Untitled - Doubles V
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Un cancer en Picardie Walter Van Der Mäntzche (2013) Disponible en version PDF sur le site de Walter Van Der Mäntzche : www.doubles-v.com Pour toute demande : [email protected] Mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons (Attribution - Pas d’Utilisation Commerciale - Pas de Modification 3.0 non transposé) Chapitre 1 Putain j’ai plus de clopes. T’aimes la moto ? A deux sur une 125 trafiquée à travers les champs tout juste moissonnés et aplatis. Sur la route du tabac on double une voiture par la droite sur le bas coté, des feuilles de maïs qui tapent dans les jambes, en dépassant la Volvo V70 immatriculée KZ61 TT3 conduite par un couple d’anglais ahuris : je gueule “WELCOME TO THE PICARDIE !” Un kilomètre plus loin on manque de percuter une pute dans un virage serré. Elle négocie un tarif avec un connard en Xantia mal garé à l’entrée d’un bois. Le tabac s’appelle “LE FUN”. Brandon, en chemisette noire AIRNESS, collier en argent bien en évidence sous les rabats du col, nous file trois paquets de clopes en nous demandant s’il y a un peu d’action ce soir. Pas plus pas moins que d’habitude, on va se mettre la tête en vrac à la fête, passe ton 06 qu’on te tienne au courant. Décollage. Moto. Dérapage. Débarque à l’improviste chez Valentin. Tony rigole une nouvelle fois en lisant son petit écriteau “Attention ! CHIEN MORT” mais Tony n’aime pas vraiment les chiens je crois. Un jour il jouait à la pétanque dans un parc et un type un peu cinglé s’amusait avec un espèce de pitbull en liberté, le faisait courir partout en faisant le malin et le pitbull est venu dans le jeu et il a bougé le cochonnet, Tony a échangé quelques insultes avec ce fils de pute épais comme un bâton de majorette habillé comme un jeune de la tête au pied en jogging LOTTO blanc et le chien s’est jeté sur Tony - CROC le mollet - et Tony - une boule de pétanque dans chaque main - fait BOOM BOOM BOOM dans la tête du chien jusqu’à temps qu’il s’affesse sur le sol dans un bruit de sac d’os. Le type doit encore en chialer à cette heure ci, j’ai appris plus tard que la vie avait été plutôt hard core 3 avec lui, Jojo le mec de la buvette m’avait dit : « tu me crois si tu veux mais le type là en face hé ben son fils s’est suicidé, sa fille a tuée son mari et sa femme a une sclérose en plaque qu’elle peut plus bouger d’son lit, et aussi sa deuxième fille est enceinte d’un gars de Chaipatrohou, elle a 14 ans. » C’est ce que Jojo m’avait raconté à la buvette de la brocante. On nous fait patienter un moment dehors, je sais pas trop ce qu’il fout, la nuit tombe, le ciel est bleu colbalt orageux, des champs à perte de vue, même pas un pylone ou un arbre pour casser la ligne d’horizon, et cette terre retournée mi ocre mi paille. Ca c’est la Picardie, l’esprit de la Picardie, la matière première dont on fait des mondes. Ce soir c’est la fête au village après la brocante mais avant tout il faut commencer par l’apéro. Apéro + Barbecue. Une création maison : le barbecue à usage unique, bricolé avec un caddie et des palettes en bois. Directement sur le parking du Carrefour Market à deux pas des manèges et des caravanes de gitans. On ne voit que lui sur la place du village. Tout le monde vient le saluer, raconte sa vie avec peu de mot, regard d’homme brisé. Confession d’un ivrogne : Je suis le mec que tu n’oses pas regarder dans la rue je ferai toujours une tête de plus que toi. Une croix de Jésus tatouée sur le front juste entre les yeux façon artisanat de prison, mon troisième oeil, celui des vrais chrestiens, tatoué taulard, cancer tout juste décarcéré, relâché dans la nature à la recherche d’une bonne affaire pliée en deux temps trois mouvements. Voila ce que je te dis d’un seul coup d’oeil. Tu veux tester ? Caïd hardcore jusqu’à la mort / tes punchlines d’handicapé certifiées produit de banlieue tu te les gardes pour les gamins de ton quartier / Moi j’te dégonfle d’une poignée de main. Regarde moi bien, miroir, mirador, escadron, esclave, j’te télécharge sur mars, drone lymphatique, tu viens d’passer dans l’autoportrait en France numérisé, prête pour le musée. 4 Moi j’ai jamais porté de piercing. Jamais porté de tatouage quoi que ca m’a tenté un moment je voulais devenir tatoueur indépendant no fisc no ursaff no formation no hygiène no swag, un peu dans l’esprit du tatouage de prison que tu fais vers 4 heures du matin avec une bouteille de sky dans le cornet mais aujourd’hui tout le monde veux du propret, du tribal, des étoiles, plein la tête, plein la nuque, des signes astrologiques chinois. Quand je me balade dans les brocantes et que je vois tout ces ploucs en pantacourt et tee shirts sans manches qui arrivent au raz des épaules avec des calligraphies dégueulasses sur les bras je leurs fais croire que je suis prof de chinois et qu’ils ont écrit sur le bras des mots tels que CULTIVATEUR, CLITORIS, CHIEN DES STEPPES, CADAVRE ou CANCER - voila pour les mots en C - mais que bon oui c’est joli et sympa pour draguer des vendeuses de Sephora dans les boites de nuit - après y’a des combinaisons - ca marche toujours par trois les signes chinois : BONJOUR CANCER ANUS / SUCE CADAVRE FARINE / MANGER SA SOUPE COMME ON BOIT SON CACA. Y’a dix ans ca faisait mauvais genre de porter des tatouages plein les bras aujourd’hui c’est à ca que l’on reconnaît les gros blaireaux et les sales bâtards. Dans dix ans il n’auront plus de place sur la peau faudra leur tatouer des têtes de mort directement dans l’intestin. Quand je vois tous ces vieux en puissance je me dis vivement la retraite que j’attrape mon cancer. Moi je suis cancer. Je te sauterai pas à la gueule comme un lion ou un bélier. Je fais deux pas de côté et je te laisse passer avec ta violence, et si tu l’acharnes, je te brise les couilles avec mes pinces. Cancer VS Scorpion : j’ai cherché la même veste que le type dans Drive, le film avec les bagnoles, avec sa veste matelassée blanche et un scorpion dans le dos. Trop cher, trop style, trop con, beaucoup trop facile pour tout dire. Je voulais un crabe brodé, un cancer, mon signe zodiacal. C’est quand plus cool de pouvoir répondre «LE CANCER» quand on te demande ce que tu portes 5 sur le dos. Alors j’ai acheté une machine à coudre Singer à Emmaüs et j’ai gravé mon crabe maléfique au dos. Cancer en fil d’argent sur veste militaire moitié camo moitié broyé. J’en brode sur toutes mes fringues. On m’appelle le Crabe désormais. LE CANCER arrive chez toi. Dans ton village, sur le bord de la route, dans ton bar préféré, dans le fond de tes poches dans ton paquet de clope de ton slip slap slop ton trou à rat dans lequel tu te terres pour échapper au destin. Je m’intègre dans une conversation, le groupe parle de leur petite vie, de leurs connaissances, de leur boulot à la con avec leurs collègues débiles et leurs chefaillons qui se prennent au sérieux, de leurs copains, de leurs statuts facebook, de leur petit cul plus très frais. Ils m’ignorent superbement et continuent à parler parler parler bla bla bla bla bla parler/parler bla/bla gloubi/gloubla/blablabla : visiblement, ils n’ont pas du accepter ma demande d’ami. Il y avait cette fille qui parlait plus fort que tout le monde pour attirer l’attention, elle devait sucer comme une vraie déesse avec les deux paquets de clopes qu’elle s’envoie tous les jours. Ca doit rouler tout seul comme sur le goudron, son mec était bourré/ affalé sur une chaise, tout le monde rigole c’est le bon moment pour faire mon intéressant aussi alors je bois une rasade de J&B au goulot, repose la bouteille tant bien que mal sur le rebord de la cheminée, je sors ma bite et j’essaye de lui pisser dessus sans trop de succès car bien trop bourré pour viser et je cris : « PHOTO !!!!! PHOTO !!!!! PHOTO !!!!! » Personne ne rit alors je pars me rafraîchir au toilettes je tombe sur un extincteur : « CE SOIR C’EST SOIREE MOUSSE LES COPAINS » et j’asperge toute la bande de connards sans en louper un seul tellement ce truc balance la purée dans tous les sens. C’est souvent à ce moment là qu’une main invisible m’attrape par le col pour m’envoyer prendre l’air frais. Je me lève le lendemain avec les dents du fond qui baignent. On est 6 au chômage et y a pas moyen d’être tranquille. J’envoie des messages à n’importe qui et n’importe qui m’envoie des messages. Le chômage c’est cool, ouais, sauf que j’ai what1000 messages sur mon portable pour me dire que je suis un véritable connard - qu’à chaque fois je suis là pour gâcher les soirées - qu’à cause de moi plus personne ne veut du groupe dans les concerts ou dans les soirées - mais qu’est-ce qu’il en ont à foutre du groupe ? Le groupe ? C’est moi. Il est déjà 14 heures et pas lavé, caleçon sur les fesses, survêt’ DOMYOS sur le dos, je me cuisine une cuisse de poulet au paprika. Quand je la sors du micro onde j’entends comme une petite voix qui grésille dans une radio, je cherche qui me parle tout bas et putain c’était le poulet qui faisait ce bruit. Même mon micro onde s’amusait à me transmettre des messages. Il donne la parole à une cuisse de poulet au paprika. Tout le monde veux me dire quelque chose, j’ai un message pour vous, offre spéciale, un poulet qui parle et mon cul c’est du compost ? Tronçonneuse batteuse, tracteur à vapeur, donneur kebab universel, sabre vibrolaser, JE SUIS INTERESSE PAR VOTRE RECEPTEUR TNT POUVEZ VOUS ME DONNER VOTRE ADRESSE ET LA DATE ET L’HEURE A LAQUELLE ONT PEUT SE RENCONTRER CORDIALEMENT OUI BONJOUR AVEZ VOUS ENCORE LA TELE A VENDRE. J’en avais plein le cul de la télé, des séries, des films, de la radio j’avais tout débranché même internet je n’avais rien à y foutre mon compte facebook était un repaire d’abrutis qui m’informait de leurs horaires de ménage et l’avancée de l’installation du carrelage de leurs chiottes entre deux photos du clébard qu’ils ne s’empêcheront de foutre à la SPA le jour ou la miss crachera un ou deux aliens d’entre les cuisses. Cela faisait même des mois que mon ordinateur n’avait plus la moindre trace de site porno. La masturbation est un cancer disait-on dans l’ancien temps. Je ne savais plus quoi faire pour descendre encore plus bas. Comme l’Apocalypse tardait à venir, on se contentait de rediffuser la fin du monde 7 sur les écrans. Alors putain c’est le moment d’aller faire un tour à la ville. 8 Chapitre 2 Autostop / induction : message humoristique sur une pancarte “JE VAIS OU TU M’EMMÈNE”. Dans la voiture / OPEL Corsa d’un jeune homme avec un A sur le cul / A comme amateur / anonyme / asocial / asperger / albatros / INDUCTION OK : même position, même attitude, analyse du discours VAKOG : c’est dans la poche méthode de proto-hypnose approuvée / j’lui raconte comment j’ai perdu mon permis, j’suis à pied, pas évident pour un curé et j’suis bien déçu de ne plus pouvoir terroriser la population à bord de ma 406 flammes / Détail de la pénétration dans la zone industrielle commerciale : slogans - pubs - automobilistes - zombies - employés - pubs - zombies - alimentation - zombies - slogans - à la fin j’aurais pu l’emmener où je veux. Donovan (le conducteur) était un peu pressé par le temps mais ce n’est plus un problème car il va me déposer en plein centre ville avec un petit détour de 5 kilomètres rien que pour moi parce que je suis un bon type à qui on donnerait le bon dieu sans confession. Il me dépose… juste devant la maison de tata. J’ai juste été boire l’apéro gentillement chez Tata. Putain d’un seul coup d’un seul je vois la bouteille de Chivas Regal 12 ans d’âge presque sur le cul (déjà bu la moitié) je me dis que ce serait cruel de la laisser souffrir et hop je l’encule en quelques verres (je me souviens qu’il y avait Saddam Hussein Bolt à la télé pour le 100 mètres en baskets), après ma tante me dis « tu vas manger là ? » OUI ! Et elle me demande si je veux boire un canon (du vin en picard) je lui réponds (bafouille serait le terme exact) si t’en bois oui pourquoi pas ! Quel connard je fais je sais bien qu’elle n’en boira 9 qu’un verre ou deux et hop ravagée la bouteille de rouge heureusement mon patron est en vacances je sais pas trop ce que je vais faire au boulot aujourd’hui je vais quand même essayer d’aller chier avant de partir parce que sinon ça va pas le faire j’aurais bien aimé me branler mais ça va me filer mal au crane. MAIS NON ! C’était une blague - caméra caché : SURPRISE SUR PRISE : Hey Marcel Béliveau tu peux sortir de dessous la table j’ai pas de boulot pas de patron, soit loué le RSA (Revenu Salutaire des Abrutis). Que DIEU me pardonne je suis complètement bourré. A tiens voila le patron ! Le patron des chômeurs wé j’l’ai déjà vu celui là, je le vois toujours sur le boulevard, veste classe années 80 chaussures de villes chaussettes blanches, cigarillos à la main faussement désinvolte marchant les bras écartés comme un vrai patron. 50 ans de bistrot ça forme un homme. 5 ans de cancer ça lui fera la bite. Quel genre d’homme est capable de coller un autocollant «flamme» sur une Xantia ? De prime abord on pourrait chercher une structure mentale complexe à l’origine de cet acte, mais c’est tout tracé : c’est le bien ce genre de bon citoyen qui vote FN en vous expliquant la situation de la France en une seule phrase en passant de la délinquance au chômeurs aux radars sur la route pour finir par vous dire que tout le monde est d’accord avec lui mais que le problème c’est que les gens comme lui sont assimilés à Hitler et ça c’est pas cool quand tu votes FN. Ha oui ! Il saurait quoi faire de la France s’il était au pouvoir, tout serait serait réglé vite fait bien fait avec lui, il se demande bien pourquoi les gens ne descendent pas dans la rue - et le samedi il oublie tout en poussant son caddie au rayon des croquettes pour chiens à Auchan. Malgré tout, il est sympa, dupe mais sympa, et il fait de belles imitations de Donald Duck pour faire rigoler les enfants. Dans cette ville j’avais eu un boulot fut un temps. Mon patron dit : “de 10 la pub toujours de la pub” - je n’ai aucune idée de ce que je fais ici - je suis à vous madame, dit-il. Tes vacances connard j’en ai rien à foutre c’est de l’hypnose. J’ai tout de suite vu que tu étais un olfactif-kinestésique. Qu’est ce qui m’empêche au fond de pousser cette porte ? Je fais, je marche, je ceci, je cela, c’est un, c’est la, c’est quoi ? le moment où Il a fait ci. Il a fait ça. Il a fait ci. Il a fait ceci. Il a fait cela. Il a dit, dit-il. Le personnage évolue dans un mauvais roman. Dans la mauvaise histoire. Il s’est trompé de page. L’auteur ne prend même pas la peine de, de quoi au juste ? Il n’a pas le temps, il est en train de, il est tringueballer, il est en train de dérailler, je suis en train, le coeur plein d’entrain, en train de quoi ? en gare d’Avoue répondra à coup sur le poète surréaliste (écrivain estampillé Facebook, c’est écrit sur son profil, pas sur sa face, t’es encore là… dégage ! Le tabou du jour : rêver que tout parte en couille autour de soi, que tout s’effondre sur le plan personnel, perdre sa famille, voir ses proches agoniser dans un accident brutal, perdre son travail comme une merde pour faute grave sans possibilité d’indemnités assedics, sentir l’odeur de ses biens matériels volant en fumée dans l’incendie de sa maison, et si possible : le tout dans la même semaine, pour le plaisir de se dissoudre et de recommencer à zéro. Adaptation à l’environnement. Psychoflexibilité à son maximum. La ville s’appelle LAON, comme FAON ou comme PAON, ici tout est lent. Pleine journée : des parkings et des trottoirs plein de voitures, des rues aussi vides que la campagne, ici pas besoin de placer des caméras de surveillance il ne se passe jamais rien. Personne dans les rues, personne dans les boutiques, que font tous ces gens ? Trouver un boulot c’est se bunkeriser s’enfermer dans une petite boîte ici tout est lent lent lent on voudrait faire sauter une bombe que personne ne s’en rendrait compte. La butte pourrait s’effondrer sur elle même que tout les habitants continueraient à faire leurs courses 11 à Carrefour s’en s’inquiéter. Laon est une ville sans centre. Le centre historique est bâti sur une butte avec une cathédrale et tout un dédale de petites rues du moyen âge et des putains de remparts qui pourraient résister à une guerre nucléaire (...) Une butte en forme de boomerang sortant de terre sur laquelle, j’imagine, des druides opéraient déjà des sacrifices dans l’ancien temps. Aujourd’hui la ville médiévale est devenu un musée à ciel ouvert et chacun des nombreux quartiers de la ville a développé son propre centre comme sur un modèle fractale, mais demandez-vous à un passant où est le centre - allez-y doucement le laonnois est plutôt farouche - il va s’embrouiller dans son délire, personne ne veux voir que les véritables centres de la ville sont les centre commerciaux. Carrefour direction Paris, avec son Conforama, son Bricorama, son Norauto et son Mc Donald - et Leclerc direction la Belgique avec son But, son Monsieur Bricolage, son Feu Vert et son Mac Donald. Se balader avec un caddie est devenu un sport national. Des livreurs de pizzas partout, à tous les coins de rue, bientôt il sera possible de manger une pizza n’importe où, le livreur viendra vous chercher et vous fera dégusterez votre 4 fromages sur un scooter en même temps qu’une visite guidée de la ville. Monter les marches, compter les marches, 295 marches au total je les ai compter une par une… Les tours de la cathédrale dans la brume, toute la butte dans le flou, juste un îlot de foret touche le ciel, il faut monter, monter le plus haut. Jour de pluie sans interruption, visite le musée à ciel ouvert, même pas un temps à sortir un touriste anglais. Me réfugie dans la cathédrale. C’est ici qu’eut lieu le dernier acte poétique qu’ait connu cette ville en 1974 lorsque Philippe Petit marcha d’une tour à l’autre de la cathédrale sur un fil d’acier ; avant de s’attaquer à la jonction des deux tours jumelles du World Trade Center. Quand je débarque en ville j’ai toujours l’habitude de 12 m’habiller en curé - je possède toute une panoplie de costumes religieux pour tous les offices - j’en ai acheté un stock complet à l’Emmaüs. Ici on me donne du mon Père, je donne du mon Fils, le monde me regarde assez bizarrement mais au moins je sais très bien ce qu’ils pensent de moi, jeune prêtre défroqué, j’ai le temps de faire diversion, de la mère de famille au clochard, tout le monde craint autant mes paroles que mes silences. Mais je reste seul. Seul à la ville comme à la campagne. Le lieu n’est même pas trop grand pour moi, pourtant la voûte doit culminer à 10 mètres, 20, 30, 40 mètres je n’ai aucune idée des mesures et des proportions… je m’installe dans une sorte de petite chapelle sans statue. Me pose pour sécher ma robe de bure, juste un autel de pierre. La tête de l’autel est recouverte d’une tapisserie de sorte qu’on la croirait affublée d’un chapeau de magicien à la Zaratousthra. La pluie claque contre les vitraux, je me repose, médite, fixe un carré contenant un carré contenant lui même une forme géométrique. Tout le mystère de cette chapelle se dévoile quand la croix semble fendre l’espace en deux coups de lame dans l’espace - un coup de l’âme dans les réalités adjacentes à la mienne semble être feuilleté par une main invisible. Je n’en ai qu’un aperçu, suffisant pour me faire une idée du lieu, cette montagne a toujours été couronnée par des lieux de culte, païens ou chrétien, un jour le Lug gaulois, un jour Jesus de Nazareth, demain… la montagne est le lieu où les dieux donnent rendez-vous aux hommes. Je n’étais pas si mal tombé que cela, bien que fusse tombé bien profond dans la lose. Éclaircie : la lumière s’engouffre dans l’édifice et efface peu à peu la croix vibrante. L’inspiration m’avait frappée, s’il y avait un peu de public dans cette cathédrale j’improviserais une petite cérémonie à la gloire d’Isis, Vierge Noire venue de la nuit des temps travestie en Sainte Vierge. J’allais continuer mon existence en autopilote. Pilote automatique. Réveille toi, on est arrivé, emmène moi où tu veux je te fais confiance. Assis sur un banc 13 face à la maison d’un retraité qui nettoie sa barrière, je raconte à mon voisin d’alcoolisation qu’il s’agit d’un type de la mairie qui est payé uniquement pour entretenir la maison et les barrières. Garde barrière, il travaille au service des bâtiments de France, il perpétue l’histoire des premiers chemins de fer français, quand un chinois a ramené des indiens dans la région à l’époque du far west pour poser les rails, il ne me croit pas mais dans les westerns a- t-il déjà vu un chinois se battre ? Non : le chinois s’occupe du chemin de fer. Voila c’est compris… la maison est transformé en musée avec l’indien empaillé qui se dandine dans un rocking-chair motorisé, les barrières restent en mémoire de cette grande époque, il y a même un petit monument, quelques pierres en cercle avec un rosier rachitique qui tente de protéger ses feuilles des nuits froides, la légende veut qu’un cowboy soit enterré là-dessous, c’est le genre d’histoire qu’on raconte au Buffalo Grill. On m’a emmené une fois là dedans, j’ai cru que c’était un congrès du Crédit Agricole, que des connards en costumes Celio et la direction qui passe NRJ à fond pour te faire oublier le goût du steack certifié rupture de la chaîne du froid. J’avais demandé à la serveuse pourquoi il y avait des indiens et des cowboys dans la déco mais pas le chinois qui s’occupe du chemin de fer, elle m’a répondue que l’on ne faisait pas de sushis chez eux. 14 Chapitre 3 Trois heures à tuer. J’écrase clope sur clope. News sur News. Pourquoi je fais toujours comme ça ? Programme automatique calé sur connard conventionnel. Antilogie. Dédoublage, triplage. Difficile d’appréhender l’Unité lorsque tout l’univers vous montre qu’il est double, voire triple dans sa lutte acharnée entre la vie, la mort et la conservation. Un SDF qui tangue place des Droits de l’Homme et qui manque de percuter un bus. Scénario 1 : chute, compression cage thoracique, étalage de bidoche : il meurt : il baisse son froc : il est mort mais il continue à dire à la femme : « chie moi dans la bouche j’essuierai mes larmes. » Point d’honneur d’une existence en vrac. 0 neurone par centimètre cube. 0 pulsation minute. 0 connexion dans l’cortex. Scénario 2 : passage en commission de redressement, étage 1, chapitre 10, bureau du comité de résurrection, retour à la vie : 10.000 pensées par jour, 50.000 pensées par jour, selon les sources, l’américain moyen consomment 100.000 mots par jour, le poids des mots, le choc des lettres, une personne moyenne dit environ 31 500 mots par jour, la moyenne, 500 mots par jours, le minimum 1.000 mots par jour, 10.000 mots par jour, 100.000.000.000 de neurones, 100.000.000.000.000 de synapses, décâblage, recâblage, décalage réplication, théorie du mème, théorie M, théorème du monument cinétique, soldat inconnu au bataillon, debout les morts, sonnez les trompettes de l’apocalypse à synapses en stock encore plus de phosphène dans ton assiette et d’acouphènes dans ta weed. 50.000 pensées par jour j’essayerai d’y penser avec tout cette faune qui me dit bonjour, me donne du “mon Père”, les bonnes dames patronnesse de la ville, bourgeoises en Audi 4X4 pour rouler en ville et propriété avec piscine pour 3 jours de soleil dans l’année, qu’est ce qu’il ne faut pas faire 15 pour dépenser du fric quand il coule à flot. Il était temps de bouger d’ici. Retrouver de vieilles connaissances. Une bible à la main, je me fais passer pour un témoin de Bachus en allant frapper chez tous les voisins de Luc la main molle pour leur proposer des lectures - toujours affublé de mon costume ecclésiastique - j’accumule de la confiance en vain. Quelqu’un porte un tshirt “ORGANISATION”. Mais qui organise tout ce bordel ? Une Alfa Romeo avec un petit fanion Portugal trône fièrement sur le parking de l’hyper Carrefour. Je demande à Luc de se poster sur la route et je grave sur la portière avec une clé : ALFA RODEO FIER D’ETRE PORTUGAY / De la pub partout : à l’entrée à la sortie à l’intérieur à l’extérieur, tout le monde, les maisons, les voitures, chacun est son propre patron : David peinture, Clara coiffure, Petits Services Bricolage Dépannage Couture Revêtement Mural Ta Gueule… des pubs sur tous les murs, les gens en réclament, porter un slogan : c’est déjà donner un sens à sa vie, on met du beurre dans les épinards comme on dit. Tout est devenu produit : les objets, les services, les territoires.. la dernière frontière de l’homme. Chaque individu sera bientôt affublé d’un logo, d’un slogan et d’une fiche technique. Le code barre que tout le monde craint n’est qu’un détail purement comestique, puce intramusculaire ou tatouage intelligent QRcode, on vous laissera le choix. La fête du slip dans la galerie marchande, tous affublé comme pour un défilé de mode, me rappelle Journée de fête à Vervins. Gros concours de pétanque, toujours en lice, 6 heures, une bière de plus, de la blanche avec du citron s’il te plaît ! En face du manège carré ils servent du champagne, j’entends le mot “mariage”. Un détail m’a échappé ? c’est un couple fraîchement marié qui rince la gueule de quelques amis déjà plus très frais. Très classe la mariée porte mini jupe et legging / un accoutrement parfait pour ce jour de fashion week estival 16 où tous les bouseux se dandinent au son des manèges crachotant du Daft Punk avec moult tatouages tribaux, strass, maillots de l’OM ou PSG et petits top fluo masquant difficilement les excroissances graisseuses accumulées durant les longs mois d’hiver. Quand un transformiste traverse la galerie marchande à l’heure de la fermeture je me dis que c’est le bon moment pour sortir ma trouvaille de la brocante : une sorte de ceinture avec un mini ampli et un micro-casque. Depuis les vitrines extérieures, je propose un comparatif entre plusieurs vendeurs. Et je dis : — hum hum… et voici l’homme le plus rassurant de toute la galerie. Diction et chemise impeccables, une voix grave qui vient juste te chatouiller le chakra du ventre et un langage corporel tout en maîtrise et sobriété. C’est très simple, s’il me demandait de faire l’amour à ma femme j’accepterais sans histoire parce que je sais déjà qu’elle prendrait son pied. Le transformiste aux faux airs de Philippe Risoli repasse en sens inverse — Je me promenais tout à l’heure sur une brocante, il faisait assez froid, vous parlez d’une brocante en Picardie au mois d’octobre, quelle drôle d’idée n’est ce pas, hein Monsieur Risoli ? êtes vous déjà passé en Picardie avec votre troupe de théâtre Monsieur Risoli ? vous devriez passer par chez moi il y a une de ces crêperies ils font de très bonnes salades aussi. J’aime beaucoup les salades norvégiennes et surtout le saumon, je suis presque végétarien, par période, enfin tout ca pour dire que ce serait un plaisir de partager votre table, je pensais à cela en voyant une de ces tables de picnic en plastique rouge qui se replie dans une malette. Mes parents en avaient une pour partir en vacances avant qu’ils n’achètent leur caravane, idéal pour les barbecue ! 10 euros après négociation avec le vendeur qui portait aussi le doux prénom de Philippe. Je crois que dans la mythologie grecque il y a un rapport avec les chevaux, Poséidon sortant des eaux avec une armée sur son dos, bref, je vous passe les détails, c’est 17 à ce moment là que je me suis dit : « mais que devient ce bon vieux Philippe Risoli sur Facebook ? un moment qu’on la pas vu... dépression passagère ? détention provisoire ? » Champ contre champ. — Après vous préférez peut-être la Pataterie, c’est convivial, aussi ? Traveling dans le vide. — J’ai eu le malheur de dire à ma tante que j’allais manger avec Philippe Risoli, maintenant elle veut absolument vous inviter pour une tartiflette, je sais pas comment lui dire que vous n’êtes peut être pas en Picardie avant un petit moment ? va falloir que vous m’aidiez parce que là toute la famille est au courant par SMS je vais vraiment avoir l’air bête si vous me dites non. Merci de me contacter par message privé si vous préférez comme ça à moins que vous ne préféreriez une raclette ? ma tante possède un superbe appareil acheté en Savoie qui permet de taper directement dans la meule ? J’ai toujours trouvé ça fascinant. Plan sauce américaine. — Votre silence me met mal à l’aise, Philippe, un de mes oncles habitant dans les Cévennes a déjà prévu de remonter spécialement pour vous revoir avec son lecteur VHS, il était passé à la télé au Millionnaire et voudrait revoir les images de l’émission en votre compagnie. Le petit oiseau va sortir. — Et ce qui devait arriver arriva, scandale à l’apéro ! Mon cousin Ludovic fait joujou avec les bouteilles en vous imitant comme avec votre micro du Millionaire qui virevolte dans les airs à la descente d’escalier. Résultat : la bouteille de pastis qui explose sur le sol tout le monde est gazé on se croirait à Damas. Fondu au noir. Putain baisse le son / ta gueule / J’ai tout de suite su à qui j’avais 18 à faire en baissant les yeux. Il portait des tongs PUMA et des chaussettes jaunies avec des liserés bleus et rouges. L’orage provoque des trucs bizarres dans la tête des gens. Ils parlent aux démons dans la rue en tong. J’sais pas doit y avoir un truc comme un changement de gravité comme ils traînent les pieds à cause de la fonte d’épaule. “Si je suis encore vivant à 40ans j’organise un grand couscous” dit-il en poussant son caddie en pleine rue il fait des pas qu’on dirait POUM POUM POUM comme gros nounours. Le gars avait du passer par la case apéro. Quand je rencontre ce genre de type j’embrasse toute l’humanité dans sa souffrance tout en donnant raison à mon programme d’euthanasie générale de la population : Gloire à Bill Gates et son programme de stérilisation / Gloire aux Illuminatis et leur programme de réduction de la population mondiale à 500.000 humains pour la planète / On y arrivera plus facilement que l’on ne croit : la génération qui la première a profité de l’avortement de masse sera aussi la première à découvrir l’euthanasie de masse, quasiment personne ne veut vivre plus de 100 ans c’est une barrière psychologique, tout le monde veut mourir, ce qu’ils ne veulent pas, c’est souffrir. Pour cela j’ai une programme simple en trois points : Autorisation pour les médecins généralistes de pratiquer les suicides assistés / Financement du suicide assisté par la Sécurité Sociale et réductions d’impôts sur les héritages pour les participants au programme Euthanasie International / Instauration d’un jour férié pour saluer la mémoire des néo-disparus. Objectif : 500.000 posthumains bien vivants débarrassés de la boue existentielle grâce aux NBIC et l’ordinateur quantique, prêt à réaliser le destin manifeste de l’humanité : prendre le plus grand soin de la Terre Mère et coloniser l’espace avec une armée de robots et d’imprimantes 3D. Dans le bar on fini par me dire que je tiens un drôle de discours pour un prêtre. Qui ose donc mettre en doute mes capacités ? S’il le faut, je provoquerai un miracle, en équilibre précaire sur une chaise je passe par 19 dessus la musique d’ambiance pour demander qui est le plus alcoolique dans ce rade. Tout le monde rigole en se félicitant d’être le plus coriace, j’en attrape un par le regard, fixe derrière les yeux là ça turbine dans le petit théâtre maison - saute de ma chaise et l’envoûte d’un tour de bras / regarde moi bien dans les yeux / Et un autre ! Un second ange suivit, en disant : Elle est tombée, elle est tombée, Babylone la grande / Apocalypse selon Saint-Jean dans la main gauche / Une tape sur le front de l’autre main / Qui a abreuvé toutes les nations du vin de la fureur de son impudicité ! / synchronisation OK / Je t’emmène où je veux baybé, OK ? / Il boira, lui aussi, du vin de la fureur de Dieu / versé sans mélange dans la coupe de sa colère / La musique : stop : silence d’église : c’est maintenant que ça commence / This is the best part of the trip / Et il sera tourmenté dans le feu et le soufre ! Devant les saints anges et devant l’agneau / Recrache démon ! Expulse ! Le mal qui te ronge ! Sanglote maintenant ! PAR TERRE ASSIS DEBOUT A GENOU DEMON / De sa bouche sortait une épée aiguë, pour frapper les nations / ET SCHLACKKKK SCHLAKASCHLAKASCHLAKASCHLAKASCHLA / Il les paîtra avec une verge de fer / Par l’intercession de DJIZEUSSSSS, guérit ce pochtron de son vice, par le signe de la croix, que ta fureur détruise ce CANCER / Et il foulera la cuve du vin de l’ardente colère du Dieu tout puissant / AMEN 20 Chapitre 4 Qu’est-ce que j’avais encore foutu ? Se réveiller chaque matin en espérant pouvoir remettre les compteurs à zéro, vouloir déterrer son père ou provoquer un accident de voiture. J’ai pas de voiture et je marche beaucoup. Je me rends compte d’une manie assez bizarre des gens qui laissent plein de choses par terre comme des merdes de chien, des chewing-gums, des crachats... comme s’ils s’attendaient à fertiliser le béton avec leurs déjections corporelles. Une femme dans la rue. 50 ans de brushing nickel encore tout chaud du coiffeur, colorisation rouge-brun, la jupe ensemble floral tout aussi automne-sanglant. Promène un caniche. Tout est parfait chez elle, je le sais déjà : le ménage, la poussière, la moquette, les bibelots, la cuisine, le jardin, la pelouse, même sa chatte doit passer à l’eau de javel et pourtant c’est très exactement ce genre de monstres qui promènent leurs chiens pour qu’ils chient sur les poteaux EDF et pissent contre les poteaux de téléphone, admirez la crasse dont ils font preuves une fois sorti du seuil de leur bulle proxémique - même le chien ressent sa propre crasse / c’est la crasse qui vous donne la conscience / pas la beauté / elle n’arrive qu’après la beauté / après la fange, après le meurtre, après le sacrifice, après la bidoche coupée à la hache, après avoir mis le nez dans sa merde, il se réfugie dans les pieds de la maîtresse. Elle me jette un oeil - l’effroi ! - retour fixe horizon mental stationnaire. Sauf que le mal est fait, j’ai vu le visage de l’hygiénisme décadent, un oeil suffit : les yeux ne se lavent pas. Ce qui la dégoûte le plus ? que je me ballade veste en cuir à même la peau sans tshirt, mauvais genre et insécurisant, ondes négatives branchés sur tous les cortex à disposition / que je n’ai que quelques mots à lui dire dans le creux de l’oreille pour qu’elle accepte de se faire violer sans presque sourciller à condition que finisse ma 21 besogne avant le début de Plus belle la vie. Pour le dîner je lui préparerais un rôti de caniche, laisserais mariner les tripes dans du rhum pour l’apéritif. Mais le punch était trop fort je me réveille sur un canapé dans une maison inconnue. Il est trois heures de l’après midi et je tiens une gueule de bois. Féroce. Attiré par l’odeur du café je compte jusqu’à 5 = 5 mots de plus déjà dans ma journée, me lever, arpenter la maison. Personne. Action : installation de la cafetière dans le salon. Une bouteille d’Aberlour à moitié vide trône sur la table basse. Je décide de soigner ma gueule de bois avec le meilleur remède que je connaisse : avaler un demi litre de whisky dans un demi litre de café noir. C’est aussi le moment de vous révéler mon meilleur remède pour me cuiter : boire une canette de 8.6 en la remplissant de vodka au fur et à mesure qu’elle se vide. La famille qui habite ici est peut être morte pendant la nuit. Canapé en cuir crème ou fauteuil Stressless pour regarder Vivement Dimanche ? Michel Drucker me regarde. Serge Lama, Céline Dion, Placido Domingo en duo avec la chanteuse Zaz, Nana mouskouri... Saviez-vous que Michel Drucker était un automate ? Un robot intégré dans son canapé ? Alain Delon est un concentré de technologie provoquant un émerveillement sur le monde, je lève mon verre à Alain Delon. J’ai retrouvé la forme dans le salon, canapé rouge, patience, ON AIR / ACTION / CA TOURNE / silence dans la salle : Hommage psycho érotique à Alain Delon Merci de me donner la parole, merci Alain Delon de m’avoir invité sur le plateau, puisque vous me posez la question je vais vous répondre, comment je suis devenu écrivain ? c’est très simple : j’avais le temps de lire, 22 je lis des livres, tous les livres, mais je ne lis qu’une seule page de chaque livre. A la fnac je passe la journée à lire la page numéro 99 de tous types de livres alors comme ca je suis OK durant le temps que j’ai le droit de sortir avec mon bracelet électronique, j’ai déjà des milliers de livres à mon actif, Bernard Pivot je lui déchire la race, si la page 99 ne me plaît pas je lis pas la suite c’est aussi simple que cela, vous comprenez ! Mon prochain roman ? bien sur je peux en parler, je suis libre, je n’ai pas d’éditeur, qui lirait ce genre de texte, c’est l’histoire d’un type au chômage qui cherche n’importe quel job en contact avec des handicapés pour leur poser des questions sur leur sexualité. Dans mon livre il y aura des scène érotiques avec vous, Alain Delon, et des jeunes filles à peine majeures, tout juste à peine, dont on ne sait pas si elle sont majeures, ce serait le coeur de l’intrigue, elle sont presque-pubères, avec très peu de poil sur le sexe, un mince filet, voila l’intérêt de la littérature parce que faire un film avec Alain Delon coûte trop cher et la pseudo-pédophilie c’est un peu limite pour avoir des fonds au CNC alors que la littérature on écrit n’importe quoi ça fini toujours par passer. Pour le moment je me concentre surtout sur la première et la dernière page, les deux seules pages lues par les éditeurs et aussi la page 99 qui est lue par les bons critiques de littérature. Rappelons que demain soir Alain Delon présentera une émission TV où “MISS PICARDIE” est élue MISS FRANCE dans une nouvelle formule made in TF1 où il n’y a plus de défilé mais un mois de télé réalité où Alain Delon initie toutes ces jeunes filles à la sexualité et la découverte de leurs premiers émois amoureux, il y aurait aussi des scènes érotiques entre Miss (NPDC & PACA), ce serait un livre qui, selon son auteur, serait à la fois un pamphlet contre les dérives des médias et un manuel sexuel à destination des jeunes filles modernes. Mais je tiens à rassurer le public, c’est plus érotique que pornographique le CSA est formel il n’y a pas de pénétrations et pour Alain Delon je trouve que c’est quelqu’un 23 qui mérite d’être plus connu pour ce qu’il a fait surtout après les histoires que les médias lui ont fait et après les histoires de cocaïne et aujourd’hui son cancer de l’estomac alors qu’il présentait une émission qui cartonne. Quand j’aurai fini mon livre j’irai en parler chez Cauet s’il fait encore des émissions, c’est un bon gars de la Picardie, le saviez-vous ? Pourquoi Alain Delon ? J’avais un choix alternatif, plus glamour mais pas picard : Omar Sharif au départ mais Omar était monté comme un poney ce qui casse tout le côté glamour du livre. Mais j’avais aussi pensé à un héros de fiction, un héros du futur comme le public les aime, il nous vient de l’espace : Bonjour je m’appelle KING SASHA je mesure 3 mètres 18 je pèse 231 kilos mon sexe mesure 59 centimètres au galop MA GROSSE BITE VEINEUSE EST UNE AUTOROUTE POUR LE PLAISIR je suis envoyé par l’Empereur du Système Solaire pour rétablir l’équilibre sexuel de la Picardie. KING SASHA ! La Picardie vous accueille ! Je me présente : Walter Van Der Mäntzche et je suis prêt à devenir votre prophète dans ce coin de la Voie Lactée. La Picardie vous accueille (bis) : une baraque à frites qui s’appelle MONSTER FRITE (avec la typo verte fluo clignotante de la boisson énergétique MONSTER) apparaît à l’écran, le moment est bien choisi pour parcourir les routes de la région. Ca me rappelle un jour où j’ai traversé la France : Picardie direction le SUD fumant CAMEL sur CAMEL avec sur le siège passager un pack de bouteilles de COCA COLA 1.5 litres et une collection de MAXIMAL achetée dans un Restoroute. Un MAXIMAL spécial Nadia Farès et un autre Clara Morgane, icônes érotiques d’un road trip plongé dans la France vers le bas, ma bite s’en souvient encore. Je m’arrêtais toutes les deux heures pour me branler sur un parking comme le conseille BISON BRANLÉ (Recueil disponible aux éditions Harlequins, collection Softporn sous le titre “Mes plus belles branlettes à travers la France”). Tout ca pour dire qu’arrivé à Tours je me suis dis : j’ai 50 euros en poche alors je vais aller faire un 24 petit tour en centre ville de Tours pour trouver une pute. La ville m’inspirait confiance, ses pierres, son calme, son absence d’exubérance, j’espérais secrètement que le SIDA n’avait pas encore fait son trou dans le coin. Je n’ai jamais vu une ville aussi vide après 21 heures à part Limoges où j’ai passé une semaine enfermé H24 dans un Campanile en regardant les chaînes du câble pour trouver la solution d’un théorème. Je n’ai croisé qu’une bagnole de flic, une fois, deux fois, à la troisième fois je me suis dis que c’était le bon moment pour me casser avec ma Clio déglinguée, après avoir longuement hésiter à m’arrêter pour me branler devant l’échangeur d’autoroute. La visite s’achève sur la photo d’une croix fleurie dédiée à la mémoire d’un accidenté de la route plantée devant un tas de betteraves un soir d’automne. Une église en ruine avec des panneaux solaires sur le toit. Une réminiscence de jeunesse : regarder le bigdil en mangeant des pâtes au jambon. Hunter S. Thompson présente une version new age du show TV, il remplace Lagaf, accompagné d’un avatar d’Andy Warhol en 4D. La soirée ne faisait que commencer, j’étais devenu l’attraction du coin, chacun se demandait quelle genre de conneries j’allais bien pouvoir faire, une caméra de surveillance devait enregistrer et retransmettre mon image quelque part directement dans une boîte de sécurité ou dans une caserne de gendarmerie / des types posaient des paris sur l’issue de la soirée / Comme tout le monde y allait de son actu, j’annonce mon nouveau projet : je cherche des joueurs de clarinettes pour former un orchestre de klezmeer neo-nazi-mais-pourrire qui reprendrait des musiques de génériques de séries TV ou de dessins animés tels que Denver le dernier branlosaure ou l’Agence touriste. Ma principale source d’inspiration musicale ? = la tempête de 99 et le bug de l’an 2000. La destruction n’est jamais aussi radicale qu’on l’aurait souhaitée alors ce soir je fais softporn je prend le micro pour un boeuf musical en simulant l’orgasme d’un dauphin de marineland, l’occasion rêvée de tester 25 mes nouvelles chansons. - Baby Boomers - Dédicace à la France qui compte ses points retraites / et ses jours de congés payés / La génération qui la première a profité de l’avortement de masse / sera aussi la première à découvrir l’euthanasie de masse / Baby Baby BOOM Baby Boomers BOOM BOOM BOOM / Vous n’avez pas connu la guerre / BOOM BOOM BOOM Baby Boomers / Vous n’échapperez pas au cancer / La prochaine fois qu’on vous rendra visite / C’est pour incendier la clinique Alzeihmer (passage censuré par le producteur) / rimes : Tu meurs tumeur, Je t’aime IRM, Cafetière nucléaire, … [Note pour plus tard] Organiser un «festival de la haine» ou «hainefest» dans une sombre forêt du département de l’Aisne, avec au programme combats clandestins + concerts punk/noise/grind/rockabilly nihilistes et antisociaux. Le Hai(s)nefest (“je rejoute un (s) parce qu’un connard s’est permis d’utiliser mon idée entre temps ou alors faudrait appeler ça le HainesFests, le festival de toutes les Haines ! Organiser mon propre festival était devenu le seul moyen de me produire en concert depuis l’épisode du Tremplin Jeunes Talents Picardie où j’avais déclenché une alerte à la bombe pour stopper le spectacle - évacuation de 3.000 personnes - après notre passage et gagner le concours. - Vacances chômage - MES VACANCES CHOMAGE / BRETAGNE RSA / PICARDIE VIRILISTE / MALES ALPHA REGION PACA / PLEIN LE CUL DE VOS 26 REGIONS A LA CON / BOMBE ATOMIQUE / JAMBON POUBELLE / SUCE MA BITE / T’AURAS UN CORNET DE FRITES / MON JAMBON VA-T-IL / A LA POUBELLE ? BUKKAKE MENTAL / PLAISIR FACIAL / J’ÉXIGE UNE SOLUTION FINALE 27 Chapitre 5 Au matin de noël, le soleil a l’insolence de pointer le bout de son nez. Reprenons une bonne dose de nihilisme en attendant l’hiver. L’exorciste ne prit jamais la décision de partir le néant pris forme autour de lui sans qu’il ne s’en rende compte. Néant était déjà en lui. Ne put que suivre chemin. Laissa libre court à son destin. Une esquisse de liberté s’affirma à l’horizon. De toute évidence, nous avions à faire à des visions. Ainsi qu’à un processus. C’est un avertissement quand il n’y a plus de mots pour […] pour un road movie, oui, mais un road movie autour de chez moi, hors de chez vous, hors-vie, hors-moi, formule spirale, tourne en rond je tourne des films de routes de campagne à l’abandon je trace des bornes je compte les pommes pas de béton mais du bitume granuleux qui fond au soleil de juillet et s’éclate les nuits de pleine lune. Entre les deux : poste frontière. Le front l’extérieur contre le front de l’intérieur. Le front contre de la terre entière. La terre réclame du sang. Dans le sens du nouvel âge et qui vogue, équinoxe, heure d’été. Automne or. Au tonnerre. Au tour de (f)rance des arrêts de car. L’hiver approche, j’aime l’hiver, j’aime 10 centimètres de neige, j’aime le monde à l’arrêt, mes pas craquent sur le sol, mes pas frappent le sol, l’univers ne meurt pas dans une explosion, il se refroidit peu à peu, de plus en plus, de plus en plus pale, la neige se transforme en cendre, j’aime marcher comme fouler les cendres de la terre, l’horizon est une forêt sombre dont les feuilles n’ont pas pas échappées aux attaques de rayons cosmiques. Les humains non plus : ils soignent leurs plaies devant des programmes télévisuels distordus mélanges de clowns synthétiques et d’épiphanies antiques Star Wars Academy, la pythie squatte les ondes, elle fume des 28 blondes, clope sur clope sur clope sur tes cendres, crache le cancer dans les yeux embrumés, tu pourris de l’intérieur ça commence par les yeux, tu portes des lunettes ? tout le monde porte des lunettes tu les changes tous les ans ça te fait une sortie le samedi après t’es content ta mutuelle te sert à quelque chose ça te fera chaud au coeur le jour où tu décompenseras aux soins palliatifs en tremblant comme un peuplier en pleine tempête tu récompenseras ton entourage ta famille toute ta famille enfant petits enfants petits petits petits par une belle transe, de beaux souvenirs, c’est tout ce qui compte emporte les avec toi, cache les précieusement dans ton coeur, ta vie défile devant tes yeux mais tu t’accroches, ne les oublie pas : monde sublunaire à l’abordage pour entités spiritophages, pourquoi t’agiter ? Tu n’as qu’à laisser faire, laisser tes désirs, lisser ta peau, lancer tes amarres, l’enjeu de tes destins joués aux cartes par une poignées d’anges grimés en démons. J’ai vécu les 30 dernières années comme un anthropologue qui s’immisce dans la vie des tribus autochtones pour comprendre les subtilités de leur mode de vie. Je vous observe jeter aux feux, jours après jours, ce que nous avions mis tant de temps à bâtir. Comment pourrais-je ne pas avoir de l’envie de reconstruire le puzzle en le pulvérisant en un tas de cendres ? Je peux vous dire que c’est pas joli joli et je n’ai pas eu de mal à m’adapter à la théorie des 5 B = BAVARDER (parler de tout et de n’importe quoi avec n’importe qui tant que l’on aborde pas l’essentiel) / BOIRE (se liquéfier le cerveau et le foie avec de l’ethanol, label art de vivre) / BAISER (surtout en parler sans en parler) / BOUFFER (des cadavres d’animaux industriels combinés à une batterie chimique d’exhausteurs de vie) / BOUGER (au supermarché ou en vacances, mer ou montagne ? Pepsi ou Coca ? Frites ou Nuggets ?) / Si le Christ (Jesus, Krisna, X????, Whatever…) revenait sur 29 Terre aujourd’hui, il ne viendrait pas détruire les supermarchés, incendier les églises ou haranguer le pape un jour d’homélie pascale comme certains le prétendent - pour jouer à se faire peur avec le père noël. Une partie de l’humanité le prendrait seulement pour un illuminé de plus, aussi véhément et convaincant que puisse l’être un chef de secte et le laisserait parler sans lui prêter plus d’attention qu’un anarchiste en mal d’attention sur Twitter. Le reste le tiendrait pour hérétique, blasphémateur, incendiaire ou tout simplement bien trop dérangé pour ne pas exiger qu’on l’empêche par tous les moyens de bouger et d’ouvrir la bouche avant d’envoyer le psychopathe qu’il est en hôpital psychiatrique - JESUS WAS A PSYCHOPATH MANIC DEPRESSIV DISORDER MOTHERUCKER - GPS existentiel : D.IEU vole toujours à mon secours : pour bien m’enfoncer la tête sous l’eau. C’est comme ça que j’ai appris à nager. GEOKORTEX : notre cerveau est la plus formidable technologie de navigation disponible de ce côté de la suburbia de l’Univers - nous sommes des parasites évoluant dans des machines de chair à la recherche de je-ne-sais-quoi-je-ne-sais-où nous avons oublié les règles du jeu en débarquant par l’utérus - l’Adversaire a tenté de stopper la biodynamique du Temps et de l’Espace en me clouant sur une croix mais manque de bol - j’avais un pion d’avance - Estás muerto fils de pute. Chacun de nous est prête, roi et thaumaturge, j’étais devenu le prêtre exorciste qui guérit le cancer à coup de décibels et d’incendies de forêt. L’affiche sur la vitrine du Lapin Noir annonce : EXORCISME DE NOEL : 23H : avec Walter Van Der Mäntzche : chanteur des Vermines Volantes (noise progressif acoustic) / GRATUIT. Répétition générale du spectacle d’ouverture du Haine(s)fest en comité réduit, ce soir il n’y aura que le top du top des sans-amis, des sans-abris, des sans-vies, des sans-familles pour fêter la noël autour d’une grosse dinde aux antibiotiques et d’une montagne 30 de plastique offerte à des gnomes surexcités à la cocacolaaféine. La rue des bars donne directement sur un enchevêtrement de rues pavées étroites et tordues comme au moyen âge, ça monte ça descend, ça descend très fort dans le véritable coeur de la ville, village dans la ville, la cuve Saint Vincent, de la montagne couronnée nous descendons une sente escarpée à la lumière des torches et dans les effluves capiteuses de l’encensoir. La descente pourrait se poursuivre dans les entrailles de la butte, la légende dit qu’un lac souterrain sous-plombe la cathédrale, je l’ai déjà visité en rêve, mais cette nuit le programme est clair : filer dans une sorte de forêt quasi sauvage au centre topographique de la ville. 40.000 habitants tout autour de nous, routes nationales, autoroute, aérodrome, héliport et pourtant même en plein jour vous n’entendriez que le croassement des corbeaux ou le bruissement des feuilles qui rejoignent le sol. Un avant-goût du désert, à la fois lieu de méditation idéal et refuge des drogués, des branleurs, des toxicos et des SDF, pas besoin de panneau d’entrée pour comprendre où l’on est : cadavres de bouteilles, paquets de clopes, sachets de junk food et boîtes de médicaments tapissent le sol. Une fois passé ce porche vénéneux, s’attendre à ce que le monde disparaisse derrière chaque arbre. Je n’ai besoin que de tracer un cercle avec la fumée d’encens pour que ma troupe prennent place autour de l’autel. J’avais passé trois jours et trois nuits à construire un totem de troncs d’arbres et de branches mortes, la sculpture s’élève à quelques mètres du sol. Pour l’allumer il ne suffit que de mettre le feu à quelques écorces de bouleau ça flambe instantanément, j’avais vu ça à la tv dans MAN VS WILD, même en plein hiver ou sous la pluie. Avec un peu d’essence pour accélérer de la combustion. BOOMBOOMBOOM c’est le son du solstice qui frappe à la porte du temple / BOOMBOOMBOOM c’est l’entrée des novices dans la légende / BOMBADABADABXXM JX PXRLX XSRPXT DE LA FXRXT LE FEU fait apparaître un portail - de branches/ 31 braises s’élevant dans les airs - le public y a disparu - qui était là déjà ? : des portraits, des déjà-morts, des parcelles de mondes, des ombres, de nouveaux liens entre nous, nos ancêtres et le cosmos. La terre réclame des coups, le sang réclame la chair, la chair part en fumée. Des portes, des ponts, des tunnels. Des émotions, simples et limpides. Des apparitions, cryptées, brutales et spontanées. Des gestes, hermétiques et inspirés, pour de nouveaux rituels désincarnés, départs de nouvelles sagas. Un trait. Terriblement simple et direct - dans le feu de l’action - presque inaccessible - sans aucune concession, ni repenti. L’esprit de la forêt vient à moi sous la marque d’un cerf géant, sorti de terre, bois végétaux vibration brame raccord avec l’esprit de destruction retombe face à face à spectateurs abasourdies aussi hagards qu’un gibier pris au piège. Le maître des lieux à tunique fougères capture le regard plein de pitié d’un homme pour se faire homme à la place de l’homme devenu bête à la place de la bête sacrifié d’un coup de hache sur le collet. Tête sur le sol. Tête vers la cime des flammes. Tête sur la tête. A bout de bras un masque pour crier par delà mon corps, masque pour déjouer le gardien des portes double face double vues double sens entrée sortie - CONNEXION - faire place à la parole des anciens et de la belle endormie sur laquelle nous avons construit cette ville. GEANTE ! SORT DE TON SOMMEIL ! SEIGNEUR ENDORMI ! SOUFFLE FIN DE PARTIE ! REPOSE COURONNE SUR L’HOMME DECAPITE ! La grande mère se lève emportant la vanité des hommes, la confusion retourne à la confusion, oeil dans l’oeil, chaos par chaos, cercle de cendre s’étend à perte de vue jusqu’à jamais. Cercle de feu est épargné, face au lac reflet de lunes, reflet planète bleue dans l’autre monde / déserté / des les terres / délangage / déserte le monde ou le monde me déserte / hors temps / hors de loi / dehors de moi / hors du cercle : la scène larsen, écho sonar fréquence ralentie à l’extrême (moins 666 battements par minutes) rompre 32 le cercle magique et entrevoir le soleil se poser sur la ville. Le réveil est fini. Le message est vivant. 33