Anniversaire de l`armistice à la cathédrale Saint

Transcription

Anniversaire de l`armistice à la cathédrale Saint
Mgr Eric AUMONIER
11 novembre 2010
Anniversaire de l’armistice
à la cathédrale Saint-Louis de Versailles
Jeudi 11 novembre 2010.
Lors de la célébration de l’armistice au jour de la saint Martin, apôtre des Gaules, nous
entendons le passage de l’Evangile où Jésus nous montre le jugement de Dieu agissant dans
l’histoire des hommes, et mettant en lumière l’enjeu des choix que nous faisons en nos vies :
la reconnaissance de notre frère et de notre sœur qui souffrent est le test d’une vraie humanité
bénie par Dieu.
En ce jour, nous n’oublions pas que la guerre de 1914, véritable hécatombe, a été aussi une
sorte de creuset. Dans les larmes et le sang, s’est exprimée bien sûr une forme de cohésion
nationale devant l’agresseur, mais aussi un début de vraie réconciliation au plan religieux,
après les antagonismes parfois violents des années précédentes. La fraternité des tranchées fut
celle des chrétiens, catholiques et protestants, celle des curés avec les laïcs, celle des
chrétiens, des juifs, celle des arabes et des africains, dont beaucoup de musulmans, venus des
colonies d’alors. Des prêtres et des anticléricaux, des croyants et des non croyants ont partagé
les mêmes angoisses et se sont découverts d’abord comme pétris de la même humanité. Des
dialogues qu’on croyait jusque là impossibles, ont eu lieu. Des actes de dévouement inouïs se
sont produits. La suite de notre histoire a montré combien tout cela est fragile, et que rien de
si beau n’est jamais acquis une fois pour toutes.
Ce rappel cependant est pour nous précieux. Si cette cohésion a été possible une fois, elle peut
l’être à nouveau. L’homme a prouvé qu’il était capable de se laisser mouvoir par un ressort
spirituel et moral, dont nous chrétiens pensons qu’il est suscité par le Créateur lui-même,
l’auteur de la vie. Au moment où nous sommes tous confrontés à plusieurs défis, qui sont de
nature à la fois française, européenne, et mondiale, ce rappel est salutaire. Il ne s’agit pas
cette fois-ci seulement d’une résistance commune face à une agression extérieure mais d’une
mobilisation et d’un discernement et d’une justice face à des difficultés internes ou à des
tentations de peur ou de repli.
Le premier, devant l’amplification des flux migratoires des pays pauvres vers les pays riches,
consiste à accueillir vraiment, tout en faisant respecter la démocratie et les valeurs de notre
pays à des personnes qui ignorent nos coutumes et notre langue, et dont certains sont chassés
de chez eux par la faim ou la persécution, le manque de sécurité élémentaire, ou le manque de
véritable liberté religieuse. Le récent Synode des Eglises d’Orient, mais hélas aussi le et les
récents drames survenus à Bagdad, comme l’assassinat sauvage de chrétiens dans la
cathédrale, viennent nous sensibiliser et devraient alerter l’opinion internationale et
l’ensemble des gouvernants sur le sort des chrétiens au Moyen Orient. De celui-ci dépend en
grande partie la stabilité et la vérité de la paix, car une société qui ne respecte et ne supporte
pas les différences y compris les différences religieuses ne respectera et ne supportera plus
rien.
Evêché de Versailles
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Mgr Eric AUMONIER
11 novembre 2010
La cohésion sociale est mise à l’épreuve par d’autres défis, encore plus redoutables. Je parle
de la course au profit pour le profit, dont les proportions étaient inimaginables du temps de la
guerre de 1914, mais dont nous venons d’avoir des exemples dans la crise que nous vivons
depuis au moins quatre ans. Rien ne nous garantit qu’elle ne s’intensifiera pas, tout
simplement parce que les causes sont toujours là, contre lesquelles ni les gouvernants ni
personne ne peuvent rien s’ils ne peuvent s’appuyer sur des principes éthiques reconnus par
tous, et conformes à ce qui est vrai et juste pour l’homme. La répartition des biens entre les
pauvres et les riches s’y rattache, et ne pas la traduire effectivement est la principale cause des
guerres.
La cohésion est mise à mal lorsque la famille est disloquée par les divorces. Les
conséquences, quoi qu’on en veuille croire, n’en sont pas douces pour les enfants ni pour la
société.
Elle est enfin mise à mal lorsque, pour des raisons qui sont loin d’être toutes humanistes, on
fait une sélection entre ceux qui ont eu le droit de naître et d’être accompagnés jusqu’à la mort
et ceux qui n’en ont pas le droit et dont on ne veut pas entendre le « cri silencieux ».
De ce point de vue, la responsabilité du législateur, c’est-à-dire des élus, qui vont devoir se
prononcer bientôt sur le projet de loi en bioéthique est énorme.
Sans chercher à faire la leçon à personne ni imposer quoi que ce soit à quiconque, les
chrétiens ont voulu, comme citoyens libres et responsables, apportent ici leur contribution
au débat et à la réflexion de tous.
En ne supposant pas a priori chez ses interlocuteurs la foi, ils font appel au sens commun et à
la conscience de chacun, en faisant valoir par exemple les conséquences sociales et humaines
qu’il y a à céder au chantage émotionnel, aux lobbies financiers, ou en faisant observer qu’une
décision sur un des domaines de la vie humaine a des conséquences directes ou indirectes sur
tous les autres et que les incohérences ici sont particulièrement dramatiques. Notre Pape l’a
fait notamment dans sa dernière encyclique, mais aussi à la chambre des communes à
Londres, et les évêques de France s’y emploient de leur côté avec les fidèles.
Notre action n’est pas seulement la recherche d’un juste discernement, mais d’abord un
engagement, y compris au plan scientifique. C’est bien le même homme en effet qui, s’il est
capable d’inventer des poisons, est aussi capable d’inventer des vaccins, des anticorps, des
antipoisons. Puissions nous tous y travailler avec courage, et savoir y intéresser les plus
jeunes générations, dans ce que nous favoriserons dans le domaine de l’éducation familiale et
scolaire.
Mais la contribution la plus forte des chrétiens à la vie sociale est l’engagement suscité par la
prière et la prière qui pousse à l’engagement.
C’est encore à cette prière que nous avons recours pour prier tout particulièrement aujourd’hui
à l’intention de tous ceux, en particulier de nos compatriotes, qui sont engagés comme soldats
sur les différents terrains d’opération, en particulier au Liban, en Afghanistan, en Cote
d’Ivoire, au Tchad et au Kosovo.
Evêché de Versailles
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