Je ne ferai, dans ce film, aucune concession au public (In girum

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Je ne ferai, dans ce film, aucune concession au public (In girum
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L'oBservatoire - projections recherches
cinéma
Je ne ferai, dans ce film, aucune
concession au public (In girum imus
nocte et consumimur igni)
séance du 8 novembre 2007
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« Ce que le spectacle a pris à la réalité, il faut le lui rendre. Les expropriateurs spectaculaires doivent être
à leur tour expropriés. Le monde est déjà filmé, il s'agit maintenant de le transformer », Debord.
Par « spectacle »,Debord entend le mode d'organisation général des existences en tant qu'elles sont maintenues
séparées d'elles-mêmes, de leur puissance d'agir. Il y a « spectacle » quand une représentation de la vie est vécue
à la place de la vie même.
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« C'est une société et non une technique qui a fait le cinéma ainsi. Il aurait pu être examen historique,
théorie, essai, mémoire. Il aurait pu être le film que je fais en ce moment », Debord,
In girum imus nocte et
consumimur igni.
Parmi toutes les critiques artistiques et politiques, celle du cinéma, en tant qu'archétype du « mode d'organisation
spectaculaire », va particulièrement intéresser Debord. Ce qu'il vise : l'image en tant qu'entité séparée, qui se
donne à voir passivement, qui suspend la vie, qui sépare l'existence de sa puissance d'être, de son autonomie, de
sa créativité. Ce qu'il veut : détruire le cinéma en tant que spectacle, marchandise culturelle de masse, aliénation,
pour en faire un usage non-spectaculaire. Son premier film,Hurlements en faveur de Sade
(1952),
réussit
génialement ce projet : ce n'est pas un film parmi d'autres ; il détruit la structure spectaculaire ; Debord s'y permet
l'irruption de dizaines de minutes d'écrans noirs-silencieux ou blancs-accompagnés de textes lus, qui ramènent le
"spectateur" face à lui-même ; il n'est pas un film à contempler mais une situation à vivre. Il casse la relation
passive à l'image, provoque. Il s'éprouve collectivement, dans la jubilation ou l'agacement ; il décloisonne, sonne,
résonne. Il incite à hurler soi-même, à dormir, à se lever pour aller boire un verre, manger ou faire l'amour, il pousse
à parler à son voisin, à penser, se repenser. Il détruit le spectacle et pousse à vivre, dans la réalité. Il crée une
situation.
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La question revient toujours : n'y a-t-il pas danger à répéter l'expérience inaugurale de destruction ? Or après
Hurlements en faveur de Sade, Debord filmera Sur le passage de quelques personnes à travers une courte unité
de temps (1959), puisCritique de la séparation(1961), La société du spectacle(1973), Réfutation de tous les
jugements tant élogieux qu'hostiles qui ont jusqu'ici été portés sur le film « (1975)
La société
et, pour du
finir, In girum imus nocte et consumimur igni (1978) ' palindrome latin signifiant : « Nous tournons en rond dans la
nuit et nous sommes dévorés par le feu ». Six films en tout.
Après ce dernier film, qui est un chef d'?uvre de maîtrise cinématographique ' mais pour
qui cela même questionne
' il décide de mettre un terme à son activité de cinéaste. Quelques mois plus tard, son ami et protecteur Gerard
Lebovici, qui avait acheté une salle pour jouer ses seules oeuvres, est tué dans d'obscures circonstances. Debord
décide de retirer tous ses films du marché ; ils ne ressortiront qu'à sa mort, parachevés d'une dernière réalisation,
Guy Debord, son art et son temps(1994), un documentaire sur son propre cinéma, destiné à passer à Canal +.
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Debord était très conscient des risques qu'il prenait. Il ne voulait pas se complaire dans un « art de la
décomposition », comme ses contemporains, mais exigeait pour lui-même de « décomposer l'art » pour rendre la
vie à la vie. Réaliser l'art dans la vie quotidienne. Il disait : « Le spectacle de la critique n'est pas la critique du
spectacle ». Il n'avait donc pas pour objectif de faire un cinéma critique (comme Godard, Resnais, Duras), mais une
critique du cinéma.
Que penser du cinéma de Debord, à la lumière de son dernier film, In girum' ?
Que penser, plus politiquement, de l'expérience cinématographique en général, à la lumière du cinéma
debordien ?
De cela, nous pourrons parler lors de la prochaine séance
L'oBservatoire
de
le jeudi 8 novembre chez famille
Dittmar. Disons 21 heures.
(Comme d'habitude, ceux qui le souhaitent peuvent venir picknicker plus tôt !)
Moyrand-Dittmar
198, quai de Jemmapes, 75010 Paris
Code B1950 (+ interphone)
01 42 49 15 41
In girum imus nocte et consumimur (mars
igni 1978)
Long métrage 105 mn, format 35 mm, noir et blanc.
Ecrit et réalisé Guy
par Debord, tourné en 1977, produit par Simar Films.
Musique : François Couperin, Benny Golson.
Bibliographie fondamentale
Grail Marcus,
Lipstick traces, une histoire secrète du vingtième (1989),
siècle Allia, Paris, 1998 ou Gallimard-Folio,
Paris, 2002.
Des liens
- surUbuweb, plusieurs films (téléchargeables) et notamment In Girum
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- Ici, unetranscription du commentaire, en anglais (by Ken Knabb). Du même auteur, untexte introductif aux
scénarios de Debord (en français, cette fois).
Suppléments
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Copyright : Guénaël
- 2007-11-01 10:23:34

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