Le droit au logement et le droit de l`Union Européenne

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Le droit au logement et le droit de l`Union Européenne
LE DROIT ISSU DU CONSEIL DE L’EUROPE
ET LA MISE EN ŒUVRE DU DALO
Alice Fuchs, SERDEAUT
Parmi les nombreux traités signés dans le cadre du Conseil de l’Europe, deux conventions
ratifiées par la France intéressent particulièrement le DALO : la Charte sociale européenne
révisée (CSER-1996) et la Convention européenne des droits de l’homme et ses protocoles.
Cette note présente un état des lieux (non exhaustif) du droit européen textuel et
jurisprudentiel susceptible d’intéresser la mise en œuvre du DALO, état des lieux qui ne se
limite pas au seul droit au logement. En effet, le droit à la non discrimination et le droit à des
garanties procédurales pourraient être, par exemple, utilement mobilisés en faveur du DALO.
Nous verrons que si les stipulations de la CEDH peuvent être directement invoquées devant
les juges français, cette convention ne consacre pas explicitement le droit au logement. Pour
le moment la Cour européenne des droits de l’ omme re use d’interpréter le droit la vie
privée et au respect du logement comme ondant un droit
un logement Une évolution
jurisprudentielle paraît néanmoins envisageable sur ce point et il apparaît donc judicieux de
chercher à soumettre à la cour des contentieux lui permettant de modifier sa position. Par
ailleurs, et quand bien même un tel droit ne serait pas reconnu, un enjeu subsidiaire et crucial
réside dans la reconnaissance par le juge européen que le DALO entre dans le champ
d’application de la convention
La Charte sociale européenne révisée consacre, pour sa part, explicitement le droit au
logement mais ce droit ne béné icie pas, en l’état actuel de la jurisprudence française, d’un
effet direct. Pour autant là encore des évolutions semblent se dessiner. En outre, la CSER a
une portée politique non négligeable C’est pourquoi il serait intéressant que les associations
oeuvrant pour le logement puissent se voir reconnaître le droit de saisir le Comité européen
des droits sociaux.
I/ Etat des lieux des textes européens susceptibles d’intéresser le DALO
Les stipulations pouvant intéresser le DALO consacrent soit des droits substantiels soit des
droits procéduraux.
1) Les aspects substantiels du droit européen
1
Si le droit au logement est – dans une certaine mesure – consacré, d’autres droits sont
également susceptibles d’intéresser le DALO.
1-1)
Les droits garantis dans la Charte sociale européenne révisée (CSER)
La seconde partie de la CSER comporte 31 articles où sont définis les droits garantis. Parmi
eux certains concernent directement le logement d’autres indirectement.
Droits ayant un lien direct avec le logement
L’article 31 qui consacre de façon générale le droit au logement est ainsi rédigé : « En vue
d’assurer l’exercice e ecti du droit au logement, les parties s’engagent prendre des mesures
destinées : 1
avoriser l’accès au logement d’un niveau su isant ; 2. à prévenir et à réduire
l’état de sans-abri en vue de son élimination progressive ; 3. à rendre le coût du logement
accessible aux personnes qui ne disposent pas de ressources suffisantes. ».
Par ailleurs, plusieurs articles précisent les obligations des Etats en matière de logement en
faveur de différentes catégories de personnes : famille, travailleurs migrants, pauvres,
handicapés, personnes âgées.
L’article 16 consacre le droit de la amille une protection sociale, juridique et économique
via notamment l’encouragement la construction de logements adaptés aux besoins des
familles.
L’article 19 pose un principe de non discrimination des travailleurs migrants (se trouvant
légalement sur le territoire) et de leurs familles en matière de logement.
L’article 30 sur le droit
la protection contre la pauvreté et l’exclusion sociale inclut
l’obligation pour les parties « de prendre des mesures … pour promouvoir l’accès e ecti » à
toute une série de services, y compris le logement.
L’article 15 sur le droit des personnes handicapées inclut l’obligation pour les Etats parties de
« favoriser leur pleine intégration et participation à la vie sociale, notamment par des mesures,
(…), visant à surmonter des obstacles (…) au logement ».
L’article 23 sur le droit des personnes gées une protection mentionne la mise disposition
de logements appropriés leurs besoins et leur état de santé (…) et des aides adéquates en
vue de l’aménagement du logement
Droits ayant un lien indirect avec le droit au logement
Les enfants et les adolescents bénéficient de droits spécifiques. Ainsi l’article 7-10, les Etats
s’engagent à assurer une protection spéciale contre les dangers physiques et moraux auxquels
les enfants et les adolescents sont exposés, et notamment contre ceux qui résultent d’une
façon directe ou indirecte de leur travail (le notamment autorise une interprétation extensive
de cet alinéa : absence de logement danger physique et moral ?).
La consécration par l’article 11 du droit à la protection de la santé est également susceptible
d’intéresser le contentieux DALO, par exemple dans l’hypothèse où le demandeur serait
affecté d’une maladie grave.
2
Enfin, dans l’article 19, les Etats s’engagent faciliter autant que possible le regroupement de
la famille du travailleur migrant autorisé à s’établir lui-même sur le territoire et, également, à
assurer à ces travailleurs se trouvant légalement sur leur territoire un traitement non moins
favorable qu’à leurs nationaux pour les actions en justice concernant les questions
mentionnées dans le présent article.
Concernant la non-discrimination, il convient de relever que ce droit est consacré de manière
générale aux termes de la Partie V de l’article E de la Charte qui stipule que : « La jouissance
des droits reconnus dans la présente Charte doit être assurée sans distinction aucune fondée
notamment sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion, les opinions politiques ou
toutes autres opinions, l’ascendance nationale ou l’origine sociale, la santé, l’appartenance à
une minorité nationale, la naissance ou toute autre situation ».
1-2)
Les droits garantis dans la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) et
ses protocoles
La CEDH ne consacre pas explicitement un droit au logement. Pour autant elle consacre
d’autres droits qui sont susceptibles d’être reliés au DALO.
Le droit à la non-discrimination (art 14 CEDH). Ce droit n’a pas d’existence indépendante
puisqu’il ne vaut, en principe, que pour les droits et libertés garantis par la Convention. Or le
droit au logement n’est pas explicitement consacré dans la convention et ses protocoles.
Toutefois, au regard de la jurisprudence constructive de la Cour, il semble que l’article 14
pourrait être utilisé dans le cadre du contentieux DALO soit de manière verticale (par rapport
aux autorités françaises) soit de manière horizontale (dans les relations inter-individuelles).
D’abord, l’encontre des autorités nationales rançaises, parce que la Cour de Strasbourg a
une interprétation très souple de la condition d’applicabilité de l’article 14 CEDH. En
principe, les faits ou mesures litigieux doivent se situer « dans le domaine de l’une des
dispositions substantielles de la convention (CEDH, Abdulaziz c/ RU, 28 mai 1985, §71).
Mais cette condition est entendue largement par le juge européen. Ainsi l’article 14 peut
s’appliquer un droit additionnel, c’est-à-dire un droit que l’Etat partie garantit dans son
droit interne de manière plus ample que ce que prévoit la convention voire avec un droit
reconnu uniquement en droit interne (tel le DALO) mais la jurisprudence semble sur ce point
moins établie.
Cas de figure envisagé : l ondition de durée de résiden e pré l le imposée aux étrangers
pour pouvoir soumettre un dossier l ommission h r ée de l pro édure
aurait pu
être contestée par le biais de l’ rti le 14 (mise en place par le décret du 8 septembre 2008).
Cette condition avait été critiquée par le Comité européen des droits sociaux (voir annexe).
Elle a finalement été annulée par le Conseil d’Et t dans une décision du 19 avril 2012.
Ensuite, l’article 14 CEDH pourrait également trouver
s’appliquer dans les relations
interindividuelles nouées entre le demandeur DALO et les sociétés HLM, lorsqu’un acte
purement privé a été source d’une di érence de traitement Dans ce cas la Cour pourrait
considérer que les autorités nationales ont prêté la main l’acte privé discriminatoire ou bien
qu’elles n’ont pas pris les mesures nécessaires
la prévention ou
la répression des
discriminations commises par des particuliers. En e et, pèse sur les Etats l’obligation
d’assurer une protection contre les traitements discriminatoires d’origine privée
3
L’interdiction générale de la discrimination consacrée par le protocole 12
Ce protocole va bien au-del de l’article 14 CEDH puisqu’il garantit le droit la nondiscrimination dans la jouissance de tout droit individuel reconnu en droit interne. Ce
protocole ait peser sur l’Etat partie l’obligation générale, dans l’adoption et la mise en œuvre
de toute législation, de veiller ce que la loi ne soit pas discriminatoire Mais la France ne l’a
pas signé ! Cela pourrait être une revendication de la FAP.
Le droit au respect de la vie privée et familiale (art 8)
Ce droit peut nous intéresser car la Cour considère qu’il engendre des obligations positives
inhérentes son respect e ecti Ainsi l’abstention de l’Etat peut constituer une violation du
droit protégé. Une vie familiale normale est-elle possible sans logement ? Là encore l’e et
horizontal de la convention emporte l’obligation pour l’Etat d’assurer la protection de la vie
amiliale contre l’ingérence des particuliers
2) Les aspects procéduraux du droit européen pouvant être utilisés pour protéger le
demandeur DALO
2-1) Le droit à un procès équitable (art 6§1 CEDH)
Le droit effectif à un tribunal peut être violé par un obstacle juridique (complexité des
modalités d’exercice d’un recours) ou par un obstacle de fait (délai d’examen d’un pourvoi
rendant celui-ci sans objet : en matière d’autorité parentale Schmidt c/ France, 26 juillet
2007).
Il existe également un droit l’exécution des décisions de justice qui concerne les décisions
devenues définitives. Jurispruden e d ns l’hypothèse où deux dé isions de justi e définitives
sont contradictoires ? Cf. jugement favorable à un demandeur DALO devenu définitif et
ju ement d’expulsion devenu définitif.
2-2) Le droit à un recours effectif (art 13 CEDH)
Tout comme le droit à la non-discrimination, le droit à un recours effectif ne peut en principe
être invoqué qu’en relation avec un autre droit reconnu par la convention La jurisprudence de
la Cour lui a donné une certaine portée autonome dans le sens où le droit à un recours effectif
peut avoir été violé sans qu’un autre droit protégé par la convention ait été violé. Toutefois il
aut que le requérant allègue d’une violation d’un de ses droits protégés par la convention
N’est pas e ecti au sens de l’article 13 CEDH, un recours de droit interne qui ayant abouti à
un résultat positif devant le juge national se heurte au re us de l’administration d’exécuter le
jugement (Iatridis c/ Grèce, 25 mars 1999). Jurisprudence particulièrement intéressante dans
l’hypothèse d’un dem ndeur
qui ne ser it p s relo é m l ré une dé ision de justice.
u ien d ns l’hypothèse où les streintes ne sont p s versées lorsque l’Et t été ond mné.
II/ Etat des lieux des droits issus de la « jurisprudence » européenne susceptibles
d’intéresser le DALO
1) Les décisions politiques rendues sur le fondement de la CSER
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1-1)
Les décisions rendues par le Comité européen des droits sociaux (CEDS)
Le Comité européen des droits sociaux statue sur la conformité du droit et des pratiques des
Etats parties avec la Charte sociale européenne révisée. Il a ainsi statué à plusieurs reprises en
droit sur la conformité de la situation française au regard de divers articles permettant de
garantir le droit au logement. Dans le cadre du système de rapports nationaux, il adopte des
conclusions (à portée politique) et dans le cadre de la procédure de réclamations collectives, il
adopte des décisions (à portée politique).
La procédure des rapports
Le droit spéci ique au logement a été examiné pour l’Italie, la France, la Slovénie et la Suède
dans les Conclusions 2003. A cette occasion le Comité européen des droits sociaux (CEDS) a
interprété l’article 31 et défini un certain nombre de notions fondamentales telles que
« logement suffisant », « sans-abri », « expulsion forcée » et « accessibilité du logement ». Il a
également indiqué les mesures prendre par les Etats en vue d’assurer l’exercice e ectif du
droit au logement. Celles-ci incluent, entre autres, le contrôle de l’adéquation, la politique de
construction de logements, les recours judiciaires et l’hébergement d’urgence des personnes
sans-abri. Ces conclusions du CEDS relatives au contrôle des obligations contractées par les
Etats au titre de l’article 31 ont révélé l’application d’une nouvelle série de repères la
législation et à la politique nationales du logement.
Le 11e rapport, soumis le 1 011, porte sur les dispositions acceptées par la France du
groupe thématique 1 Emploi, ormation et égalité des chances et ont été publiées en
décembre 2012. Plusieurs de ses conclusions intéressent notre sujet et l’une d’elle évoque de
façon spécifique la procédure DALO (voir annexe).
La procédure des réclamations collectives
Si la France a accepté le Protocole additionnel prévo ant un s stème de réclamations
collectives, elle n’a pas encore ait de déclaration habilitant les ON nationales introduire
des réclamations collectives. Cela pourrait être une revendication de la FAP auprès du
gouvernement. Pour le moment peuvent introduire de telles réclamations uniquement les
organisations internationales de travailleurs, les organisations d’emplo eurs et les s ndicats
de l’Etat concerné, les organisations internationales non gouvernementales (OING) dotées du
statut participati auprès du Conseil de l’Europe et inscrites sur la liste établie cette in par le
Comité gouvernemental de la Charte pour un période de 4 ans, renouvelable.
En ce qui concerne le cas particulier des en ants, le Comité européen des droits sociaux a
estimé que, dans la mesure o aucune solution de relogement ne peut être exigée des tats
pour les personnes en situation irrégulière, l’expulsion d’un abri doit être interdite car elle
place les intéressés, en particulier les en ants, dans une situation d’extrême détresse, contraire
au respect de la dignité humaine (CEDS, Dé ense des En ants International (DEI) c Pa sas, 0 oct 00 , éclamation n° 47/2008, § 63).
1-2)
Les décisions rendues par le Comité des ministres
La procédure des rapports
Le Comité des Ministres intervient dans la phase finale des mécanismes de contrôle sur la
base de rapports nationaux. Dans le cadre de ce mécanisme de contrôle, le Comité des
Ministres, après avoir été saisi du rapport du Comité gouvernemental auquel sont annexées les
5
conclusions du Comité européen des Droits sociaux, adopte une résolution qui clôture ainsi
chaque cycle de contrôle, et adresse «toute recommandation nécessaire à chacune des Parties
contractantes ».
Un Comité gouvernemental, composé de représentants des Etats signataires de la Charte sociale européenne et
assisté d’observateurs qui représentent les partenaires sociaux européens, examine les décisions de nonconformité du CEDS dans les mois suivant leur publication.
L’Etat concerné doit être en mesure d’exposer
les mesures qu’il a prises ou qu’il envisage de prendre pour remédier la situation et, dans ce dernier cas, doit
indiquer le calendrier de mise en conformité.
Dans les cas o le Comité gouvernemental estime qu’il n’est pas
envisagé de remédier à une violation et de donner suite à une décision de non-conformité, il peut proposer au
Comité des Ministres d’adresser une recommandation l’Etat concerné La recommandation demande l’Etat de
prendre les mesures appropriées pour remédier à la situation.
La procédure des réclamations collectives
En outre, il intervient dans la dernière phase de la procédure de réclamations collectives.
L’article du Protocole prévoit en e et que le Comité des Ministres « adopte une résolution »
sur la base du rapport du Comité européen des Droits sociaux, et dans le cas où ce dernier a
conclu une application non satisfaisante de la Charte, il « adopte une recommandation à
l’adresse de l'Etat Partie mise en cause ».
2) Les droits garantis par la jurisprudence de l Cour européenne des droits l’homme
2-1) Le droit au respect du domicile
Sur la base de l’article 8 a été consacré le droit au respect du domicile Lorsqu’est en cause le
risque de perdre son domicile (expulsion d’un DALO) qui représente selon la Cour une orme
des plus extrêmes d’atteinte au droit au respect de son domicile, le droit interne doit garantir
une protection procédurale suffisante des droits de la personne courant ce risque, telle qu’elle
puisse faire déterminer par un tribunal la proportionnalité de la mesure en question (Connors
c/ RU, 27 mai 2004).
En attente d’un nouveau logement, le demandeur DALO peut éventuellement béné icier du
droit au respect du domicile. En effet, l’ tat ne peut pas pratiquer des expulsions orcées
illégales Ainsi, la Cour européenne a sanctionné di érentes reprises la mise la rue de
locataires par les pouvoirs publics.
CEDH, Prokopovich c. Russie, 18 novembre 2004, 58255/00 : concubine d’un locataire décédé évincée de leur
logement L’éviction du logement par les autorités publiques constitue une inter érence dans son droit au respect
de la vie privée. CEDH pointe du doigt la procédure utilisée par les autorités et notamment la rapidité de
l’attribution du logement de nouveaux locataires (moins de 7 jours après le décès) Novoseletski c Ukraine,
évrier 005, 47148
: violation de l’article 8 et A1P1 du ait de la résiliation extrajudiciaire d’un bail
locati , l’organisme public propriétaire a ant pro ité de l’absence temporaire du locataire pour installer sa place
un nouvel occupant. Le déménagement forcé et la disparition des affaires personnelles du requérant sont à
l’origine de la condamnation, la Cour stigmatisant au passage l’attitude des juridictions nationales
L’obligation de respecter le droit au respect du domicile ne se limite pas à la prohibition des
expulsions orcées, et inclut également l’interdiction de toute discrimination dans l’accès au
logement.
CEDH, 24 juillet 003, arner c Autriche, rec 003-I , no 4001
législation autrichienne sur le droit au bail (orientation sexuelle).
8 : caractère discriminatoire de la
2-2) Vers la consécration du droit « à » un logement ?
6
Le juge européen pourrait inclure le droit au logement dans le droit au respect du domicile.
Toutefois, pour le moment, il considère qu’il s’agit l d’une question qui relève du domaine
politique et non judiciaire » (Chapman c/ RU, 18 janvier 2001, GACEDH, n°46, §99) 1.
Cela ne l’a pas empêché, dans certaines affaires, de sanctionner le dé aut d’attribution d’un
logement des requérants en raison des répercussions de ce re us sur les droits des mal-logés
Ainsi, le placement d’en ants d’une amille mal-logée du ait de l’indigence des autorités de
protection sociale et du dé aut d’attribution d’un logement social2 ou encore l’obligation
d’assister des personnes handicapées dans leur recherche d’un logement adapté 3 ont-ils été
relevés par la Cour La Cour a récemment montré qu’elle souhaitait assurer la protection des
locataires en particulier les plus vulnérables (CEDH 29 mai 2012, Bjedov c/ Croatie). Plus
largement, elle ne néglige pas les enjeux du mal-logement (CEDH, 12 octobre 2010, Société
Cofinfo c/ France). Ainsi la reconnaissance par la Cour du droit au logement sur le terrain de
la convention demeure encore un vaste chantier (voir le rapport sur la justiciabilité des droits
sociaux mené dans le cadre du CREDOF sous la direction de Diane Roman).
Il est à noter que sur la base de l’article 8 a été consacré le droit de vivre dans un
environnement sain (Lopez Ostra, décembre 1 4) On pourrait donc imaginer l’éventuelle
consécration d’un droit vivre dans un logement décent par exemple
2-3) Le droit à la dignité humaine
D’après la Cour, le droit la dignité humaine est avec la liberté de l’homme l’essence même
de la Convention » (S.W. c/ Royaume-Uni, 22 novembre 1995, §). Or le droit au logement
pourrait être considéré comme inhérent à la dignité humaine.
III/ L’invocabilité du droit européen
Les droits issus de la Charte sociale européenne révisée (CSER) et de la Convention
européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés ondamentales (CED ) sont
1
ComEDH, 29 sept. 1956, X c. R.F.A., Ann. Conv., vol. 1, p. 202 ; 15 juil. 1980, E.A. Arrondelle c. RoyaumeUni, D.R. 19, p 18 ; Pour une anal se d’ensemble : Institut des droits de l’ omme du arreau de ruxelles, Le
droit au logement : vers la reconnaissance d’un droit ondamental de l’être humain, ru lant 008
2
CEDH, Wallova et Walla c. République Tchèque, 26 octobre 2006, req. 23848/04, § 73. Dans la présente
a aire, les capacités éducatives et a ectives des requérants n’ont jamais été mises en cause et les tribunaux ont
reconnu leurs efforts déployés afin de surmonter leurs difficultés. Dès lors, la prise en charge des enfants des
requérants a été ordonnée pour la seule raison que la amille occupait l’époque un logement inadéquat De
l’avis de la Cour, il s’agissait donc d’une carence matérielle que les autorités nationales auraient pu compenser
l’aide des mo ens autres que la séparation totale de la famille, laquelle semble être la mesure la plus radicale ne
pouvant s’appliquer qu’aux cas les plus graves 74 La Cour estime que, pour respecter en l’espèce l’exigence de
proportionnalité, les autorités tchèques auraient dû envisager d’autres mesures moins radicales que la prise en
charge des enfants. En effet, la Cour considère que le rôle des autorités de la protection sociale est précisément
d’aider les personnes en di icultés qui n’ont pas les connaissances nécessaires du système, de les guider dans
leurs démarches et de les conseiller, entre autres, quant aux di érents t pes d’allocations sociales, aux
possibilités d’obtenir un logement social ou quant aux autres mo ens de surmonter leurs di icultés
3
Jurisprudence minimaliste, car la Cour rappelle que si l’ tat n’a pas l’obligation positive de ournir un
appartement spéci ique au requérant, le re us d’assister un individu sou rant d’une maladie grave dans sa
recherche de logement peut poser un problème sous l’angle de l’article 8 (CED , 4 mai 1
, Marzari c Italie,
req 3 448 7) Dans une a aire proche, la Cour exonère l’ tat de sa responsabilité, la situation de la requérante
handicapée n’était pas due l’inertie des autorités, mais au propre comportement de celle-ci (CEDH, 13 janv.
2000, Maggiolini c. Italie, req. 35800/97).
7
susceptibles d’être invoqués à deux niveaux – européen ou français – dans le cadre de
procédures juridictionnelles ou politiques.
1) Au niveau européen
1-1) Le droit issu de la Charte sociale européenne révisée
’intervention du Comité des droits so i ux européens
Les Etats soumettent au Comité un rapport sur les dispositions de la Charte relatives à un
groupe thématique chaque année ; ainsi chaque disposition est l’objet d’un rapport une ois
tous les quatre ans. Par ailleurs, les ONG habilitées (cf. supra) peuvent former des plaintes
devant le Comité européen des droits sociaux, celui-ci prend une première « décision sur la
recevabilité de ces plaintes Ensuite, en cas d’avis avorable, le Comité européen des droits
sociaux adopte une seconde « décision sur le bien-fondé » de ces plaintes.
’intervention du Comité des ministres du Conseil de l’Europe
Le Comité européen des droits sociaux transmet ses décisions au Comité des ministres du
Conseil de l’Europe qui peut adopter des résolutions (juridiquement rien n’oblige le Comité
se prononcer) pour inciter les États à se mettre en conformité avec la Charte (résolutions à
valeur politique renforcée).
Il n’ a donc pas de juge chargé d’appliquer la Charte sociale européenne à la différence de ce
qui se passe pour la CEDH. Les décisions rendues en la matière ont une valeur politique mais
pas juridique.
1-2) Le droit issu de la CEDH
Pour accéder la Cour européenne des droits de l’homme plusieurs conditions doivent être
satisfaites. Il faut notamment que les voies de recours interne aient été épuisées. Ainsi pour
pouvoir espérer béné icier d’un arrêt de la CEDH dans la mise en œuvre du DALO, il faut
qu’ait été exercé au préalable un recours en cassation devant le Conseil d’Etat ou la Cour de
cassation.
2) Au niveau national
En vertu de l’article 55 de la Constitution, les conventions internationales ont une valeur
supérieure aux lois françaises, sous réserve de réciprocité. Toutefois encore faut-il que leurs
stipulations aient un effet direct pour pouvoir être invoquées devant le juge. Il importe alors
de connaître la jurisprudence de la Cour de cassation et du Conseil d’Etat relative l’e et
direct des droits évoqués dans le I/.
2-1) L’invo
ilité de l
h rte so i le européenne dev nt le ju e fr nç is
Une reconnaissance par la Cour de cassation qui ne vise pas encore explicitement l’ rti le 31
L’e fet direct de la Charte sociale a été, dans un premier temps, rejeté par la Chambre sociale
de la Cour de cassation (Cass., Soc., 17 décembre 1996, Glaziou, n° 92-44203). Mais, depuis
2010, plusieurs arrêts ont reconnu l’e et direct des articles 5 (droit s ndical) et (droit la
8
négociation collective) de la Charte4. La Chambre sociale a également accepté d’appliquer des
dispositions générales de la Charte sociale révisée, combinées avec l’article 5, notamment
l’article E qui consacre le principe de non-discrimination dans l’exercice des droits de la
Charte (Cass., Soc., 29 février 2012, n° 11-60203 ; Cass., Soc., 10 mai 2012, n° 11-60235).
La question qui nous intéresse alors est de savoir si l’ensemble des dispositions de la Charte
béné icie de cette reconnaissance ou bien s’il s’agit d’un e et admis uniquement pour certains
droits et, dans ce cas, l’article 31 consacrant le droit au logement pourrait-il en bénéficier ?.
Les arrêts ne se prononcent que s’agissant des articles invoqués mais l’absence ormelle de
tout examen des termes de la Charte pourrait tout aussi bien traduire une admission globale de
l’applicabilité de la Charte
Un refus en lo du Conseil d’Et t
Contrairement la Cour de cassation, l’attitude du Conseil d’Etat vis- vis de l’e et direct de
la Charte sociale européenne n’a pour le moment jamais donné lieu à évolution. En effet, il
oppose un refus absolu et invariable à toute invocabilité de ce traité depuis sa jurisprudence
Melle Valton et Melle Crépeaux (CE, 20 avril 1984, n° 37772 et 37774). Et il a rendu deux
décisions dans le même sens postérieurement l’arrêt de la Cour de cassation évoqué supra
(CE, 4 juillet 2012, Confédération française pour la promotion sociale des aveugles et des
amblyopes (CFPSAA), n° 341533 et CE, 7 novembre 2012, n° 350313).
2-2) ’invo
ilité de l CE H
Les stipulations contenues dans la Convention européenne des droits de l’homme (tout
comme celles contenues dans les protocoles ratifiés ultérieurement) produisent des effets
directs en France. En effet, l’article 1er de la CEDH est explicite « les hautes parties
contractantes reconnaissent à toute personne relevant de leur juridiction les droits et libertés »
définis dans la Convention. Cet effet direct est admis tant par le juge judiciaire que par le juge
administratif. Mais le demandeur DALO ne pourra invoquer devant un juge français la
violation de la CED qu’au béné ice d’un droit substantiel entrant dans le champ de la
CEDH.
IV/ Cas DALO dans lesquels le droit européen pourrait être mobilisé
1) Le non respect des décisions de justice (art 13 CEDH)
1-1)
Un dem ndeur de lo ement s’est vu re onn ître en tant que DALO mais n’ p s été
relogé
Si la responsabilité de l’Etat est reconnue par une décision de justice devenue définitive et que
la personne n’est toujours pas relogée ou bien si elle l’est dans un délai anormalement long
alors la Cour européenne serait susceptible de condamner la France pour non respect des
décisions de justice.
1-2)
L’Et t
été ond mné pour ne p s voir relo é le demandeur DALO mais les
astreintes ne sont pas versées ou pas affectées au logement
4
Cass., Soc., 14 avril 2010, n° 09-60426 et 09-60429 ; 10 novembre 2010, n° 09-72856 ; 1er décembre 2010, n°
10-60117 ; 8 décembre 2010, n° 10-60223 ; 16 février 2011, n° 10-60189 et 10-60191 ; 23 mars 2011, n° 1060185 ; 28 septembre 2011, n° 10-19113 ; 14 décembre 2011, n° 10-18699.
9
Il semble qu’en Ile-de-France les liquidations sont prononcées mais pas de mouvement de
fond ou bien les fonds ne sont pas effectivement utilisés à titre principal pour construire des
logements cf aménagement des jardins des HLM (art 13 CEDH).
1-3)
Coexistence de deux décisions de justice contradictoires (droit à la dignité humaine
contre droit de propriété)
Une décision condamne l’Etat
reloger (exécution DALO) et une décision ordonne
l’expulsion du demandeur DALO de son logement actuel. Comment éviter l’expulsion des
DALO ?
Pour le moment, la Cour administrative d’appel dit qu’en vertu du droit de propriété le
jugement d’expulsion prime Mais certains décisions montrent des avancés : cf possibilité
d’atteinte grave et mani estement illégale une liberté ondamentale si l’Etat ne met pas en
œuvre le droit l’hébergement d’urgence reconnu toute personne sans abri qui se trouve en
situation de détresse médicale, ps chique et sociale, lorsque cela entra ne des conséquences
graves pour la personne intéressée (ordonnance du Conseil d’Etat du 10 évrier 01 , a aire
n° 356456) qui ont été saluées par le Comité européen des droits sociaux. On peut penser que
la CEDH pourrait admettre que la diginité humaine puisse l’emporter sur le droit de propriété
mais cela resterait sans doute du cas par cas.
V/ Le développement du rôle des associations oeuvrant pour le logement au niveau
européen
La FEANTSA (Fédération européenne des associations nationales travaillant avec les sans
abris) a proposé la création d’une agence indépendante – Housing Rights Watch – en vue de
suivre l’évolution, la mise en œuvre et les violations du droit au logement, laquelle disposerait
de correspondants dans tous les pa s européens et qui onderait ses travaux sur l’Agence des
Droits ondamentaux de l’Union et les institutions du Conseil de l’Europe en collaboration
avec des médiateurs, des institutions de droits de l’homme, des ON et des réseaux d’avocats.
L’Agence publierait un rapport annuel sur l’état du droit au logement en Europe, l’objecti
étant d’élaborer des mesures paneuropéennes en vue de garantir que les acteurs
gouvernementaux et non gouvernementaux respectent les obligations internationales en
matière de droit au logement dans l’assouplissement et la réglementation de leurs s stèmes de
logement, liés ou non au marché, compris l’aménagement et l’occupation des sols, la
politique en matière de concurrence, la délivrance d’autorisations aux organismes de crédit,
les normes et les mesures fiscales et politiques.
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Plusieurs objectifs peuvent être fixés en ce qui concerne l’utilisation du droit issu du
Conseil de l’Europe dans la mise en œuvre du DALO :
- faire reconnaître par la Cour européenne des droits de l’homme un droit au
logement
- faire reconnaître par la Cour que le dispositif DALO doit pouvoir bénéficier des
droits protégés par la convention (droit additionnel)
- protéger, dans un cas d’espèce, un demandeur DALO qui aurait été l’objet
d’une violation disproportionnée d’un de ses droits
- faire évoluer la réglementation française relative au DALO et les pratiques via
les mécanismes de la charte sociale européenne révisée
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ANNEXE
Conclusions rendues par le CDES et publiées en décembre 2012
article 30 – Droit la protection contre la pauvreté et l’exclusion sociale
Manque d’approche coordonnée pour promouvoir le droit au logement des personnes se
trouvant ou risquant de se trouver en situation d’exclusion sociale ou de pauvreté
(Mouvement international ATD-Quart Monde c. France (n° 33/2006))
article 1 4 – Droit des travailleurs migrants et de leurs amilles
la protection et
l’assistance – Egalité en matière d’emploi, de droit s ndical et de logement
1 Il n'est pas établi qu'en ce qui concerne l'accès l'emploi, les conditions du travail et le
logement les travailleurs migrants béné icient d'un traitement non moins avorable que les
nationaux
Les conditions de logement des travailleurs migrants oms en situation régulière ne sont
pas d’un niveau suffisant (voir conclusions 2011)
article 31§1 – Droit au logement – Logement d’un niveau su isant
1 La condition de durée de résidence préalable pour pouvoir soumettre un dossier la
commission chargée de la procédure DALO est excessive
L'habitat indigne est important et il existe un manque d’in rastructures adéquates pour un
grand nombre de ménages
3 La création d’aires d’accueil pour les ens du vo age est insu isante et les conditions de
vie de ces aires d’accueil sont mauvaises et ne onctionnent pas de açon adéquate
4 L’accès au logement des ens du vo age sédentarisés est insu isant
5 Les progrès concernant l’éradication des conditions de logement particulièrement précaires
de nombreux Roms sont insuffisants
(Conclusions 011 et Fédération européenne des Associations nationales travaillant avec les
Sans-abri (FEAN SA) c France (n 3 00 ) pour tous les moti s ci-dessus l’exception du
premier et Centre européen des Droits des oms (CED ) c France (n 51 008) pour les
troisième et cinquième moti s)
article 31 – éduire l’état de sans-abris
1 Les mesures en place pour réduire le nombre de sans-abris sont insuffisantes
L’application de la législation en matière de prévention des expulsions n’est pas
satis aisante et il n’existe pas de dispositi permettant de proposer des solutions de relogement
aux amilles expulsées
3 Non respect de la dignité humaine des ens du vo age dans la mise en œuvre des
procédures d'expulsions
(Conclusions 011et Mouvement international A D- uart Monde c France (n 33 00 ),
Fédération européenne des Associations nationales travaillant avec les Sans-abri (FEAN SA)
c France (n 3 00 ) et Centre européen des Droits des oms (CED ) c France (n°
51/2008))
article 31 3 – Droit au logement – Coût du logement
1 L’o re de logements sociaux d’un coût accessible aux personnes les plus pauvres et aux
populations modestes est insuffisante
Le s stème d’attribution des logements sociaux ainsi que les voies de recours y relatives ne
fonctionnent pas correctement
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3 La mise en œuvre de la législation relative aux aires d’accueil pour les ens du vo age est
insuffisante (Conclusions 2011 et Mouvement international ATD-Quart Monde c. France (n°
33 00 ) et Fédération européenne des Associations nationales travaillant avec les Sans-abri
(FEANTSA) c. France (n° 39/2006)
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