nouvelles de l`inde - Collège Tanguy Prigent
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nouvelles de l`inde - Collège Tanguy Prigent
NOUVELLES Ambassade de l’Inde mars-avril-mai 2015 DE L’INDE Numéro 420 VISITE OFFICIELLE DU PREMIER MINISTRE NARE NDRA MODI EN F ran c e Hommage Dossier Tourisme Steve Lecler Bengale Occidental Le Taj Mahal Curriculum-vitae S.E. Dr. Mohan Kumar est entré aux Affaires Etrangères en 1981 en tant que Troisième Secrétaire à la Mission Permanente de l’Inde à Genève où il est resté jusqu’en 1984. Tout en apprenant le français, il s’est familiarisé avec le travail aux Nations Unies. Entre 1984 et 1990, il a travaillé comme Deuxième Secrétaire puis Premier Secrétaire dans les Missions diplomatiques indiennes respectivement au Maroc et au Congo. Il fut chargé des relations politiques et commerciales entre l’Inde et ces deux pays francophones. E ntre 1990 et 1992, l’Ambassadeur Kumar a travaillé au Ministère des Affaires Etrangères à New Delhi comme responsable des relations bilatérales de l’Inde avec le Bangladesh, le Sri Lanka et les Maldives. En 1992 commence son partenariat avec le GATT/OMC basé à Genève. Il a été étroitement associé aux Négociations commerciales du Cycle d’Uruguay ; il fut également le principal négociateur de l’Inde dans des domaines tels que le Textile & les Droits et Services de la Propriété Intellectuelle et a représenté l’Inde à la Conférence ministérielle de l’OMC à Marrakech en 1994. Plus tard, il a été amené à revenir à Genève et à participer aux Conférences ministérielles de l’OMC à Seattle en 1999 & à Doha en 2001. Sa carrière est de fait caractérisée par sa spécialisation dans la diplomatie multilatérale en général et dans les sujets liés à l’OMC en particulier. En décembre 2001, S.E. Dr. Mohan Kumar a été nommé Ambassadeur adjoint à la Mission diplomatique indienne de Colombo au Sri Lanka. En 2005, l’Ambassadeur a été posté comme Chef de Division (Joint Secretary) au Ministère des Affaires Etrangères à New Delhi afin de superviser les relations bilatérales de l’Inde avec le Bangladesh, le Sri Lanka, les Maldives et Myanmar. En août 2007, Dr. Mohan Kumar fut nommé Chef de Mission adjoint à l’Ambassade de l’Inde à Paris, jusqu’à sa nomination comme Ambassadeur de l’Inde au Royaume de Bahreïn de novembre 2010 à avril 2015. En mai 2015, il prit ses fonctions en France en qualité d’Ambassadeur de la République de l’Inde. L’Ambassadeur Mohan Kumar est un diplomate confirmé riche d’une expérience multiple, notamment dans le secteur de l’OMC & dans celui des relations avec les pays voisins de l’Inde. Par ailleurs, sa maîtrise de la langue française et son implication en France sont également d’ importants atouts. S.E. Dr. Mohan Kumar est titulaire d’une Maîtrise en Administration des Affaires (MBA) de la Faculty of Management Studies à New Delhi et d’un Doctorat de Sciences Po - Paris. Il est marié et a deux enfants, une fille de 28 ans et un fils de 22 ans. Ses centres d’intérêt incluent les voyages, la lecture, le cricket et le tennis. n Message du nouvel ambassadeur de l’Inde en France Chers lecteurs, C ’est pour moi un immense plaisir de m’adresser aux lecteurs de « Nouvelles de l’Inde » en tant que nouvel ambassadeur de l’Inde en France puisque j’ai pris mon poste il y a tout juste un mois. La France et l’Inde partagent d’étroits liens bilatéraux qui reposent sur des valeurs communes telles que la démocratie, le pluralisme et la liberté. Ces deux pays sont également confrontés à des défis similaires comme le terrorisme. Les relations bilatérales se sont vues considérablement renforcées grâce à la visite du Premier ministre indien Narendra Modi au mois d’avril 2015 qui a été couronnée d’un profond succès. Cette visite a permis la création d’une base solide permettant de porter la relation entre l’Inde et la France à un niveau supérieur non seulement en termes de stratégie : défense, espace et énergie nucléaire civile mais également dans des domaines tels que le commerce, la culture, l’investissement et les relations entre les personnes. Il est par conséquent, pertinent que ce nouveau numéro de « Nouvelles de l’Inde » se concentre sur l’importante visite en France du Premier ministre indien. Pour conclure je dirais que c’est un grand plaisir et un immense honneur de représenter l’Inde en France et je suis déterminé à faire de mon mieux pour renforcer et consolider les relations entre nos deux pays. (Dr Mohan Kumar) Nouvelles De L’Inde mars-avril-mai 2015 3 Sommaire Nouvelles de l’Inde, Paris 06 mars-avril-mai 2015 Hommage Hommage à Steve Lecler (1931-2014) Dossier 08 Bengale occidental Une aventure culturelle et touristique 12 Business Du riz aux nouvelles technologies de l’information 16 Bengale occidental Une terre de culture et de découvertes 22 Bengale occidental Du riz et du poisson en toute subtilité 24 Bengale occidental Des potiers et des sculpteurs de talent 26 Bengale : Littérature Une littérature dominée par Rabindranath Tagore 6 12 Economie 27 Coton Fabriquer les textiles en coton en Inde, pour le monde Tourisme 28 Le Taj Mahal Le Taj Mahal un monument symbole historique et touristique du romantisme mondial Santé 34 Le yoga Philosophie et expérience concrète Reportage photo 38 16 M. Narendra Modi en France Le Coin des Enfants Visite du Premier ministre indien, M. Narendra Modi en France 58 Littérature Les éléphants et les souris 46 Revue des livres 48 Bibliothèques Culture Bibliothèques publiques en Inde Education 53 Le Coin des Enfants Echange d’étudiants « Street Food - Voyage en Inde » avec le Lycée Jacques-Cœur de Bourges 61 L’agenda de l’ambassade 62 L’Inde en France 65 Le théâtre-dansé du Kathakali ou l’avènement terrestre des dieux et des héros légendaires. 54 29ème Know India Programme - Himachal Pradesh 56 Un voyage inoubliable pour de jeunes élèves bretons 44 mars-avril-mai 2015 Nouvelles De L’Inde 22 Hindi 67 Le Coin du hindi 28 N UM E RO 4 2 0 Nouvelles de I’Inde Rédacteur en chef : Apoorva Srivastava, Conseiller (PIC) Assistante de rédaction : Viviane Tourtet Contributeurs du numéro : Gaëlle Benacchio Olivier Chiron Mireille-Joséphine Guézennec Gaëlle Gicquel Marie-Françoise Le Page Wendy Ayassamy & Melvin Poinoosawmy Milena Salvini Shivkumar Julien Sineux Ewa Tartakowsky Julia Thatje Viviane Tourtet (Media India Group) : Priyankar Bhargava (Art Director) Hitesh Mehta, Vinay Kamboj NOUVELLES novembre-décembre Numéro 418 DE L’INDE Bani Thani, oeuvre de Gopal Swami Khetanchi, artiste représenté par bCA Galleries, Mumbai Ambassade de l’Inde Spécial Abonnez-Vous LITT éRATUR E Hommage Prix Nobel de la Paix Economie Secteur IT Festival Cerf-volant Si vous souhaitez être abonnés gratuitement à la revue « Nouvelles de l’Inde » ou nous envoyer vos commentaires et vos remarques sur la revue, merci de nous écrire à l’adresse : [email protected] 42 Publié et imprimé par Media India Group (production d’articles, de photographies, et réalisation de la maquette graphique) pour le Service Presse, Information & Culture de l’Ambassade de l’Inde. Media India Group 12 rue d’Isly Paris 75008, www.mediaindia.eu [email protected], Ambassade de l’Inde à Paris 13 rue Alfred Dehodencq, 75016 Paris, Tél : 01 40 50 50 18 Fax 01 40 50 09 96, E-mail :[email protected] Imprimé en France par l’Imprimerie de Champagne à Langres (52200) Suivez-nous sur les réseaux sociaux 52 http://tinyurl.com/qx9wcst http://tinyurl.com/mo4x6l3 http://tinyurl.com/lyhmk4j http://tinyurl.com/kn67lj8 Nouvelles De L’Inde Steve littérature Lecler Hommage Dossier Spécial Hommage à Steve Lecler (1931-2014) S teve Lecler nous a quittés mais restera dans nos mémoires comme artiste à l’image de l’Inde, cette Inde qu’il a tant aimée, riche et multiple. Né à Paris en 1931 d’un père français et d’une mère anglo-indienne, il passe sa jeunesse à Londres puis poursuit des études d’architecture. Le travail de peintre de Steve Lecler remonte au jour où il entendit un Raga à la rudra veena au centre védantique Ramakrishna de Gretz qu’il fréquentait jeune. A partir de là, il commence à traduire sur les toiles son ressenti des Ragas. Une première exposition en 1964 chez Duncan est suivie l’année suivante d’une seconde à la galerie des Beaux-Arts. Puis en 1966, grâce à une bourse de peinture du gouvernement indien, Steve Lecler rejoint l’Inde ou plutôt Bharat-mata dont il se sent si proche. « J’y connus toutes les expériences de l’amitié, de la vie sociale, des pèlerinages, sillonnant le pays en tous sens, me baignant dans les canaux, les rivières, couchant dans les temples, y savourant la Nature et la liberté enfin retrouvées, les pluies, les couchers du soleil sur l’Océan, la grâce des femmes, l’Humanité de ce peuple unique et aussi la symbiose avec nos amis les animaux. » A Delhi, il fréquente le « College of Art » et expose grâce à Francis Doré, alors conseiller culturel auprès de l’Ambassade de France en Inde. « Ma façon personnelle d’interpréter les Ragas suscita des réactions de la presse indienne, habituée à voir les Ragas figurés traditionnellement par les dieux et les déesses sur les miniatures appelées Ragmalas. » Formé à la culture hindouiste, il se propose dans ses toiles de traduire les modes musicaux ou Ragas, dont les différentes formes évoquent des états d’âme particuliers. L’Eveil artistique et 6 mars-avril-mai 2015 Nouvelles De L’Inde littéraire évoque son travail : « Peintre surprenant, insolite, à la palette riche et lumineuse, Steve Leclerc – à sa manière- exprime la vie, dans toute sa force et sa beauté. Ses paysages indiens et ses personnages sont inspirés par la nature, mais recréés selon son imagination. Toutes ses œuvres sont d’une nette, rare personnalité : véritable magicien du pinceau, par le trait et la couleur, il projette ses visions sur la toile, engendrant des formes, certes, irréelles, mais significatives et harmonieuses. (…) Il émane de cet ensemble pictural un lyrisme étrange, captivant, une exquise, charmante poésie, qui enchantent l’esprit et pénètrent le cœur ». Lucette Schouler écrit par ailleurs dans le Journal de l’Amateur d’Art : « Un mystérieux univers se dégage de ces toiles, unique dont les formes s’approchent de la réalité par la révélation de l’eau, des montagnes, des nuages, par la révélation du rôle des couleurs qui paraît ici essentiel. Des rouges puissants, riches flammes vives et crépitantes, des bleus intenses puisés aux profondeurs insondables des océans, quelques jaunes en jaillissantes fééries. (...) » Le Guide du collectionneur évoquant une exposition à la Galerie royale en 1980 mentionne : « Le registre de ce peintre va du réalisme à un surréalisme discret. Des petits nus peints d’une manière somme toute classique s’opposent à de vastes effets de ciels orageux et de vagues tourmentées (…) Steve Lecler fort porté sur les tons chaleureux varie cependant ses harmonies. Tantôt sage, tantôt fougueux, il ne perd jamais le contrôle de l’idée. Un artiste qui n’a pas besoin de forcer son caractère pour être original. » Steve Lecler n’a cessé de travailler à partir de sa très grande sensibilité, la mariant à un riche imaginaire et à la spiritualité hindoue dont il était empreint. Il a exposé dans un grand nombre de galeries tant en France (notamment à la Galerie Royale et à la Galerie Jean Camion) qu’en Inde et a participé à plusieurs Salons comme le Salon des Indépendants ou le Salon d’Automne. Un grand nombre de ses œuvres font partie de collections particulières en France, en Inde, en Espagne, en Italie, en Angleterre, en Arabie Saoudite et aux Etats-Unis. Steve Lecler L’œuvre de Steve Lecler est celle d’un initié. Ces toiles sont hautement symboliques, d’inspiration profondément cosmique encore rehaussée par le recours à la technique des glacis. Elle ne manque pas de nous toucher de par l’universalité de ses thèmes et l’hommage rendu à Mère Nature à une époque où celle-ci est si souvent maltraitée. Viviane Tourtet D’après des documents d’archives STEVE LECLER, un artiste comme l’Inde les aime Il nous a quittés en octobre 2014 après une longue et douloureuse maladie. Il est difficile de dire si son profond attachement à l’Inde, où il vécut intensément, était dû à son petit pourcentage de sang indien (par sa mère), ou à cette sorte d’affinité aux origines indécelables : métaphysique, spirituelle, humaine, artistique ? Il était indien dans l’âme. Sa vie en était le témoignage. Steve était un artiste né tel que l’Inde le conçoit. En lui était cette fusion intime des langages de l’art à travers ceux qu’il avait faits siens : la musique et la peinture, en particulier. Nous l’avons rencontré pour la première fois en 1974. Il est resté un ami très cher tout au long des années. L’Inde avait fait germer spontanément entre nous une amitié partagée. Il avait très gentiment accepté de jouer du sitar et chanter lors de notre mariage le 22 juin 1974. Mon mari et moi avons découvert ce jour-là un musicien d’une rare qualité dont la voix grave, chaude et intense, servait si bien le Dhrupad, style qu’il affectionnait particulièrement. Il avait été le disciple de Dilip Chandra Mistry qui lui avait transmis l’art de faire chanter son sitar et résonner les cordes de sa voix comme celles de son instrument... Il aimait les métaphores et en émaillait ses propos qui reflétaient sa totale adhésion à l’universalité de l’art, n’hésitant pas à faire ressortir ce qu’il ressentait d’oriental dans nos plus intrinsèques musiques d’Occident et vice versa. Par la suite, il donna plusieurs concerts au Mandapa et nous apporta sa collaboration. Ses concerts étaient appréciés des puristes mais il n’a jamais cherché à acquérir la notoriété. Il vivait la musique en esthète et en toute modestie. En 1985, à l’occasion de notre cycle sur la musique de l’Inde du nord : Les 24 Heures du Raga, Steve assura les textes de présentation du programme et le déroulement de la Nuit sur France Culture. Il avait de la musique une compréhension et un ressenti personnels nourris de ses origines mêlées et de ses profondes connaissances. Les moments passés en sa compagnie étaient riches d’émotions Hommage et de saveurs. L‘humour était présent ainsi que sa naturelle mélancolie. Il était aussi un conteur né ! Au fil des années, se partageant entre ses différentes passions, Steve était le guide régulier de voyages en Inde organisés par une agence parisienne. Qui aurait su, mieux que lui, faire découvrir à des étrangers les monuments de l’Inde, leurs trésors artistiques et faire revivre leur histoire par des anecdotes comme sorties de sa mémoire ? Entre ses pérégrinations personnelles, ses multiples randonnées et sa quête intérieure, les événements vécus en Inde associaient le réalisme et le surnaturel. Il était bien connu pour ses narrations extraordinaires, et nombreux étaient ceux qui ne se seraient jamais inscrits pour ces voyages sans sa participation assurée ! Les dernières années de sa vie l’ont retenu loin de l’Inde et de Bénarès où il aurait aimé finir ses jours. Mais son souhait a été entendu. La toute dernière bénédiction qu’il reçut en ce monde lui a été donnée par Pandit Viswanath Shastri de Bénarès (de l’Association Dharma Sangh de Paris). La sérénité alors inscrite sur son visage reste un émouvant adieu. n Milena Salvini (directrice du Centre Mandapa/Paris) Ses enregistrements CD restent des productions personnelles. Son ouvrage autobiographique : Yogi-gay (Editions La Bruyère). Nouvelles De L’Inde mars-avril-mai 2015 7 Dossier Bengale occidental Capitale Darjeeling Principales villes Jalpaiguri Koch Bihar Raiganj Maldah Balurghat Baharampur Siuri Krishnanagar Barddhaman Puruliya Chinsurah Kolkata Bankura West Medinipur East Medinipur Infos générales : Capitale : Kolkata Etats voisins : Le Bengale Occidental est entouré par l’Odisha au sud, le Jharkhand et le Bihar à l’ouest, le Sikkim au nord et l’Assam à l’est. Il partage ses frontières avec le Bhoutan et le Népal au nord et le Bangladesh à l’est. Langues : bengali, anglais, hindi et nepali Superficie (km²) : 88 752 Districts : 19 Population totale : 191,2 millions d’habitants Répartition par sexe (nombre de femmes pour 1 000 hommes) : 947 Taux d’alphabétisation (%) : 77,1 Revenu par tête d’habitant ($) : 1 261 PIB (Gross state domestic product, GSDP) en dollars : 114,6 milliards en 2012-2013 8 mars-avril-mai 2015 Nouvelles De L’Inde D es vues sur les plus hauts sommets du monde, des plantations de thé, des rivières, une forêt de mangrove, des plages de sable fin….. S’étirant de l’Himalaya, au nord, à la plaine du Gange, au sud, le Bengale Occidental offre des paysages très variés. Le plus exceptionnel est sans doute celui des Sundarbans, la plus grande mangrove au monde, au sud du Bengale Occidental, qu’il partage avec son voisin le Bangladesh, à l’est. Cette réserve classée au patrimoine de l’UNESCO est une curiosité unique. Ses forêts et ses cours d’eau abritent une grande diversité de faune, notamment des mammifères aquatiques comme les dauphins de l’Irrawaddy et le dauphin du Gange, des oiseaux et des reptiles, et surtout la plus grande population de tigres au monde. L’autre lieu emblématique est Darjeeling, la station d’altitude bâtie par les Anglais. Entourée de plantations de thé verdoyantes, Bengale occidental Dossier Une aventure culturelle et touristique Qui dit Bengale dit Darjeeling, Kolkata, Tagore, littérature, cinéma…. Autant de références pour les Occidentaux. En Inde, le Bengale est aussi célèbre pour sa Durga Puja, festival célébré dans la liesse, et pour son extraordinaire cuisine. L’Etat, gouverné par les communistes pendant plus de trente ans, est aussi le premier producteur national de riz et de jute et de crevettes, et un exportateur de plus en plus important de TIC et de services utilisant les TIC. elle est aujourd’hui un haut-lieu du tourisme en Inde. Kolkata, la capitale, construite sur la berge orientale de la rivière Hooghly, au sud, est le berceau de la culture bengalie. Les autres villes principales sont Asansol, Siliguri et Durgapur. Avec près de 16 millions d’habitants, Kolkata est aujourd’hui la troisième ville de l’Inde. En 2001 le nom officiel anglais a été changé de « Calcutta » en « Kolkata », plus proche de la prononciation bengalie. Celle qui a été capitale de l’Inde sous la colonisation britannique jusqu’en 1911 est à présent la capitale commerciale de l’est du pays. Son université, toujours réputée, est l’université publique la plus ancienne d’Inde. Elle a joué un rôle important dans le développement du système d’éducation moderne du souscontinent. Kolkata ville de culture et d’histoire L’habitant le plus célèbre de Kolkata est sans aucun doute Rabindranath Tagore, prix Nobel de littérature en 1913. Celui qui fut à la fois homme de lettres, peintre, musicien, réformiste, est aujourd’hui la figure la plus importante du Bengale, dont on fête la naissance le 9 mai, devenu un jour férié. Une autre référence pour les Bengalis est Amartya Sen, prix Nobel d’Economie en 1998. Rien d’étonnant qu’il se soit établi à Santiniketan, au nord de Kolkata, où Tagore avait fondé son ashram (devenu par la suite une université réputée). D’autres figures illustres ont joué un grand rôle dans le pays, comme Nouvelles De L’Inde mars-avril-mai 2015 9 Bengale occidental ©en.wikipedia.org ©en.wikipedia.org Dossier Militants communistes lors de la campagne pour les élections générales en 2014 ©imgkid.com ©Nemai Ghosh Ravana et Hanuman, école de peinture de Kalighat, datant de 1880 Satyajit Ray, 1989 les réformistes Raja Ram Mohan Roy et Swami Vivekananda, à l’initiative de réformes sociales dans la société hindoue, telles que l’abolition de la pratique du sati (coutume voulant qu’une veuve s’immole sur le bûcher funéraire de son époux), de la dot et de l’intouchabilité. La ville est portée par un éternel bouillonnement culturel qui englobe littérature, peinture, cinéma, musique, etc... Autant d’arts dans lesquels les Bengalis se distinguent. Une visite à Kolkata est l’occasion de découvrir les artistes de la Bengal School of Art, dont Jamini Roy est l’un des plus célèbres représentants, ou encore les peintures de Kalighat, avec leurs personnages aux yeux en amande. Cet art populaire du XIXe siècle, qui avait pris ses racines dans les bazars de Kolkata, représente des scènes religieuses ou laïques, mettant souvent en scène des courtisanes et des comédiennes de l’époque. Les 10 mars-avril-mai 2015 Nouvelles De L’Inde A Kolkata, on se passionne pour le football et le cricket peintures étaient aussi l’occasion de montrer, parfois de façon ironique, les évolutions de la société. Au cours des vingt dernières années, les galeries d’art contemporain ont essaimé à Kolkata, exposant une nouvelle génération d’artistes prometteurs. Un cinéma de renom Des réalisateurs comme Satyajit Ray, Mrinal Sen, Ritwik Ghatak, ont contribué à le faire connaître endehors des frontières et aujourd’hui les films bengalis figurent souvent en sélection dans les festivals de films internationaux. Une industrie de films plus populaire s’est aussi développée, connue sous l’appellation « Tollywood », d’après Tollygunj, l’endroit de Kolkata où se trouvent de nombreux studios. Chaque année, un festival cinématographique célèbre a lieu à Kolkata. L’amour de la culture laisse aussi la place au sport. Le Bengale, contrairement à la plupart des autres Etats de l’Inde, se passionne pour le football, et Kolkata est un centre majeur du ballon rond dans le pays. Le cricket n’est pas en reste et des deux grands stades de Kolkata, le Salt Lake Stadium est le second plus grand au monde. L’Eden Gardens est quant à lui le plus grand en Inde. Kolkata est aussi la ville de Mère Teresa, décédée en 1997, dont la fondation poursuit l’action envers les personnes les plus pauvres, malades et handicapées. Des festivals fêtés avec ferveur La majorité des habitants du Bengale sont hindous, mais comme partout en Inde, ils cohabitent avec d’autres communautés. Les musulmans forment un quart de la population, beaucoup plus que la moyenne nationale, qui est d’environ 13%. A Darjeeling, les bouddhistes Bengale occidental sont très présents. Une autre communauté bien spécifique au Bengale est celle des Bauls, ces musiciens mystiques originaires du district de Birbhum, au nord-ouest de Kolkata. Leurs chants, accompagnés à l’ektara, un instrument à une corde, expriment leur philosophie de la vie et leur idéal de tolérance. Cette communauté reconnaissable à ses vêtements couleur safran, a été répertoriée par l’UNESCO. De nombreux festivals de musique les mettent en scène tout au long de l’année à Kolkata, Santiniketan, ou dans leur région d’origine. Les festivals, fêtés avec une ferveur particulière, sont l’occasion pour les différentes communautés de s’affirmer et de partager leurs traditions et de déguster leur cuisine réputée. Un dicton populaire en bengali dit « Baro Mase Tero Parban » qui veut dire littéralement « treize festivals en douze mois ». En plus du célèbre Durga Puja, les principaux festivals célébrés au Bengale Occidental sont Kaali Puja, Basant Panchami, Dushera, Bhai Phota/Dooj, Holi, Mahavir Jayanti, Buddha Jayanti, Rathyatra et Noël. D’autres événements qui ont presque pris la forme de festivals sont les anniversaires de Rabindranath Tagore, le Rabindra Jayanti, de Sri Ramakrishna Paramahamsa, un mystique ayant vécu au XIXe siècle, et du nationaliste Netaji Subhas Chandra Bose. 30 ans de pouvoir communiste Le Bengale a eu une histoire mouvementée avant de passer sous contrôle musulman au XIIIe siècle. Il a ensuite connu la prospérité sous l’Empire moghol au XVIe siècle, développant son industrie et son commerce. Dès la fin du XVIIIe, il a été dominé par les Britanniques qui, partis de là, ont étendu leur pouvoir sur la majeure partie de l’Inde. Plus tard, la partition de la région, en 1905, a entraîné un vif mécontentement chez les Bengalis. Ils ont déclenché une vague de terrorisme contre l’administration britannique. En 1943 le Bengale a été frappé par une sécheresse sans précédent, et la famine a emporté Dossier Statue géante fabriquée pour la Durga Puja entre 1,5 et 3 millions de Bengalis. Au moment de la partition de l’Inde cette fois, en 1947, le Bengale a été divisé en deux : la partie ouest (à majorité hindoue) devenant le Bengale Occidental indien, tandis que la partie est (à majorité musulmane) devenait le Pakistan oriental. Ce dernier a finalement pris son indépendance sous le nom de Bangladesh en 1971. A partir de 1977 le front de gauche, emmené par le parti communiste a gouverné le Bengale. Cela a duré pendant trente-quatre ans, jusqu’en 2011. Aujourd’hui le Bengale Occidental est l’un des Etats indiens les plus peuplés de l’Inde, avec plus de 91 millions d’habitants. Son indice de développement humain, auparavant sous la moyenne nationale, s’améliore, ainsi que son revenu par habitant. L’industrie est développée de façon encore inégale dans l’Etat, certains districts du nord, en particulier, accusant un certain retard. Du riz et du jute Cependant, les conditions climatiques sont propices à l’agriculture, à l’horticulture et à la pisciculture. L’Etat est le premier producteur de riz, de jute, de poisson et de crevettes du pays, et le deuxième producteur de pommes de terre et de thé. Il produit aussi du charbon en grande quantité. Le gouvernement a entrepris de développer les TIC et services utilisant les TIC (technologies de l’Information) afin d’augmenter leurs exportations. Aujourd’hui l’Etat compte 22 universités et des instituts de recherche importants. Il abrite des instituts renommés comme l’IIT Kharagpur et le NIT Durgapur. La population, particu-lièrement à Kolkata, a une bonne connaissance de l’anglais. Autant de points positifs pour la sixième économie du pays. n Gaëlle Gicquel Nouvelles De L’Inde mars-avril-mai 2015 11 Dossier Bengale occidental : Business Du riz aux nouvelles technologies de l’information « La position stratégique du Bengale Occidental, à la frontière vers les Etats du Nord-Est et d’autres pays de la zone Asie, en fait un point d’entrée pour les marchés d’Asie du Sud-Est. Premier producteur indien de riz, de jute, de poisson et de crevettes, il est au second rang pour les pommes de terre et le thé, et se tourne à présent vers l’IT/ITeS. Pour encourager l’industrie, le gouvernement développe des centres de croissance et des parcs industriels. 12 mars-avril-mai 2015 Nouvelles De L’Inde Bengale occidental : Business Productions animales L e Bengale Occidental est la sixième économie du pays après le Maharashtra, l’Uttar Pradesh, le Tamil Nadu, l’Andhra Pradesh et le Gujarat. Le secteur tertiaire contribue à 65,5% du PIB de l’Etat, suivi du secteur primaire (18,7%) et du secteur secondaire (15,7%). Il est un marché traditionnel pour l’est de l’Inde, les Etats du NordEst, le Népal et le Bhoutan. L’agriculture Les conditions climatiques adaptées à la culture du thé et du jute en ont fait un centre majeur pour ces produits et les industries qui leur sont liées. Le Bengale Occidental est le plus grand producteur de riz de l’Inde, avec 14,2% de la production nationale. Il est le second producteur de pommes de terre en Inde, avec un quart de la production. Renommé mondialement pour ses plantations de Darjeeling, le Bengale Occidental est le second Etat producteur de thé de l’Inde, avec plus du quart de la production nationale (26,3%). D’autres plantations sont développées dans le district de Jalpaiguri, également au nord. La canne à sucre et le blé, le maïs, le blé, l’orge, les oléagineux figurent aussi parmi les principales productions du Bengale Occidental. La floriculture est une industrie émergente, mais déjà très développée. En 2011-12 la production totale de fleurs s’élevait à environ 64 tonnes. L’Etat possède un fort potentiel pour exporter des fleurs au Moyen-Orient, au Royaume-Uni et au Japon. Productions animales L’Etat possède une longue côte de plus de 150 km et de nombreux plans et cours d’eau. Il est le plus grand producteur de poisson et de crevettes, avec 20% de la production totale. C’est un exportateur majeur de crevettes, et le plus grand producteur du pays. Il produit aussi presque 80% des œufs de carpes du pays. C’est aussi l’un des premiers producteurs de viande en Inde. Le climat est favorable à l’élevage de la volaille et le potentiel est énorme au niveau de l’élevage de poulets et de canards. L’Etat encourage le développement de la production laitière et l’élevage de la volaille. Industrie La principale zone industrialisée se trouve le long de la rivière Hooghly, du nord au sud de Kolkata. Une autre région industrielle importante se situe long de la rivière Damodar, à l’ouest, qui traverse Asansol et Durgapur, parmi les principales villes du pays. L’Etat représente 10% de la capacité en acier du pays. Des usines d’acier de la Steel Authority of India Limited se trouvent à Durgapur Dossier Steel Authority of India Limited surnommée « la cité de l’acier de l’est de l’Inde » et à Burnpur. L’Etat produit la moitié du charbon du pays. Il est extrait à Raniganj, à Barjora, à Birbhum et à Darjeeling. La vallée de la Damodar est considérée comme le premier centre de charbon à coke du pays. En plus de l’industrie de la houille et de la métallurgie lourde, la vallée de la Damodar a aussi vu se développer l’industrie chimique. Le port de Haldia est le terminus d’un pipeline venu d’Assam, et une grande raffinerie de pétrole y est installée. Le port a aussi développé une industrie pétrochimique. L’Etat possède un nombre important de petites industries et d’activités artisanales. Certains districts du nord du pays, notamment, sont beaucoup moins développés au niveau industriel. Le jute et l’industrie textile Le Bengale Occidental est le premier producteur de jute du pays ; il fournit environ 70% de ses besoins. L’industrie du textile, qui génère actuellement du travail pour 1,5 million de personnes, est centrée autour du tissage à la main, du tissage mécanique, du jute et de la soie. La bonneterie est très développée. Actuellement cette industrie du textile contribue à 5,2% du PIB de l’Etat mais le gouvernement souhaite augmenter la contribution de ce secteur de 10% d’ici à 2022-2023. Il met en avant Nouvelles De L’Inde mars-avril-mai 2015 13 Dossier Bengale occidental : Business L’industrie textile 14 la production de produits chimiques et de teintures en quantité, ses ressources suffisantes en électricité, et une main-d’oeuvre bon marché. En outre, les ports et les aéroports favorisent les exportations. Un parc de textile intégré doit être développé à Belur, à Howrah, près de Kolkata. étendue. Hindustan Motors est un acteur majeur. L’accès facile aux matières premières comme le fer et l’acier est un avantage. Parmi les politiques d’incitation de l’Etat figure l’autorisation pour les étrangers d’investir à hauteur de 100% dans le secteur. Le cuir L’industrie du cuir est également très développée. L’Etat, qui compte environ 500 tanneries, représente environ 55% des exportations des produits en cuir de l’Inde. Environ 25% des activités de tannerie de l’Inde se font à Kolkata. Pour développer et vendre des produits en cuir les petites et microindustries sont aidées par le West Bengal Leather Industrial Development Corporation. Une zone économique spéciale dédiée aux produits du cuir est installée à Bantala, près de Kolkata. L’automobile et les composants automobiles L’industrie des composants automobiles comprend une gamme L’IT/ITeS En 2012 le gouvernement a mis en place le West Bengal ICT Incentive Scheme afin de promouvoir les projets de l’IT/ITeS à tous les niveaux. C’est un secteur prioritaire pour l’Etat, qui souhaite voir sa part d’exportations augmenter, de façon à constituer 25% des exportations nationales (elles sont à présent de 3%). Plus de 500 sociétés de l’IT et ITeS sont établies, et emploient plus de 120 000 personnes. L’industrie compte 16 zones économiques spéciales dans le secteur. Tata Consultancy Services, qui est un des acteurs-clés du secteur avec Genpact, Cognizant Technology Solutions, et HCL, prévoit d’investir 246 millions de dollars dans la zone mars-avril-mai 2015 Nouvelles De L’Inde économique spéciale de Rajarhat. Des infrastructures IT se développent autour de la ville satellite de Kolkata, Bidhannagar, appelée familièrement Salt Lake City ainsi qu’à proximité, à New Town, à Rajarhat, près de Kolkata Des villes comme Durgapur, Siliguri, Haldia, émergent comme destinations disposant d’une infrastructure appropriée. De nouveaux parcs IT devraient voir le jour dans des villes de seconde catégorie comme Asansol, Kharagpur, Malda, Haldia, Durgapur, Kalyani, Rajarhat et Siliguri. Un parc IT est aussi attendu à Durgapur. Le tourisme La diversité de la faune et de la flore fait du Bengale Occidental une attraction touristique intéressante, d’autant que les infrastructures sont bonnes. En 2010 l’Etat a accueilli près de 3,74% des touristes en Inde, dont 95% d’Indiens. Parmi les principales attractions touristiques, la chaîne de l’Himalaya, le delta du Gange, la mangrove, (les Bengale occidental : Business Dossier Les Sunderbans Les composants automobiles Sundarbans) et les plantations de thé de Darjeeling. A présent l’Etat prévoit de développer, en mode de partenariat public-privé, de nouveaux aéroports et des hôtels dans les Sundarbans et à Digha (une station balnéaire de la Baie du Bengale) notamment. Dans ces deux derniers endroits le gouvernement souhaite aussi développer le parapente. Par ailleurs, dans un souci de développer le tourisme, l’Etat a identifié 11 sites potentiellement touristiques où il souhaite développer l’infrastructure, toujours sur le mode partenariat public-privé. Les biotechnologies Le Bengale Occidental a des ressources naturelles importantes basées sur la diversité de la faune et de la flore. De nombreux instituts de recherche sont engagés dans la recherche de haute qualité. Autres Les autres industries-clés sont les produits de l’ingénierie, le pétrole, la pétrochimie, les bijoux et pierres précieuses, la fabrication alimentaire, le bétail et les produits laitiers, les produits chimiques, les huiles végétales, la pharmacie, le papier, l’électricité et l’électronique. Les infrastructures L’aéroport international Netaji Subhas Chandra Bose dessert bien l’Inde et le reste du monde. Au nord, un autre aéroport à Bagdogra, près de Siliguri, dessert d’autres destinations importantes dans le pays, faisant de Siliguri une porte d’entrée importante sur les Etats du Nord-Est, et une plate-forme logistique pour la région. L’Etat a deux ports modernes, Kolkata et Haldia, à l’embouchure de la rivière Hooghly, au sud-ouest de Kolkata. Pour développer, améliorer et maintenir les infrastructures, le gouvernement régional encourage les partenariats public-privé. Les projets de partenariat public-privé sont développés avec l’aide du West Bengal Aéroport international Netaji Subhas Chandra Bose Infrastructure Development Fund. Les centres de croissance et les parcs industriels Le gouvernement encourage le développement de centres de croissance par l’intermédiaire de la société de développement de l’infrastructure industrielle du Bengale Occidental (West Bengal Industrial Infrastructure Development Corporation -WBIIDC). Jusqu’à présent 16 centres de croissance ont été établis dans différents endroits. Le WBIIDC souhaite aussi développer des parcs industriels sur le modèle du partenariat publicprivé en collaboration avec l’industrie. Les deux parcs déjà développés sont une plate-forme d’industrie intégrée dans le district de Jalpaiguri et un parc automobile à Jhargram. L’Etat a développé des zones industrielles spéciales au niveau du cuir, des énergies non conventionnelles, des multi-produits, des composants auto, du textile et du métal. n Gaëlle Gicquel Nouvelles De L’Inde mars-avril-mai 2015 15 Dossier Bengale occidental Darjeeling 'Queen of the Hills' Plantation de thé de Makaibari à Darjeeling Une terre de culture et de découvertes De la chaîne de l’Himalaya au nord au golfe du Bengale au sud, le Bengale occidental offre des paysages extrêmement variés. Au nord-ouest la région de Darjeeling, réputée pour produire le « champagne des thés », présente des points de vue superbes sur la chaîne himalayenne. A l’extrême sud, la réserve des Sundarbans, une biosphère unique répertoriée au patrimoine de l’UNESCO, est la plus grande mangrove au monde, célèbre pour ses tigres « mangeurs d’hommes ». Entre les deux, la capitale, Kolkata, est le berceau de la culture bengalie. 16 mars-avril-mai 2015 Nouvelles De L’Inde Bengale occidental Dossier Le train miniature de Darjeeling S es bâtiments coloniaux, son quartier des libraires, ses potiers, en font une cité pleine d’intérêt, particulièrement au moment du festival de Durga Puja, début octobre. Shantiniketan et son université, fondée par le Prix Nobel Rabindranath Tagore, est également un haut-lieu de la connaissance en Inde et accueille plusieurs festivals réputés. Les fameux temples de terre cuite de Bishnupur, à l’ouest de Kolkata, font aussi partie des endroits à ne pas manquer. Le Bengale est une terre de festivals, célébrés dans la ferveur. Aux fêtes traditionnelles hindoues s’ajoutent, à Darjeeling, les festivals bouddhistes, notamment celui de la nouvelle année, en février. Enfin, les Bauls, cette communauté de bardes musiciens bien spécifique au Bengale, se produisent à plusieurs endroits pendant la période hivernale, notamment à Shantiniketan. La vallée de Dooars Aux portes du Bhoutan, à l’extrême nord, la vallée de Dooars, bordée par l’Himalaya s’étend entre les rivières Teesta et Sankosh. Dans une mosaïque de forêts denses, de plantations de thé, de prairies, de ruisseaux et de rivières, cette zone de 130 km de long sur 40 km de large abrite une grande Nouvelles De L’Inde mars-avril-mai 2015 17 Dossier Bengale occidental Parc Victoria à Kolkata Les chutes de Kanchenjunga Les rues pittoresques de Darjeeling Le Pont Howrah 18 mars-avril-mai 2015 Le trek de Singalila Ridge Nouvelles De L’Inde Bengale occidental Le temple de Shyam Ray à Bishnupur diversité de flore et de faune. Parmi les animaux que l’on peut observer : des rhinocéros unicornes, des tigres du Bengale, des éléphants, plusieurs espèces de cerfs, des bisons et une multitude d’oiseaux La vallée possède plusieurs parcs et réserves naturelles comme celle de Jaldapara, et la superbe réserve de tigres de Buxa. Avec ses zones marécageuses, entrecoupées de cours d’eau, elle abrite une grande biodiversité, dont des orchidées rares et des plantes médicinales. Certaines de ses collines, restées sauvages, sont même inexplorées. Darjeeling Darjeeling, avec ses collines vertes et leurs plantations de thé, est une des principales attractions touristiques du Bengale occidental. Cette ancienne station d’altitude construite par les Anglais a gardé ses bâtiments coloniaux. Une des destinations phares des touristes est son point de vue époustouflant sur le mont Kanchenjunga, depuis Tiger Hill. Au programme des balades figurent aussi le zoo, et les visites des jardins de thé. Il est même possible de séjourner chez les employés de la plantation de Makaibari. Les monastères rappellent, quant à eux, la forte présence de la communauté bouddhiste, qui fête joyeusement la nouvelle année chaque mois de février. Mais l’attraction-phare de Darjeeling reste son petit train à vapeur, surnommé le « toy train », qui serpente à travers les collines. Cet Himalayan Railway, construit entre 1879 et 1881 par les Anglais, offre des vues imprenables sur la vallée. En raison de glissements de terrain, des travaux, programmés jusqu’au milieu de l’année 2015, ont provisoirement modifié son circuit. Pour les plus aventuriers, le trekking, qui a débuté à Darjeeling il y a près d’un siècle, est très réputé dans la région pour ses panoramas sur les plus hauts sommets du monde, comme l’Everest ou le Kanchenjunga. Les chemins traversent des prairies, des forêts de chênes, de châtaigniers et de rhododendrons, et des étendues de magnolias, orchidées et autres fleurs sauvages. La région abrite en outre plus de 400 espèces d’oiseaux, des cerfs aboyeurs, ou encore des pangolins. Le trek le plus populaire, près de Darjeeling, aux frontières avec le Népal et l’Etat du Sikkim, est celui du Singalila Ridge, à travers le parc national du même nom. Des hébergements sont prévus tout le long du chemin. Les Sundarbans A l’opposé, tout au sud, un paysage totalement différent s’offre au visiteur : le parc national des Sundarbans. Inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO, ce site exceptionnel de 10000 km² de terre et d’eau se trouve dans le delta du Gange. Plus de la moitié de la réserve se trouve en Inde, Dossier le reste au Bangladesh. On y trouve la plus grande étendue de forêts de mangroves du monde. Les Sundarbans sont célèbres pour leur population de tigres. Ces derniers ont la particularité de s’être adaptés à un mode de vie semi-amphibie, en développant des capacités pour nager sur de longues distances, et se nourrir de poissons, de crabes et de varans. Leurs forêts et leurs cours d’eau abritent une grande diversité de faune, notamment plusieurs espèces rares ou menacées, ainsi que des mammifères aquatiques comme le dauphin de l’Irrawaddy et le dauphin du Gange, des oiseaux et des reptiles. On y trouve aussi des populations importantes d’espèces endémiques de tortues de rivière que l’on croyait disparues. Digha, la plage A l’extrême sud-ouest, près de la frontière avec l’Odisha, Digha est la station balnéaire la plus populaire de l’Etat. D’une longueur de 7 km, elle est réputée pour la baignade. Les levers et couchers de soleil depuis la plage sont mémorables. Shantiniketan La petite ville située à environ 200 kilomètres au nord de Kolkata est connue pour l’université VishwaBharati, une institution expérimentale fondée par le Prix Nobel Rabindranath Tagore en 1921. L’endroit, qui fut d’abord un ashram, a été le domicile de l’homme de lettres, d’où il a écrit un nombre important de ses œuvres majeures. Son université des beaux-arts (college of art) est toujours considérée comme l’une des meilleures au monde. Shantiniketan est aujourd’hui le lieu de résidence de Amartya Sen, Prix Nobel d’économie en 1998. L’endroit est décoré de superbes sculptures, fresques et peintures murales de Rabindranath et d’autres artistes. Il est également célèbre pour ses festivals et ses fêtes, comme Holi, en mars, pendant laquelle les étudiants présentent des spectacles pour célébrer le printemps. Le Poush Mela, qui accueille chaque année des Nouvelles De L’Inde mars-avril-mai 2015 19 Dossier Bengale occidental Monument aux morts à Darjeeling musiciens Bauls, propose aussi des danses folkloriques et tribales, ainsi que des spectacles par les étudiants de Shantiniketan. Il donne un très bon aperçu de la tradition bengalie. Bishnupur, à environ 140 km à l’ouest de Kolkata, est célèbre pour ses temples en terre cuite et ses saris baluchari. La cité a prospéré aux XVIIe et XVIIIe siècles. Les traces de sa gloire passée sont encore vivaces dans son architecture, sa musique, sa poterie et son tissage. Digha, Bengale occidental Statue de Rabindranath Tagore à Amar Kutir 20 mars-avril-mai 2015 Nouvelles De L’Inde Les festivals Un dicton populaire en bengali dit « Baro Mase Tero Parban », ce qui signifie littéralement « treize festivals en douze mois ». Les Bengalis ont à cœur de préserver leurs fêtes traditionnelles, autant celles célébrées dans toute l’Inde que les fêtes plus locales. En plus du célèbre festival de Durga Puja, les principaux festivals célébrés au Bengale occidental sont Kaali Puja, Basant Panchami, Dushera, Bhai Phota/Dooj, Holi, Mahavir Jayanti, Buddha Jayanti, Rathyatra et Noël. D’autres événements qui ont presque pris la forme de festivals sont les anniversaires de Rabindranath Tagore, le Rabindra Jayanti, de Sri Ramakrishna Paramahamsa, un mystique ayant vécu au XIXe siècle, et du nationaliste Netaji Subhas Chandra Bose. Le festival le plus populaire est celui de Durga Puja, qui célèbre la déesse Bengale occidental Baul Performance chanson Jago Bangla Pavilion 39e International Kolkata Book Fair Milan Mela Complex Kolkata Durga pendant les derniers moments de sa victoire sur le mal. Sa ferveur et l’ampleur de ses célébrations à travers tout le Bengale occidental ne trouvent de parallèle en Inde qu’avec le Ganesha Chaturthi à Mumbai, lorsque les statues du dieu à tête d’éléphant sont immergées dans la mer. Pendant près d’une semaine les gens vêtus de neuf descendent dans la rue avec des fanfares. Le dernier jour (dashami), les statues de la déesse aux dix bras sont immergées après avoir été recouvertes de vermillon. A Darjeeling, où la présence bouddhiste est importante, le nouvel an se fête en grande pompe en février, avec des danses dans les temples de la ville. Les jeunes gens en liesse descendent dans les rues et dansent. Festivals de musique Baul Plusieurs festivals mettent en scène les Bauls, des mystiques originaires du Bengale. Leurs chants, accompagnés à l’ektara, un instrument à une corde, expriment leur philosophie de la vie et leur idéal de tolérance. Cette communauté reconnaissable par ses vêtements couleur safran, originaire du district de Birbhum, à environ 200 km au nord-ouest de Kolkata a été répertoriée par l’UNESCO. Le plus grand rassemblement de Bauls a lieu pendant la Kenduli Mela, Dossier Mahashtami Puja, Durga Puja à Bakul Bagan Sarbojanin, Sud de Kolkata Danse descriptive sur les chansons de Tagore, Rabindra Sangeet, à Kolkata organisée dans la ville de Kenduli (district de Birbhum) à la mi-janvier. Venus par milliers pour l’occasion, certains restent sur place pendant un mois entier. Le troisième et dernier jour du festival, des centaines de milliers de pèlerins se rassemblent pour se baigner sur l’île de Saugour, sur l’estuaire de la rivière Bhagirathi. Cette fête est le second rassemblement religieux au monde après la Kumbha Mela. Quelques jours plus tard, le troisième week-end de janvier, un autre festival plus petit, le Fakiri Utsav, accueille des musiciens Bauls dans le village de Gorbhanga, à 210 km au nord de Kolkata, où vit une communauté de fakirs musiciens. Ce festival en pleine campagne est une opportunité pour les musiciens des deux communautés mystiques de jouer ensemble pendant trois jours. Il est possible pour les spectateurs de séjourner sur place chez les artistes ou dans des tentes. Aux alentours du 23 décembre, à Shantiniketa, le festival Poush Mela, est également réputé pour ses concerts de musique donnés par les mystiques Bauls. Le Bengale est une destination encore méconnue de la plupart des touristes étrangers. La plupart des visiteurs sont indiens. Sa richesse culturelle et ses paysages en font pourtant une région à découvrir sans tarder. n Gaëlle Gicquel Nouvelles De L’Inde mars-avril-mai 2015 21 Dossier Bengale occidental Du riz et du poisson en toute subtilité Le Bengale Occidental est connu populairement comme la terre du « maach » (poisson) et du « bhaat » (riz). « Macche bhate bangali », un dicton populaire en Bengali dit même : « le riz et le poisson font un Bengali ». La plupart des Bengalis consomment de la viande et ont un faible pour les pâtisseries, très réputées. Bengale occidental L consomment de la viande. La plus populaire est la chèvre. Au menu figure aussi un grand nombre de fruits et de légumes variés comme les aubergines, le fruit du jacquier vert, les tiges et les fleurs de feuilles de bananier, et les gourdes. Les mangues, les bananes, les noix de coco et la canne à sucre poussent en abondance. Une touche amère Traditionnellement le repas commence par une touche amère et se termine par un plat sucré. Un des plats connus du début de repas est le shukto, servi surtout au repas de midi. C’est un plat essentiellement fait avec des feuilles de margousier, ou d’autres feuilles amères, de la gourde amère, des aubergines, des pommes de terre, des radis, des bananes vertes et des épices comme le curcuma, le gingembre. L’ambole, un plat aigre-doux de fruits, de légumes et de poisson est un autre plat réputé. La plupart des Bengalis ont un faible pour les sucreries ainsi que le yaourt sucré (mishti doi). Ce dessert, un des plus populaires, est servi dans un bol en terre, et termine les repas, souvent accompagné de sucreries et de fruits comme la mangue. Un autre dessert populaire est le rasgolla, des boules blanches parfumées et trempées dans un sirop à l’eau de rose. Les autres mets sucrés incluent notamment une variété de gâteaux à base de farine de riz ou de patates douces frites dans du sirop. La nourriture des rues, en particulier à Kolkata, est très réputée. A Darjeeling, dans les montagnes, où vivent des communautés tibétaine et népalaise, un plat populaire est le momo. Cuits à la vapeur et fourrés de mouton, de porc, de bœuf ou de légumes, ils sont servis avec une soupe de légumes et une sauce à la tomate ou un chutney épicé. Le wai-wai est un snack des montagnes de Darjeeling fait de nouilles dégustées seules ou avec de la soupe. Le churpee, une sorte de fromage à pâte dure à base de lait de vache ou de yak, est un autre petit snack populaire. Originaire du Tibet, le thupka, une soupe aux longues nouilles et aux légumes, est un autre délicieux plat très courant. Le chhang et le tongba sont des boissons alcoolisées faites à partir du millet. n Gaëlle Gicquel ©lifescoops.blogspot.in ©commons.wikimedia.org a spécialité de la cuisine bengalie ? Un parfait mélange d’épices sucrées et puissantes et de saveurs subtiles. Avec, à la base, de l’huile de moutarde et du panchforan (ou panchphoron) un mélange de cinq épices : des graines d’anis, de moutarde, de fenugrec, de cumin noir et de cumin. Les Bengalis sont de grands mangeurs de poisson. Ils consomment pas moins de quarante variétés de poisson frais, dont ils utilisent presque toutes les parties. Ainsi, même la tête, est utilisée pour parfumer les curries. Au Bengale, la cuisine se décline sur plusieurs modes : à la vapeur, frite, mijotée avec des légumes ou des saucisses, bouillie avec des épices... Bref, il y en a pour tous les goûts. Le hilsa est la spécialité de Kolkata : le poisson est délicatement cuit à la vapeur avec des épices et de l’huile de moutarde pour retenir ses parfums et sa tendresse. Le maaccher jhol est un autre plat réputé de Kolkata. Le poisson se mange aussi séché. Côté crustacés, le Bengale Occidental n’est pas en reste : il est le premier producteur de crevettes du pays. La plupart des Bengalis Dossier A Kolkata, une cuisine des rues de qualité Rasgulla Nouvelles De L’Inde mars-avril-mai 2015 23 Dossier Bengale occidental Des potiers et des sculpteurs de talent Les Bengalis sont des artistes et des artisans réputés dans tout le pays. Ils excellent particulièrement dans la poterie, le travail du métal, le tissage du jute et de la soie, et la sculpture du shola pith, ce bois blanc et spongieux spécifique à la région. Le célèbre cheval de terre de Bankura est même devenu le logo de l’association de l’artisanat indien, le All India Handicrafts. L a pièce d’artisanat du Bengale la plus célèbre est probablement le fameux cheval en terre cuite de Bankura. Cette représentation de l’animal avec un long cou et de longues oreilles pointues, utilisée à la base pour les rituels dans les villages, figure en bonne place dans les magasins d’artisanat et dans les intérieurs bengalis. Le travail de la terre cuite est une des plus anciennes formes d’art au Bengale. Les sculptures en terre cuite remontent à la période Maurya (324187 avant J.C.). Dans n’importe quel village de l’Etat on peut voir à l’œuvre des potiers (kumbhakars) au travail sur leur roue. Ils trouvent leur matière première dans les nombreuses rivières de la région et réalisent toutes sortes d’objets, des pots pour le yaourt aux assiettes, en passant par des jouets et des figurines religieuses. La plupart des foyers ruraux utilisent au quotidien des objets en terre cuite. Kumartuli, à Kolkata, est l’un des quartiers les plus célèbres de la métropole. Des artisans y façonnent les images des dieux et déesses les plus vénérés du Bengale. Certaines sont de véritables œuvres d’art. Une visite dans le quartier dans les semaines qui précèdent le festival de Durga Puja, lorsque des milliers de statues prennent forme, est un moment inoubliable. On peut aussi admirer cet art de la poterie sur les panneaux des temples de Murshidabad, de Bishnupur, et de Midnapore. A Krishnanagar, également couru par les touristes, les artisans fabriquent des poupées et personnages en argile grandeur nature depuis l’époque où le Maharaja de la région leur a apporté son soutien. Le Dhokra ou « cire perdue » Les petits objets en métal sont traditionnellement réalisés par les tribus Dhokra Kamar, qui suivent une technique de coulage du métal qui porte leur nom, le Dhokra, également connue sous les termes de « cire perdue ». En résultent des objets rituels, des bijoux, des représentations de dieux et de déesses, de musiciens portant des masques, de paysans, d’animaux… autant de références à l’univers de ces tribus Dhokra Kamar - qui appartiennent en fait à la même famille que d’autres tribus du Jharkhand et de l’Odisha voisins. Les saris balucharis Premier Etat indien producteur de jute, champion de la production textile, le Bengale occidental est aussi très réputé pour ses soies. Murshidabad, Birbhum, Bankura, Bishnupur, Hooghly, et Nadia sont des centres connus. Les saris les plus précieux pour les femmes bengalies sont les saris balucharis, connus dans toute l’Inde pour leurs motifs représentant des scènes mythologiques, traditionnellement du Mahabharata et du Ramayana. La confection d’un Fabrication à Kolkata de statues de la Déesse Durga en argile 24 mars-avril-mai 2015 Nouvelles De L’Inde Bengale occidental Dossier Les fameux chevaux en terre cuite de Bishnupur. Sculptures tribales réalisées à l’aide de cire et d’argile. sari prend environ une semaine – voire plus. Ils sont principalement fabriqués à Murshidabad et à Bishnupur. Auparavant, seules les femmes des castes très élevées et les femmes de propriétaires terriens pouvaient s’offrir de telles pièces, qu’elles portaient à l’occasion des fêtes et des mariages. Les produits en jute Le Bengale occidental est le premier producteur de jute du pays. La gamme d’objets disponibles est vaste, des tapis aux sacs à main, en passant par les dessus de lit. Le processus de tissage et de coloration du jute est particulièrement vivace à l’ouest de Dinajpur. Les shola pith de Murshidabad Le shola est une plante qui pousse dans des endroits marécageux du Bengale, de l’Assam et de l’Odisha. Le shola pith est le nom donné à son intérieur spongieux et blanc. Les artisans de Murshidabad ont appris à le graver pour en faire des objets d’art décoratif et des ornements pour les mariés. Les plus belles pièces, travaillées dans les moindres détails, sont des représentations des dieux et des déesses. Elles sont fabriquées en particulier à l’occasion du festival Durga Puja. Beaucoup d’objets en shola pith, comme des mini Taj Mahal, ou des représentations d’éléphants sont vendus aux touristes dans des boîtes en verre afin de les protéger. Les masques en bois Les masques en bois forment un aspect important des activités sociales et culturelles du Bengale. Ils sont particulièrement utilisés par les danseurs Chhau et représentent des dieux, des déesses, et des personnages mythologiques et historiques. Dans les montagnes, aux alentours de Darjeeling, les masques sont les images des esprits maléfiques des montagnes et des démons. Parmi les autres objets d’artisanat que l’on trouve au Bengale, citons encore les sculptures sur bois, les produits en bambou, les sacs et les portefeuilles en cuir, les conques et les objets en coquillage, les tissus en batik imprimés représentant des scènes de village… n Gaëlle Gicquel Nouvelles De L’Inde mars-avril-mai 2015 25 Dossier Bengale : Littérature Une littérature dominée par Rabindranath Tagore Les Anglais ont largement contribué à faire de Calcutta un centre intellectuel majeur du pays. Dans la foulée de Rabindranath Tagore, prix Nobel de littérature, d’autres écrivains ont produit des œuvres remarquées. L a tradition orale a prédominé au Bengale Occidental jusqu’à l’époque de la littérature dite médiévale, consacrée à la religion. A l’arrivée des Anglais, Calcutta, où ils ont établi leur Comptoir, est rapidement devenu le centre de l’orientalisme, et les Occidentaux ont commencé à s’y initier au sanskrit. A partir de 1800 le Fort William College est devenu un haut lieu de l’enseignement des langues indiennes, et des ouvrages leur étant destinés y ont été rédigés. Parmi les grands écrivains du 19e siècle à Calcutta citons Bankim Chandra Chatterji, une personnalité majeure au Bengale, connu dans l’Inde entière également à l’origine d’une revue d’idées. Kapalkundala (Celle qui portait des crânes en boucles d’oreilles, 1866) ou Ananda Math (Le monastère de la félicité, 1882) figurent parmi ses romans principaux. Rabindranath Tagore, prix Nobel de littérature La figure majeure du Bengale reste Rabindranath Tagore (1861-1941), à la fois poète, romancier, essayiste, nouvelliste, polémiste, auteur dramatique, peintre. Son oeuvre lui a valu le prix Nobel de littérature en 1913. Le caractère idéaliste - et accessible aux lecteurs occidentaux - d’une petite partie de son œuvre traduite - dont Gitanjali (L’offrande lyrique, 1912, traduit par André Gide) a retenu l’attention de l’Académie. Fils d’un des fondateurs du mouvement Brahmo Samaj, et petitfils de Dvarkanath Tagore, l’homme de lettres a été élevé dans une famille d’artistes et de réformateurs sociaux. Sa pensée était imprégnée d’idéalisme 26 mars-avril-mai 2015 Nouvelles De L’Inde upanishadique. Grand voyageur, il a été l’ami de plusieurs intellectuels de son temps et a échangé avec ses contemporains les plus célèbres comme Henri Bergson, Albert Einstein, Thomas Mann, George Bernard Shaw, H. G. Wells et Romain Rolland. Par la suite, plusieurs de ses œuvres ont été adaptées au cinéma. Parmi cellesci: Trois Filles (Teen Kanya) (1961), Charulata (1964), La Maison et le Monde (1984), par le grand réalisateur bengali Satyajit Ray. Tapan Sinha a par ailleurs réalisé Atithi (1965) et Rituparno Ghosh Chokher Bali: A Passion Play (2003). Shantiniketan, l’ashram qu’il a fondé en 1901, est devenu par la suite une école expérimentale et une université internationale qui reste aujourd’hui très dynamique. Les intellectuels dans la lutte pour l’indépendance de l’Inde Avant même l’Indépendance, comme le rappelle le chapitre de l’ouvrage « L’Inde contemporaine », consacré à la littérature bengalie depuis l’Indépendance « les écrivains bengalis avaient intégré le marxisme et la psychanalyse freudienne à leur vision du monde ». Des chefs-d’oeuvre de Bibhuti Bhushan Banerji (1894-1953), Pather Panchali (La complainte du sentier) et Aparajita (L’invaincu) ont été rendus célèbres par Satyajit Ray, qui les a adaptés au cinéma. Sarat Chandra Chatterji qui, dans ses romans a décrit la classe moyenne bengalie, est un auteur majeur. Ce contemporain de Tagore a eu plusieurs de ses œuvres portées à l’écran, notamment Devdas, une des histoires d’amour les plus célèbres de la littérature indienne. De nombreux écrivains ont participé au mouvement de Gandhi et à la lutte pour l’indépendance. Le romancier Satinath Bhaduri, avec Jagari (Le veilleur), est représentatif de l’époque. Un autre auteur connu, Tara Shankar Banerji (1892-1971), également influencé par Gandhi, s’est attaché à dépeindre la campagne. Comme le rappelle l’ouvrage « L’Inde contemporaine », Manik Banerji (1908-1956) a été de son côté très influencé par le marxisme. Ses romans et ses nouvelles, très réalistes, l’ont rendu célèbre dans les milieux intellectuels. Après l’Indépendance, les romans ont exploré de plus en plus les milieux défavorisés des campagnes. Une des œuvres majeures des années 1970 est le roman de la militante des droits de l’homme Mahasweta Devi, Hajar Churashir Maa (La mère du numéro 1084), inspiré par le mouvement naxaliste qui ébranla le Bengale entre 1969 et 1971. n Gaëlle Gicquel Coton Economie Fabriquer les textiles en coton en Inde, pour le monde L e coton, la fibre naturelle la plus versatile connue de l’homme, est présente dans nos vies sous des formes infinies. Internationalement admirée pour son confort et sa versatilité sans égal, le coton est la fibre la plus répandue dans le monde, comptant pour plus de 50% de la consommation globale de fibre. Elle fait figure de choix préféré, depuis les vêtements jusqu’au linge de maison. Le coton se mélange bien avec les fibres naturelles et synthétiques, permettant une variété de textures, de résistances et autres propriétés. Il peut être tissé, tricoté ou transformé en flanelle, en velours côtelé ou bien en jean ainsi qu’un nombre d’autres tissus pour diverses utilisations. L’Inde et le coton représentent 5000 ans d’histoire. Le pays a un riche héritage de production de textiles en coton et fut l’un des premiers exportateurs. Grâce à de récents investissements de plus de 30 milliards de dollars dans la technologie de pointe à travers la chaîne de valeurs, l’Inde possède l’une des capacités de production de textiles les plus modernes du monde. Généralement connus pour leurs produits uniques et à forte valeur ajoutée, les producteurs indiens travaillent avec les meilleurs fils de coton, des motifs complexes et des finitions innovatrices pour réaliser des produits complexes et novateurs, suivant les tendances contemporaines. Les textiles de coton indiens offrent une large gamme avec des caractéristiques à valeur ajoutée et sont facilement différenciés. La qualité sans compromis, la fiabilité, la variété et la versatilité ont fait de l’Inde une source de choix parmi les leaders internationaux (détaillants, marques, importateurs et designers). L’Inde, en tant que fournisseur de choix, offre plusieurs avantages uniques pour les textiles en coton, à travers toutes les catégories : - Grande disponibilité de fibres (l’Inde est le deuxième producteur mondial de coton au monde ; 1er producteur mondial de coton biologique) - Gamme de produits complète (fils, tissus tissés, tissus tricotés, linge de maison, tissus d’ameublement, textiles techniques) - Design de grande qualité et compétences pour le développement des produits - Coût de production globalement compétitif - Usines de production modernes et verticalement intégrées - Capacité de production de volumes flexibles - Facilité de communication - Management efficace & conformités sociales Le coton est essentiellement produit dans les Etats du Punjab, l’Haryana, le Rajasthan, le Maharashtra, le Gujarat, le Madhya Pradesh, l’Andhra Pradesh, le Tamil Nadu & le Karnataka. La répartition des textiles en coton exportés par l’Inde est la suivante : linge de maison (42%) ; fil de coton (39%) et tissus de coton (19%). L’Inde exporte les textiles en coton principalement vers les Etats-Unis (27%), le Bangladesh (9,3%), la Chine (4,9%), l’Allemagne (4,6%), la Corée du Sud (4,2%) et le Royaume-Uni (3,8%). Les détaillants et marques de renom tels que Carrefour, GAP, H&M, JC Penney, Levi Strauss, Macy’s, Marks & Spencer, Metro Group, Nike, Reebok, Tommy Hilfiger & Wal Mart importent des produits textiles indiens. n Julien Sineux, Service commercial Source de l’article : Making in India (Texprocil) Liens utiles : The Cotton Textiles Export Promotion Council (www. texprocil.org) Ministry of Textiles: http:// texmin.nic.in/ Make in India: Textiles & Garments: http://makeinindia. com/sector/textiles-garments/ Nouvelles De L’Inde mars-avril-mai 2015 27 Tourisme 28 Le Taj Mahal mars-avril-mai 2015 Nouvelles De L’Inde Le Taj Mahal Tourisme Le Taj Mahal un monument symbole historique et touristique du romantisme mondial « Le Taj, un bâtiment sans précédent, est probablement une des plus puissantes images de la Majesté Divine jamais créée. Sa beauté architecturale constitue la contrepartie formelle de notre concept mental le plus exalté, celui d’une divinité sans forme... Sa beauté relative est peut-être la manifestation de l’intention délibérée de refléter la Beauté absolue de Dieu. », dit Wayne Begley, l’historien américain qui décrit les sourates sur les murs du Taj. E ffectivement, c’est le côté parfaitement équilibré qui prévaut dans la vision du Taj Mahal, un modèle proche de la perfection. L’axe du plan met en alignement le jardin et le tombeau selon des proportions particulièrement harmonieuses. La construction du Taj Mahal débuta en 1632. Il représente un modèle unique au monde de perfection dans l’Architecture mais malheureusement en mauvais état (voir conclusion). Après la mosquée de Jama Masjid à Delhi, la mosquée de la perle à Agra, une autre mosquée dans le Sind (Pakistan), et les jardins de Shalimar à Lahore, Shah Jahan bâtit avec le Taj Mahal le plus parfait des tombeaux musulmans, le chef-d’oeuvre. On pense en général au Taj Mahal comme quelque chose de parfait avec son dôme rond et blanc qui donne un effet d’illusion, une perspective remarquable et inégalée, un effet d’optique qui fascine le touriste dès qu’il pénètre dans le parc après le portail d’entrée (jilaukhana). Le Taj Mahal est accessible à tous et on découvre en le visitant plusieurs plans à la manière d’un trompe l’oeil où se chevauchent, l’architecture certes mais aussi la perspective (on dit nazara, nazariya, dristicon en hindi) jusqu’aux jardins. C’est un monument silencieux très pur, le saint du saint mais qui contraste avec le tohubohu du tourisme. Ce court article s’attache à montrer la symbolique architecturale et la merveille patrimoniale qu’il constitue du point de vue de l’architecture et de la perspective. Puis, nous présentons le plus succinctement possible le symbole touristique qu’il représente et finalement à qui appartient ce monument ? Aux amoureux ?... Non bien plus encore sur un plan plus universel aux touristes indiens, internationaux et bien sûr à tous les passionnés d’art, d’architecture et d’histoire. L’architecture du Taj Mahal et les jardins : une perspective originale Le Taj Mahal dans cet ordre d’idée, est en outre, le plus grand et le plus fastueux des monuments, celui qui n’a aucun égal, il est hors du commun, c’est sans doute pour cela qu’il appartient au patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1984. En général, pour le Taj Mahal, ce que l’on peut dire, c’est que la symétrie et la géométrie constituent un équilibre parfait, méticuleux reflétant les qualités de Shah Jahan durant sa vie. a) Les historiens, les architectes et la fondation Les historiens du monument sont Muhammad Amin ou Aminai Qazwini, chroniqueur officiel de Shah Jahan et Abd al-Hamid Lahawri (auteur du Padshahnama en deux volumes : recueil sur l’histoire de Shah Jahan), ils nous renseignent sur l’histoire du Taj Mahal. Muhammad Ahmin Qwazini est le premier historien du Taj Mahal en 1631 : il parle d’un dôme de grande fondation et d’un bâtiment central et que rien n’a jamais été aussi admiré dans les temps passés. Ce sera la pièce majeure qui s’ajoute au patrimoine de l’humanité. Construit en 1632 et achevé en 1648, les fondations du Taj Mahal n’auraient pas existé si Shah Jahan n’avait pas acquis ce bout de terrain du petit fils de Man Singh Mirza Raja Jai Singh (voir le texte Padshanama à ce sujet). Le marbre utilisé venait de carrières situées à 400 kilomètres du Taj. A cette époque Shah Jahan exerce un contrôle proche sur les artistes, sa cour et son administration et donc sur les architectes. b) Le tombeau L’essentiel de mes sources sur le tombeau et les jardins viennent ici de Ebba Koch (2011) et sur l’architecture du Taj Mahal de la lecture de son oeuvre, “The complete Taj Mahal”. Le complexe du Taj Mahal est composé de plusieurs parties : Nouvelles De L’Inde mars-avril-mai 2015 29 Tourisme Le Taj Mahal Darwasa-i-rauza Le jilhaukhana (darwasa-i-rauza), c’est la grande porte jouxtant le Taj Ganj reconstruit en 1908-1909. Il prépare le visiteur à découvrir la grandeur de l’édifice. Il est entouré de pishtaq ( portail en forme d’arc). Le Taj Ganj, lui, est le quartier urbain avec ses anciens caravansérails. Il respecte les principes de l’architecture shajahani. La mosquée de Mihman Khana encadre le Taj Mahal. Le hall d’assemblée encadrant le Taj Mahal et les 4 minarets forment un damier parfait. Les tombes (rauza i-munua auwara, raiza i-muqqadas) : Les cénotaphes (de Mumtaz Mahal et Shah Jahan) sont recouverts en pietra dura et on note l’utilisation hiérarchique des couleurs avec du grès moghol rouge et des feuilles d’acanthes avec des petits vases. Des fleurs de chrysanthème ou de lotus sont représentées, c’est le style kangura. Les fleurs rouges ont une 30 mars-avril-mai 2015 Nouvelles De L’Inde connotation funéraire plus poussée, on voit aussi que les fleurs en pietra dura sont plus réalistes que les fleurs gravées sur le marbre. C’est le cénotaphe de Mutmaz Mahal Begam qui est aussi connue sous le nom de Arjumud Banu Begam qui est le plus mis en valeur et le plus décoré. En premier, Mumtaz Mahal fut enterrée à Burhanpur en 1631 là où elle décède, sur les rives de la rivière Tapti. Mumtaz Mahal ne fut pas la seule femme dans la vie de Shah Jahan mais celle qui l’inspira à tout jamais. C’est le plus beau tombeau du monde, de couleur blanche on dit que même si sa femme n’était pas morte, Shah Jahan aurait construit ce monument à la gloire de la religion. Mais l’histoire persane n’est pas claire sur celui qui a enterré Shah Jahan dans le Taj Mahal. En effet, c’est à l’âme éternelle que l’on dédie le monument : « Ô toi, âme apaisée, retourne vers ton Seigneur, satisfaite et agréée ; entre donc parmi mes serviteurs, et entre dans Mon Paradis ». Patrimoine pour les Indiens hindous et musulmans comme pour nous Occidentaux, la vasque du Taj Mahal est magnifique, c’est une architecture parfaite symbolisant l’accès au paradis dans le prolongement des jardins (hasht bishist). Ridzwan, dans la religion musulmane est le gardien de la porte d’éntrée du paradis. Les inscriptions à la gloire du maître de l’univers sur le Taj Mahal usent d’une imagerie paradisiaque (image récurrente sur ce beau monument) et sacrée à l’image du jardin (hasht bishist). c) Les jardins Les jardins (et pas seulement celui qui est dans l’enceinte du Taj Mahal) qui font face à la rivière Yamuna complètent la perspective (drysa, paridrsya) et forment une partie de l’architecture paysagère et finalement l’armature spatiale du pan d’ensemble du complexe du Taj Mahal. L’autre Le Taj Mahal Tourisme Mihman Khana particularité de ces jardins est de former des terrasses rectangulaires faisant face à la rivière sacrée, la Yamuna qui coule au pied du Taj. En face du Taj, les jardins persans sont appelés hasht bihisht (en persan cela veut dire « 8 paradis » tandis que le Char Bagh, c’est « les quatre jardins » un concept datant du 6ème siècle repris par Babur : E. Koch, p. 24). Jardin céleste rectangulaire, divisé en 8 sections ou modèle octogonal proche d’un mandala (le jardin est un labyrinthe) on lui trouve de nombreuses analogies avec l’art arabique. Les jardins sont magnifiques et lumineux (comme le disque solaire), ceci vient équilibrer la structure entre jardin et tombeau. Cette figure reflète la beauté parfaite de Dieu et 8 est un nombre divin. On peut imaginer que depuis sa dernière demeure, Mumtaz Mahal voit le jardin, l’oeuvre la plus accomplie sur le plan esthétique après la tour du Taj Mahal que Shah Jahan admirera après s’être fait emprisonné par son fils Aurangzeb en 1659. Les jardins qui font face au Taj Mahal sont nombreux avec en premier lieu l’imperial moonlight (Math, le jardin impérial du char bagh Padshashi jusqu’à la tombe de Itmad-ud-Daula, père de Nur Jahan), puis d’autres tombes suivent derrière avec leurs jardins, il y aura aussi ceux de Muhammand Zakaria et Wasir Khan avec le long de la Yamuna des résidences de princes, des havelis (celle de Dara Shikosh, Asaf Khan et Jaran Lodi). Dans le jardin principal, il faut noter la régularité du schéma symétrique des longueurs et largeurs de côté. Dans ces jardins, on trouve une composition florale faite de tulipes, d’iris, de roses et de soucis, et d’arbres comme des cyprès, des orangers, des manguiers, des amandiers, des pommiers et des platanes. Un poème urdu raconte en anglais cette présence des fleurs au Taj Mahal : « The straight cypresses and bushes of white roses (nastaran) stand symmetrically (...) Also the garden’s flower are full of raibel (lala), flowers (phul) and nasrin and nastaran roses » (E. Koch). A cette époque, dans l’idéologie islamique, les fleurs sont particulièrement appréciées dans la décoration des monuments religieux funéraires. Sur les murs du Taj Mahal sont écrits des sourates de l’Islam (versets coraniques) : Allah Akbar ce qui signifie « Dieu est grand ». La sculpture des monuments de l’Inde n’a pas été jugée de la même façon par tous les voyageurs (Bernier et Tavernier, Thévenot). Thévenot travaille et sculpte les pierres : le cristal, l’argent, les fleurs de couleur bleue, rouge et orange. Bernier, lui, parle avec admiration des oeuvres et des miniatures mogholes. Ces sculptures ciselées attirèrent les voyageurs. Le Taj Mahal se visite depuis le XIXème siècle avec des populations au départ de touristes Nouvelles De L’Inde mars-avril-mai 2015 31 Tourisme Le Taj Mahal Cénotaphes de Shah Jahan et de Mumtaz Mahal Le Taj Mahal, l’une des attractions les plus populaires de Inde européens et indiens. Le tourisme romantique ; à qui appartient le Taj Mahal ? A qui appartient le Taj Mahal finalement ? La question est importante car sa forte personnalité musulmane en fait un patrimoine moghol mais il reste un symbole de la paix (shanti en hindi) pour l’humanité quelles que soient les religions. L’éternelle beauté des choses, ou le rêve d’absolu, la beauté idéale d’un altruisme romantique qui fascine des générations de voyageurs avec toute une romance autour. Les différentes cultures vont toutes visiter ou revisiter le monument, très attractif de toute façon de par son architecture et son dôme blanc (symbole de pureté) où la légende 32 mars-avril-mai 2015 Nouvelles De L’Inde historique fabuleuse vient amplifier le phénomène touristique. Tous les couples un peu romantiques s’y reconnaissent et l’idéalisent avant même de l’avoir vu grâce aux prospectus « mais c’est encore plus beau une fois que l’on y est » disentils (d’après enquêtes). Quel est donc le sentiment amoureux des Indiens face à ce monument ? Dans la pensée moghole, l’amour divin revêt un importance majeure, tous les amoureux indiens admirent le Taj Mahal pour la paix qu’il symbolise, là où l’âme éternelle repose, symbole de l’amour immuable. De plus, les Indiens y sont très sensibles culturellement, émotionnellement, ils disent d’ailleurs une fois face à l’édifice : « hamra Taj Mahal », « notre Taj Mahal ». Le Taj Mahal, c’est la fierté de leur patrimoine, référent indispensable car monument funéraire le plus achevé sur le plan de l’architecture en Inde influencé par l’Iran et la Perse car les architectes sont iraniens et indiens. Fait-on du tourisme religieux quand on va au Taj Mahal ou du tourisme culturel, ou un pèlerinage musulman ? Comme dans le cadre du tourisme culturel qui se distingue du tourisme de masse, selon Saskia Cousin, (une spécialiste du tourisme), on pourra aussi associer l’idée de culture et de religion à cette visite. Le désir des Indiens de faire la visite d’une tombemémorial et d’un haut lieu historique est partagé par tous les couples amoureux récents lors d’une honey moon et même les couples plus âgés. Par exemple, les soirs de pleine lune, le Taj Mahal est encore plus beau et plus romantique ; la lune de miel est parfaite et se manifeste par des petits gestes d’amour ou par la prise d’une photo prenant en enfilade le jardin et le dôme du Taj. Ce qui distingue les touristes internationaux des touristes indiens c’est le vêtement (salwar kameez ou saris pour les dames et pantalon ou kurta pour les hommes) ; les costumes des touristes occidentaux sont parfois plus extravagants (chapeaux, longue robe, chapeau colonial). C’est aussi au Taj que l’on se dit tout et que le romantisme sur fond de coucher de soleil peut battre son plein. Est-ce un cliché ? Le site reste impraticable pour ceux qui veulent faire du tourisme hors des itinéraires balisés. Dans le cadre d’un tourisme de masse, c’est un monument incontournable qui fait partie à la fois d’un tourisme populaire et d’un tourisme d’élite mais plus tout à fait authentique à cause de sa forte fréquentation. Ceci dit cet aspect élite (les élites du XIX ou XVIIIème siècle) appelle à un sentiment individuel et d’exaltation partagé par les couples amoureux dont les voyages de noces sont dûment programmés avec tous les clichés qui leur sont associés : la féérie de l’Inde les nuits de pleine lune par exemple. En tous les cas, le Taj Mahal reste Le Taj Mahal un des symboles les plus forts de ce qui nous reste en image de l’Inde après le voyage, sans doute le monument le plus photographié par les touristes avec les ghâts de Bénarès. Depuis bien longtemps, les voyageurs se sont précipités pour voir une telle beauté : Bernier visite en 1658 le Taj Mahal et rencontre Shah Jahan. Le premier ambassadeur britannique, Sir Thomas Roe à la cour moghole le visite aussi et qualifie Shah Jahan de tyrannique. Ce dernier rapporte un manuscrit du 18ème siècle dans la librairie Bodeilan à Oxford. Bernier visite plus tard en 1658 le Taj Mahal et Tavernier est un des premiers français en 1665 à le découvrir c’est ce que raconte l’ouvrage de Christian Petit (le Songe du Taj Mahal). Bernier avec Mannucci racontent aussi les batailles de l’époque. Le Taj monument classé patrimoine Unesco (1984) Regardons maintenant, la construction de l’espace touristique autour du Taj Mahal. Depuis le 1er Juillet 2007, il est classé monument Unesco et parmi les sept merveilles du monde. Avec 10 millions de visiteurs, il est bâti sur la rive ouest de la Yamuna. Le tourisme et la gestion du patrimoine sont intimement liés, le projet de conservation du Taj Mahal sert les ambitions du tourisme qui veut augmenter la fréquentation ou la diminuer en fonction des contraintes. La gestion du Taj Mahal au sein du patrimoine de l’Unesco comme patrimoine mondial est un pas décisif qui accélère la reconnaissance contemporaine de cette oeuvre architecturale monumentale sur un plan mondial en permettant aussi de la protéger. Vu sa fréquentation, l’architecte indien Ramakrishna s’est inquiété de ses fondations qui s’enfoncent. Le Taj Mahal a subi les guerres et de multiples restaurations jusqu’à aujourd’hui. La situation actuelle du Taj Mahal n’est pas idéale pourtant puisqu’il a connu et connaît encore des travaux de rénovation, il jaunit, les poutres pourrissent aussi. L’islam indien et ses castes forment une seule et même société avec le monde hindou englobant. En fait, c’est la même société indienne, toute proche juxtaposée sur des territoires coalescents avec comme marques territoriales distinctives les temples (polythéiste ou monothéiste, l’architecture varie). On peut avoir sur un même territoire indien des lieux de cultes musulmans et hindous, sans que les territoires religieux se chevauchent complètement. Sur un plan scientifique, d’autres questions se posent d’emblée comme : en quoi ce référent spatial et identitaire du Taj Mahal est-il précieux pour les musulmans, qu’est ce qui est cher à leur coeur ? Est-ce que l’aspect saint les fascine, font-ils un pèlerinage au lieu saint, qui sont les dévots ? Pour l’Inde et son contexte multiconfessionnel là où les religions se côtoient et échangent dans une Tourisme certaine forme de tolérance, le mot que j’emploierais est aussi une forme de communion d’esprit (ce qui fait penser au communalisme) avec les autres (les morts, la mémoire). Faut-il voir aussi avec toutes les femmes qui jouent un rôle dans l’histoire du Taj Mahal, (Mumtaz Mahal, Nur Jahan et Jahanara) que ce monument reprend vie dans le souvenir de cette âme éternelle qui vit grâce à la dévotion des pèlerins et des touristes, l’esprit de cette flamme éternelle et de cette douleur difficile à oublier pour Shah Jahan, cette blessure d’amour sublimée dans un autre acte d’amour ultime : la construction d’un monument à l’image de sa femme défunte, acte d’union, et de mémoire. n Olivier Chiron Source : Eba Koch, The complete Taj Mahal and the riverfront gardens of Agra, Thames and Hudson, 2006. Vue intérieure de la mosquée Nouvelles De L’Inde mars-avril-mai 2015 33 Santé Le yoga Le yoga philosophie et expérience concrète Comme les rayons de la roue qui convergent vers le moyeu, les pensées fluctuantes et dispersées se résorbent en un seul point, dans un état d’attention et d’unité (la référence au symbole de la roue est fréquente). Une des 24 roues du char solaire de Sûrya, temple du Soleil à Konârak, Orissâ. L e 11 décembre 2014, moins de trois mois après l’initiative du Premier Ministre de l’Inde, Narendra Modi, l’Assemblée Générale des Nations Unies a proclamé le 21 juin « Journée internationale du Yoga », au motif selon les termes du projet de résolution « qu’une plus large diffusion d’informations sur les bienfaits du yoga serait bénéfique pour la santé de la population mondiale ». Le choix de la date n’est pas neutre, 34 mars-avril-mai 2015 Nouvelles De L’Inde le solstice d’été marque le début de la période de l’année où le soleil est le plus haut et le jour le plus long, aux latitudes moyennes. Où la lumière l’emporte sur les ténèbres. Le yoga, souvent mal connu et dénaturé en Occident, est l’un des six darshana (littéralement « points de vue ») de la philosophie indienne classique. Toutefois son existence est bien antérieure à la rédaction des Yoga Sûtra ou « Aphorismes du Yoga » attribués à Patanjali. Celuici a systématisé, probablement aux premiers siècles de l’ère chrétienne, de très anciennes pratiques de maîtrise du souffle, d’échauffement ascétique et de méditation. La racine sanskrite YOG- ou YUJdont est dérivé le mot « yoga » implique deux notions complémentaires : celle d’ « atteler », de mettre sous le joug, et celle d’ « unir ». Méthode de maîtrise du corps, du souffle et des Le yoga Santé sens, faisant appel à toutes les facultés de l’individu, requérant attention, vigilance et persévérance, le yoga a pour effet de faire taire la pensée et de susciter ainsi un état d’éveil et de clarté de la conscience. L’être n’est plus dispersé mais rassemblé ; au-delà de cet état d’unité, il devient apte à une expérience d’une tout autre nature, celle du dévoilement de la Conscience pure, d’union avec le Seigneur, Ishvara, entendu comme Essence impassible, inaltérable, libre1 . Le psychisme est habituellement vagabond et cet état d’éparpillement du mental entraîne mal-être, jugement erroné, action inadéquate et par conséquent constitution d’un karma2 négatif qui entretient les perturbations. Aussi Patanjali énoncet-il dès le deuxième sûtra que le yoga, c’est l’arrêt des fluctuations du mental (yoga chitta-vritti-nirodha). Par ailleurs, tout individu étant confronté à la souffrance, source de trouble et d’égarement, il faut éradiquer les causes de la souffrance que sont le sentiment de l’individualité (l’ego), les attractions et répulsions qui colorent et dominent le mental, la volonté de vivre et son corollaire, la peur de la mort. Ces facteurs d’affliction (klesha) sont tous dérivés de l’ignorance (avidyâ3) comprise comme l’erreur sur la véritable nature des choses (notamment considérer l’impermanent comme permanent, confondre pensée et principe de Conscience). Le respect d’exigences éthiques est impératif et préalable à toute pratique, qui ne saurait être dissociée d’une préparation mentale et morale. Il s’agit d’abord de s’abstenir de conduites négatives à savoir la violence et l’hostilité, le mensonge et la fausseté, le vol et la convoitise, l’aspiration 1) Cette essence inactive, appelée purusha (Esprit), fait pendant à la Nature créatrice, prakriti (racine KAR- : faire), dynamique et changeante; ces notions sont développées dans les Sâmkhya-Kârikâ, autre « point de vue » avec lequel s’articule le yoga. 2) Karma ou karman (racine KAR-) : tout acte ; conséquence des actes ; destinée individuelle. 3) Avidyâ vient de vidyâ : connaissance de la réalité (racine VID- : savoir) et du préfixe négatif a. Ascète yogin, dénudé, cheveux longs dénoués, debout en posture d’équilibre ; le visage est empreint de contentement. Sculpture du temple de Srî Rangam dédié à Vishnu, près de Tiruchirapalli (Trichy), Tamil Nâdu. Nouvelles De L’Inde mars-avril-mai 2015 35 Santé Le yoga L’image de la tortue, qui peut rentrer sa tête et ses pattes sous sa carapace, illustre le retrait des facultés sensorielles qui intervient après âsana et prânâyâma. (Bhagavad-Gitâ, II, 5) Temple Babulnath à Mumbai, Mahârâshtra. à vouloir répéter les sensations de plaisir, la soif de possession. Au-delà de cette attitude de refrènement (universellement prônée d’ailleurs), il convient de mettre en œuvre un ensemble de conduites positives : pureté du corps et du mental (refus de ce qui peut altérer l’intégrité du corps et perturber l’esprit), contentement, ardeur de la pratique (qui échauffe et brûle les impuretés) ou tapas4 , étude qui dissipe l’ignorance, abandon de soi et non attachement aux fruits des actes (attitude d’humilité, incompatible avec tout sentiment d’orgueil ou d’arrogance). Cette préparation est en elle-même une discipline, au même titre que les méthodes visant à maîtriser le corps 36 mars-avril-mai 2015 Nouvelles De L’Inde et la respiration, généralement mieux connues. La maîtrise du corps fait appel à la pratique des postures. La posture (âsana) doit être à la fois stable et aisée, ce qui implique fermeté, vigilance et continuité dans l’effort (sans laquelle la posture ne peut être confortable). L’inspiration et l’expiration accompagnent le mouvement et l’attention se focalise sur le geste à accomplir ; si la forme de la posture aboutie et parfaite est présente à l’esprit, l’effort doit rester juste, sinon serait rompu l’équilibre entre exigence et « lâcher-prise », attention et abandon, qui ne sont qu’apparemment contradictoires. Les postures d’équilibre, d’extension, de flexion, de torsion, d’inversion de la position habituelle du corps, contribuent à maintenir le corps en bon état de fonctionnement et donc en bonne santé ; elles ont aussi pour effet d’amener un changement dans la façon d’être, l’immobilité se substituant à l’agitation, le calme à l’émotion. Des postures de méditation assises, la posture du lotus5, largement représentée dans l’iconographie, est la plus célèbre. Dans une telle posture, le contrôle du souffle (prânâyâma) prend toute sa dimension. A la respiration ordinaire, automatique, s’est substituée pendant l’enchaînement des postures 4) Racine TAP- : chauffer, cuire. 5) Le lotus, qui prend racine dans la vase et dont la fleur s’épanouit dans la lumière, symbolise l’éveil spirituel. Le yoga Santé Quatre fleurs de lotus non encore écloses entourent une fleur épanouie, symbole célèbre de l’accomplissement spirituel et de l’éveil.Sculpture du monastère bouddhique Pândulena, près de Nâsik, Mahârâshtra. une respiration soumise au contrôle de la volonté, rythmée et régulée, allongée et affinée. Adoptant ensuite une posture de méditation, l’adepte peut restreindre la respiration : la maîtrise du souffle, c’est en définitive le refrènement des deux phases de la respiration (inspiration/expiration) et l’allongement des temps de rétention entre ces deux phases ; la respiration devient si ténue, si subtile, qu’elle paraît suspendue, inactive. Ce contrôle du souffle a pour effet de purifier le corps et libérer l’esprit de toute perturbation. A l’issue de ces pratiques (âsana et prânâyâma), les sens se tiennent spontanément au repos. Corps immobile, souffle suspendu, mental pacifié, sens en retrait : l’être se trouve dans un état contraire à son état habituel, fait de mouvement, de respiration arythmique, d’éparpillement de la pensée, de sens en éveil. Dès lors, l’adepte peut fixer sa pensée sur un seul point, de façon continue, jusqu’à ce qu’elle s’absorbe dans l’objet de sa contemplation et qu’intervienne la libération ou résorption dans la Réalité Suprême. Pour les dévots de la religion de Shiva, cette Réalité c’est Shiva, Roi de la danse et Seigneur du Représentation de Shiva Yogeshvara, « Seigneur des yogin », en posture de méditation, les yeux clos, le regard tourné vers l’intérieur. Temple de la grotte principale, Ile d’Elephantâ, Mahârâshtra. yoga (Natarâja et Yogapati) : sa danse cosmique émet le monde que détruit le feu de son ascèse. La pensée, d’ordinaire fluctuante, attentive durant la pratique, finit par se taire et s’abolir, ayant œuvré à sa propre dissolution. C’est l’un des paradoxes du yoga, école de vigilance et de détente, qui dispense énergie et apaisement, voie spirituelle et pragmatique en même temps puisque le yogin se sert de son corps, de son souffle et de son mental pour s’isoler du monde, s’affranchir de ses entraves et accéder à l’état de pure Conscience. A la fois une méthode et un but, le yoga est un cheminement qui s’inscrit dans la durée, nécessitant confiance et ferveur, une force agissante qui substitue l’équilibre à la passion et à la torpeur, une voie de passage du multiple vers l’un, qui réalise les potentialités latentes, révélant la crème dans le lait et l’huile dans la graine. n Marie-Françoise Le Page (Yoga, discipline et liberté – Les Deux océans, 2006) Nouvelles De L’Inde mars-avril-mai 2015 37 Visite du Premier ministre indien, M. Narendra Modi en France C’est en France, partenaire stratégique clé du continent européen, que le Premier ministre indien s’est rendu en premier, du 9 au 12 avril, avant de poursuivre sa tournée en Allemagne puis au Canada. M. Narendra Modi en France Reportage photo Reportage photo M. Narendra Modi en France Arrivée du Premier ministre indien, M. Narendra Modi, à l’aéroport de Roissy, où il est accueilli par M. Thierry Braillard, Secrétaire d’État aux Sports, auprès du ministre de la Ville, de la Jeunesse et des Sports. Le Premier Ministre Narendra Modi et le Ministre des Affaires Etrangères et du Développement International, Laurent Fabius à la cérémonie d’accueil dans la cour des Invalides 40 mars-avril-mai 2015 Nouvelles De L’Inde M. Narendra Modi en France Reportage photo Le Premier ministre indien au MEDEF. De gauche à droite, M. Paul HERMELIN, représentant spécial pour la relation économique avec l’Inde et Président-Directeur général de Capgemini, M. Narendra Modi, M. Pierre Gattaz, Président du MEDEF et M. Laurent Fabius, Ministre des Affaires Etrangères et du Développement international. Table ronde au MEDEF Nouvelles De L’Inde mars-avril-mai 2015 41 Reportage photo M. Narendra Modi en France Le Premier Ministre indien à l’Unesco auprès de la Secrétaire Générale, Mme Irina Bokova Hommage à Sri Aurobindo dans le jardin de l’Unesco 42 mars-avril-mai 2015 Nouvelles De L’Inde M. Narendra Modi en France Reportage photo Accueil à l’Assemblée Nationale par le Président Alain Bartolone Accueil du Premier ministre M. François Hollande, à l’Elysée indien, M. Narendra Modi par le Président de la République Française, Un timbre commémoratif franco-indien pour marquer 50 années de coopération dans le domaine spatial Nouvelles De L’Inde mars-avril-mai 2015 43 Reportage photo M. Narendra Modi en France Signature d’un protocole d’accord entre les deux gouvernements Promenade en bateau sur la Seine en compagnie du Président Hollande 44 mars-avril-mai 2015 Nouvelles De L’Inde M. Narendra Modi en France Cérémonie d’hommage aux soldats indiens morts pendant la Première Guerre mondiale à Neuve-Chapelle. De gauche à droite : M. Jean-Yves Le Drian, Ministre de la Défense, M. Narendra Modi, Premier ministre indien et Sir Joe French, KCB, CBE, ADC. Visite au CNES de M. Narendra Modi en présence de M. Laurent Fabius et de M. Jean-Yves Le Gall, Président du CNES Reportage photo Moment de recueillement du Premier minister au pied du monument aux morts Le Premier ministre et les Indiens travaillant chez Airbus Nouvelles De L’Inde mars-avril-mai 2015 45 Littérature Revue des livres Littérature Revue des livres Nous l’appelions EM, de Jerry Pinto, traduit de l’anglais (Inde) par Myriam Bellehigue, Ed. Actes Sud, 2015. Dans son univers délimité, le petit appartement familial et son travail de journaliste qui lui permet parfois de s’échapper, un univers où interagissent quatre figures, sa mère, son père, sa sœur et lui-même, un jeune homme s’interroge. Sur son avenir, sur sa place dans sa famille, sur la vie qu’ils mènent tous, sur le passé de ses parents. Car sa mère n’est pas une mère comme les autres – son esprit est hors de portée, et elle passe éternellement de phases dépressives en phases euphoriques, menaçant continuellement la petite bulle familiale d’implosion. Sur le mode de l’enquête, armé des correspondances de ses parents dans les années 1950 et 1960 à Bombay et de l’ancien journal intime de sa mère, le narrateur cherche ses réponses. Quand tout a-t-il basculé ? Comment son père puise-til en lui cette énergie de tout supporter ? « Battez-vous contre vos gênes », lui entendil souvent dire – va-t-il donc devenir fou lui aussi ? Nous l’appelions Em est un récit puissant et sans compromis, à l’écriture lumineuse. Le goût de Bombay, de Jean-Claude Perrier, Ed. Mercure de France, 2015. Quelle bonne idée que celle de Mercure de France d’inventer en 2002 la série Le goût de, anthologies littéraires consacrées à des villes, des régions, des pays, des thématiques car Bombay méritait bien pareille approche et qui mieux que le voyageur Jean-Claude Perrier pouvait nous amener à goûter à toutes ces approches d’une ville inclassable, indomptable, invraisemblable. Nous avons particulièrement apprécié son choix d’avoir inclus des poèmes d’Arun Kolatkar, cet alchimiste de l’ordinaire, pour reprendre l’expression si juste de Laetitia Zecchini, traductrice avec Pascal Aquien de ses poèmes, qui nous parlent si haut et fort de Bombay. A travers les choix de JeanClaude Perrier, ce sont toutes les facettes de Bombay que nous présentent quelques auteurs, certains célèbres comme Muriel Cerf, Paolo Pasolini, Nicolas Bouvier, Salman Rushdie, d’autres moins mais qui tous nous livrent une page de cette ville de la démesure. Et peut-être avez-vous votre propre vision de la ville ! L’éveil de la conscience ou l’illumination de la reine Tchoudâlâ, conte inspiré par le Râmâyana, traduit du sanskrit par Alain Porte, Editions Dervy, 2015. Le lecteur ne peut que se réjouir lorsqu’Alain Porte nous livre une nouvelle traduction de textes qui, sinon, nous échapperaient et quel dommage ! Ce conte se trouve dans la dernière partie du Yogavasistha rédigé entre le IXe et le XIIe par Gaudha Abhinanda du Cachemire, intitulée le Nirvana dans le sens d’une « émancipation de toute souffrance, physique et mentale » pour reprendre les termes d’Alain Porte. Le Yogavasistha relate principalement le dialogue entre le jeune Rama et le sage Vasistha en présence du père de Rama et de la cour. Âgé de 15 ans, Rama s’interroge sur ce qu’est la vérité et comment l’homme englué dans la dualité que lui impose le commerce 46 mars-avril-mai 2015 Nouvelles De L’Inde avec le monde peut parvenir à la tranquillité autrement que par le renoncement. Ce conte lui montrera comment il est possible de s’orienter vers une vision du monde qui « réconcilie le transitoire et l’éternel, l’existence périssable et l’être immuable. » Il raconte que le couple très uni du roi Shikhidhvaja et de la reine Tchoudâlâ se demandait comment parvenir à un état de stabilité tel que les épreuves de la vie ne consumeraient plus leur cœur. Le roi opta pour une vie d’ascèse tandis que la reine connut une illumination qui la conduisit devant l’échec de son époux à instruire son mari par le biais d’un subterfuge. Un conte édifiant pour éveiller notre conscience. Revue des livres Littérature Philosophie/Spiritualité Krishnamurti le rebelle, sa vie, son message, d’Alain Delaye, Ed. Accarias L’Originel, 2015. Alain Delaye le dit bien dans la 4ème de couverture, ce livre est une gageure quand on sait le nombre d’ouvrages déjà publiés sur ce grand penseur de l’Inde. Mais le défi est bien relevé. Après une présentation de son parcours de vie, un bref portrait est dressé. L’incroyable fluidité d’esprit de Krishnamurti ne rend pas la tâche aisée. Ensuite l’auteur nous propose de découvrir son message, toujours d’une grande pertinence et très actuel, qui peut se résumer à « Changeons de regard », « Libérons-nous du connu », « Accueillons le réel », « Agissons » et « Vivons ». La citation que l’auteur indique en début d’ouvrage, « La révolte est essentielle à la vie. Etre mécontent d’une façon intelligente, c’est un don divin. Vous me direz que beaucoup de gens dans le monde sont mécontents. Mais le mécontentement intelligent est une vertu rare. Si vous vous révoltez avec intelligence, vous croissez réellement », extraite de L’homme et les problèmes de la vie de 1930 ne peut que nous interpeller par son actualité. Ce livre nous convie à la redécouverte de l’innocence, de la liberté et de la vacuité. Un livre à lire de toute urgence. Shiva Nâtarâja – La Danse cosmique, son mythe, sa symbolique de Michel Coquet, Ed. Les Deux Océans, 2014. Shiva dansant est représenté dès le VIIème siècle dans les lieux saints shivaïtes. Le Natyashastra, le plus ancien traité indien sur les formes de spectacles sacrés, nous renseigne surtout sur les aspects techniques mais ne nous éclaire pas sur la signification réelle des danses de Shiva. Le livre de Michel Coquet nous permet d’aller plus avant dans notre connaissance de ce que symbolisent les sept danses de Shiva, la septième symbolisant l’ensemble des danses. L’auteur remonte au commencement des temps pour introduire Shiva et nous présente de manière approfondie le mythe et la symbolique de cette danse éminemment cosmique. Un ouvrage vraiment intéressant pour comprendre une image si souvent représentée. La salutation au soleil traditionnelle, de Krzysztof Stec, Ed. Dervy, 2014. Bien que gravement alourdi par une interminable série de témoignages de spécialistes du suryanamaskar validant à l’unanimité l’expérience de l’auteur, ce livre est une mine précieuse d’informations concernant la pratique de la salutation au soleil issue de la tradition du yoga. Aspects physiologiques, psychologiques et spirituels sont abordés tour à tour dans une démarche didactique qui, si elle vise une pratique extrêmement intense, permettra aussi à toute personne pratiquant le yoga ou s’intéressant à ses retombées sur la santé mentale et physique de parfaire sa culture et d’ajuster ses exercices. Pour mémoire L’aventure d’un Lyonnais aux Indes, de Dr. Rosie Llewellyn Jones, Editions LUGD, 1992. Dans le cadre de la visite officielle du Premier ministre indien en France en avril, nous nous sommes de nouveau penchés sur ces Français qui bien avant la ruée des touristes sont partis en Inde tenter l’aventure. Claude Martin en faisait partie. L’auteur de cet ouvrage nous livre la biographie d’un homme qui grâce à son intelligence, à sa ténacité au travail et à son habileté sut de simple soldat embarqué à Lorient en 1751 devenir Major Général. Soldat, négociant, cartographe, inventeur, Claude Martin devint riche, si riche qu’il laissa suffisamment d’argent pour que soit créée après sa mort et selon son testament dans un esprit philanthropique de l’Esprit des Lumières, une « école pour instruire un certain nombre d’enfants des deux sexes » à Lyon. Cette école devait porter le même nom que l’école créée à Lucknow, La Martinière et porter sur le devant la même inscription que sur celle de Calcutta. L’esprit de cet homme souffle toujours sur ces institutions toujours en activité et en lien les unes avec les autres. Gaëlle Benacchio et Viviane Tourtet Nouvelles De L’Inde mars-avril-mai 2015 47 Littérature Bibliothèques Bibliothèques publiques en Inde ©www.plus.google.com Bibliothèque centrale de l’État d’Himachal Pradesh à Shimla et son règlement Bibliothèque centrale d’Etat, Bangalore L a période de l’Inde indépendante connaît une évolution sans précédent de la place des bibliothèques dans l’enseignement et le développement du pays. Grâce aux efforts de S. R. Ranganathan1, l’État de Chennai (anciennement Madras) s’engage le premier dans une voie législative en promulguant, en 1948, la Madras 48 mars-avril-mai 2015 Nouvelles De L’Inde Public Library Act, première loi sur le territoire indien offrant un accès gratuit aux usagers. Le principe de la bibliothèque publique est posé, même si le passé avait connu des expériences pouvant s’apparenter à ce type de lieu de conservation et de mise en accès public des livres. Mais parler de bibliothèques publiques dans l’Inde contemporaine implique de prendre en compte sa diversité tant culturelle, linguistique que sociale, incomparable à l’échelle mondiale. En effet, avec sa population qui dépasse aujourd’hui un milliard deux cents mille personnes, l’Inde compte 860 langues d’après le People’s Linguistic Survey of India réalisé en 2011 (1652 en 1961) dont 22 d’entre elles reconnues comme officielles par la Constitution et 122 langues parlées par plus de dix mille personnes. Cela place ce pays au premier rang en termes de la diversité linguistique ce qui joue aussi sur le développement des lieux de conservation des langues et des cultures que sont les bibliothèques. Il est évidemment difficile, compte tenu d’une telle diversité, de faire des généralisations, car à la diversité culturelle s’ajoute le développement propre aux territoires (la République de l’Inde compte aujourd’hui 29 États et 7 Territoires). On peut néanmoins repérer deux grandes caractéristiques : les grandes villes telles Delhi, Chennai ou Bangalore possèdent des infrastructures et des réseaux bibliothécaires bien développés alors que les zones rurales peinent encore à avoir un accès similaire aux bibliothèques ; les États du Sud de l’Inde, singulièrement le Tamil Nadu, l’Andhra Pradesh et le Karnataka, sont bien plus développés sur ce plan que d’autres États de l’Inde. La législation sur les bibliothèques Ces inégalités en termes de développement du système des bibliothèques publiques résultent de l’histoire singulière de chacun des États à qui la Constitution de l’Inde confie la charge de créer des bibliothèques de 1) « S. R. Ranganathan, père des bibliothèques modernes en Inde », Nouvelles de l’Inde, janvierfévrier 2015. Bibliothèques Bibliothèque publique municipale Hardayal à Delhi ©Andrew Middleton Les plans quinquennaux La promotion du développement des bibliothèques en Inde fait également partie des plans quinquennaux, élaborés un peu après l’indépendance du pays pour garantir son développement. Ces plans comportent toujours un volet éducatif dont une partie, à l’instar des anciens programmes coloniaux, est réservée au développement des bibliothèques, considérées comme moyen de promotion de l’alphabétisation et de la formation tant des enfants que des adultes. Retracer l’histoire des bibliothèques publiques en Inde nécessite donc un retour sur l’histoire de ces plans gouvernementaux. Le premier plan (1951-1956) aboutit à une proposition d’amélioration du service des bibliothèques, toujours dans une optique de promotion de l’éducation. L’idée est de créer des bibliothèques de districts dans chaque État sous la tutelle d’une bibliothèque centrale d’État. En 1951, l’UNESCO avec le gouvernement indien lance un projet pilote pour adapter des techniques modernes de bibliothéconomie aux conditions indiennes. Il en résulte la création de la Bibliothèque publique de Delhi qui ©Varun Shiv Kapur différents niveaux sur leurs territoires. En effet, si les efforts de S. R. Ranganathan ont contribué à pousser d’autres États que le Tamil Nadu à adopter le même type de législation, certains l’ont adopté tardivement et tous n’ont pas encore suivi cette voie. Ainsi 19 des 29 États possèdent un Library Act et l’ancienneté de ces mesures joue sur l’état effectif du développement des bibliothèques. Les États qui ont adopté une loi spécifique pour les bibliothèques sont : le Tamil Nadu, déjà mentionné (1948), l’Andhra Pradesh (1960), le Karnataka (1965), le Maharashtra (1967), le Bengale occidental (1979), le Manipur (1988), le Kerala (1989), l’Haryana (1989), le Mizoram (1993), Goa (1993), le Gujarat (2000), l’Orissa (2001), l’Uttaranchal (2005), le Rajasthan (2006), l’Uttar Pradesh (2006), le Lakshadweep (2007), le Bihar (2008), le Chattisgarh (2009) et l’Arunachal Pradesh (2009). Littérature Bibliothèque Deshbandhu à Darjeeling dans l’État du Bengale occidental acquiert un statut de bibliothèque nationale compte tenu qu’elle reçoit, depuis le vote de la loi Delivery of Books Act de 1954, le dépôt légal aux côtés de la Bibliothèque nationale de l’Inde à Calcutta2, la Bibliothèque publique de Connemara (Chennai) et la Bibliothèque centrale d’État de Mumbai. La Delivery of Books Act sera amendée en 1956 pour permettre, toujours dans les quatre bibliothèques indiennes, le dépôt légal des journaux. Sur la base des publications reçues, la 2) « Bibliothèque nationale de l’Inde. Une évolution toujours en devenir », Nouvelles de l’Inde, novembre-décembre 2014. Nouvelles De L’Inde mars-avril-mai 2015 49 Littérature Bibliothèques Bibliothèque publique d’État Connemara à Chennai Bibliothèque centrale de référence à Calcutta, créée en 1955, établit une bibliographie nationale d’ouvrages parus en Inde, mais elle n’inclut cependant pas de cartes, d’atlas, de partitions de musiques et documents du même type. Cette période est également celle de la requalification de la Bibliothèque publique Connemara à Chennai (créée en 1896) en Bibliothèque centrale de l’État grâce aux financements alloués par le Public Library Act de 1948. Ces mesures participent des avancées en termes d’éducation ce dont témoigne le taux d’alphabétisation qui augmente de 16% en 1941 à 18,33% en 1951. Le second plan (1956-1961) vise la mise en place de bibliothèques dans 320 districts. L’idée est d’assurer un lien entre bibliothèques centrales d’État et bibliothèques des villages. Le plan prévoit également la promotion de la législation sur les bibliothèques dans chaque État. A cette période, le niveau d’alphabétisation s’améliore en passant, en 1961, à 28,31%. 50 mars-avril-mai 2015 Nouvelles De L’Inde En 1957, le gouvernement indien nomme une commission consultative sur les bibliothèques, dite Commission Sinha (Sinha Committee) du nom du directeur de l’instruction publique dans le Bihar, en charge d’analyser l’état du développement des bibliothèques publiques dans le pays. La Commission doit déterminer les besoins en matière de lecture, les goûts littéraires, recommander la future structure bibliothécaire de l’Inde, déterminer les zones de coopération entre les bibliothèques et le secteur d’éducation, prévoir la formation des bibliothécaires, recommander des mesures tant financières qu’administratives pour mener à bien ce développement. Le rapport, rendu en 1958, recommande en premier lieu la gratuité des bibliothèques pour chaque citoyen indien. Il promeut la législation sur les bibliothèques dans chaque État et propose un modèle pouvant servir de base. Le rapport préconise également la construction d’un système des bibliothèques hiérarchique avec en haut de l’échelle, des bibliothèques nationales, puis des bibliothèques centrales d’État, des bibliothèques de districts, des bibliothèques de blocs (sous-districts) et enfin des bibliothèques de panchayat, à savoir villages. C’est sur ce modèle que le système des bibliothèques en Inde a été créé. La Commission préconise enfin la création d’un département spécialement dédié à l’éducation sociale et aux bibliothèques au niveau national. On compte à l’époque environ 32 000 bibliothèques. Le troisième plan quinquennal (1962-1967) voit une certaine glaciation budgétaire pour les bibliothèques publiques. En 1962, un modèle de la Public Library Act est néanmoins envoyé par le gouvernement central aux États afin de promouvoir ce type de législation. A cette période, selon les sources gouvernementales, il y a douze bibliothèques centrales d’État sur 18 États et Territoriales de l’époque, 205 bibliothèques de districts sur 327 districts, 1394 bibliothèques de blocs sur 5223 blocs, 28 317 bibliothèques de villages sur 566 878 villages. Bibliothèques Durant le quatrième plan quinquennal (1969-1974), le gouvernement central crée, en 1972, la fondation Raja Rammohun Roy Library Foundation s’inscrivant ainsi dans le cadre du bicentenaire des festivités de l’anniversaire de Raja Ram Mohan Roy, réformateur social du XIXe siècle. Cette fondation qui constitue un grand pas pour le développement des bibliothèques à l’époque contemporaine en Inde, a pour mission le soutien du mouvement des bibliothèques publiques, la promotion du cadre législatif sur les bibliothèques par les États, l’assistance technique et financière, la publication des rapports, et particulièrement la promotion des bibliothèques sur des territoires ruraux ainsi qu’auprès du plus jeune public. Elle travaille en étroite coopération avec les gouvernements des États ainsi qu’avec des associations et soutient particulièrement les bibliothèques centrales d’État et les bibliothèques centrales de districts. Le cinquième plan (1974-1979) prévoit des mesures pour renforcer la formation des adultes dont le développement des bibliothèques publiques au niveau des districts ce qui passe notamment par le financement des bâtiments ou encore le renforcement des collections. En 1979 est créée une section dédiée aux bibliothèques au sein du département de la culture du ministère de l’éducation du gouvernement central. Le sixième plan (1980-1985) met l’accent sur le développement des bibliothèques rurales et connaît la création de 26 bibliothèques d’État ainsi que de 291 bibliothèques de districts. En 1983, le gouvernement met en place un groupe de travail pour moderniser le service informatique des bibliothèques. La recommandation principale qui en découle est la constitution d’une Politique nationale sur les bibliothèques. En 1985, une nouvelle commission, présidée par D.P. Chattopadhyay, doit proposer une Politique nationale des systèmes des bibliothèques et d’information (National Policy on Library and Information System, NAPLIS). La Commission rend son rapport en Littérature Bibliothèque centrale de l’État Himachal Pradesh à Shimla et son règlement 1986, mais il faut attendre juillet 1993 pour qu’un groupe de travail rende un rapport sur des recommandations d’application dans le cadre de la NAPLIS dont celles concernant le renforcement du développement dans les zones rurales ou encore le maintien de la compétence sur des bibliothèques publiques au niveau des États et non au niveau de l’Union indienne. Le septième plan (1985-1990) fait une place centrale à la lutte contre l’illettrisme avec la création, en 1986, de la Mission nationale d’alphabétisation. Le but est surtout de renforcer l’alphabétisation des femmes tout en poursuivant le développement des bibliothèques dans des territoires ruraux. Le travail est mené pour renforcer des liens entre des bibliothèques des villages et les écoles primaires et une section pour des enfants doit être créée dans chaque bibliothèque. Le huitième plan (1992-1997) met l’accent sur l’accès universel à l’éducation primaire et sur l’éradication de l’analphabétisme chez les 15-35 ans ; le 10e plan quinquennal (20022007) propose la modernisation des bibliothèques centrales et publiques. En 2005, le ministère de la culture crée la Commission nationale du Savoir (National Knowledge Commission) pour une période de trois ans. Elle doit dresser un plan de développement notamment des bibliothèques et préconise à cette fin la formation de bibliothécaires, la création d’un fond national de financement des bibliothèques, la promotion de l’information sur cellesci et l’aide à l’accroissement des collections. Une Mission nationale sur les bibliothèques doit permettre Nouvelles De L’Inde mars-avril-mai 2015 51 Littérature Bibliothèques de créer une Bibliothèque virtuelle nationale de l’Inde, mettre en place un programme de développement permettant d’aboutir à la création de six bibliothèques sous la responsabilité du ministère de la culture, 35 bibliothèques centrales d’État et 35 bibliothèques de districts. En plus, les 629 bibliothèques de districts devraient bénéficier d’une connectivité des réseaux. Une enquête nationale sur les bibliothèques est également prévue afin de créer une base de données, la plus exhaustive possible. Retracer ce long chemin législatif et de déploiement des bibliothèques publiques en Inde permet de rendre compte à la fois des avancées accomplies et des besoins à venir. Il donne à voir également, en pointillés, les disparités en termes d’aménagement du territoire en bibliothèques. Leur rôle dans l’éducation et l’alphabétisation a été reconnu dès l’accès de l’Inde à l’indépendance. Malgré le taux net de scolarisation à l’école primaire en 2011 de 98,6% pour les filles et les garçons confondus et les 56 000 bibliothèques publiques, les 400 000 bibliothèques scolaires, les 11 000 bibliothèques universitaires et de facultés et les 13 000 bibliothèques de recherche et développement, l’alphabétisation demeure, encore aujourd’hui, un enjeu crucial pour les politiques de l’éducation. En effet, en 2012, ce taux d’alphabétisation reste encore relativement faible et se situe à 62,8 % chez les adultes toutes tranches d’âge confondues. Évidemment, ces données doivent être rapportées aux territoires, car là encore il existe de fortes inégalités en termes de développement. Outre le fait que les bibliothèques peuvent jouer un rôle dans l’alphabétisation et dans l’éducation, elles permettent aussi l’accroissement du capital social et constituent des espaces pour le renforcement de l’engagement, le débat et la participation démocratiques. Les bibliothèques publiques en Inde jouent également un rôle de véritables lieux de ressources d’informations pour des communautés, notamment en tant qu’intermédiaires en donnant accès aux informations administratives. Malgré 52 mars-avril-mai 2015 Nouvelles De L’Inde ces avancées notables, elles n’ont pas encore atteint tout leur potentiel : leur déploiement territorial doit continuer et elles peuvent offrir dans les années à venir de l’information sur la santé, par exemple sur les maladies sexuellement transmissibles ou encore fournir des Chronologie : 1948 – vote de la Madras Public Library Act (Tamil Nadu) 1951 – création de la Bibliothèque publique de Delhi 1954 – vote de la loi Delivery of Books Act permettant le dépôt légal 1955 – création de la Bibliothèque centrale de référence (Central Reference Library) à Calcutta 1956 – vote de l’amendement de la loi Delivery of Books Act permettant le dépôt légal des journaux 1957 – nomination de la Commission consultative sur les bibliothèques dite Sinha 1960 – vote de l’Andhra Pradesh Public Library Act 1964 – nomination d’un groupe de travail chargé des bibliothèques 1965 – vote de la Karnataka Public Library Act 1967 – vote de la Maharashtra Public Library Act 1972 – création de la Raja Rammohun Roy Library Foundation 1972 – nomination du groupe de travail sur le développement des bibliothèques publiques 1978 – adoption du Programme national d’éducation des adultes ??? 1979 – création de la Section Bibliothèques au sein du département de la culture du ministère de l’éducation du gouvernement central 1979 – vote de la West Bengal Public Library Act 1983 – nomination du groupe de travail sur la modernisation des services bibliothécaires et informatique 1985 – nomination de la Commission sur la Politique nationale des systèmes des bibliothèques et informatiques 1986 – création de la Mission nationale d’alphabétisation 1988 – vote de la Manipur Public Library Act services d’alphabétisation grâce notamment au renforcement des outils pédagogiques que sont les nouvelles technologies de l’information et de la communication. n Ewa Tartakowsky 1989 – vote de la Haryana Public Library Act 1989 – vote de la Kerala Public Library Act 1993 – vote de la Mizoram Public Library Act 1993 – vote de la Goa Public Library Act 2000 – vote de la Gujarat Public Library Act 2001 – vote de l’Orissa Public Library Act 2005 – vote de l’Uttaranchal Public Library Act 2005 – nomination de la Commission nationale du Savoir (National Knowledge Commission) 2006 – vote de la Rajasthan Public Library Act 2006 – vote de l’Uttar Pradesh Public Library Act 2007 – vote de la Lakshadweep Public Library Act 2008 – vote de la Bihar Public Library Act 2009 – vote de la Chattisgarh Public Library Act 2009 – vote de l’Arunachal Pradesh Public Library Act Bibliographie : Neeta Jambhekar, « National Policy on Public Libraries in India », World Libraries, vol. 5, n°2, automne 1995. Ajit K. Pyati, « Public library revitalization in India : Hopes, challenges, and new visions », First Monday, vol. 4, n°7, 6 juillet 2009. URL : http://firstmonday.org/ojs/index. php/fm/article/view/2588/2237 Zahid Ashraf Wani, « Development of Public Libraries in India », Library Philosophy and Practice, Mars 2008. Le site de la Raja Rammohun Roy Library Foundation du ministère de la Culture du gouvernement indien. URL : http://rrrlf.nic.in Echange d’étudiants Le yoga Santé Education « Street Food - Voyage en Inde » avec le Lycée Jacques-Cœur de Bourges leur stage de trois mois à l’ITC Grand Chola, un somptueux hôtel 5 étoiles à Chennai. Autant d’actions qui se font conjointement dans le cadre l’Association Namaste I.N.D.E. (www. namasteinde.org/) et du lycée hôtelier : http://lycee-hotelier-jacques-coeur.fr/) M.J. Guézennec ©www.todayonline.com sur le thème « Le Goût de l’Autre », d’un film, d’un album photo et de rencontres. L’objectif est de partager des savoir-faire et les talents de la gastronomie française et indienne dans un esprit de découverte et avec un sens de la réciprocité. D’ores et déjà, trois de leurs étudiants sont partis en avril effectuer ©www.foodamentals.com L e lycée Jacques Cœur qui accueille quelque 2000 élèves, fait partie du réseau des écoles associées de l’UNESCO. Depuis 2013, il organise des voyages d’études et de découvertes en Inde pour ses étudiants de BTS. Le 13 février dernier, ils ont organisé avec les élèves de 1ère Bac pro et de BTS (section « Hôtellerie- Restauration ») une soirée « Street Food - Voyage en Inde »-, sous forme d’apéritif dinatoire, conviant de nombreux invités à venir découvrir les saveurs de l’Inde autour d’une grande diversité de plats qu’ils avaient préparés. Une initiative qui fut très suivie par le public de Bourges et qui s’inscrit également dans la préparation d’un futur voyage de 15 jours qui aura lieu en février 2016. De nombreux échanges professionnels sont prévus avec l’Ecole hôtelière de Munnar, l’université de Chennai ainsi qu’avec le restaurant Satsang à Pondichery. A leur retour, les étudiants rendront compte de diverses façons de leur projet réalisé dans le sud de l’Inde, par la publication d’un carnet de voyage Restauration de rue en Inde Nouvelles De L’Inde mars-avril-mai 2015 53 Education Know India Programme Son Excellence Shri A.K.Singh, Wendy Ayassamy et Melvin Poinoosawmy 29ème KNOW INDIA PROGRAMME - HIMACHAL PRADESH L e Know India Programme (KIP) est organisé par le Ministère des Affaires indienne d’outremer (MOIA) depuis 2003. C’est une formidable plate-forme dont le but est de faire rencontrer les jeunes du monde entier de 18-26 ans, de la diaspora indienne afin de se retrouver, d’échanger et d’apprendre la culture et l’histoire de l’Inde. C’est une expérience inoubliable qu’on a vécu en participant à la 29ème édition du KIP – Himachal Pradesh qui s’est déroulée du 28 Août 2014 au 18 Septembre 2014. Avant tout, nous remercions Son Excellence Shri A.K Singh, ambassadeur de l’Inde à Paris et GOPIO France pour 54 mars-avril-mai 2015 Nouvelles De L’Inde nous avoir permis de réaliser ce passionnant voyage et découvrir l’histoire et la terre de nos ancêtres. Nous sommes nés en France de familles de culture indienne mais c’était notre premier voyage en Inde. Nous étions les seuls à représenter un pays européen : la France. Ce voyage prend une tout autre dimension lorsqu’on intègre un groupe de 37 personnes venant « des 4 coins du monde » (Argentine, Israël, Malaisie, Ile Maurice, Myanmar, Nouvelle Zélande, Afrique du Sud, Sri Lanka, Suriname, Trinidad & Tobago, Yémen et Zimbabwe). Nous avons tous des parcours éducatifs et intellectuels différents mais avec un héritage en commun, être d’origine indienne. Ainsi, des liens forts se tissent, car nous étions constamment ensemble (24h/7jours), de plus le cadre était exceptionnel. Nous étions tous curieux de savoir et partager nos expériences personnelles sur l’intégration des personnes d’origine indienne dans les différents pays, nos racines, cultes de la religion, la nourriture, etc…Nous avons évoqué avec émotion la vie de nos ancêtres qui ont traversé inconsciemment pendant des jours et des mois les océans hostiles pour s’installer dans l’espoir d’une vie meilleure en terre inconnue. Avec du recul, ils ont parcouru un long chemin et ont été récompensés de leur dur labeur car certains sont aujourd’hui à la tête de leurs pays Know India Programme Education Wendy Ayassamy, Shri Prem Narain et Melvin Poinoosawmy au poste de Premier ministre : Mme Kamla Persad-Bissessar, Premier ministre de la République de Trinidad & Tobago et M. Aneerood Jugnauth, Premier ministre de l’Ile Maurice. Nous avons démarré notre KIP à Delhi, ville magnifique, très riche culturellement et historiquement. Le KIP nous a permis de visiter différentes institutions gouvernementales ou privées, musées, temples, TV show, écoles, universités, ainsi que différents endroits culturels. La deuxième semaine, nous étions dans l’Etat d’Himachal Pradesh avec notamment les décors du piémont himalayen et ses impressionnantes chaines de montagnes qui ressemblent aux vallées suisses ou savoyardes. Ce fut un des moments les plus mémorables, notamment avec une grande richesse dans ses cultures, (hindou, bouddhisme, etc…), visites des temples et monastères. En revenant sur Delhi, nous avons eu droit à la visite d’une des 7 merveilles du monde, le Taj Mahal qui signifie l’amour éternel. C’est un des monuments touristiques les plus visités au monde qui se trouve à Agra. Cette réalisation unique résume la puissance de l’Empire moghol et ses prouesses techniques, esthétiques, scientifiques, philosophiques sous toutes ses formes pyramidales et symétriques Dans le cœur de cette éternelle perfection, on retrouve une image de l’amour que transporte le Taj Mahal et qui résiste au passage du temps. L’heure de notre départ s’approchait et on est sous le choc et le charme de ce grand pays. Nous avons encore plein la tête des images, des sons, des odeurs et des émotions que nous n’oublierons jamais. Le paradoxe est qu’au moment de quitter l’Inde, on avait l’impression de quitter de nouveau notre maison. En effet, cette culture est ancrée profondément en nous et c’était plus qu’un voyage. Nous ne pouvions pas rester insensibles à toutes ces émotions. Nous souhaitions les partager avec tous les jeunes de notre âge, car cette expérience de vie valait la peine. C’est ainsi que lors de la visite de Shri Prem Narain, Secrétaire du Ministère des Affaires indiennes d’outremer (MOIA) à Paris le 19/10/2014, nous avons organisé un évènement à l’hôtel Ibis Cambronne Tour Eiffel avec l’aide de GOPIO France pour promouvoir le « Know India Programme ». Il n’y a pas d’autre pays au monde qui organise ce genre de programme pour les jeunes de sa diaspora. L’Inde est le seul pays à le faire et nous encourageons vivement les jeunes de 18-26 ans, sans hésiter à y participer. n Wendy Ayassamy & Melvin Poinoosawmy https://www.facebook.com/pages/ Gopio-France/351192008380501 Nouvelles De L’Inde mars-avril-mai 2015 55 Echange scolaire ©Collège Tanguy Prigent (Finistère) Education Un voyage inoubliable pour de jeunes élèves bretons D epuis 3 ans, notre collège public Tanguy Prigent à SaintMartin des Champs, 180 élèves, situé sur la pointe bretonne, est jumelé avec Nath Valley School, établissement qui compte 1200 élèves du primaire au lycée, dirigé par M.Ranjit Dass (récompensé en septembre 2014 par le « National Teachers Award 2013 »). Cet échange a démarré grâce à l’AADI, association présidée par M. Breton qui encourage les échanges entre l’Inde et la France. Après des échanges de courriers, des rencontres par le biais de webcam, nous avons eu envie d’aller plus loin, et d’offrir cette chance exceptionnelle à nos élèves de découvrir l’Inde. Les familles nous ont soutenu et nous ont aidé à réunir l’argent nécessaire. L’ambassade de l’Inde nous a permis, dans le cadre de cet échange, d’obtenir nos visas, 56 mars-avril-mai 2015 Nouvelles De L’Inde et nous avons eu le soutien financier du Conseil Général du Finistère, dans le cadre d’Agenda 21 et de Morlaix Communauté. Le 8 octobre 2014, vingt-quatre élèves de 4è et 3è (1314 ans) sont donc partis pour 13 jours de voyage, encadrés par M. Eckert, principal, Mmes Thibault, Larvor et Thatje, professeurs au collège. Il a fallu 2 bus, un avion et près de 50 heures de voyage pour arriver à Aurangabad, à 400 km à l’est de Bombay (État du Maharashtra, Inde). Pour la plupart de nos jeunes élèves, c’est leur premier voyage hors de France : le dépaysement est total ! Ils sont chaleureusement accueillis dans les familles indiennes. Pendant toute la semaine nos élèves sont intégrés dans l’école, ils vont aux différents cours et travaillent sur notre projet conjoint autour du développement durable : « Green school » et British Council pour les Indiens, « Agenda 21 » pour les Français. Nos élèves découvrent l’Assemblée du matin, le port de l’uniforme... Des excursions leur ouvrent les portes de la culture indienne : les grottes d’Ajanta et Ellora, classées au patrimoine mondial de l’UNESCO, le petit Taj Mahal d’Aurangabad, une fabrique de tissu, une école de danse, la ville immense de Mumbai... Dans une situation privilégiée pour découvrir les contrastes du pays, les élèves expérimentent la cuisine, très appréciée, les saris, le shopping avec les correspondants, les parties de foot, les routes et les transports scolaires, seuls points plus négatifs du voyage. Certains ont appris un peu d’hindi, mais nos élèves ont surtout progressé en anglais, langue usuelle à l’école et dans les familles. Notre voyage s’est terminé par la « Diwali Mela », la fête des lumières, l’occasion d’une grande fête dans l’établissement et ©Collège Tanguy Prigent (Finistère) ©Collège Tanguy Prigent (Finistère) ©Collège Tanguy Prigent (Finistère) Education ©Collège Tanguy Prigent (Finistère) Echange scolaire de retrouvailles familiales. Depuis le retour les contacts se poursuivent par les réseaux sociaux entre les jeunes. Nous espérons pouvoir accueillir comme prévu les Indiens en mai ou juin 2015. Nous avons déjà prévu pour une semaine en mai de faire fonctionner notre collège sur le modèle de Nath Valley School, avec des maisons, regroupant des élèves de la 6è à la 3è, identifiées par un nom et une couleur, celle qui aura obtenu le plus de points obtenant un trophée. Nous avons fait avec les élèves un bilan du voyage : le plus apprécié a été l’accueil, la gentillesse du correspondant et de leur famille, de leurs amis. Les visites, surtout les grottes d’Ellora, ont aussi eu du succès, tout comme la découverte du pays, de nouvelles choses... La nourriture a souvent été citée (les élèves ont été très gâtés), ainsi que les paysages, la religion et les temples. La chaleur et l’absence de pluie, qui nous ont changé de la Bretagne, ont été difficile à supporter pour certains, mais bien appréciée par d’autres ! Enfin, élèves comme enseignants nous avons vraiment apprécié de découvrir l’Inde non comme simples touristes, mais intégrés dans l’établissement scolaire. Notre échange a permis de développer l’enseignement du français en Inde, puisque le nombre d’élèves volontaires a tellement augmenté qu’une enseignante a été recrutée. Quant à nous, l’assemblée matinale et la journée d’adieu nous ont vraiment impressionnés... Au retour, nous avons réalisé une exposition de 10 panneaux, accompagnée d’un montage photo, qui va circuler dans notre région pour présenter ce voyage. Les élèves iront aussi dans les classes intéressées pour témoigner. Nous avons aussi un blog, avec le récit au jour le jour et des vidéos en anglais présentant notre vie en France : www. bretagne-inde.blogspot.com n Julia Thatje Professeur-documentaliste Collège Tanguy Prigent Nouvelles De L’Inde mars-avril-mai 2015 57 Le Coin des Enfants Les éléphants et les souris Les éléphants et les souris 58 mars-avril-mai 2015 Nouvelles De L’Inde Les éléphants et les souris I l y avait une grande et belle ville à côté d’un lac. Elle abritait de nombreux temples et de belles maisons. Les gens qui y vivaient étaient heureux et prospères. Or, avec le temps, la ville tomba peu à peu en ruine. Les gens s’étaient enfuis, prenant avec eux leurs vaches, leurs taureaux, leurs chevaux et leurs éléphants. Seules les souris restèrent. Elles emménagèrent dans les temples et les maisons. Cela devint une ville de souris. Bientôt, il y eu plus de souris que jamais : des générations entières. Des générations d’arrière-grands-parents, grands-parents, pères et mères, maris et femmes, tantes et oncles, frères et soeurs, ainsi que beaucoup, beaucoup de bébés souris. Ils vivaient heureux tous ensemble, et presque chaque jour il y avait une fête ou une autre. Il y avait la fête du printemps, la fête des récoltes, les mariages et autres rassemblements. Dans la jungle, loin de la ville des souris, vivaient des éléphants. Il y avait un grand troupeau, et leur roi était un grand mâle. Noble et gentil, il dirigeait le troupeau de manière juste. Les éléphants l’aimaient. Le grand mâle et son troupeau vivaient heureux dans la jungle jusqu’à l’arrivée d’un grand désastre. Il ne pleuvait plus depuis plusieurs années, et toutes les rivières et leurs réserves s’asséchaient. Ils n’avaient plus d’eau à boire. Les éléphants partirent loin en quête d’eau. L’un d’eux rapporta au roi qu’il avait vu une ville en ruines et que de l’autre côté se trouvait un lac. Le roi en fut ravi. Il conduisit aussitôt son troupeau au lac. En chemin, ils passèrent par la ville des souris. Comme les éléphants, assoiffés, se déplaçaient en toute hâte, ils ne remarquèrent pas qu’ils piétinaient et tuaient des milliers de souris. Des milliers d’autres furent blessées. Les souris docteurs et infirmières firent tout leur possible pour sauver les mourants et les blessés. Mais comme de plus en plus d’éléphants traversaient la ville, de plus en plus de souris étaient tuées et blessées. Jamais les souris n’avaient été confrontées à pareille Le Coin des Enfants calamité. Que pouvaient-elles faire ? Comment pouvaient-elles arrêter les éléphants de tuer les leurs ? Les souris se rassemblèrent afin de se concerter sur le meilleur moyen d’agir. Une vieille souris, très sage, suggéra d’aller voir le roi des éléphants et de lui parler. Il pourrait accepter d’arrêter de faire passer son troupeau par la ville. Toutes les souris approuvèrent cette idée, et en choisirent trois d’entre elles pour aller parler au roi. Les trois souris allèrent trouver le roi, et s’inclinant, lui dirent : “Votre Majesté, vous êtes grand et puissant. Vous n’avez peut-être pas remarqué le mal que vous causez quand votre troupeau traverse notre ville. Nous sommes petites et nous faisons écraser sous vos pattes. Plusieurs milliers d’entre nous ont déjà été tuées et un plus grand nombre blessées. « Nous craignons que si vous continuez à passer par notre ville, aucune de nous ne survive. Donc, nous sommes venues vous demander de trouver un autre chemin pour retourner dans votre jungle. Si vous acceptez, nous vous en serons très reconnaissantes et serons vos amis. Nous admettons que Nouvelles De L’Inde mars-avril-mai 2015 59 Le Coin des Enfants Les éléphants et les souris nous sommes petites, mais un jour nous serons peut-être capables de vous aider. » Le roi était ému. « Vous avez raison, leur dit-il. Vous pouvez vivre tranquillement maintenant. Je veillerai à ce que vous ne souffriez plus. » Quelques années plus tard, le roi d’une région voisine voulut de nombreux éléphants pour son armée. Il envoya ses hommes en capturer autant qu’ils pouvaient. Ils vinrent dans la jungle où le grand mâle éléphant ainsi que son troupeau vivaient. Ils étaient ravis de trouver autant d’éléphants. Les hommes creusèrent de profondes fosses qu’ils recouvrirent de brindilles de feuilles. C’était des pièges à éléphants. Le roi et beaucoup d’autres éléphants du troupeau tombèrent dans ces fosses. Ils essayèrent tant bien que mal de remonter, en vain. Les hommes revinrent avec des éléphants apprivoisés. Avec de solides cordes, ils sortirent les éléphants piégés des fosses et les attachèrent fermement. Les hommes repartirent avec les éléphants apprivoisés et allèrent chez leur roi faire leur rapport. Les éléphants captifs étaient dans une fâcheuse posture. Leur roi, le grand mâle, était peiné de voir qu’autant d’éléphants du troupeau avaient été piégés comme lui. Comment pourraient-ils s’échapper ? Il n’arrivait 60 mars-avril-mai 2015 Nouvelles De L’Inde pas à trouver un moyen de s’échapper, quand il se rappela soudain des souris dans la ville. Elles avaient dit qu’elles les aideraient. Le grand mâle appela la reine qui n’avait pas été piégée. Il lui demanda de se rendre rapidement dans la ville des souris et de leur raconter ce qui c’était passé. La reine se précipita chez les souris. Ces dernières furent désolées d’entendre que les éléphants se trouvaient dans un tel péril. « Nous allons faire de notre mieux pour aider nos amis », assurèrent-elles. Des milliers de souris accoururent à l’endroit où les éléphants étaient attachés. Avec leurs dents aiguisées, elles coupèrent les cordes et libérèrent les éléphants. Tout le monde était heureux. Les souris étaient contentes d’avoir pu rembourser leur dette. L’une d’elles grimpa sur la trompe du roi des éléphants. « Nous sommes amis », dit-elle. Vous avez été gentils avec nous une fois, nous sommes heureuses d’avoir pu vous aider.” Ainsi, les éléphants et les souris se rassemblèrent pour célébrer leur amitié. « C’est la fête la plus heureuse de toutes », chantèrent-ils en choeur. « C’est en effet la fête de l’amitié entre souris et éléphants ». n Extrait du livre Stories from Panchatantra de Shivkumar, illust. Tapas Guha, publié par Children’s Book Trust Traduction Aman Kumar & Viviane Tourtet L’agenda de l’ambassade Culture L’agenda de l’ambassade Le 27 février l’ambassadeur M. Arun K. Singh a lancé « Les Anciens de ICCR ». Environ 65 des étudiants ayant été en Inde dans le cadre des bourses ICCR ont promu et pratiqué la danse, la musique et les arts martiaux de l’Inde. Certains ont créé des associations culturelles franco-indiennes ou des écoles de danse et de musique. Plusieurs se sont produits dans le cadre de festivals et de manifestations culturelles en France et en Europe, contribuant ainsi par leur travail à la conservation et à la promotion de la culture indienne dans leur région. L’ambassadeur a accueilli une manifestation pour fêter l’augmentation des collaborations dans le domaine éducatif entre l’Inde et la France et l’ouverture de la Mahindra Ecole Centrale (MEC) à Hyderabad, le 4 mars. M. Hervé Biausser, Président de l’ Ecole Centrale Paris/ Centrale Supélec , M. Vineet Nayyar, Président de MEC, Prof S G Dhande, Directeur de MEC, M. Vikram Nair, Président – de Tech-Mahindra Europe, et M. Fabrice Haccoun, Directeur Général de Tech Mahindra France étaient présents à la soirée. La collaboration entre Mahindra and Mahindra, l’une des plus grosses sociétés en Inde et l’Ecole Centrale de Paris/Centrale Supélec qui ont accueilli sur leurs rangs des noms fameux tels que Gustave Eiffel, architecte de la Tour Eiffel et les fondateurs de Renault, Peugeot, Dior, FerroConcrete etc. représente ce qu’il y a de mieux dans les relations entre l’Inde et la France. Le rapprochement d’une société indienne et d’un institut éducatif français est un brillant exemple de la manière dont nous pouvons combiner nos talents, nos capacités et potentiels dans un partenariat gagnant-gagnant. Le 10 mars l’ambassade a organisé une session interactive sur “Make In India - in the Defense Sector” . Des hauts responsables de diverses sociétés du secteur de la défense ont assisté à cette manifestation. Après une présentation par l’ambassadeur Arun K. Singh, une discussion sur le sujet a permis d’échanger. Nouvelles De L’Inde mars-avril-mai 2015 61 Culutre L’Inde en en France France L’Inde L’Inde en France L’art a été au rendez-vous ces derniers mois avec un très beau spectacle de Kuchipudi par Sandhya Raju accompagnée de ses musiciens à l’auditorium du Musée Guimet les 20 et 21 février. n Mahina Khanum, danseuse d’Odissi, a proposé un festival autour des danses classiques indiennes la danse les 28 et 29 mars, sur le thème de l’amour intitulé « Mouvements émouvants » organisé sous le Haut Patronage de l’Ambassade de l’Inde. Au programme, conférence, spectacle et stages d’initiation à diverses formes de danse (Bharatanatyam, Sattriya, Kuchipudi, Manipuri, Kathak et Odissi). L’ensemble des événements s’est déroulé à l’Espace Jemmapes à Paris. n La Grande Nuit du Kathakali s’est déroulée les 5 et 6 avril de 18h30 à 9h du matin. Le centre Mandapa a accueilli au Théâtre du Soleil en association avec la Compagnie Prana cette manifestation. Une occasion unique en France de retrouver sur scène ce théâtre dansé originaire du Kerala dans sa forme traditionnelle, avec 6 épisodes du Mahâbhârata, du Râmâyana et des Purana. 19 acteurs-danseurs, chanteurs, percussionnistes et maquilleurs-accessoiristes ont été spécialement invités du Kerala pour cette nuit exceptionnelle (voir article page 65). n Après la création du spectacle « Mithuna » au festival Ignite ! de Delhi en janvier, le spectacle a été présenté au Théâtre du Soleil les 2, 3 et 4 avril dans le cadre du festival India Scene 1 (où ont également été lues trois pièces contemporaines indiennes traduites en français). Cette création de la compagnie Annette Leday/ Keli qui s’appuie sur le parcours personnel de cette artiste française a permis une rencontre entre danseurs de kathakali et danseuses contemporaines françaises, un grand dialogue créatif entre l’Ouest et l’Est, entre deux traditions qui se complètent et résonnent. Une conférence-débat a aussi été proposée au public par Katia Légeret, professeur à Paris 8 en présence d’Annette Leday et de ses danseurs. n L’Ambassadeur Arun K. Singh a rendu visite le 31 mars à Audencia, école de commerce fondée en 1900 à Nantes. Après avoir inauguré la section indienne de la bibliothèque et avoir rencontré les responsables de l’école, il s’est adressé à plus de 170 étudiants, professeurs, anciens élèves et sociétés locales sur le thème de l’Inde émergente en mettant l’accent sur la politique du “Make in India”. n L’ambassadeur s’est rendu M. l’Ambassadeur Arun K. Singh s’est rendu le 3 mars, sur le campus de Sciences-Po au Havre. Plus de 250 étudiants ont assisté à sa conférence, durant laquelle M. l’Ambassadeur s’est exprimé sur divers aspects de l’Inde moderne et innovante, dont les universités et les centres de recherches sont de plus en plus prisés dans le monde entier. Sciences-Po Le Havre dispense un programme spécialisé sur les relations entre l’Europe et l’Asie, durant lequel les étudiants peuvent aussi apprendre le hindi ou d’autres langues asiatiques. Le développement de ce programme souligne sa pertinence dans un monde où l’Inde est désormais incontournable. n 62 mars-avril-mai 2015 Nouvelles De L’Inde L’Inde en France Culutre PwC France et l’ambassade ont organisé une conférence sur “Investir en Inde” qui s’est adressée à plus de 25 importantes sociétés françaises (Airbus Group, Alcatel-Lucent International, Alstom Transport, Altran, BNP Paribas, Dassault Aviation, Dassault Systemes, DCNS, Essilor International, Eutelsat, Faurecia, GDF Suez, JCDECAUX, KEOLIS, Natixis SA, Renault, Saint Gobain, SNCF, Solvay, State Bank of India, Thales Communication, Total et Vicat) comme pour d’importantes sociétés françaises le 15 avril. Cette manifestation s’est basée sur l’intérêt et le dynamisme généré par la visite fructueuse du Premier Ministre en France. Ce fut l’occasion également pour l’Ambassadeur et M. Bernard Gainnier, PDG de PwCFrance, M. Shashank Tripathi, M. Akash Gupt, et M. Rajeev Dhar de lancer le rapport préparé par PwC sur “Future of India - The Winning Leap” . L’ambassadeur a mentionné que depuis l’arrivée au pouvoir du nouveau gouvernement en Inde, un nouvel élan avait été donné aux relations commerciales entre l’Inde et la France. Dans le cadre de la campagne « Make in India », la France est un partenaire de choix dans des secteurs comme le développement de smart cities, l’énergie propre et les réseaux de transport respectueux de l’environnement. Le rapport rédigé par PwC « Winning Leap » examine comment l’Inde peut se développer à une vitesse encore plus grande pour devenir une économie de 10 trillions de US$ et porter le PIB à 5 fois plus d’ici 2034. n Le cinéma a également été à l’honneur avec la deuxième édition du festival « Extravagant India ! », (inauguré par l’ambassadeur Arun K. Singh le 4 mars) entièrement dédié au jeune cinéma indien indépendant et placé sous le Haut Patronage de l’Ambassade de l’Inde à Paris. L’ambassadeur a souligné combien il était important de soutenir ce festival qui donne une voix à l’extérieur de l’Inde à un cinéma novateur et extrêmement varié, représentatif de la diversité linguistique et culturelle de l’Inde. Cette cérémonie s’est déroulée en présence des nombreux sponsors prestigieux, d’un jury de grands professionnels du cinéma, et surtout d’une délégation indienne comprenant Mlle Geetanjali Thapa, comédienne, le Dr Mohan Agashe, comédien et psychiatre de renom, M. Kartik Singh, réalisateur. Le festival s’est déroulé au cinéma Gaumont-ChampsElysées jusqu’au mardi 10 mars avec une programmation de quelque 25 films - longs-métrages, courts-métrages, documentaires et films hors compétition (classiques et films d’animation). La cérémonie de clôture le 10 mars fut marquée par la présence du réalisateur, M. Vishal Bhardwaj, et de la chanteuse Mme Rekha Bhardwaj. ‘Q’ de M. Sanjeev Gupta a été primé Meilleur Film et Gulabi Gang de Nishtha Jain Meilleur Documentaire. M. Vishal Bhardwaj a obtenu le prix du Meilleur Réalisateur pour son film ‘Haider’. Le festival a connu un vif succès et a fait salle comble presque tous les soirs.De quoi nourrir les amoureux du cinéma indien à Paris ! Bravo à la fondatrice et déléguée générale Gabrielle Brennen et toute son équipe associative ! n C’est avec une grande émotion que l’ambassadeur s’est rendu le 13 mars au Mémorial de Neuve Chapelle à Richebourg dans le cadre des manifestations organisées en 2015 pour la commémoration du centenaire de la participation indienne à la Première Guerre Mondiale et plus particulièrement de la bataille de Neuve-Chapelle. Les communes de Richebourg et du Béthunois se sont associées pour faire de cette journée un bel hommage aux soldats morts pour la France. La commune de richebourg a organisé plusieurs manifestations en mars relatives à cette page d’histoire : deux expositions - “Les troupes Indiennes en France en 1914-1918” à Neuve Chapelle, “ Les Soldats Indiens sous le regard de Paul Sarrut”, en l’Espace Paul Legry à Richebourg – avec des panneaux provenant de l’Association d’Histoire et d’Archéologie Militaire - des spectacles, conférences, films. n Nouvelles De L’Inde mars-avril-mai 2015 63 Culutre L’Inde en France Trois festivals ont aussi marqué les derniers mois, le 18ème Festival les 20, 21 et 22 mars, à la salle multifonctionnelle de Casseneuil dans le Lot-et-Garonne où l’association Laxmi a proposé au public une programmation riche qui a rassemblé plusieurs spectacles de danse (danse du feu, danse gitane indienne, odissi, danse Bollywood...), des concerts ainsi que des ateliers à thème (yoga, cuisine indienne bio, mandala, danses odissi et Bollywood, massages ayurvédiques). n Le Théâtre de la Ville, grande institution parisienne, a mis l’Inde et sa culture à l’honneur pendant toute la journée du 22 mars. Cette grande journée “Inde - Fête de Holi” a permis au public parisien ravi par l’expérience de se plonger dans une grande aventure musicale sous forme de trois concerts, le matin avec le surbahar d’Ashok Pathak, puis dans l’après-midi avec le duo de Ravikiran à la chitravina et de Shashank à la flûte, et enfin avec Nishat Khan au sitar. Une longue conférence enrichie de nombreuses photographies, un atelier mandala et un stand de restauration ont également permis à petits et grands de prolonger leur expérience et d’explorer la signification de cette journée de Holi dans la culture indienne : fête des couleurs célébrée au moment de l’équinoxe de printemps, elle est aussi un moment de partage où s’effacent les différences, et un moment de joie où l’on laisse ses erreurs et ses regrets derrière soi dans le renouvellement des saisons. n © Julia Gaulon (c) Nezha El Massoudi Le 7ème Festival de l’Inde s’est tenu au Méesur-Seine les 25 et 26 avril 2015. Ce Festival est organisé par le Cercle Culturel Franco-Indien (CCFI) en association avec l’administration municipale locale et GOPIO France Métropole. Le Festival a été inauguré par le Chef de Mission adjoint, M. Indra Mani Pandey et a présenté une riche palette de la culture indienne : arts, artisanat, vêtements, démonstration de yoga et de méditation, spectacle de danses indiennes. n Concours de dessins organisé par l’Ambassade de l’Inde : de nombreux jeunes lauréats au Collège Jean Renoir de Bourges. Dans le cadre de leur projet Bharata, des élèves du Collège Jean Renoir ont travaillé sous la houlette de leur professeur d’anglais, Nezha El Massoudi, afin de réaliser des documents video et une grande exposition sur le thème de l’Inde ; tout un travail nourri de différents échanges avec des intervenants, dont Devashree Ambulkar, une assistante de langue originaire de Bombai. Les élèves ont également participé au concours de dessins organisé par l’ambassade de l’Inde et nombre 64 mars-avril-mai 2015 Nouvelles De L’Inde d’entre eux ont reçu des prix pour la qualité et l’originalité de leurs oeuvres. Madame Apoorva Srivastava qui leur a offert des livres sur l’Inde en récompense et les a félicités pour leur créativité. La remise officielle des Prix – avec des 1er Prix- a eu lieu, lundi 4 mai, au Collège Jean Renoir, un Collège qui fait partie du Réseau des Ecoles associées à l’UNESCO et qui depuis 2007 a monté différents projets et des voyages d’étude en Inde, en présence de M. Alain Payen, Principal du Collège. n Leur prochain voyage aura lieu en février 2016. http://www.collegejeanrenoirbourges.fr/ http://my-english-corner.weebly.com L’Inde en France La Grande Nuit du Kathakali Le théâtre-dansé du Kathakali ou l’avènement terrestre des dieux et des héros légendaires. Orchestrée conjointement par le Centre MANDAPA et sa directrice, Milena Salvini, et la Cie PRANA, « La Grande Nuit du Kathakali » qui s’est déroulée au « Théâtre du Soleil » à Vincennes, les 5 et 6 avril 2015, a réuni une vingtaine d’artistes, parmi les plus éminents acteurs-danseurs, chanteurs et musiciens venus du Kerala. Le récital qui fut un enchantement a duré toute une nuit, comme le veut la tradition en Inde. Ce fut un moment de grâce et de beauté où les spectateurs redevenus contemporains du temps des origines ont pu revivre par cette puissante création, le temps d’un retour aux sources dans un passé mythique. Melappadam : prélude orchestral avec tambours chenda et maddalam L e théâtre dansé du Kathakali est l’héritier des formes de théâtre traditionnel et sacré, tel le Kuttiyatam, l’ancien théâtre sanskrit qui était exclusivement interprété dans les temples et qui, au fil des siècles, se sont développées dans ce petit Etat du Kerala riche de ses traditions culturelles et artistiques. Situé au sud-ouest de l’Inde, le Kerala qui étire sa côte occidentale sur quelque 700 kilomètres le long de l’Océan Indien fut jadis constitué de plusieurs petits Etats princiers qui, parfois, entraient en rivalité. Or, certains de ces rajas qui régnaient en fiers souverains furent également des poètes et des artistes qui ont contribué à enrichir diversement le répertoire et les traditions théâtrales. Ces fins lettrés et protecteurs des arts ont favorisé le développement des expressions théâtrales d’une grande originalité inspirées à la fois des élans de dévotion envers Vishnu et nourries par la pratique assidue des arts martiaux Apparition de Râvana, derrière le rideau Tirrasila du Kalaripayat, que l’acteur-danseur devait suivre pendant sa formation qui durait une dizaine d’année. Ainsi le Kathakali a-t-il hérité du « Krishnanattam » et du « Ramanattam » qui célébraient de façon rituelle les hauts faits de Krishna et de Râma, tous deux des avatars de Vishnu, l’Immanent, le protecteur de l’Univers, et à qui s’adressaient des élans de ferveur nés de la Bhakti, ou profonde dévotion. Inspiré des théories esthétiques développées dans le grand Traité des arts de la scène du « Natya Shastra », qui fut conçu par Bharata aux environs de notre ère, c’est au XVIIIème siècle que le Kathakali a pris sa forme définitive, pour l’essentiel de sa présentation et de composition formelle des « caractères » ou Vesham. La codification de la gestuelle symbolique des mains ou mudras, qui en compte 24 principaux, est basée sur le traité de l’« Abhinaya Darpanam ». Le vaste répertoire qui met en scène des personnages mythiques et des héros légendaires plonge ses sources dans les grandes Epopées du « Mahâbhârata » et du « Râmâyana » ainsi que dans les « Purânas ». Quand résonne la conque qui purifie l’atmosphère… Déjà les puissants battements des tambours - chenda et maddalam retentissent annonçant l’ouverture du récital puis, par contraste, et à trois reprises résonne le son de la conque marine – l’attribut de Vishnu – qui purifie l’atmosphère. Alors la magie du récital peut commencer à se déployer sous nos yeux émerveillés… Des êtres immenses font leur apparition, comme venus d’un ailleurs, des personnages d’une dimension gigantesque entrent en scène, surgissant d’un autre monde. Telle une hiérophanie, ils redescendent des cieux et reviennent d’un temps tout autre pour rétablir ce lien éphémère et mémorable entre le macrocosme des dieux et le microcosme des hommes. Désormais, soutenues par la cadence intense et rythmique des tambours, Nouvelles De L’Inde mars-avril-mai 2015 65 La Grande Nuit du Kathakali Photos par : Mireille-Joséphine Guézennec L’Inde en France Hanuman : le dieu-singe blanc – caractère Vellatâdi, à barbe blanche Emouvantes retrouvailles : Kuchela, l’ami d’enfance, de Krishna des confrontations inouïes vont s’engager entre les forces cosmiques antagonistes, autant de puissances incarnées par des personnages divins et des Titans en proie aux luttes intérieures. Des combats acharnés vont se livrer contre les forces du mal et avec les implacables démons qui toujours cherchent à entraver l’Ordre éthique du monde et sa marche harmonieuse, ou Dharma. En effet, ces acteurs ne sont pas seulement les interprètes d’un répertoire, aussi riche soit-il, et qu’ils connaissent par coeur, mais en raison du temps imparti à la préparation de leur maquillage qui va durer plusieurs heures, ils deviennent peu à peu les héros même qu’ils vont jouer sur scène. Et c’est toute la splendeur et la magie du Kathakali où, grâce à cette alchimie d’un lent travail et d’un cheminement intérieur, les acteurs-danseurs qui se sont transformés font du spectateur le témoin de cette métamorphose. Une lampe à huile immense est allumée à l’avant de la scène, tandis que deux artistes entament, face aux musiciens, une danse oblatoire Thodayam - derrière le grand rideau - Tirassila - qui est tenu à chaque bout par deux accessoiristes. Ce rideau, -ou « vagues de tissus », jadis inspirées d’une vision de la mer*aux couleurs symboliques qui sépare le monde des dieux de celui des hommes marque aussi la frontière entre le réel, l’inaccessible, et le jeu des effets illusoires qui règnent dans notre monde phénoménal en raison de l’œuvre de la Mâyâ, la puissance cosmique d’Illusion. L’avènement des héros divins ou des personnages tyranniques et démoniaques Avec majesté deux acteurs, tels les 66 mars-avril-mai 2015 Nouvelles De L’Inde héros magnanimes du « Mahâbhârata » entrent en scène pour interpréter un duo d’amour entre le puissant Bhîma (Kalamandalam Balasubramanian) - le second des cinq frères Pandâvaset son épouse Draupadî (Kottakkal Rajumohan) qui l’implore pour tenter de retrouver cette fleur mystérieuse dont le parfum et la beauté l’ont subjuguée… Cette requête d’un cœur épris permet de révéler toutes les subtilités de l’abhinaya – mimiques et expressions du visage – qui expriment le rasa de l’amour - Sringâra rasa - le sentiment par excellence que l’on savoure parmi les neufs sentiments esthétiques, ou rasas, déclinés qui sont comme l’essence savoureuse ou la « sève » au cœur de l’être. Tout au long de la soirée et au fil des six séquences ou « phases » (d’une durée d’1h30 à 2h30) choisies dans les Epopées ou dans le « Bhâgavata Purâna », chaque acteur-danseur, déploie avec autant de prestance que de finesse toute la gamme des nuances de sentiments susceptibles de naître en son coeur. Comme, par exemple, l’immense compassion de Krishna envers Kuchela, son ami d’enfance très pauvre qui, plein de crainte et prit la décision courageuse de venir à la rencontre du dieu dont l’infinie clémence et l’amitié si humble se révèlent exemplaires. Deux rôles interprétés magistralement et de façon très touchante par le grand maître Nellyode Vasudevan Namdboodiri (Kuchela) et par Kalamandalam Balasubramanian (Krishna). Puis, au milieu de la nuit, c’est au tour de Râvana (Kalamandalam Karunakaran), ce terrible démon-roi de Lânka, de déployer toutes les ruses pour tenter de séduire la très belle nymphe Rambhâ, qu’il croise par hasard, au cours d’une halte nocturne, tandis Ravâna, le roi-démon de Lanka – un caractère Katti qu’elle se rendait en secret à son rendez-vous d’amour. Une rencontre qui fait autant chavirer notre cœur face à un tel pseudo-héroïsme plein d’orgueil et d’arrogance, qu’elle suscite d’effroi et de terreur bouleversant le cœur de la belle en détresse… Le point culminant de la nuit fut cette rencontre avec Hanumân, le dieu-singe qui, au cœur de l’Epopée du « Râmâyana », parvint à délivrer la vertueuse Sitâ, l’épouse du noble Râma, enlevée et faite prisonnière par Râvana, le perfide râkshasa . Tout un jeu théâtral où les expressions intenses et captivantes du grand singe blanc au visage grimé où domine le rouge, surligné de motifs noirs révèlent pleinement son caractère à barbe blanche du Vellatâdi. Un être exceptionnel, plein d’élan et brulant d’une absolue dévotion, qui toujours se comporte avec vaillance et courage. Interprété par le grand maître Naripatta Narayanan Namboodiri, Hanumân est ce personnage emblématique qui, par l’expression de la bhakti, cette absolue dévotion, subjugue le cœur du spectateur tout comme les rencontres précédentes avec Krishna, Bhîma ou encore le terrible Asura Narakâsura (Sadanam Krishnankutty) qui a le don de se métamorphoser, avait comme poli le cœur du spectateur pour le préparer à une plus grande et profonde réceptivité. Car en Inde, toujours la qualité de l’artiste entre en résonance avec la sensibilité du spectateur dont le plus excellent est un être raffiné de goût et de coeur, un sahridaya, capable de vibrer à l’unisson de l’œuvre d’art. n Mireille-Joséphine Guézennec *Milena Salvini : « L’histoire fabuleuse du Kathakali à travers le Ramayana » (1990) Editions Jacqueline Renard. LE COIN DU HINDI Durant sa visite officielle en France les 10 et 11 avril 2015, le Premier Ministre indien Shri Narendra Modi s’est exprimé comme à son habitude en hindi. Les premières lignes de la Déclaration Conjointe avec le Président français M. François Hollande (10 avril 2015) sont l’occasion de découvrir un hindi soutenu et de revenir sur l’importance de la relation franco-indienne selon le Premier Ministre. आज यह ॊ फ् ॊस आकर मझ ु े बहुत ख़ुशी हुई Āj yahān France ākar mujhe bahut khushī huī hai. Je suis très heureux d’être en France aujourd’hui. मैं र ष्ट्रऩतत जी क और फ़् ॊस की जनत Main rāshṭrapati jī kā aur France kī jantā kā mere svāgat aur sammān ke lie hārdik abhinandan kartā hūn. Je salue du fond du cœur M. le Président et le peuple de France pour l’accueil et les honneurs qui m’ont été faits. Europe kī merī yeh pehlī yātrā hai. Ceci est mon premier voyage en Europe. Lekin pehlī yātrā main France se shurū kar rahā hūn. Mais pour ce premier voyage je commence par la France. Yeh is bāt kā pratīk hai ki Bhārat aur France ke sanbandh kitne gehre hain, kitne purāne hain, kitne mahatvapurṇ hain aur bhavishya men inkā kyā mahatv hai. C’est un symbole du fait que les relations entre l’Inde et la France sont si profondes, si anciennes, si significatives, et ont une telle importance pour l’avenir. France Bhārat ke sabse ghanishth mitron aur vishwasnīya partners men se ek hai. La France est l’un des plus proches amis et l’un des partenaires de confiance de l’Inde. Jaisā ki rāshṭrapati jī ne batāyā ki ham kaī bāton men sājhī paramparāon ko le karke āge baḍh rahe hain. Comme l’a dit M. le Président, nous reprenons sur certains sujets les traditions communes et les porterons à un nouveau niveau. है । क मेरे स्व गत और सम्म न के लऱए ह र्दि क अलिनॊदन करत हॉ । यरोऩ की मेरी यह ऩहऱी य त्र है । ऱेककन ऩहऱी य त्र मैं फ् ॊस से शरू ु कर रह हॉ । यह इस ब त क प्रतीक है कक ि रत और फ् ॊस के सॊबध ॊ ककतने गहरे हैं, ककतने ऩरु ने हैं, ककतने महत्वऩर्ि हैं और िववष्ट्य में इनक क्य महत्व है । फ् ॊस ि रत के सबसे घतनष्ट्ठ लमत्रों और ववश्वसनीय partners में से एक है । जैस कक र ष्ट्रऩतत जी ने बत य कक हम कई ब तों में स झी ऩरॊ ऩर ओॊ को ऱे करके आगे बढ़ रहे हैं । Gaëlle Benacchio