Rencontre avec les acteurs de la Francophonie

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Rencontre avec les acteurs de la Francophonie
Bucarest, le 26 mai 2016
Rencontre avec les acteurs de la Francophonie
sous le patronage du ministère des Affaires étrangères de Roumanie
Allocution de Mme Michaëlle Jean, Secrétaire générale de la Francophonie
Seul le texte prononcé fait foi
Rencontre avec les acteurs de la Francophonie
Bucarest, le 26 mai 2016
Excellence, Monsieur le Ministre des Affaires étrangères,
Monsieur le Représentant personnel du Président de Roumanie,
Madame la Présidente du Groupe des ambassades, délégations et institutions francophones,
Excellences, Mesdames et Messieurs les membres du corps diplomatique,
Monsieur le Recteur de l’Agence universitaire de la Francophonie,
Cher Jean-Paul de Gaudemar,
Monsieur le Directeur du Bureau régional de l’AUF pour l’Europe centrale et orientale,
Madame la Directrice du Bureau de l’OIF pour l’Europe centrale et orientale,
Chère Chantal Moreno, je vous salue ainsi que toute l'équipe,
Mesdames et Messieurs, en vos titres, grades et nombreuses qualités,
Chers amis de la Francophonie,
Tout d’abord, un grand merci, Monsieur le Ministre, pour cet accueil chaleureux en Roumanie,
pays phare de la Francophonie dans cette belle région d’Europe centrale et orientale que j’ai
le bonheur de parcourir cette semaine.
On peut dire que la langue française est toujours bien vivante en Roumanie, avec presque
deux millions de personnes qui la parlent et 1 300 000 qui suivent des cours de français,
selon les chiffres de 2014 tirés du rapport de l’Observatoire de la langue française. Peut-être
ces chiffres ont-ils encore augmenté depuis, nous pouvons l'espérer.
La Roumanie est engagée en Francophonie. Il y a dix ans, en 2006, Bucarest accueillait le
XIe Sommet de la Francophonie, centré sur les technologies de l’information dans le domaine
de l’éducation. C'est lors de ce Sommet que les chefs d’État et de gouvernement ont demandé à
l’Organisation internationale de la Francophonie et à l’Agence universitaire de la Francophonie
de leur proposer « une initiative commune destinée à accroître l’offre de programmes et
contenus de formation axés sur les technologies éducatives », ce qui n'est pas resté sans
suite et a donné naissance, notamment, à un progamme de référence dont la Francophonie
n'est pas peu fière, l’Initiative pour la formation à distance des maîtres, IFADEM.
Que de chemin parcouru depuis dans le domaine du numérique éducatif, y compris dans
votre région, où la programmation du Centre régional francophone pour l’Europe centrale et
orientale, le CREFECO, s’engage résolument dans cette voie avec, notamment, un beau
projet de formation à distance pour les enseignants débutants : Jeunes enseignants débutants
en action, le JEDA, auquel la Roumanie prend part avec conviction.
C’est aussi pour préparer le XIe Sommet, le premier à se tenir dans cette région, qu’avait été
installée ici, à Bucarest, l’Antenne régionale de l’OIF, devenue plus tard le Bureau pour l’Europe
centrale et orientale, le BRECO. Ce bureau, dirigé avec énergie et savoir-faire par Chantal
Moreno, a acquis une nouvelle légitimité grâce à l’accord de siège signé en 2014.
Soyez-en vivement remercié, Monsieur le Ministre, car ces nouveaux locaux, spacieux et
fonctionnels, que vous avez mis à notre disposition, nous permettent de mener plus efficacement
notre action, en partenariat avec l’Agence universitaire de la Francophonie, l’AUF, dont je
tiens à saluer particulièrement ici le directeur régional, M. Fabien Flori.
L’AUF s’enorgueillit de pouvoir compter plus de 200 formations en français dans la région et
j’ai eu l’occasion, hier, de fêter, à Sofia, le vingtième anniversaire de l’École supérieure de la
Francophonie pour l’administration et le management, l’ESFAM, ce centre d’excellence de
l’Agence qui ouvre à ses étudiantes et à ses étudiants de nombreuses possibilités d'emploi
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Rencontre avec les acteurs de la Francophonie
Bucarest, le 26 mai 2016
dans le vaste espace francophone. J'ai pris connaissance de témoignages fort convaincants
à cet égard.
Car le partage de la langue française, vecteur de développement et de croissance, permet
de tisser des liens solides entre les différents pays de l'espace francophone sur les cinq
continents. J’ai entendu récemment le témoignage de M. Nicolas Maure, président-directeur
général de Renault Roumanie, qui insiste pour dire comment Renault Nissan, ce grand groupe
de plus de 300 000 employés à travers le monde, requiert que ses employés maîtrisent
l’anglais et le français : « le français », dit-il, « permet d’avoir accès à tout un univers. » Dans
cet univers, la Francophonie − faut-il le rappeler ? − constitue un espace unique pour créer,
recréer ou fortifier des liens entre l’Europe centrale et orientale et le reste des pays de l'espace
francophone, d'Afrique, des Amérique et d'Asie. Le champ des possibilités est considérable.
Nous en avons eu la preuve l’année dernière, ici, à Bucarest, lors de la Convention internationale
d’affaires Futurallia : l’OIF, souvenez-vous, y avait favorisé la participation de chefs d'entreprises
de pays de l’Afrique francophone, région dans laquelle les taux annuels de croissance
économique surpassent dans certains cas les 5%. Ils ont pu interagir avec non seulement
les entrepreneurs roumains et de la région mais avec aussi avec les représentants de la
cinquantaine d'entreprises de pays francophones présentes.
La Stratégie économique pour la Francophonie, adoptée par les chefs d’État et de
gouvernement au Sommet de Dakar en 2014, s’est donné comme priorité d’améliorer l’accès
des jeunes et des femmes à l’entrepreneuriat, en soutenant de manière structurante leurs
initiatives économiques innovantes dans des filières génératrices d'emplois. L’OIF a mis en
place pour ce faire un vaste programme qui vise principalement les jeunes entrepreneurs,
femmes et hommes, de 18 à 35 ans, en appuyant le développement et la création d’incubateurs
de TPE et de PME.
Cette Francophonie économique et ce programme en particulier, nous souhaitons les voir se
déployer ici, en Roumanie, et dans toute la région. C’est là l’un des axes clés du Plan
d’action régional, qui prévoit un accompagnement des six pays, Roumanie, Albanie, Arménie,
Bulgarie, Moldavie et Ex-République yougoslave de Macédoine, afin qu’ils puissent répondre
entre autres aux besoins en ressources humaines des entreprises francophones qui assurent
entre 15 et 20% de leur PIB. Afin qu’ils puissent, également, tirer le meilleur profit de la
richesse des expériences francophones pour créer des entreprises innovantes, nouer des
partenariats, trouver de nouveaux débouchés.
J'ai rencontré ce matin des chefs d'entreprises francophones : l'Oréal, Pentaog, Michelin,
Cos, Sonyamod, BRD, Careless Beauty, la Chambre de commerce et des industries
francophones en Roumanie, Innovation labs, centre de création de start-ups. Je me réjouis
d’ailleurs de la décision qui m’a été communiquée de la création d'un réseau francophone de
jeunes entrepreneurs de la région. Car la force de la Francophonie, c’est justement ce
puissant maillage de réseaux institutionnels, professionnels et de la société civile.
Une société civile francophone particulièrement dynamique en Roumanie, avec les quatre
Alliances françaises, le réseau de chercheurs en sciences sociales mis en place par le
Centre régional francophone de recherches avancées en sciences sociales (CEREFREA),
celui des doctorants et post-doctorants, boursiers Eugen Ionescu, un réseau pour l’égalité
femme-homme à dimension régionale en cours de création… Est-ce que j’en oublie?
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Bucarest, le 26 mai 2016
Je salue ces réseaux, les personnes qui les représentent ici et qui ont à cœur de relayer
efficacement l’action résolue menée par les partenaires institutionnels : les ambassades et
autres institutions de la Francophonie, qui unissent leurs efforts au sein du Groupe des
ambassades, délégations et Institutions de la Francophonie, le GADIF, que je félicite pour son
engagement indéfectible et son enthousiasme, qui se manifeste chaque année, avec éclat,
dans la riche programmation qui entoure la Journée internationale de la Francophonie. Vous
en faites chaque fois une occasion de rencontres, d'échanges, de réflexion et une grande
fête populaire.
La vitalité de la langue française est une priorité en Roumanie, qui participe depuis longtemps
aux différents programmes visant à l’amélioration de la qualité de l’enseignement du français
gérés depuis le Centre régional francophone pour l’Europe centrale et orientale, le CREFECO, à
Sofia. Le ministère de l'Éducation de la Roumanie a même lancé l’année dernière, avec un
franc succès, les premières Olympiades internationales de langue française à Cluj Napoca,
capitale européenne de la jeunesse 2015. La Roumanie est également un partenaire exemplaire
des programmes de formation des diplomates et des fonctionnaires mis en œuvre par l’OIF
en partenariat avec la France et la Fédération Wallonie-Bruxelles, dont je salue ici les
représentants. Nous continuons à travailler ensemble dans le cadre du programme Le français
dans les relations internationales, auquel le gouvernement roumain apporte désormais une
contribution volontaire, et je l’en remercie. La nouvelle approche privilégie les formations
techniques et thématiques ainsi que la dimension régionale : à cet égard, je me réjouis que,
dans le cadre du programme, la Roumanie partage avec les autres pays de la région son
expérience de l’appartenance à l’Union européenne. Et ce partage, cette mise en commun,
donnent tout son sens à la coopération multilatérale francophone.
Le programme, Le français dans les relations internationales est particulièrement à l’honneur
cette année, qui marque le dixième anniversaire du Vade-mecum relatif à l’usage de la
langue française dans les organisations internationales, encore un acquis du Sommet de
Bucarest. Force est de constater que le bilan de la mise en œuvre de ce texte, qui rappelle
aux États et gouvernements membres de la Francophonie et aux secrétariats des organisations
internationales leurs obligations en matière de diversité linguistique, est assez mitigé. Il nous
faut redoubler de vigilance, car force est de constater que les organisations internationales
manquent à leur devoir et que trop de représentants de nos États membres baissent euxmêmes les bras et succombent au tout en anglais.
Le Sommet de Madagascar donnera, j’en suis sûre, une nouvelle impulsion à la mobilisation
pour la diversité linguistique dans les organisations internationales. Car les enjeux sont de
taille, au premier rang desquels la démocratie, qui est à la base du système multilatéral : trop
de délégations de pays francophones sont frappées de discrimination linguistique. Il en résulte
un déficit grave de contenus et de perspectives contre lequel il faut s'élever.
De la même façon qu'il n'y a pas de démocratie politique sans multipartisme, il ne peut y
avoir de démocratie internationale sans multilinguisme. La Francophonie ne cessera de le
rappeler. Face à ce défi pour les peuples du monde et pour la diversité culturelle, nous
devons rassembler toutes nos forces. Je compte sur vous.
Je vous remercie.
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