Traitements actuels de l`incontinence urinaire d`effort chez la femme

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Traitements actuels de l`incontinence urinaire d`effort chez la femme
Traitements actuels de l’incontinence urinaire d’effort
chez la femme
Les principales options thérapeutiques sont la rééducation et la chirurgie. Cette dernière
est proposée après échec de la rééducation ou bien d’emblée lorsque l’incontinence
urinaire est majeure. Le traitement chirurgical de référence de l’incontinence urinaire
d’effort par hypermobilité vésico-urétrale (forme la plus fréquente, cf cours sur la
physiologie de l’incontinence urinaire) est la mise en place d’une bandelette sous
urétrale qui va recréer un plancher physiologique à l’urètre et suppléer les ligaments de
soutien défectueux. Ainsi, lors d’un effort quelconque augmentant la pression intra
abdominale (ex : effort de toux ou de rire…), l’urètre va se trouver comprimé entre la
poussée abdominale poussant par-dessus sur la vessie et l’urètre et la bandelette sous
urétrale qui fera contre appui. Par ce mécanisme, l’urètre sera fermé à chaque effort. Les
résultats de la bandelette sous urétrale dans cette indication sont très satisfaisants (>80%
de guérison) avec un recul de près de 10 ans maintenant. Les complications sont rares
mais nécessitent une surveillance attentive et prolongée (voir les fiches d’informations
éditées par l’Association Française d’Urologie :
http://www.urofrance.org/pubsdyna.php?ref=fichesinfouro)
Le traitement de l’incontinence urinaire d’effort par insuffisance sphinctérienne
urétrale est plus difficile et doit se faire en milieu spécialisé. Il s’agit souvent de séquelle
de précédentes interventions chirurgicales ayant entraîné une destruction du sphincter
strié urétral. L’implantation d’un sphincter artificiel représente le traitement de
référence et pour lequel on connaît les résultats à long terme (30 ans). Il permet une
disparition
complète
des
fuites
dans
>
80%
des
cas
et
préserve
le
cycle
remplissage/vidange vésical. C’est donc le traitement le plus physiologique.
Cependant, il est parfois nécessaire de réintervenir chirurgicalement pour changer une
pièce défectueuse (taux de reprise : 20% à 10 ans).
Dr René Yiou, CHU Henri Mondor, Service d’Urologie.
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Le sphincter artificiel peut dans de rare cas entraîner une érosion de l’urètre. Il est alors
nécessaire de l’enlever. Enfin, comme tout matériel étranger implanté dans le corps, il peut
s’infecter. Son ablation est alors nécessaire.
Les autres traitements de l’insuffisance sphinctériennes sont représentés par les injections
péri-urétrales de substances inertes (collagène, acide hyaluronique), la mise en place d’une
fronde sous urétrale et plus récemment l’implantation de ballons gonflables. Le principe
de ces interventions est d’augmenter la résistance à l’écoulement d’urine tout en évitant la
survenue d’une obstruction urétrale. Elles sont proposées après échec de la rééducation et
du traitement médical et lorsque l’incontinence n’est pas majeure, car dans ce cas, le
sphincter artificiel reste le traitement de référence.
DESCRIPTION DES DIFFERENTES TECHNIQUES CHIRURGICALES
•
Les injections péri-urétrales de substances inertes
Plusieurs substances ont été utilisées telles que le téflon, le collagène, le silicone et plus
récemment l’acide hyaluronique (Zuidex). L’intervention dure quelques minutes et peut
être effectuée sous anesthésie locale en hôpital de jour. Globalement, les résultats à long
terme de ces techniques ne sont pas toujours satisfaisants et les injections itératives sont
souvent nécessaires (Haab et coll., 1996).
•
Correction du défaut de soutien du col vésical ou de l’urètre chez la femme
Plusieurs interventions peuvent être proposées pour le traitement de l’incontinence
urinaire d’effort par hyper mobilité vésico-urétrale :
• la colposuspension (type colpopexie rétropubienne de Burch) qui consiste à
suspendre par voie abdominale les culs-de-sac vaginaux au ligament de Cooper était
l’intervention de référence avant l’arrivée des bandelettes sous urétrales (1998). La paroi
vaginale antérieure est donc relevée et constitue une écharpe permettant de soutenir
l'urètre initial et le col vésical. Le taux de succès de cette intervention s’abaisse
considérablement en cas de pression de clôture inférieure à 20 cm H2O témoignant d’une
insuffisance sphinctérienne (McGuire, 1981)
Dr René Yiou, CHU Henri Mondor, Service d’Urologie.
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• la mise en place de frondes ou de bandelettes sous-cervicales synthétiques ou
aponévrotiques. Le taux de succès de ces techniques chirurgicales varie de 73 à 100% en
fonction des séries (Haab et coll., 1996). Il a été montré par étude vidéo-urodynamique que
lors d’effort de poussée la fronde est attirée vers le haut et l’avant alors que la vessie se
déplace vers le bas. Ces forces opposées aboutissent à la fermeture du col vésical et
empêchent la fuite d’urine (Haab et coll., 1996). Les deux principales complications de ces
interventions sont la survenue d’une rétention d’urine si la fronde est trop serrée ou de
symptômes irritatifs vésicaux (Blaivas et coll., 1991). Plus rarement, les frondes peuvent
entraîner une érosion vésicale ou une fistule nécessitant une explantation.
• la mise en place de bandelettes sous-urétrales par voie pré-pubienne
(interventions type TVT, Tension Free Vaginal Tape) ou trans-obturatrice (Delorme et
coll., 2003). L’intervention consiste à mettre en place une bandelette de tissu synthétique
(polypropylène monofilament tricoté), en soutènement, sans tension à la partie moyenne
de l'urètre. L'objectif est de suppléer les ligaments pubo-urétraux (sans comprimer
l’urètre), l'origine de l'incontinence urinaire étant attribuée à une hyperlaxité de la paroi
vaginale antérieure (supportant l’urètre) due à un affaiblissement des ligaments pubourétraux. Lors de l'effort, la pression abdominale va écraser l'urètre sur ce nouveau
plancher et ainsi assurer la continence. Durant les semaines suivant l’intervention, la
bandelette va être colonisée par les propres cellules de la patiente si bien qu’après
plusieurs mois, la bandelette sera complètement intégrée aux tissus (et donc pratiquement
impossible à enlever !).
L’existence d’une insuffisance sphinctérienne associée à une
hypermobilité vésico-urétrale augmente le taux d’échec et de complications de cette
technique en raison de la nécessité de « serrer » la bandelette pour supprimer les fuites.
Principe de la bandelette sous urétrale. La mise en place
de bandelette sous urétrale (bleue) a pour objectif de
recréer un plancher de soutien l’urètre. La bandelette
immobilise l’urètre et le col vésical et fait contre-appui
à la pression abdominale lors des efforts de poussée. Il
s’agit actuellement du traitement de référence de
l’incontinence urinaire à l’effort. Sur l’illustration, la
bandelette est mise en place sous le canal de l’urètre à
travers les foramens obturés (TVTO). Elle peut aussi
être placée en arrière du pubis il s’agit alors du
classique TVT).
Dr René Yiou, CHU Henri Mondor, Service d’Urologie.
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• récemment, la mise en place de ballons gonflables (Pro-Act) de part et d’autre de
l’urètre sous le col de la vessie a été proposée pour le traitement de l’incontinence urinaire
par insuffisance sphinctérienne (Staehler et coll., 2004). Le principe des ballons est
d’entraîner une compression permanente de l’urètre et d’augmenter ainsi la résistance
urétrale à l’écoulement d’urine. Les avantages de ce traitement sont la relative innocuité,
la réversibilité et la possibilité d’ajustement du gonflage des ballons en consultation. En
effet, si les ballons sont trop ou pas assez gonflés, il est possible pour le chirurgien de les
dégonfler/ regonfler simplement en consultation grâce à une petite tubulure connectée au
ballon et enfouie sous la peau des grande lèvres (dans le scrotum chez l’homme, donc à
peine perceptible). Une aiguille fine est introduite à travers la peau dans la tubulure et
permet ainsi de gonfler/regonfler les ballonnets situés plus en profondeur en y injectant
du sérum physiologique.
Sa principale indication est l’insuffisance sphinctérienne, en alternative du sphincter
artificiel. Dans notre service, la gravité de l’incontinence urinaire est appréciée par le test
de pesée des protections urinaires sur 24 heures (voir évaluation de l’incontinence
urinaire). Si la perte d’urine par 24 heures est supérieure à 100g, le sphincter artificiel est
préféré aux ballons. A noter que si les ballons sont inefficaces ou mal tolérés, ils peuvent
être retiré sans difficulté pour proposer un autre type de traitement (ex : sphincter
artificiel). L’évaluation de ce traitement à long terme est en cours. Les résultats à moyen
termes sont satisfaisants avec un taux de continence acquise de l’ordre de 70%.
FIGURE. Aspect des ballons. Le dessin montre la
position des ballons. La radiographie montre la
position des ballons en arrière du pubis et sous la
vessie.
Dr René Yiou, CHU Henri Mondor, Service d’Urologie.
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•
Le sphincter urinaire artificiel
L’implantation d’un sphincter artificiel est l’intervention de référence pour le traitement
de l’insuffisance sphinctérienne urétrale. Cependant, elle nécessite un suivi prolongé et le
taux de ré-interventions pour dysfonctionnement est de l’ordre de 21% (Mottet et coll.,
1998). Le taux de guérison se situe autour de 90% selon les études avec un recul de 20 à 66
mois (Haab et coll., 1996). La principale complication est l’érosion urétrale qui est
généralement le résultat d’une infection du dispositif. A long terme, il existe un risque
d’atrophie urétrale avec inadaptation du ballonnet gonflable et récidive de l’incontinence
urinaire.
Aspect du sphincter artificiel.
Positionnement du sphincter artificiel autour
du canal de l’urètre chez l’homme et la femme.
En appuyant sur la pompe du sphincter qui est
située dans les grandes lèvres ou le scrotum
chez l’homme, le liquide de la manchette
périurétrale (comprimant l’urètre) est chassé
vers le réservoir intra-abdominal permettant
ainsi au patient d’uriner. Après 2 min, le
liquide
retourne spontanément dans la
manchette.
Dr René Yiou, CHU Henri Mondor, Service d’Urologie.
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•
Traitements médicaux
L’oestrogénothérapie peut avoir des effets bénéfiques chez les femmes incontinentes
ménopausées mais permet rarement de guérir une l’incontinence urinaire.
Plus récemment, le premier traitement médical de l’incontinence à action nerveuse
centrale a été mis sur le marché européen (McCormack et Keating, 2004). Ce médicament
est un inhibiteur de la recapture de la noradrénaline et de la sérotonine. Il agit en
favorisant l’action du glutamate et renforce le tonus urétral. L’efficacité de ce traitement à
long terme est en cours d’évaluation.
•
La thérapie cellulaire
La thérapie cellulaire a récemment fait son entrée dans le monde de l’urologie et
l’insuffisance sphinctérienne est probablement l’une des indications les plus prometteuses,
en alternative au sphincter artificiel.
Plusieurs essais cliniques sont actuellement en cours pour essayer de renforcer le muscle
sphinctérien en implantant des cellules musculaires prélevées chez le patient lui-même et
implantées dans le sphincter ou dans la paroi de l’urètre.
Les méthodes de thérapie cellulaire varient en fonction des équipes qui se sont lancées
dans ce projet. Plusieurs types de cellules précurseurs de muscles striés sont à l’étude. Le
mode de prélèvement, la phase de culture préalable avant l’injection, et le site d’injection
(dans le sphincter lui-même ou bien juste à coté dans la paroi urétrale pour créer) doivent
encore être déterminés.
Un essai clinique est actuellement en cours à l’hôpital Henri Mondor et consiste à
implanter directement et sans phase d’expansion cellulaire en incubateur, des cellules
musculaires prélevées dans la cuisse à proximité immédiate du sphincter (voir synopsis en
page d’accueil).
Dr René Yiou, CHU Henri Mondor, Service d’Urologie.
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