon. Dans
une société ayant réussi sa mutation en adoptant les nouvelles
valeurs, nouvelles contraintes,
nouvelles règles. p
[email protected]
L’assureur Allianz assigne
PIP pour fausse déclaration
Le concepteur des implants mammaires
avait dissimulé les risques de ses prothèses
L
a société Poly Implant Prothèse (PIP), à propos de laquelle
une enquête judiciaire est en
cours, est aussi sous le coup d’une
plainte de son assureur. Allianz l’a
assignéedevant letribunal de commerce de Toulon, le 27 juillet 2010,
s’estimant fondée à réclamer la
nullité des contrats d’assurance
pour « fausse déclaration intentionnelle quant à la conformité
réglementaire des produits » et
« fausse déclaration intentionnelle
sur la sinistralité », selon le document que s’est procuré Le Monde.
La procédure a été lancée peu
après la décision de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) de retirer
les produits PIP du marché, en
mars 2010, après la découverte de
la fraude orchestrée par son fondateur, qui utilisait un gel non
médical pour remplir ses prothèses. La déconvenue d’Allianz a été
d’autant plus forte que la compagnie avait été contrainte d’assurer PIP.
L’histoire commence en 2005.
La société varoise se met en quête
d’un assureur pour couvrir son risque de responsabilité civile, ainsi
quel’exige le code de lasanté publique. Mais tous les assureurs
contactés refusent ou ne répondent pas à la sollicitation de PIP, y
compris Allianz, qui lui oppose un
refus net. Comme le veut la réglementationpour toutes les assurances obligatoires, à partir d’au
moins deux refus, le Bureau central de tarification (BCT) se charge
de désigner d’autorité un assureur
et de fixer un niveau de primes.
Son choix s’arrête sur Allianz qui
se retrouve « commis d’office »
contre sa volonté.
Puis vient la décision de l’Afssaps. Les experts de la compagnie
d’assurances, qui ont alors engagé
une enquête, prennent conscience
des méthodes de PIP, qui a menti
sur la conformité du gel utilisé, ce
quiluia permis l’obtentiondumarquageCE. «En l’absence decertification, les produits n’auraient pu être
mis sur le marché et n’auraient pu,
de fait, être assurés », estime
Allianz.
Réclamations
Ses équipes découvrent que la
vérité leur a été dissimulée lors de
l’établissement du contrat d’assurance et après. PIP ne déclarait
aucune réclamation d’indemnisation de victimes pour sinistres.
Pourtant, selon les rapports trimestriels de l’Afssaps, ils étaient
courants – 337 en 2004, par exemple. D’ailleurs, PIP a été condamnée à trois reprises par la justice à
réparer des préjudices, mais n’a
informé ni Allianz ni le BCT.
Allianz considère avoir été trompée sur la base de fausses déclarations, qui ont induit une interprétation faussée du risque.
L’assureur mise aujourd’hui
sur la procédure en nullité engagée pour obtenir réparation. L’heure est à la « mise en état du dossier », soit à l’apport de pièces manquantes. Aucune date d’audience
n’est encore fixée. De son côté, le
Bureau central de tarification estime, lui aussi, avoir été trompé.
Allianz joue gros. En tant qu’assureur de PIP, il pourrait devoir
indemniser divers acteurs. Dans
l’assignation, l’assureur explique
d’ailleurs qu’à la suite de la décision de l’Afssaps, il a été destinataire de plusieurs réclamations de
victimes d’une rupture d’implants. Il est aussi visé dans le
cadre d’une assignation devant le
tribunal de commerce de Toulon
par des distributeurs étrangers de
prothèses PIP. p
Laetitia Clavreul
et Anne Michel
L
’activité économique devrait
tourner au ralenti au Nigeria,
lundi 9 janvier, en raison
d’un appel à une « grève générale
indéfinie », lancé par deux grands
syndicats, le Nigeria Labour
Congress (NLC) et le Trades Union
Congress (TUC).
Ceux-ci entendent faire revenir
le gouvernement du pays le plus
peuplé d’Afrique (160 millions
d’habitants) sur sa décision de supprimer, depuis le 1er janvier, une
subvention au secteur pétrolier
qui permettait de maintenir très
bas le prix des carburants. Dès le
2 janvier, cette suppression a porté le prix du litre d’essence de
65 nairas (0,30 euro) à 140 nairas
(0,66 euro), et provoqué de nombreuses manifestations.
La Conférence des évêques
catholiques du Nigeria a pris, elle
aussi, parti contre cette suppression, le 3 janvier. Elle l’a qualifiée
« d’immorale » et a dénoncé l’absence de toute mesure de protection des plus vulnérables contre
les effets de la hausse.
Cette dispute est complexe.
D’un côté, la suppression de la subvention aux carburants est une
excellente chose, car elle profitait
d’abord aux classes urbaines les
plus fortunées. Elle avait pour
inconvénient d’absorber plus de
8 milliards de dollars par an, soit
5 % du produit national brut et
quatre fois le budget de la santé.
Enélaguantcettedépense,legouvernement du président Goodluck
Jonathan peut espérer faire d’une
pierre plusieurs coups. Il incite les
capitaux privés à s’investir dans le
raffinage national qui ne couvre
que 17% des besoins du pays.Il arrête les exportations sauvages de carburant subventionné vers le Togo
ou le Bénin.
Il met plus de transparence
dans le secteur pétrolier, puisque
les recettes exceptionnelles pétrolières – qui excèdent les prévisions budgétaires et peuvent
atteindre jusqu’à 50 milliards de
dollars – sont désormais placées
dans un compte spécial sous surveillance du Parlement. Le Nigeria adopte au même moment les
mêmes mesures de clarification
et de bonne gestion que l’Argentine. Celle-ci vient de supprimer
une longue liste de subventions
aux transports ou à l’énergie qui
dévoraient 4 % du PIB argentin,
afin de redresser son budget en
difficulté.
D’un autre côté, l’affaire est
compliquée parce que le problème a été seulement débattu entre
l’Etat fédéral et les 36 Etats fédérés, et pas avec la société civile. Les
responsables politiques n’ont
donc pas vu que, si la subvention
profitait essentiellement aux
plus aisés, elle allégeait fortement le fardeau des plus pauvres.
Une manne accaparée
Aucun programme d’aides
ciblées pour les catégories vivant
sous le seuil de pauvreté, soit les
deux tiers de la population, n’a été
étudié pour limiter une perte sévère de leur maigre pouvoir d’achat.
La tournure politique de la
contestation vient de la conviction de la population que la subvention était le seul moyen pour
elle de profiter un peu de la manne
pétrolière – 30 milliards de dollars
par an – accaparée par les élites.
Elle est persuadée que sa suppression profitera une fois de plus aux
mêmes parasites. Elle se sent
volée, car elle ne croit pas que les
milliards de dollars économisés
iront aux infrastructures, comme
le promet le gouvernement.
La grève risque donc d’être
dure, voire violente, selon un
expert nigérian qui ne croit pas
pour autant à un revirement du
président Goodluck Jonathan.
« Un comité de crise essaie de trouver le moyen d’amortir à retardement le choc pour les classes démunies, estime-t-il. Le gouvernement
fédéral discutera avec les gouvernements locaux pour corriger les
dégâts, mais la subvention ne sera
pas rétablie, car le président n’a
jamais fait marche arrière. S’il l’emporte, son succès changera la donne au-delà des frontières du Nigeria, car il mettra un coup de frein
aux échanges informels avec des
voisins qui en profitaient largement. » p
Alain Faujas
Conjoncture et vie des entreprises
Télécom Alger rachètera
51 % de Djezzy
Transport aérien
L’Algérie rachètera 51 % de l’opérateur de téléphonie mobile Djezzy
à la suite des négociations entreprises avec le principal actionnaire de l’égyptien Orascom Telecom
Holding (OTH), le russe Vimpelcom, a annoncé, dimanche 8 janvier, le porte-parole du ministère
des postes et télécommunications algérien. – (AFP.)
Finance La Hongrie prête
à des négociations sans
conditions avec le FMI
La Hongrie est prête à ouvrir des
négociations sans conditions préalables avec le Fonds monétaire
international (FMI), a déclaré, le
8 janvier, le premier ministre
conservateur Viktor Orban à
l’agence de presse hongroise MTI.
« Toutes les questions que les parties estiment importantes pourront être mises à l’ordre du jour »,
a-t-il ajouté. M. Orban est intervenu à l’issue d’une semaine au
cours de laquelle la Hongrie a vu
la pression des marchés finan-
Troisième jour de grève des pilotes
d’Iberia contre sa filiale à bas coûts
Plus de cent vols de la compagnie aérienne espagnole Iberia ont été
annulés, lundi 9 janvier, en raison d’une nouvelle journée de grève des
pilotes pour protester contre la création d’une filiale à bas coûts, IberiaExpress, à partir du printemps 2012. Quelque 109 vols ont été annulés,
soit 35 % des 303 vols prévus ; 104 seront annulés mercredi 11 janvier.
Deux journées de grève avaient déjà conduit à l’annulation d’une centaine de vols par jour les 18 et 29 décembre. Le syndicat des pilotes Sepla
craint que de bas salaires ne soient proposés aux nouvelles recrues et
dénonce le non-respect de la convention collective. De son côté, la compagnie assure que la création d’Iberia-Express n’affectera pas les conditions de salaires et de travail de ses employés actuels. – (AFP.) p
ciers s’accroître sur fond de
conflit avec l’Union européenne
et le FMI. – (AFP.)
Emploi Recul du chômage
en Suisse en 2011
Le taux de chômage en Suisse a
reculé à 3,1 % en 2011, contre 3,9 %
en 2010, malgré l’appréciation de
la monnaie helvétique et le ralentissement économique mondial,
a annoncé, lundi 9janvier, le secrétariat d’Etat à l’économie. – (AFP.)
Marchés
Commerce extérieur
Déficit de 4,4 milliards
d’euros en novembre 2011
Le déficit commercial de la France
s’est amélioré en novembre 2011,
à 4,41 milliards d’euros, après
5,57 milliards d’euros en octobre,
selon les données CVS-CJO
publiées, lundi 9 janvier, par les
Douanes. Le solde cumulé de la
balance commerciale s’établit à –
64,9 milliards d’euros sur les onze
premiers mois de 2011 contre –
Devise Le Parlement
iranien tente d’enrayer
la chute du rial
Le Majlis, le parlement iranien, a
tenté, dimanche 8 janvier, d’enrayer la chute de la devise nationale, le rial, alors que les Iraniens se
précipitent pour acheter des dollars, après les nouvelles sanctions
financières décrétées par les EtatsUnis. Le rial a perdu près de 20 %
face au billet vert avant que la banque centrale n’intervienne cette
semaine en injectant des devises
sur le marché pour empêcher une
nouvelle chute. – (AFP.)
Spatial Arianespace
suspendu au lanceur Vega
Arianespace attend le tir inaugural de Vega en Guyane d’ici à
mars 2012. Ce lanceur, plus léger,
lui permettra de se développer
sur le marché des petits satellites
et complétera les fusées Ariane 5
et Soyouz, a déclaré son PDG, JeanYves Le Gall. – (AFP.)
Retrouvez l’ensemble des cotations sur notre site Internet :http://finance.lemonde.fr
LES MARCHÉS DANS LE MONDE 9/1, 9h40
VALEURS DU CAC40
Lundi 9 janvier 9h40
Valeur
45,91 milliards sur la même période en 2010. – (AFP.)
Pays
Dernier
cours
Cours
préc.
% var.
/préc.
% var.
31/12
Plus
haut
ACCOR .........................◗
19,43
AIR LIQUIDE .......................◗ 94,98
ALCATEL-LUCENT ...........◗
1,25
ALSTOM ............................◗ 22,84
ARCELORMITTAL ...............
14,70
AXA ....................................◗
9,85
BNP PARIBAS ACT.A ........◗
28,55
BOUYGUES .......................◗
23,72
CAP GEMINI ......................◗
24,81
CARREFOUR .....................◗
16,71
CREDIT AGRICOLE ............◗
4,14
DANONE ............................◗ 48,59
EADS ...................................◗ 24,88
EDF ......................................◗
18,02
ESSILOR INTL ....................◗
55,11
FRANCE TELECOM ............◗
11,82
GDF SUEZ ...........................◗
20,78
LAFARGE ...........................◗ 27,00
LEGRAND ..........................◗ 24,84
L’OREAL ............................◗
81,35
LVMH MOET HEN. ............◗ 109,50
MICHELIN...........................◗ 46,85
PERNOD RICARD ...............◗
72,16
PEUGEOT............................◗
12,71
PPR .....................................◗ 113,55
PUBLICIS GROUPE ...........◗ 36,96
RENAULT............................◗ 28,88
SAFRAN ..............................◗
23,27
SAINT-GOBAIN..................◗ 29,20
SANOFI ...............................◗
56,22
SCHNEIDER ELECTRIC .....◗ 42,58
SOCIETE GENERALE .........◗
15,56
STMICROELECTR. .............◗
4,86
TECHNIP.............................◗
70,95
TOTAL .................................◗
40,13
UNIBAIL-RODAMCO ........◗ 132,70
VALLOUREC .......................◗
51,37
VEOLIA ENVIRON. .............◗
8,17
VINCI...................................◗ 33,84
VIVENDI ..............................◗
16,61
19,11
94,90
1,25
22,77
14,73
9,80
28,45
23,73
24,68
16,61
4,13
48,27
24,77
17,81
55,20
11,79
20,67
26,93
24,77
81,18
108,90
46,65
71,93
12,80
113,70
36,78
28,31
23,36
29,16
56,25
42,42
15,56
4,85
70,90
39,99
132,60
51,51
8,13
33,73
16,55
1,67
0,20
0,16
0,37
-0,24
0,11
-0,12
-0,21
0,71
0,48
-0,22
0,76
0,50
1,24
-0,22
0,51
0,77
0,17
0,38
0,25
0,51
0,46
0,44
-0,35
0,04
0,45
2,19
-0,04
0,24
0,11
0,41
-0,29
0,41
0,17
0,36
0,34
-0,14
0,76
0,36
0,42
-0,82
-0,52
3,31
-2,48
4,03
-2,33
-6,36
-2,73
2,96
-5,25
-5,50
0,12
3,06
-4,10
0,97
-2,35
-1,37
-0,66
0,04
0,84
0,05
2,59
0,82
5,33
2,80
3,94
7,95
0,60
-1,45
-0,78
4,72
-9,79
6,08
-2,20
1,61
-4,21
2,55
-3,29
0,28
-1,77
20,24
97,93
1,32
24,54
15,27
10,64
31,60
25,05
25,67
18,30
4,46
49,80
25,15
19,32
56,43
12,40
21,85
28,38
25,49
82,79
113,40
48,23
72,54
13,28
115,15
37,06
29,21
23,66
31,07
57,42
43,70
17,68
4,96
74,55
40,52
139,00
52,40
8,95
34,88
17,62
Plus
bas
Divid.
net
Code
ISIN
18,72 0,62 T FR0000120404
94,52 2,35 T FR0000120073
1,21 0,16 T FR0000130007
22,70 0,62 T FR0010220475
14,03 0,16 S LU0323134006
9,71 0,69 T FR0000120628
28,26 2,10 T FR0000131104
23,68 1,60 T FR0000120503
24,04 1,00 T FR0000125338
16,57 1,08 T FR0000120172
4,07 0,45 T FR0000045072
48,03 1,30 T FR0000120644
24,02 0,19 T NL0000235190
17,73 0,57 A FR0010242511
54,50 0,83 T FR0000121667
11,72 0,60 A FR0000133308
20,57 0,83 A FR0010208488
26,73 1,00 T FR0000120537
24,61 0,88 T FR0010307819
80,47 1,80 T FR0000120321
108,00 0,80 A FR0000121014
45,61 1,78 T FR0000121261
70,50 0,77 S FR0000120693
11,98 1,10 T FR0000121501
110,70 3,50 T FR0000121485
35,30 0,70 T FR0000130577
26,76 0,30 T FR0000131906
22,75 0,25 A FR0000073272
29,07 1,15 T FR0000125007
54,89 2,50 T FR0000120578
40,31 3,20 T FR0000121972
15,52 1,75 T FR0000130809
4,59 0,09 A NL0000226223
70,88 1,45 T FR0000131708
39,47 0,57 A FR0000120271
130,35 2,70 D FR0000124711
49,68 1,30 T FR0000120354
8,07 1,21 T FR0000124141
33,62 0,55 A FR0000125486
16,47 1,40 T FR0000127771
Cours en euros.
◗ : valeur pouvant bénéficier du service de règlement différé (SRD). # : valeur faisant l'objet d'un contrat d'animation.
Plus haut et plus bas : depuis le 1/1/2011. n/d : valeur non disponible. A : acompte, S : solde, T : totalité.
Indice
ROYAUME UNI
ETATS-UNIS
JAPON
% var.
Maxi
2011
Mini
2011
PER
CAC 40
3137,36 6/1
-0,24
3246,74 3/1
3136,75 5/1
DAX Index
6057,92 6/1
-0,62
6179,03 3/1
5900,18 2/1
9,35
FTSE 100 index
5649,68 6/1
0,45
5719,83 4/1
5572,28 3/1
9,66
Dow Jones ind. 12359,92 6/1
FRANCE
ALLEMAGNE
Dernier
cours
9,00
-0,45
12876,00 2/5
10404,49 4/10
11,19
Nasdaq composite
2674,22 6/1
0,16
2887,75 2/5
2298,89 4/10
15,79
Nikkei 225
8390,35 6/1
-1,16
8581,45 4/1
8481,83 5/1
13,11
PER - Price Earning Ratio (ou cours/bénéfice) : cours de Bourse divisé par le bénéfice par action estimé pour l'exercice
courant. PER : FactSet JCF Estimates ; données : la Cote Bleue. n/d : valeur non disponible.
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SICAV ET FCP
0123
LA BOUTIQUE
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valeur
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5/1
CM-CIC SELECT.PEA
6,89
5/1
CM-CIC MID EUROPE
18,75
5/1
CM-CIC TEMPERE C
166,46
5/1
CM-CIC DYN.EUROPE
30,46
5/1
CM-CIC FRANCE C
27,76
5/1
CM-CIC EQUILIBRE C
68,79
5/1
CM-CIC DYNAM.INTLE
26,58
5/1
CM-CIC OBLI C.T.D
132,54 6/1
CM-CIC MID FRANCE
30,46 5/1
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80, boulevard Auguste-Blanqui - 75013 Paris
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16
0123
décryptages ENQUÊTE
Mardi 10 janvier 2012
A l’embarcadère du port
de Calais (Pas-de-Calais)
à l’heure de la
fermeture des locaux de
SeaFrance, le 7 janvier.
RICHARD BARON/LIGHT MOTIV
POUR « LE MONDE »
Violences, relations
incestueuses avec
l’ancienne équipe
de direction,
soupçons
d’enrichissement
personnel…
les accusations
pleuvent contre
les pratiques
supposées
de la CFDT-Maritime
Nord. Au point
d’empêcher la
reprise d’une société
de 800salariés?
SeaFrance
Unsyndicalisme
Bertrand Bissuel
Calais (Pas-de-Calais)
Envoyé spécial
C
hez SeaFrance, l’étiquette
CFDT est devenue lourde à
porter. Un véritable boulet,
presque une marque d’infamie. Depuis le 6 janvier, les
responsables de ce syndicat
dans la compagnie de ferries sont accusés
dans la presse des pires dérives, au
moment même où ils défendent la reprise
de l’entreprise par une société coopérative
et participative (SCOP). Un symbole de
plus dans ce dossier qui s’est invité dans la
campagne présidentielle.
Les syndicalistes étaient déjà contestés,
du fait de leur opposition à la solution de
relance portée par Louis Dreyfus Armateur (LDA) et la société danoise DFDS. Mais
la controverse a pris une tournure nouvelle avec le déballage, sur la scène nationale,
de faits dénoncés naguère par des journaux régionaux et par d’autres syndicats :
intimidations, violences, gestion opaque
des instances représentatives du personnel, relations incestueuses avec l’ancienne
équipededirection,soupçonsd’enrichissement personnel…
Dans ce déferlement d’accusations, un
nom revient sans cesse : Didier Cappelle,
responsable de la CFDT-Maritime Nord.
Bien que cet ancien salarié de SeaFrance ait
pris sa retraite en 2006, il continue de
jouer un rôle de tout premier plan dans les
manœuvres de sauvetage de la compagnie
qui assure la liaison Calais-Douvres. Ses
nombreux contradicteurs le décrivent
comme le « cerveau », le « gourou » d’une
organisation quasi « mafieuse ». La CFDT,
au niveau confédéral, a prévenu qu’elle
l’exclurait,luiet lesautreschefs de sonsyndicat, si les soupçons de « pratiques obscures et frauduleuses » se confirmaient. « On
sera sans état d’âme, confie Laurent Berger, secrétaire national de la centrale cédétiste. Ces gens-là ne sont pas en phase avec
les valeurs et l’éthique de la CFDT.»
Beaucoup moins sévère, un ex-cadre de
haut niveau, employé dans la compagnie
de 2001 à 2008, voit dans cet homme aux
allures de papy ordinaire un « syndicaliste
à l’ancienne », adepte certes « du coup de
poing sur la table », mais « généreux ».
Didier Cappelle commence à travailler
en 1966 à l’âge de 15 ans, à l’issue de l’Ecole
d’apprentissagemaritimeduHavre (SeineMaritime). Mousse sur le paquebot France
durant un an, il bourlingue ensuite sur
« toutes sortes de bateaux » : porte-conteneurs,bananiers,etc. En1973, ilintègre l’Armement naval SNCF, l’ancien nom de Sea-
àladérive
France, et gravit les échelons jusqu’au poste d’intendant, avant de passer permanent
syndical en 1990. Au moment de son
embauche, raconte-t-il, la CGT occupait
une position dominante, tandis que la
CFDT ne comptait que quelques dizaines
d’adhérents. Le rapport de forces va peu à
peu s’inverser. Didier Cappelle sait commander des troupes et se faire apprécier
d’elles.En1994, ilestélusecrétairedu comité d’entreprise (CE).
Au cours des années 1990, les conflits
sociaux s’enchaînent sur de multiples
sujets : salaires, emplois, indemnisation
des arrêts maladie… Nommé à la tête de
SeaFrance en 2001, Eudes Riblier essaie de
jugulerle nombre de joursde grèvesen travaillant « en étroite liaison avec la CFDT »,
explique un proche de l’actuelle direction,
enposte àl’époque. « Petit àpetit, poursuitil, la CFDT a pris le pouvoir sur le recrutement des non-cadres. » Didier Cappelle
fournirait même des « listes » de personnesà engager dans la compagnie de ferries.
La Cour des comptes dresse un constat
similaire dans un rapport remis en 2009 :
pour les « agents de service général » à
bord des navires, « le recrutement s’effectue largement par cooptation selon des critères peu transparents », écrit la haute juridiction, en ajoutant : « Les recommandations familiales et surtout l’appui de la formation syndicale majoritaire [la CFDT]
entrent comme un facteur déterminant
dans la sélection des candidats. » Aux yeux
de la Cour, cette politique entraîne des
sureffectifs.
«Sous prétexte
de paix sociale,
on a fait n’importe quoi»
Jacques Brouyer
secrétaire du syndicat CGT
des officiers de SeaFrance
Didier Cappelle ne nie pas avoir eu
« une certaine influence » en matière d’embauche, mais d’autres syndicats en
avaient aussi et ces usages ne sont pas propres à SeaFrance, se défend-il.
La CFDT-Maritime Nord est également
soupçonnée d’exercer son emprise sur les
Didier Cappelle,
responsable de la
CFDT-Maritime Nord,
le 7 janvier à Calais.
RICHARD BARON/LIGHT MOTIV
POUR « LE MONDE »
augmentations salariales et sur le déroulement de carrière des techniciens et des personnels d’exécution. A tel point qu’en
février 2007, l’intersyndicale CGT/CFECGC des officiers s’indigne des privilèges
exorbitants qui seraient accordés à certains salariés : primes exceptionnelles
sans justification, promotions aussi subites qu’inexpliquées… « Le président Riblier
a acheté la paix sociale à la CFDT », fustigent les deux organisations.
Pour avoir relayé ces allégations, le quotidien Nord-Littoral sera condamné pour
diffamation par la cour d’appel de Douai
(Nord).Mais Pascal Dejean, le PDG du groupepropriétairedecejournal, pense,aujourd’hui encore, que ces critiques étaient fondées : « Nous avons eu le tort d’avoir raison
trop tôt », affirme-t-il. La preuve : la Cour
des comptes a validé, dans son rapport de
2009, les observations faites deux ans plus
tôt par l’intersyndicale des officiers.
Accusée d’être de mèche avec la direction, la CFDT-Maritime Nord est également montrée du doigt pour ses méthodes musclées. En mars 2002, un représentant de la CGT, Christophe Wadoux, est
frappé au cours d’une « réunion paritaire » par Eric Vercoutre, l’actuel secrétaire
du CE. Une agression commise sous les
yeux d’un membre de la direction des ressources humaines. Un an plus tard, un
groupe de salariés de SeaFrance emmené
par Didier Cappelle envahit les locaux de
Nord-Littoral à Calais. Un article leur avait
déplu, raconte Pascal Dejean. Il n’y a ni
coup ni casse – ou presque – mais par la
suite, la CFDT-Maritime Nord distribuera
des tracts menaçants contre des journalistes du quotidien, d’après le PDG du groupe de presse.
E
n avril 2005, une autre altercation
éclate, entre Eric Vercoutre et Roger
Lopez, un responsable de la CGT
chez SeaFrance. Ce dernier s’écroule,
après, dit-il, avoir été boxé par son contradicteur. La justice condamne le militant
cédétiste à une peine d’amende, malgré
ses dénégations. Enfin, quelques mois
plus tard, un incident se produit lors
d’une manifestation au Havre, mais cette
fois la victime est une policière en civil
qui photographie des manifestants. Plusieurs hommes tentent de s’emparer de
son appareil, elle se retrouve au sol. Didier
Cappelle, Eric Vercoutre et un de leurs collègues sont renvoyés en correctionnelle :
le premier se voit infliger une amende, le
second sept mois de prison avec sursis, le
troisième cinq mois avec sursis.
Tous ces épisodes ont été grossis jusqu’à l’exagération, plaide Didier Cappelle.
Il explique que la policière avait dissimu-
lé sa véritable qualité aux manifestants
– d’où la colère de certains d’entre eux. Il
prétend même avoir cherché à la protéger
avec ses deux collègues. Un recours
devant la Cour européenne des droits de
l’homme a été engagé contre la décision
sanctionnant les trois hommes…
Un changement important survient
lorsque Eudes Riblier est remplacé en
2008 par Pierre Fa à la direction. Celui-ci
« siffle la fin de la récréation » et enterre la
politique de cogestion, relate un syndicaliste. D’après lui, la CFDT-Maritime Nord
cesse d’avoir la main sur une partie des
recrutements. Depuis, la guerre fait rage
entre le syndicat et le président du directoire. Les belligérants croisent le fer au
sujet des comptes du CE : Pierre Fa multiplie les requêtes pour y voir plus clair.
N’obtenant pas les documents réclamés,
il lance des actions judiciaires, si nombreuses et si touffues que les protagonistes ont eux-mêmes de la peine à s’y
retrouver.
Didier Cappelle assimile cette cascade
de procédures à une « cabale » visant à
« jeter le discrédit » sur son organisation.
« Le CE a toujours été très bien géré et au
bénéfice de tous », assure-t-il, tout en prenant un malin plaisir à rappeler que Pierre Fa fut condamné dans l’affaire Elf.
Début 2010, suspectant des détournements de produits à bord des navires, les
patrons de SeaFrance portent plainte
pour « abus de confiance ». Une information judiciaire est ouverte par le parquet
de Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais).
Depuis, aucune mise en examen n’a été
prononcée, mais les comptes bancaires de
responsables de la CFDT-Maritime Nord
auraient été épluchés.
Quelques semaines après le début de
cette enquête, une autre affaire surgit : celle des biens immobiliers d’Eric Vercoutre.
« Comment a-t-il pu se les offrir ? », s’interroge Nord-Littoral, le 4 juin 2010. Un sujet
à nouveau abordé par Libération, dans
son édition du 7-8 janvier. Au quotidien
national, le secrétaire du CE indique qu’il
a dû contracter de gros emprunts afin
d’acheter ces logements qu’il met en location. Propriétaire, lui aussi, de plusieurs
appartements à Calais, Didier Cappelle
soutient qu’ils sont « hypothéqués » et
qu’il s’est « surendetté » à cause de l’acquisition d’un immeuble.
« Sous prétexte de paix sociale, on a fait
n’importe quoi », tempête Jacques Brouyer, secrétaire du syndicat CGT des officiers de SeaFrance. Des « calomnies » martelées depuis des années, rétorque Didier
Cappelle. Selon lui, elles ressortent aujourd’hui pour torpiller le projet de SCOP.
Celui-ci était considéré comme voué à
l’échec en raison d’un financement insuffisant et d’un business plan boiteux. Mais
la société Eurotunnel vient de créer la surprise en proposant d’appuyer le schéma
construit par la CFDT-Maritime Nord. Si
cette solution prend tournure, le pavillon
français continuera peut-être de flotter
entre Calais et Douvres. p
0123
décryptages DÉBATS
Mardi 10 janvier 2012
17
Cofondateur de l’UMP, pourquoi je rejoins aujourd’hui François Bayrou
Seul le président du MoDem peut réunir le centre autour de ses valeurs
Philippe
Douste-Blazy
Ancien président du groupe UDF
à l’Assemblée et ancien ministre
V
oilà dix ans, je contribuais
avec d’autres à la création de
l’Union en mouvement au
congrès de Toulouse, devenue l’UMP. Voilà cinq ans
que je regarde ce mouvement grandir en prenant des orientations
qui ne me conviennent pas. Voilà deux ans
que je m’interroge sur ma place à l’UMP
face au tournant droitier désormais assumé par l’état-major du mouvement.
L’UMP est-il encore un grand parti de
centre droit, humaniste et libéral ? C’est
parce que telle n’est plus ma conviction
qu’ilesttemps pourmoi deromprelesilence,derappeler les valeursqui sont lesmiennes et d’appeler à une union nationale
autour de François Bayrou, candidat à
l’élection présidentielle.
Compagnon de route de François Bayrou, avant de prendre un autre chemin, je
sais que cette prise de position surprendra. C’est pourquoi je tiens à rappeler ce
qu’était l’UMP et ce qu’elle est devenue.
En 2001, plus rien ne séparait les partis
gaullistes, libéraux et centristes. Les
vieilles querelles de la droite semblaient
derrière nous : la division, les haines personnelles, les invectives, les divergences
idéologiques. Depuis le discours à Berlin
de Jacques Chirac, les gaullistes avaient
achevé leur mue européenne. Il était enfin
possible de ressouder le couple franco-allemand, moteur d’une Europe forte. Depuis
le discours de Rodez, le RPR avait pris le
tournant décentralisateur. Le choix de la
confiance aux collectivités locales était
désormais partagé. Nos positions, nos programmes, nos propositions étaient désormaisles mêmes,y compris dans les domaines économique et social ou sociétal.
Partout en Europe, s’étaient construits
des partis de centre droit proeuropéen,
libéraux et humanistes, parfois alliés à
un petit parti conservateur, affrontant
un parti social-démocrate. La France faisait encore figure d’exception, avec son
parti gaulliste, ayant survécu au charis-
me d’un héros rassembleur issu des heures sombres de la guerre, et son Parti
socialiste, marqué par une culture
marxiste désespérante. L’heure d’une vie
politique française plus moderne et plus
apaisée était venue.
D’un point de vue tactique, chacun sait
que la bipolarisation créée par la Ve République condamne le centre à n’être qu’un
supplétif des deux grands partis de droite
oudegauche. Acet égard,l’élection deValéry Giscard d’Estaing n’avait été qu’une
parenthèse dans notre histoire politique.
Course à l’urgence
J’avais proposé en son temps à François
Bayrou de rejoindre ce grand mouvement
qui se construirait sur la base de nos idées
et de nos valeurs. Il avait refusé, persuadé
que la famille centriste devait rester indépendante. Il était persuadé que l’alliance
des centres et des droites au sein de l’UMP
ne ferait que vassaliser une fois de plus les
centristes. Il avait raison. Premier secrétaire général de l’UMP au côté d’un homme
aussi exceptionnel qu’Alain Juppé comme
président, exemple de courage et de
conviction, notre relation était équilibrée.
Je prends acte que l’UMP, depuis 2007, a
L’Europe doit soutenir sa Banque centrale
Laurence Boone
Managing director
chez Bank of America Merrill Lynch
Raoul Salomon
Managing director chez Barclays Capital
R
écemment, un jeune banquier central
rappelait avec beaucoup d’à propos que,
en ce moment, le monde avait besoin de
plusd’historiens et de moins d’économistes. Difficile de ne pas faire de comparaison avec la grande crise de 1929 : une grave crise financière qui se propage au monde réel, une
absence de coordination globale, un manque de leadership politique… Au début des années 1930, alors
que les déficits se creusaient et que la récession s’aggravait après la crise financière, les pays n’arrivaient
pas à se coordonner : la rigueur budgétaire s’imposait
et les pays s’accrochaient à maintenir leur parité or,
avec les conséquences que nous connaissons. L’histoire se répète : l’activité se grippe dans la zone euro sous
l’effet d’ajustements budgétaires drastiques et non
coordonnés sans que la politique monétaire unique
déploie toutes ses armes.
Pourtant, si les pays de la zone euro soutenaient la
Banque centrale européenne (BCE), elle pourrait mettre en place une politique monétaire plus accommodante, à l’image de ses consœurs britannique et américaine. Si un Trésor unique, responsable d’une politique budgétaire coordonnée et optimale à travers la
zone émergeait, la BCE aurait moins de difficultés à
procéder à son tour à une politique qui soutiendrait
les économies et leurs efforts d’ajustement.
En se souvenant d’un certain nombre d’erreurs du
passé, les banques centrales anglo-saxonnes ont mis
en œuvre des politiques non conventionnelles. Partant du principe que la dette souveraine est la référence à la plupart des taux d’intérêt affectant l’économie
réelle, ces banques ont décidé de stabiliser les taux à
des niveaux très bas en rachetant de la dette souveraine. Au Royaume-Uni, une stratégie d’ajustement budgétaire assumée a été mise en place en parallèle.
Aux Etats-Unis, le débat budgétaire est moins clair,
mais il subsiste un sentiment fort que tout est mis en
œuvre pour relancer l’économie. Rassurés à la fois sur
la direction prise par ces Trésors, et sur le fait qu’il y
aurait toujours un acheteur en dernier ressort, les
investisseurs continuent d’ajouter de la dette souveraineaméricaine et britanniquesur leursbilans. Résultat: les taux à dix ans de ces deux pays sont à environ
2 %, alors même que l’inflation est plus élevée, ce qui
génère des pertes réelles chez les investisseurs.
En Europe, la situation est confuse. Alors que la BCE
ne cesse d’assurer qu’elle ne rachètera pas la dette des
Etats en difficulté, son bilan ne cesse de s’alourdir avec
la provision de liquidités fournies aux banques, sans
limites et à taux dérisoires. Les achats de dettes souveraines sont restés négligeables en regard de la taille du
bilan,200milliards d’eurosà comparerà uneaugmentation dubilan de 1 000 milliards d’euros (le bilan de la
BCE est passé de 1 500 milliards fin 2007 à 2 700 milliardsd’euros aujourd’hui). Il ya unedifférence majeure entre ce programme européen et celui de ses
consœurs anglo-saxonnes : la BCE prête énormément
deliquidités,maisrachète peu. Celaa deux conséquen-
ces importantes : d’une part, le bilan des banques n’est
pas nettoyé – contrairement à celui des banques américaines, que la Fed a délestées d’un grand montant de
dettes toxiques ; d’autre part, les banques devront
rembourser ces liquidités à échéances variant entre
sixmois et trois ans.
Les conséquences (négatives) sur l’activité réelle
sont non négligeables. Certes, on aide les banques à se
refinancer : le montant de dette à refinancer pour les
banques de la zone euro est énorme pour 2012, à environ 800 milliards d’euros, et nul doute que le récent
prêt de 490 milliards d’euros à trois ans à 1 % va les
aider. Mais en ne les aidant pas à assainir leurs bilans,
les banques ne vont pas se remettre à prêter aux
consommateurs et aux entreprises, ou timidement.
D’autant que les banques doivent augmenter leur
ratio de capital d’ici à fin juin.
L’activité économique va en pâtir. En outre, on
maintient la chimère dangereuse que l’argent prêté
par la BCE aux banques pourrait leur permettre de
continuerà financer lesdettessouveraines. Maissi l’argent de la BCE s’investit dans la dette souveraine, elle
ne va pas dans l’économie réelle, ce qui prive un peu
plus cette dernière de financement.
En parallèle, les gouvernements de la zone euro
ont décidé de renforcer la discipline budgétaire à
l’aide de règles qui menacent de paralyser l’arme budgétaire. Les pays de la zone euro, qui ont une politique
monétaire commune et contrainte comme on vient
de l’expliquer, s’imposeraient une autre contrainte
Consultant en management,
maître de conférences
à l’Institut d’études politiques de Paris
A
¶
Laurence Boone
a été chef
économiste
de Barclays
Capital
tion. Si ce n’est un engagement fort de
celui qui sera élu en mai dans la mise en
place d’une solidarité mondialisée. Alors
que nous traversons une des pires crises
mondiales de l’histoire, je ne cherche pas à
fragiliser mon camp. Mais je crois pouvoir
le renforcer en adoptant la démarche de
clarté qui est celle qui a toujours animé
mon engagement politique.
En reconnaissant à Nicolas Sarkozy sa
stature et son courage, je veux réaffirmer
les idées humanistes et européennes, ma
croyance en l’économie sociale de marché, ma préférence pour la solidarité et la
justice. C’est pourquoi, je voterai pour
François Bayrou et j’invite tous les Français qui se reconnaissent dans ces valeurs
à le rejoindre, lui dont la fidélité à ces
convictions, et l’indépendance en font un
leader apte à rassembler les femmes et les
hommes de bonne volonté prêts à redresser notre pays. p
¶
Philippe Douste-Blazy
est conseiller spécial
pour les sources
du développement à l’ONU
Des syndicats impuissants
Un déclin très préoccupant
Vijay Monany
On est donc en train d’adopter une stratégie
qui va à l’inverse de ce qu’il faudrait faire
paralysant l’outil budgétaire pour la gestion du cycle
économique. La politique budgétaire va se résumer à
des ajustements forts, sans tenir compte des effets
d’entraînement négatifs pour la zone. Il faut rappeler
que les ajustements budgétaires réussis sont ceux
qui ont été faits alors que l’environnement international de ces pays était un environnement de croissance,
et la politique monétaire devenait plus accommodante. La somme de règles budgétaires uniques à des
situations économiques nationales différentes risque de donner une politique budgétaire sous-optimale à l’échelle européenne.
Onest donc en train d’adopter une stratégie qui va à
l’inverse de ce qu’il faudrait faire : il faudrait mettre en
place une politique budgétaire européenne, qui répartirait l’effort d’ajustement entre les différents pays de
la zone euro, afin que les pays qui ajustent bénéficient
du soutien de la demande des pays qui n’ont pas
besoind’ajuster (Allemagne) autant ou au même rythme (France). Si de surcroît chaque pays acceptait de
décider de sa stratégie d’ajustement au niveau européenpour le bien de lazone euro, alors onaurait l’équivalent d’un Trésor de la zone euro. La BCE, forte de
l’existence de ce Trésor et d’une stratégie d’ajustement soucieuse de croissance et clairement définie,
pourraitrendresapolitiquemonétaire plusaccommodante en procédant à des achats de dettes souveraines
de façon à abaisser les taux sur toutes les maturités.
Depuis le début de la crise grecque, nous avançons
à petits pas de sommets en sommets. Il faut tordre le
cou à l’idée qu’un pays de la zone euro puisse faire
défaut à l’avenir et dire que les pays sont solidaires
en posant les pierres d’un embryon de fédéralisme.
La BCE entendra les gouvernements sur cette évolution et pourra alors emboîter le pas à ses consœurs
anglo-saxonnes. p
pris ses distances avec ce que nous avions
créé. Si ce parti existe encore pour rassembler et construire des destins, je ne retrouve pas la volonté de créer un idéal dans la
même idée collective que celle de 2001.
L’UMP d’aujourd’hui s’est abîmée dans
sa course permanente à l’urgence, à la
surenchère, dans la poursuite du fait
divers.Elle a laissé danssa poche sa boussole principale : la personne humaine.
C’est tout l’inverse de l’action que je
mène depuis 2007 en tant que secrétaire
général adjoint de l’ONU en charge des
financements innovants pour les pays en
développement et président d’Unitaid,
l’agence dédiée à la collecte des contributions de solidarité sur les billets d’avion
pour lutter contre les risques sanitaires
dans les pays en développement, tout particulièrement en Afrique. Avec des dirigeants mondiaux, tels Bill Clinton, Bill
Gates, Lula ou Michèle Bachelet, nous
sommes en charge au quotidien de la
mondialisation de la solidarité. Pour
autant, je ne me suis jamais désintéressé
de l’avenir de mon pays.
Mais aujourd’hui, la vie politique nationale est derrière moi, je ne demande rien,
je n’attends rien. Ni poste ni circonscrip-
quelques jours du sommet
social du 18 janvier à l’occasion duquel le président de
la République doit recevoir
l’ensemble des partenaires
sociaux, ces derniers semblent plus fragilisés que jamais. La première raison qui explique cette fragilité des
syndicats tient au discrédit dont ils sont
l’objet, notamment en raison de l’opacité
de leur financement.
En effet, deux rapports récents ont
contribué à alimenter la suspicion à
l’égard du financement du paritarisme
français. Le premier, publié par l’Institut
Montaigne et consacré à la formation professionnelle, dénonce l’empressement de
certainspartenaires sociaux à bloquer toute réforme de la formation professionnelle dans la mesure où le système de financement de la formation permet également
de financer le paritarisme.
Le second rapport est celui de la commission parlementaire sur le financement des organisations syndicales et
patronales piloté par le député du Nouveau Centre Nicolas Perruchot. L’affaire
est emblématique, puisque à l’issue de
six mois d’auditions la commission parlementaire a décidé de ne pas adopter le rapport, qui se trouve interdit de publication.
Le rapport, qui devait faire la lumière sur
le financement des syndicats, a été occulté. La vérité, ici, n’était pas bonne à dire.
Les partenaires sociaux ont été les premiers à s’émouvoir de cette non-publication et ont argué du fait qu’elle a pu donner lieu à une campagne médiatique à
charge contre eux. L’« ère du soupçon »,
pour reprendre une expression de Nathalie Sarraute, n’a pas épargné les syndicats,
et l’on éprouve la nécessité de clarifier
leur financement, comme on l’a fait il y a
presque vingt ans pour les partis politiques.
Mais si les syndicats paraissent plus fragilisés qu’hier, c’est également parce que
leurs modes d’action sont de plus en plus
contestés par ceux-là mêmes qu’ils représentent. Les syndicats paraissent ainsi
débordés par les salariés qui inventent de
façon autonome de nouveaux modes de
conflictualité.
La grève, mode de contestation traditionnel prôné par les syndicats, est de
moins en moins suivie : au fil des années,
une baisse notable des journées individuelles non travaillées est constatée. Pour
autant, on observe une remontée de la
conflictualité dans l’entreprise. Cette
conflictualité toutefois prend d’autres formes, plus diffuses que l’arrêt de travail.
Dans les entreprises, les salariés préfèrent
désormais se désengager, dans une logique de grève froide.
Dans une certaine mesure, on pourrait
dire que les syndicats subissent avec les
salariés le même phénomène que les partis politiques d’opposition avec les « indignés » : une contestation moins hiérarchique, plus horizontale, moins encadrée,
plus spontanée.
Enfin, si les syndicats sont dans cette
situation de fragilité, c’est surtout parce
qu’ils ont fait la preuve de leur impuissance. En la matière, le souvenir de leur échec
retentissant à l’occasion de la réforme des
retraites en 2010 contribue à alimenter ce
sentiment d’impuissance. Les syndicats,
unis, étaient alors parvenus à rassembler
plusieurs millions de personnes dans la
rue, qui ont manifesté leur désaccord à
l’égard d’une réforme des retraites pour
laquelle le président de la République
n’avait reçu aucun mandat. Pourtant, cette mobilisation n’a produit aucun effet et
n’a pas modifié le projet préparé par le
gouvernement. La réforme des retraites a
bel et bien eu lieu.
Sommet social
Plus encore, le sentiment que l’action
syndicale est vaine est d’autant plus fort
en cette période de crise économique. En
effet, au moment où la fermeture de
grands sites industriels est annoncée, les
syndicats se révèlent incapables de protéger les salariés. Dans la seule filière automobile, l’annonce de la fermeture du site
de PSA à Aulnay-sous-Bois ou encore le
plan de compétitivité préparé par la direction des Fonderies du Poitou sont à même
de décourager l’initiative syndicale.
Une dernière raison enfin contribue à
entretenir ce sentiment d’une impuissance des organisations syndicales, c’est la
proximité de l’élection présidentielle. En
effet, au moment où les Français savent
qu’ils auront bientôt l’occasion de dire ce
qu’ils pensent par les urnes, ils sont moins
enclins à le dire dans la rue. Au moment
où ils s’apprêtent à accorder leur confiance à un homme politique, ils hésitent à l’accorder à une organisation syndicale. La
démocratie politique est en France toujours concurrente de la démocratie sociale.
Le paradoxe de cette situation tient au
fait que c’est au moment où notre pays a
besoin d’un dialogue social serein que les
syndicats se retrouvent fragilisés. La crise
économique et sociale dans laquelle le
monde est plongé, et qui plaide pour une
restauration du dialogue social, a besoin
de syndicats forts et représentatifs. A cet
égard, le sommet social du 18 janvier est
attendu et espéré. p
18
0123
décryptages le grand débat
Mardi 10 janvier 2012
Assimilée à une attitude défensive de l’islam le plus conservateur, la charia
est un terme que s’approprient aussi bien les rigoristes que les réformistes
La charia, une réalité plurielle
A
«Le salafisme se réduit
à l’imitation minutieuse
du mode de vie
des pères fondateurs
pour se préserver
de toute innovation,
de toute aventure
intellectuelle»
Ainsi peut-on comprendre que, par une
évolution sémantique familière à la langue arabe, ce vocable très concret dans ses
acceptions premières ait fini par désigner
un concept complexe et abstrait,
c’est-à-dire l’acte de légiférer, ou la législation. La racine suggère également le commencement d’un processus, ce qui s’accorde assez bien avec l’idée d’un exercice du
pouvoir législatif. En outre, la même racine évoque la voile du bateau, ce par quoi
celui-ci s’élève vers le ciel et s’élance vers le
large et, enfin, la voie bien tracée, l’avenue.
Le mot de charia existait avant la révélation coranique et désignait la simple législation sans connotationreligieuse particulière. Certains dérivés de cette même racine sont d’ailleurs restés dans le champ
sémantique du droit positif. C’est ainsi
que le terme qououat tachri’iya veut dire
pouvoir législatif par opposition aux pouvoirs exécutif et judiciaire dans tout système démocratique, fût-il laïque.
On a relevé une seule occurrence du
mot charia dans le Coran. Sourate 45, verset 18 (traduction personnelle) : « Nous
t’avons établi en une loi pertinente. Suis-la
donc et ne suis pas les passions des inconscients. »
Il désigne donc une loi claire, inhérente
à la Création, une sorte de droit naturel et
non un précepte révélé. L’usage de mots
très voisins dans leur forme, en quatre autres passages du Livre, a cependant
montré que le mot de charia pouvait désigner la loi de l’islam ou le droit musulman.
Par référence à ces versets et, surtout, parce que, au moment où ils établissaient
leursinstitutions, les musulmans considéraient la religion comme source naturelle
Assez tôt sont apparues des divergences initialement saluées comme fécondes
sur les modalités de cet effort et sur ses
résultats législatifs et jurisprudentiels (le
Coran ne dit-il pas : « La divergence en ma
communauté est un acte de grâce »).
Pour répondre à diverses nécessités, il a
été convenu, dans le monde sunnite, à la
fin de notre premier millénaire, de s’en
tenir à quatre grandes écoles d’interprétation et de jurisprudence que sont le malékisme, le hanbalisme, le hanafisme et le
chafeïsme. Les chiites duodécimains s’en
sont tenus pour leur part aux observationsdel’imam Dja’farmais,tout en ytrouvant la source de préceptes, ils n’ont pas
interrompu l’ijtihad. Toujours est-il que
chacune de ces écoles expose sa propre
représentation de la charia et la précise
par une jurisprudence adaptée. A présent,
il est très souvent recommandé aux
musulmans par leurs penseurs et guides
spirituels de « rouvrir » les portes de l’ijtihad et donc de participer à l’élaboration
toujours inlassable de la charia.
Le rigorisme : une action conservatoire
rassurant le « petit peuple ». Il faut dire
cependant que de graves disputes sont
apparues sur l’usage qu’il revenait aux
fidèles de faire de leur raison et de leurs
facultésde jugement, selon les recommandations mêmes du Coran. Certains et non
des moindres, en particulier depuis le
IIIe siècle de l’Hégire, ont cru devoir vilipen-
Pierre Lafrance
Ancien ambassadeur de France
Né en Tunisie, il est entré au Quai d’Orsay en 1963 et a
consacré sa carrière au monde musulman. Il a écrit de
nombreux articles sur le sujet. Arabophone, il traduit des
ouvrages de pensées profanes et de réflexions spirituelles
d’auteurs musulmans. Pierre Lafrance est membre
de l’Institut de recherche et d’études Méditerranée
Moyen-Orient (Iremmo)
IREMMO
de toute normativité, le mot charia a pris
le sensde législation islamique fondamentale sur laquelle s’édifiait le système jurisprudentiel ou fiqh.
Cette jurisprudence a très tôt distingué
les règles du culte ou ibâdât relevant de
l’intangible, des normes du comportement social, moral et juridique appelées
mo’âmalât et qui, elles, étaient l’objet de la
réflexion des fidèles et surtout des jurisconsultes ou foqahâ (pluriel de faqîh, spécialiste du fiqh ou jurisprudence).
Il est intéressant d’observer le destin
parallèle du mot grec kanôn signifiant initialement larègle et adopté par la chrétienté dans une acception principalement religieuse (le droit canon, le canon de la messe,le canonicat,le chanoine).Ildésigne aussi une norme de caractère profane com-
me, par exemple, le canon de la beauté. En
revanche, le même mot a été adopté par la
langue arabe et le monde musulman sous
la forme de qânoun pour désigner le droit
positif ne relevant pas de sources religieuses, ou les règles propres à des pratiques
scientifiques (le Canon d’Avicenne énonce
ainsi les principes de la médecine). Il y eut
donc un chassé-croisé lexical.
La manière de penser et de dire la charia
à la lumière des textes fondamentaux que
sont le Coran, les paroles prononcées par
le Prophète dans les moments où il était
guidé par ses seules vertus et non par une
révélation divine, les diverses relations de
ses faits et gestes ont été et restent l’objet
d’un effort de remémoration et de
réflexion. Cet effort est l’ijtihad, qui s’impose en principe à tout pieux musulman.
La loi islamique dans le monde
PAYS MUSULMANS OÙ LA CHARIA EST ...
Source unique du droit
avec application des houdoud
(punitions corporelles)
Source principale
du droit
Source du droit
aux côtés d’autres
sources législatives
Influence faible
voir inexistante
TURQUIE
TUNISIE
MAROC
12
ALGÉRIE
SYRIE
IRAK
10
LIBYE
11
2
ÉGYPTE
ARABIE
SAOUDITE
MAURITANIE
14
7
9
8
15
MALI
CHINE
1
IRAN
PAKISTAN
13
5
3
INDE
OMAN
NIGER
TCHAD
6
SOUDAN
NIGERIA
Etats
du Nord
YÉMEN
4
BRUNEI
SOMALIE
MALAISIE
Zone
sous contrôle
des Al-Chabab
1 AFGHANISTAN
2 BAHREÏN
3 BANGLADESH
4 DJIBOUTI
5 E.A.U.
6 ÉRYTHRÉE
7 GAMBIE
8 GUINÉE
9 GUINÉE-BISSAU
10 JORDANIE
11 KOWEÏT
12 PALESTINE
13 QATAR
14 SÉNÉGAL
15 SIERRA LEONE
16 SINGAPOUR
17 TCHÉTCHÉNIE
INDONÉSIE
Le «printemps arabe» et la loi islamique
COMMENT ANALYSER la situation politico-religieuse issue de ce qu’il est convenu d’appeler le « printemps arabe » ?
En Tunisie, le mouvement Ennahda
ayant choisi pour nom celui donné à l’effort de renaissance islamique du XIXe siècle se réfère certes à la charia. Il s’agit de
celle établie par l’école malékite que l’on
dit fort apparentée au droit romain. A
priori, il ne s’agit pas d’une charia immuable et défensive mais constructive. Encore faut-il connaître le sentiment du
« petit peuple ».
Certes, celui-ci s’est battu héroïquement pour préserver sa liberté de décision et de jugement ; il est prêt à participer à un effort renouvelé d’ijtihad. Restera-t-il ferme dans son audace ? Les déboires postrévolutionnaires ne vont-ils pas
le rapprocher du pseudosalafisme défensif et punitif ? La question reste posée.
Il est à noter que, contrairement à bien
des idées reçues, tout arabophone (notamment tunisien) quelque peu instruit est
capable de lire et de comprendre le Coran.
Il ne faut pas exagérer les différences séparant l’arabe dialectal de l’arabe classique.
Cependant, il ne faut pas oublier que,
dans ce pays comme ailleurs, le salafisme peut ressembler à une forme de
recours pour les opprimés comme naguère le communisme.
Tendances opposées
En Libye, la charia est celle de l’école
hanafite que l’on dit souple. Peut-on imaginer en ce pays perdant ses repères tribaux et découvrant les solidarités locales
une forme de Constitution et de législation inspirée du droit hanafite, mais
visant à protéger la population de l’arbitraire et du gouvernement autocratique
qu’elle a si longuement combattus ?
Cela est possible si l’union nationale se
perpétue et si aucune « main de fer » religieuse n’est appelée à la préserver.
En Egypte, la charia dont se réclament
les Frères musulmans se voulant organisateurs et guides de la rénovation islamique, ou nahdha, relève de l’école chaféite
der l’agilité intellectuelle des casuistes
habiles à polluer l’immuabilité et l’intemporalité de la révélation par des raisonnements servant en réalité leurs intérêts et
perpétuant leurs habitudes.
Dès lors, il fallait s’en remettre à une lecture littérale des textes de caractère normatifsanss’encombrer deréflexions interprétatives. Ces rigoristes, relevant le plus
souvent de l’école hanbalite, ont eu tendance à fixer les règles de comportement
comme s’il s’agissait d’actes de piété. Il fallait vraiment lapider les coupables d’adultère, couper la main des voleurs, maintenir la femme dans un statut de subordination, etc. Cette vision de la charia a souvent
été bien accueillie par le « petit peuple »
dans les moments où des mots d’ordre
simples, une discipline stricte, semblaient
pouvoir protéger la communauté musulmane des attaques extérieures ou des
désordres intérieurs. Ce fut notamment le
cas dans les années 900 après J.-C. à Bagdad, sous les Abbassides, quand des sermonnaires populaires parcouraient les
rues de la capitale en mettant en garde les
fidèles contre l’influence néfaste des gens
de pensée et de raisonnement.
En dépit de ces remous, la charia a été,
dans la plupart des territoires islamisés,
un corpus de règles prudentes répondant
aux exigences de la sensibilité générale
sans débordement de rigueur sauf lorsqu’un pouvoir politique jugeait nécessaire de « faire des exemples » pour des raisons politiques. Toutefois, elle est restée
relativement inerte dès lors que l’ijtihad
était plus ou moins réputé « déjà accompli » et que l’outil intellectuel laissé aux
jurisconsultes était le seul qiyâs ou raisonnement par analogie.
«Ces rigoristes ont eu
tendance à fixer les règles
de comportement
comme s’il s’agissait
d’actes de piété»
17
SOURCE : LE MONDE
vec l’émergence de l’islam
politique et le « printemps
arabe », le mot « charia » est
passé dans le vocabulaire
commun comme synonyme de « fanatisme ». Un
retour aux sources et à l’histoire récente
des mouvements intellectuels et politiques du monde musulman semble vraiment utile pour prendre la mesure de ce
qui se passe au sud de la Méditerranée.
L’ensemble des préceptes fondamentaux régissant le droit musulman est communément désigné du nom de charia. Le
terme est d’un usage ancien et n’a soulevé
de controverses que depuis cinquante ans.
On peut dire que, pour les adversaires du
« monde occidental » et de sa culture comme pour leurs défenseurs les plus farouches, le mot est utilisé à la manière d’un
épouvantail.Tout sepasse comme s’il marquait, pour les premiers, ce qui dans l’islam doit rester incompréhensible voire
inadmissible pour les seconds, lesquels, de
leurcôté, ne se priventguère de faire usage
du même mot pour désigner ce qui, dans
cemêmeislam, leurapparaît commerétrograde, figé et surtout inhumain.
En usant du même vocable comme
d’un outil politique et psychologique, les
deux antagonismes semblent jouer chacun le jeu de l’autre et rendre antinomiques les droits de Dieu et ceux de l’homme, vision récusée par un grand nombre
de pratiquants sincères, pour qui la transcendance divine ne peut être conçue qu’à
travers l’immanence de la foi. Il importe
dès lors, pour y voir plus clair, d’essayer de
comprendre quelle réalité a été caricaturée par l’épouvantail censé la représenter.
Que veut dire le mot ? La racine dont il
dérive évoque une ouverture sur le monde extérieur et un mouvement vers lui, tel
le cheminement des troupeaux vers
l’abreuvoir. Le mot suggérerait donc un
ordre, une organisation venue de l’intérieur et communiqués ou imprimés à un
monde extérieur resté à l’état de nature.
dont on dit qu’elle est la plus « subtile ».
N’oublions pas cependant que le salafisme de rupture et de crispation, celui, par
exemple, du mouvement Al-takfir
oua-l-hijra a trouvé un véritable terreau
dans la population égyptienne.
D’ailleurs, l’actuel chef du mouvement
taleb [singulier de taliban] d’Afghanistan,
le docteur Ayman Al-Zawahiri n’est-il pas
un salafiste égyptien ? Comment le peuple pourra-t-il concilier ces tendances
opposées alors même qu’il récuse, non
sans raison, l’arbitrage de l’armée ?
En Syrie enfin, le pouvoir du président
Bachar Al-Assad a beau jeu de brandir
l’épouvantail de la charia réinventée par
les salafistes pour justifier ses actes de
répression sanglante…
En fait, il apparaît de plus en plus
vain de faire le jeu des salafistes en considérant que la charia ne peut être que celle-là même qu’ils imaginent. Un examen serein de la réalité complexe que
recouvre ce terme s’impose donc plus
que jamais. p
Or, depuis le XIXe siècle, les penseurs
musulmans ont déploré le marasme spirituel et intellectuel où le renoncement à
l’ijtihad avait conduit leur communauté.
Certains, comme Mohammed Abdou et
Djamâlouddine Al-Afghani, et plus tard
Mohamed Iqbal, ont insisté sur la nécessité vitale, pour l’islam, d’une relance des
efforts de réflexion de ses adeptes, bref,
d’une « réouverture des portes de l’ijtihad ».
Certains d’entre eux ont prôné une sorte de nouveau départ, un retour à la pureté, la sainte naïveté des pères fondateurs
de l’islam, dans l’idée de retrouver la créativité grâce à laquelle ils avaient établi les
bases de la société islamique. Ce souci
d’une pensée inventive parce que délestée des constructions normatives accumulées au cours de l’histoire, ce retour à
l’élan initial des pères spirituels ou aslâf,
portaient le nom de salafia et visait de
toute évidence à rendre à la charia sa vertu novatrice et évolutive suggérée par
son étymologie.
Il se trouve que le terme de salafia ou
de salafisme a été saisi au bond par les
tenants du conservatisme le plus pointilleux, le plus disciplinaire, seule attitude permettant à leurs yeux de défier les
puissances non musulmanes dans le
monde contemporain. Le salafisme
actuel se réduit, dès lors, à l’imitation
minutieuse du mode de vie des pères fondateurs pour se préserver de toute innovation, de toute aventure intellectuelle,
et construisant une armure culturelle
protégeant contre les agressions extérieures, réelles ou supposées.
Suivant la tradition des prédicateurs
hanbalites tels Ibn Taymiya ou Mohamed Ibn Abdelwahhab, ce salafisme non
pas créatif mais défensif s’inscrit dans
une perspective d’affrontement. Il semble naturel qu’il puisse se prolonger par
le djihadisme, attitude donnant la prééminence au combat contre l’infidèle.
C’est cette tendance qui tend à présenter
la charia comme un bouclier et un épouvantail. Cela n’est pas l’islam mais c’en
est un aspect. p
0123
décryptages ANALYSES
Mardi 10 janvier 2012
France | Chronique
par Gérard Courtois
Sarkozy-Hollande,
un duel paradoxal
L
e programme ! Le programme ! », scandent en chœur,
de l’orchestre au poulailler,
les spectateurs assemblés au
grand théâtre de la présidentielle.
Surprenante impatience. Tant on
est prêt à parier que dans trois
mois, quand toutes les propositions auront été défendues, décortiquées et taillées en pièces à l’infini, les mêmes réclameront avec
une semblable énergie « Le vote !
Le vote ! »
Nous n’en sommes pas là, mais
aux scènes d’exposition, destinées à présenter les personnages
et amorcer l’intrigue. A cet égard,
la première semaine de l’année
aura été riche d’enseignements,
en particulier sur les deux
acteurs principaux de la pièce, le
président de la République sortant et le candidat socialiste qui
aspire à lui succéder.
A tous ceux qui se demandaient si cette « drôle de campagne » présidentielle commencerait un jour et quand, l’un et
l’autre, en effet, ont apporté une
réponse sans ambiguïté : la bagarre s’est engagée à un rythme
impressionnant, et chacun, déjà,
lâche ses coups.
Qu’on en juge. En quelques
jours, sans attendre le sommet
prévu le 18 janvier avec les partenaires sociaux, Nicolas Sarkozy a
ouvert trois chantiers aussi significatifs que symboliques. Ainsi, il
a confirmé sa volonté de mener à
terme, avant la fin de son mandat, un projet de « TVA sociale »,
destiné à donner un coup de
fouet à la compétitivité des entreprises françaises en transférant
vers la fiscalité qui pèse sur les
consommateurs une partie des
charges sociales jusqu’à présent
assumées par les entreprises et
les salariés.
De même, sans attendre un
hypothétique accord européen, il
a assuré que la France montrerait
« l’exemple » en instaurant, avant
le printemps, une taxe sur les
transactions financières pour faire « participer la finance à la réparation des dégâts qu’elle a provoqués ».
Enfin, il a dévoilé un programme de réforme de l’éducation
nationale qui vise à la fois à mettre en œuvre l’autonomie des écoles, collèges et lycées et à corriger,
pour ne pas dire supprimer, le collège unique. On admettra que
rien de tout cela n’est cosmétique.
Et il ne fait pas de doute que les
cérémonies de vœux à répétition
– le 10 janvier au monde de la solidarité, le 11 aux parlementaires, le
12 aux fonctionnaires et le 13 à la
justice – seront l’occasion de nouvelles initiatives.
François Hollande n’a pas été
en reste. Dans une adresse aux
Français, publiée par Libération le
3 janvier, il a donné le ton – cinglant – du réquisitoire qu’il
entend dresser contre le bilan de
M. Sarkozy : au-delà de la crise qui
sévit depuis 2008, « il y a surtout
les politiques injustes et stériles
menées depuis dix ans, les fautes
économiques et morales de ce dernier quinquennat. Il y a donc la responsabilité personnelle de celui
qui est au sommet de l’Etat depuis
cinq ans ». Pour tourner la page de
cette « présidence de la parole » et
de ce « président des privilégiés »,
le candidat socialiste en appelle à
une autre politique, bâtie sur quatre principes qui seront martelés
et déclinés sans relâche : « vérité,
volonté, justice, espérance ».
C’est sur cette base qu’il a commencé, au pas de charge, un nouveau marathon de visites de terrain et de réunions publiques,
appelant ses troupes au « combat », le mercredi en Gironde, le
jeudi à Caen, le samedi dans son
fief corrézien de Tulle, avant d’aller dimanche, à Jarnac, chercher
inspiration et « force de l’esprit »
sur la tombe de François Mitterrand, comme une réplique à la
voix de Jeanne d’Arc que le chef
de l’Etat est allé écouter à Domrémy. Quant à la semaine qui
s’ouvre, elle sera consacrée à des
rencontres tous azimuts avec les
responsables syndicaux pour
mieux dénoncer, avant le sommet social du 18 janvier, l’impuissance de M. Sarkozy sur le front de
l’emploi et du chômage.
à moins de quatre mois de la présidentielle, une réforme aussi
controversée et complexe que celle de la « TVA sociale », dont on
voit mal comment elle ne se solderait pas par une augmentation
des impôts des Français, notamment des plus modestes d’entre
eux. L’improvisation est patente,
tant les grandes lignes de cette
réforme, et plus encore ses
détails, demeurent mouvants et
imprécis, au risque de déboucher
sur une usine à gaz bricolée. Il y a,
enfin, beaucoup de désinvolture
Face au volontarisme forcé du président,
aux bluffs et aux «quitte ou double»
de l’Elysée, le candidat socialiste est fidèle
à lui-même: prudent, déterminé, cohérent
Derrière cet affrontement et ses
péripéties se dessinent la nature
des deux hommes autant que
leur stratégie de campagne. La
situation du chef de l’Etat est évidemment la plus délicate. Plombé, quoi qu’il en dise, par son bilan
économique et social, ayant déjà
usé jusqu’à la corde la rhétorique
du « J’ai changé », il a décidé d’être
lui-même, fidèle aux ressorts profonds de sa personnalité : culot,
improvisation, désinvolture.
Du culot, il en faut, pour lancer,
démocratique à prétendre, après
cinq ans de présidence, que cette
réforme doit être conduite toutes
affaires cessantes, sans attendre
l’arbitrage des électeurs.
L’on pourrait en dire autant de
la taxe sur les transactions financières que le président-candidat
se fait fort d’instaurer seul et tout
de suite, sans souci des risques
qu’il fait courir à la place financière de Paris et sans égard pour la
démarche européenne qui commençait à prendre forme sur ce
dossier. Mais Nicolas Sarkozy n’en
a cure. Pour espérer remonter son
lourd handicap, il est décidé à surprendre, brouiller les cartes et renverser les tables, quel qu’en soit le
prix.
A cet activisme, François Hollande entend opposer une « marche tranquille, sereine sans doute,
qui doit conduire à la victoire »,
comme il l’a dit à Caen voilà quelques jours. Au volontarisme forcé
du président, il oppose sa « volonté » tenace de changement. Aux
bluffs et aux « quitte ou double »
de l’Elysée, dont il veut croire que
les Français ne seront pas dupes, il
réplique par un mot d’ordre bien
dans sa manière : « Lever une espérance, mais ne rien promettre qui
ne puisse être tenu. » En cela, le
candidat socialiste est, également,
fidèle à lui-même : prudent, déterminé, cohérent ; et persuadé que
les Français seront plus convaincus par ce langage de vérité que
par quelque pensée magique que
ce soit.
Mais ce n’est pas le moindre
paradoxe de cette campagne – ce
duel – qui va opposer, en première ligne, un président sortant pétaradant comme un challenger, et
un challenger parlant déjà comme un président. p
[email protected]
Livre du jour
Gouvernance mise à nu
E
n 2007, Pascal Lamy, directeur général de l’Organisation mondiale du commerce
(OMC), ouvrit à l’anthropologue
Marc Abélès les portes de son institution. Créée en 1995 en remplacement de l’Accord général sur les
tarifs douaniers et le commerce
(GATT), avec pour objectif déclaré
de «favoriser autant que possible la
bonne marche, la prévisibilité et la
liberté des échanges », l’OMC était
fortementcontestéedepuislesommet de Seattle de 1999 et l’échec du
cycle de Doha, commencé en 2001.
Le geste de Pascal Lamy invitant
un anthropologue à observer les
coulissesdesoninstitution s’inscrivait dans une politique de communication destinée à relégitimer
l’OMC comme instance de gouvernance globale.
Marc Abélès, qui a longtemps
observé les forums politiques, de
l’Ethiopie au Parlement européen
enpassantparl’Assembléenationale, pose depuis quelques années les
problèmes d’une anthropologie de
la mondialisation (voir son livre
sur le marché de l’art chinois, Pékin
798, Stock, 2011). Avec l’OMC, il se
confrontait à un défi de taille : comment décrire une gouvernance
mondiale que Pascal Lamy qualifie
lui-même de « gazeuse »? Si l’OMC
dispose bien d’un siège à Genève,
ou le secrétariat emploie 800 fonctionnaires en charge d’aider les 153
pays membres dans leurs négociations, une grande partie des enjeux
se déroule en dehors de cette arène.
Des anthropologues à l’OMC
Marc Abélès (dir.)
CNRS Editions, 288 p., 24,9 ¤
Pour résoudre ce problème d’accès à un forum public international, Marc Abélès a réuni une équipe
d’anthropologues issus de plusieurs pays : Argentine, Cameroun,
Canada, Chine, Corée, Etats-Unis et
France. Chacun, ayant l’occasion de
faire un séjour plus ou moins long
à l’OMC dans le cadre d’un projet
financé par l’Agence nationale de la
recherche,souligneun aspectdifférent de l’institution.
La Coréenne Jae Chung rappelle
le geste de son compatriote, le fer-
mier Lee Kyung-hae, qui se suicida
en 2003 devant le siège de l’OMC
après avoir écrit : « J’ai cherché à
comprendre la vraie raison, la force
qui se trouve derrière ces vagues qui
nous emportent. Et ma conclusion,
c’est que je l’ai trouvée ici, derrière
les grilles de l’OMC. »
Le Camerounais Paul Dima compare les modes de résolution des
conflitspropresàl’OMCaveclesformes de justice traditionnelles dans
les pays africains. Le Chinois Hua
Cai retrace la lente montée en puissance de la Chine à l’OMC, qui s’est
L’analyse porte
sur les «régimes
de visibilité», la façon
dont l’institution joue
sur les registres
de la transparence
et du secret
prise de passion pour cette institution depuis son ouverture au marché international – au point que les
touristes chinois viennent se faire
prendreen photodevant lesiège de
Genève – mais qui peine à apprendre les règles de la nouvelle gouvernance.
Pour les anthropologues issus
des « pays développés », le problème de l’accès à l’OMC se pose autrement. L’analyse porte sur les «régimesdevisibilité»,lafaçondontl’institution joue sur les registres de la
transparenceetdusecretpourmettreen scèneson pouvoir. La « Green
Room », où ont lieu les négociations les plus âpres, est comparée
aux coulisses du théâtre élisabéthain.
Les peintures qui accueillent le
visiteur du Centre William Rappard,héritéesduBureauinternational du travail, ont été recouvertes
pendant la période du GATT, puis
découvertes à nouveau lorsque
l’OMC assuma à nouveau la question de l’équité. La gouvernance
mondiale contemporaine est ainsi
réinscrite dans la temporalité plus
longue du symbolique. p
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