Le combat singulier

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Le combat singulier
Le combat singulier
Les deux chevaliers s'élancèrent, lance à la main, leurs chevaux
piétinant lourdement l'herbe fraîche. Ils s'approchèrent de plus en plus,
la tension déformant leurs visages casqués. Ce jour d'hui, pour le cœur
d'une dame, ils allaient devoir faire montre de leur vaillance. Elrick le
preux, à l'arme blanche, songea au roi Claude qui avait organisé ce
tournoi à mort pour enfin marier sa fille, belle comme le jour. Elrick
voulait l'épouser pour sa beauté et sa douceur, et le Chevalier Noir
pour sa gloire personnelle. Soudain, il vit que la lance de son
adversaire était toute proche. Il redressa la sienne et se prépara au
choc. Celui-ci fut terrible. Les deux chevaliers touchèrent chacun le
bouclier de l'autre et furent propulsés hors de leurs montures sur
plusieurs mètres avant de mordre la poussière. « Morbleu, jura Elrick
qui n'arrivait pas à se relever, mon adversaire est un solide
gaillard ! »
Ledit adversaire, à l'autre bout de l'arène, vivait les mêmes affres
que notre héros. Son armure noire était extrêmement lourde et le
retenait au sol. Les nobles et la famille royale dans les tribunes
commençaient à s'impatienter, l'action leur manquant. Alors, au prix
d'un suprême effort, Elrick, dont l'armure était la plus légère, réussit à
se relever sous les acclamations de la foule. Le roi Claude esquissa un
sourire de satisfaction. Elrick était beau et preux, en plus de posséder
beaucoup d'argent et de belles terres. Il ferait donc le gendre idéal.
Seulement, le geste de celui-ci le rendit momentanément muet de
stupéfaction.
Le héros marcha jusqu'au Chevalier Noir mais, au lieu de
l'attaquer, fit preuve d'une extraordinaire bonté. Il mit ses mains sous
les aisselles de son adversaire et, usant de toute la force de ses muscles,
l'aida à se remettre sur ses pieds. « Ventrebleu, fit le Chevalier Noir,
jamais je ne vis un homme d'une bonté pareille ! Et pourtant, j'ai
participé et vaincu dans moult tournois. Vous méritez que je mette
toute ma force dans le duel. » Alors, il dégaina son épée, Magohamoth,
qui jamais ne l'avait abandonné et dont le fer, à ce qu'on disait, avait
été prélevé sur les rives du fleuve menant aux Enfers. Elrick, quant à
lui, sortit son épée d'une blancheur immaculée, Aenwell, qui, elle, avait
été forgée par les délicats Elfes. « En garde, Chevalier Noir! » lança le
héros à l'arme blanche.
Alors, les lames s'entrechoquèrent, annonçant le début du duel.
Elrick attaqua, se défendit, riposta, jouant de sa force et de son
habileté à manier l’épée. Mais son adversaire avait de l'expérience et
parvenait à parer tous ses coups. C'est alors que celui-ci attaqua à son
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tour. Il mettait tant de force dans ses attaques que notre héros crut
qu'il n'arriverait jamais à le contenir. Soudain, il aperçut une faille
chez le Chevalier Noir. Il envoya une décharge d'énergie blanche pure
dans le ventre de ce dernier qui chancela dangereusement, mais
retrouva vite équilibre et contenance. Pour toute réponse, le Chevalier
Noir tendit sa paume d'où s'échappa une onde de magie noire comme
la nuit. Le héros à l'arme blanche fit de même et projeta sa magie
blanche qui heurta celle de son adversaire en explosant. Le chevalier
armé de Magohamoth profita de la fumée pour attaquer Elrick. Celuici fit jouer sa magie pour détecter son assaillant, mais il était trop
tard. Malgré la lourdeur de son armure, le chevalier à l'arme noire
était allé trop vite. D'un formidable coup d'épée, il frappa Elrick sur le
côté gauche. A l'endroit touché, le sang ne coulait pas, mais l'armure
blanche était brisée. Notre héros s’effondra comme une poupée de
chiffon, assommé. Puis la foule acclama le vainqueur. Pourtant, l'épée
levée au-dessus de lui, le Chevalier Noir hésita à tuer son adversaire.
« Sire chevalier, fit le roi, pour épouser ma fille, il vous faut tuer le
perdant.
-Père, lui demanda la promise, est-ce bien nécessaire ?
-Oui, ma chérie, il le faut. Allez-y, chevalier, frappez durement et sans
pitié. »
Le Chevalier Noir abattit alors son épée mais celle-ci fut stoppée net
par une force invisible et puissante. Dans un grognement, Elrick le
preux se releva. La foule poussa un grand cri de joie car le duel
devenait de plus en plus intéressant. « Vous m'avez cru vaincu, mais
me voilà encore ! » Sur ces paroles, il fit disparaître la magie qui
retenait Magohamoth et chargea son adversaire qui para son attaque
et recommença à frapper avec son épée noire comme nuit. Le combat
semblait ne jamais devoir prendre fin. Aucun chevalier ne cédait un
pouce de terrain. Mais, si on regardait d'un œil expert, on voyait que
l'armure plus lourde du chevalier équipé de Magohamoth le gênait et
que, peu à peu, il s'épuisait. Ce dernier, pourtant, n'en laissait rien
paraître et frappait avec toujours plus d'ardeur. Seulement, ses coups
devenaient de moins en moins puissants et son adversaire, lui, s'en
apercevait très bien. Elrick sentait la victoire échapper au Chevalier
Noir. Il le laissait s'épuiser tout en se contentant de parer ou
d'esquiver ses coups. Mais la foule, tout en admirant la maîtrise du
duel des deux protagonistes, commençait à se lasser de la durée du
combat. Alors, estimant que c'en était assez, le chevalier blanc fit
décrire un arc de cercle à son arme. Le Chevalier Noir eut un moment
de surprise fatal. Aenwell, usant de toute sa puissance destructrice,
s'abattit et trancha tout : l'armure, le haubert et le torse.
Le colosse noir s'écroula, vaincu. Elrick, toujours armé de sa bonté
légendaire, s'approcha, les larmes aux yeux. « Ne pleurez pas, Elrick,
fit, dans un souffle, le chevalier porteur de Magohamoth. J'ai enfin
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trouvé le repos et un être plus fort que moi. Je suis content. Je n'ai pas
eu la plus merveilleuse des vies, mais je peux enfin partir tranquille,
en sachant qu'un homme fort et bon comme vous protégera ce beau
pays. C'est la fin que je voulais. » La famille royale descendit de sa
tribune et vint se poster derrière le vainqueur du tournoi.
« Attendez, fit le chevalier porteur d'Aenwell, les larmes commençant
à couler sur son visage, je peux vous soigner...
-Non, dit le Chevalier Noir d'une voix rauque en pressant le poignet de
notre héros. Vous ne pouvez rien faire. Je désire juste que vous me
promettiez de veiller sur ce pays.
-Je... Je vous le promets...
-C'est bien. Je pars heureux. Adieu, preux chevalier. »
C'est alors qu'un étrange phénomène se produisit. Tout le corps du
possesseur de Magohamoth fut enrobé d'une énergie noire puis celui-ci
ainsi que ses armes se transformèrent en poussière fine vite emportée
par le vent. Le roi Claude posa sa main sur l'épaule du chevalier blanc
à genoux et sanglotant et dit : « Au moins, tout chez lui n'était pas
complètement noir... »
Clément Glénisson
5e B
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