médias et opinion publique

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médias et opinion publique
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MÉDIAS
ET OPINION PUBLIQUE
La campagne de l’élection présidentielle de 2007 a réactivé le débat sur le
rôle des médias qui sont accusés d’avoir fabriqué un face-à-face Royal-Sarkozy
au second tour. Une partie de l’électorat, et des militants chez les socialistes,
aurait été influencé pour ses intentions de vote.
MÉDIAS ET SONDAGES
q Les mass media
Au sens étymologique, le terme media
(pluriel de medium en latin) caractérise
une position intermédiaire, entre l’émetteur d’un message et celui qui doit le recevoir. Les mass media peuvent être définis
comme les moyens de communication
touchant l’ensemble de la population
(presse, radio, télévision, Internet…).
q Les sondages
Chauds ou froids
Depuis H. M. McLuhan, on a coutume
de distinguer les « médias chauds » et
les « médias froids ». Les premiers fournissent au public une représentation qui
se suffit à elle-même et qui, par conséquent, ne nécessite pas de participation
active (la radio ou le cinéma). Les « médias froids » ne donnent que peu d’éléments au public et lui demandent une
participation dans le but de compléter
les blancs par lui-même. McLuhan plaçait la parole, le téléphone ou la télévision parmi les « médias froids », ce
classement étant aujourd’hui discuté
pour la télévision, puisque celle-ci
s’adresse au public non seulement par
l’image mais aussi par le son.
Les premiers sondages ont été réalisés
en 1935 aux États-Unis par l’institut fondé
par George Horace Gallup. Ils ne sont
introduits en France qu’en 1938, lors de la
création de l’IFOP (Institut français de
l’opinion publique) par Jean Stoetzel. Un sondage d’opinion consiste à estimer la distribution d’une variable statistique dans une population en extrapolant les résultats obtenus sur
un échantillon extrait de cette population. Pour être pertinent, l’échantillon doit représenter fidèlement la population dont il est extrait (en fonction de l’âge, du sexe, de la PCS…).
Une autre méthode consiste à interroger des individus aléatoirement, en comptant sur la
loi des grands nombres pour que l’échantillon soit fidèle au modèle. Depuis plusieurs élections, les sondages sont mis en accusation, soit pour donner des résultats erronés, soit
pour leur rôle dans la fabrication de l’opinion plublique.
L’OPINION PUBLIQUE
q Qu’est-ce que l’opinion publique ?
Lorsqu’on cherche à définir l’opinion publique, on se heurte immédiatement à l’ambivalence de cette notion. En effet, l’opinion désigne à la fois un jugement personnel, pas forcément rationnel, et un avis autorisé, que l’on requiert sur un sujet. Pour que l’on puisse parler
d’opinion publique, il est nécessaire d’ajouter trois conditions : l’opinion doit être proclamée
en public, devant une assistance; l’opinion doit être collective, c’est-à-dire concerner une pluralité d’individus; enfin elle doit traiter d’un fait public, touchant à l’intérêt général. La notion
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même d’opinion publique est contestée par certains auteurs, tels Patrick Champagne, car ils
ne voient en elle qu’un phénomène artificiel, n’existant que par la volonté de ceux qui la
mesurent (les instituts de sondages et leurs clients, les médias notamment).
q Les sondages : un moyen de mesurer l’opinion publique ?
Pour leurs défenseurs, les sondages sont indispensables au bon fonctionnement d’une
démocratie moderne. En effet, ils permettent aux dirigeants politiques de prendre le pouls
de l’opinion publique entre deux élections. Si les dirigeants réorientent leurs projets en
fonction de l’opinion majoritaire, la démocratie ne peut que s’en trouver renforcée.
Pour leurs détracteurs, notamment Patrick Champagne, les sondages ne servent qu’à
manipuler les individus interrogés, qui n’ont pas forcément de compétences pour répondre
aux questions. Mais ce serait aussi vrai lors
des élections. Les sondages amplifient les
phénomènes de mode et de rejet, car le
Pilotage par sondages
public autant que l’analyste manquent de
Lors de la campagne présidentielle de
recul pour juger de la validité des sujets
2007, les sondages ont joué un rôle imabordés. Le climat politique devient dépenportant, même s’il ne fut sans doute
dant des sondages, de même que les
pas déterminant. Ainsi, le « phénomène
actions ou les déclarations des dirigeants
Bayrou » fut-il d’un bout à l’autre placé
sous le microscope des sondeurs. Obpolitiques. On retrouve ici une des critiques
servé avec curiosité et relative indifféadressées aux médias en général, la foncrence par les autres candidats au début
tion d’agenda : les sondages (et les médias)
de la campagne, le candidat Bayrou
occultent certains faits et en placent
s’est trouvé pris sous les feux croisés
des deux candidats finalement présents
d’autres en pleine lumière. Ils indiquent les
au second tour dès que sa possible acsujets « importants » (ceux dont on parle)
cession à une seconde place se fut faite
et les sujets « inintéressants » (ceux dont
jour. Coïncidence ? C’est à ce moment
on ne parle pas).
que son ascension a trouvé son terme.
q Faire et défaire l’opinion !
L’influence des médias sur le comportement des individus (et des citoyens) a fait l’objet
de recherches depuis la fin du siècle dernier. Le premier modèle explicatif est celui de la
« seringue hypodermique » : le public passif est intoxiqué par le message véhiculé par les
médias. Cette vision est remise en cause par Paul Lazarsfeld et son équipe dans les années
1940 : le message déversé par les médias passerait à travers un « filtre culturel », dépendant des groupes d’appartenance de l’individu (communauté ethnique, groupe religieux,
syndicat…). Ultérieurement, E. Katz met en évidence le rôle des leaders d’opinion qui reçoivent le message et le répercutent auprès du public : la communication apparaît ainsi
comme un processus en deux temps, où le message transmis par les médias est réinterprété par les relations sociales de l’individu récepteur.
La fonction d’agenda des médias est approfondie par Pierre Bourdieu, qui analyse le rôle
des faits divers, qu’il qualifie de « faits omnibus », capables de retenir l’attention du plus grand
nombre en jouant sur les émotions, comme l’illustre la place de l’insécurité dans la campagne
présidentielle de 2002. Les faits divers occupent le terrain des médias et permettent de faire
l’impasse sur les questions de société. Dans cette perspective, les médias (et les journalistes)
sont des instruments au service des classes dominantes pour renforcer leur domination.
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