examen BCP Français juin 2007 sujet et corrigé métropole

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examen BCP Français juin 2007 sujet et corrigé métropole
SESSION 2007
BACCALAURÉAT PROFESSIONNEL
ÉPREUVE DE FRANÇAIS
(L’usage de la calculatrice est interdit)
Coefficient : 3
Durée : 2 h 30
Amadou HAMPÂTÉ BÂ, « L’origine de la chauve-souris », extrait du recueil Il
n’y a pas de petite querelle, Nouveaux contes de la savane, 2002.
[texte intégral]
L’origine de la chauve-souris
ou
L’étrange fruit d’amours inattendues
1
5
10
15
20
25
30
35
40
Diély Boukary, de Bamako, est un excellent griot1, qui sait avec art pincer les cordes de sa cora2
et en tirer une mélodie dont la mélancolique harmonie évoque l’épopée des aïeux disparus. Il sait aussi,
qualité non moins précieuse pour un griot, égayer les veillées de contes et de récits plaisants. Certains y
trouvent prétexte à rire, d’autres des sujets de réflexion, d’autres encore des leçons morales ou
spirituelles.
Un soir, il débuta la séance par cette exclamation fraternelle : « Ô Maison mère, Ô enfants de
cette maison ! »… Puis il nous conta l’origine de la chauve-souris, au tout début du monde.
Il y a longtemps, bien longtemps, il n’existait sur notre terre que les herbes des champs, les
oiseaux et un petit carnassier : le renard. Ce dernier, aussi agile qu’un épervier et plus vorace que le feu
de l’enfer, faisait un véritable carnage parmi les oiseaux. Il les croquait soir et matin, petits ou gros,
jeunes ou vieux, avec tant d’appétit qu’un jour il n’en resta plus qu’un seul sur la terre. Lorsqu’il s’en
rendit compte, le renard se dit à lui-même : « Tant pis ! Cet ultime individu subira le sort de ses
semblables. La loi du ravitaillement de mon ventre est inexorable.»
Dès lors commença entre les deux animaux une partie acharnée et mouvementée. La chasse
allait se terminer tragiquement pour l’oiselet quand celui-ci, au moment même où la griffe de son
ennemi allait s’abattre sur lui, s’écria dans une inspiration subite :
« Eh ! Renard ! Je suis l’unique survivant de tous mes congénères. Dernière semence de tous les
oiseaux à venir, qu’ils soient du jour ou de la nuit, du lac ou de la forêt, de la grève ou de la dune, je suis
leur seul espoir. Je t’en prie, Frère Renard, au nom de la compassion, accorde-moi la vie sauve ! »
Pour une fois, le père de tous les renards oublia son propre intérêt. Il accepta d’avoir faim et de
souffrir afin de laisser vivre le dernier représentant de la race qu’il avait lui-même anéantie. Mieux
encore, pour se faire pardonner, il offrit à l’oiselet son amitié et lui demanda la sienne.
L’accord fut conclu. Le renard devint frugivore3. Il ne buvait plus de sang chaud, sa nature se
tempéra, il devint même galant et prévenant. Chaque jour, en effet, il ne manquait pas de rendre visite à
son amie renarde.
Ainsi allèrent les choses tandis que sous la surveillance du Créateur les années s’écoulaient, que
la Terre se déroulait comme un tapis et qu’apparaissaient montagnes et végétation.
Enfin le temps, cet outil magique, usa la querelle qui avait opposé le renard à l’oiselet. Avec les
saisons, ce dernier était d’ailleurs devenu une charmante oiselle de son espèce. Parée d’un plumage
multicolore, elle était si séduisante qu’elle en vint à conquérir le cœur du renard. Et pour lui, ce fut
l’amour.
Les deux anciens ennemis en vinrent au dénouement de tout amour heureux et ils accomplirent –
j’en demande pardon à vos oreilles – ce que les bergers peuls4 nomment en termes polis « kiri kipp ».
De cette union hybride5 naquit un être entièrement nouveau : la chauve-souris aux ailes
membraneuses, l’être volant aux dents pointues mais qui allaite son poussin. Et voilà pourquoi la
chauve-souris est mammifère parmi les oiseaux, et oiseau parmi les mammifères …
Ici finit le conte …
*
Mais pour qui réfléchit, il apparaîtra résumé tout entier par trois mots : espoir, compassion,
amour. A ces trois vertus on doit ici d’abord le salut d’une vie, ensuite la victoire remportée sur une
nature sauvage, enfin l’union de deux êtres différents pour en créer un troisième.
Amadou HAMPÂTÉ BÂ, « L’origine de la chauve-souris », extrait du recueil
Il n’y a pas de petite querelle, Nouveaux contes de la savane, 2002.
1 griot : en Afrique noire conteur, poète et musicien.
2 cora : instrument de musique traditionnel à cordes.
I – COMPÉTENCES DE LECTURE (10 points)
1 – Montrez en quoi ce conte est aussi une fable.
(3 points)
2 – Identifiez les éléments du texte en italiques. Précisez le rôle de chacun d’eux.
(4 points)
3 – Dans les contes « certains trouvent prétexte à rire, d’autres des sujets de réflexion, d’autres
encore des leçons morales ou spirituelles » (lignes 4 et 5).
Choisissez une de ces trois appréciations et justifiez-la en vous appuyant sur le texte. (3 points)
II – COMPÉTENCES D’ÉCRITURE (10 points)
Lire des livres, voir des films… Vous répondez à une enquête sur les pratiques socio-culturelles.
Vous exposez le plaisir que vous procurent ces « histoires », l’intérêt que vous y prenez en vous
appuyant sur deux ou trois exemples de votre choix (une quarantaine de lignes).
NB : afin de respecter les règles de confidentialité, votre texte ne révèlera ni votre identité,
ni le lieu où il est écrit.
BACCALAURÉAT PROFESSIONNEL ÉPREUVE DE FRANÇAIS – METROPOLE JUIN 2007
ÉLÉMENTS DE CORRIGÉ
Texte: Amadou HAMPÂTÉ BÂ, L’origine de la chauve-souris
I - Compétences de lecture
(10 points)
1 Montrez en quoi ce conte est aussi une fable.
(3 points)
•
Présence de deux parties : une narration (un récit, une histoire…) et une morale
[apologue]
•
•
Les personnages sont des animaux qui agissent et parlent comme des humains
Mise en œuvre de comportements attendus : ruse du plus faible [renversement des
positions]
Visée argumentative/intention didactique
Un récit bref qui accorde une grande place à la narration
Double lecture suggérée (immédiate/concrète et interprétative/figurée)
Ton plaisant (rythme, étonnement suscité chez le lecteur/auditeur…)
…
•
•
•
•
•
2 - Identifiez les éléments du texte en italiques. Précisez le rôle de chacun d’eux.
(4 points)
Plusieurs italiques qui ont une fonction différente :
• Deux passages en italiques (lignes 1 à 7 et lignes 37 à 40) encadrent et commentent le récit
proprement dit [enchâssement] :
* ils ont un rôle d’ouverture du conte « Un soir, il débuta la séance par cette exclamation
fraternelle : « Ô maison mère, Ô enfants de cette maison ! »… Puis il nous conta… » et de
fermeture : « Ici finit le conte… ».
* ils précisent la situation d’énonciation : un premier narrateur (ici l’auteur Amadou
Hampâté Bâ) rapporte les propos d’un autre narrateur, le griot Diély Boukary.
* le premier passage (lignes 1 à 7) précise le contexte : une veillée, en Afrique noire
* le deuxième passage (lignes 37 à 40) formule explicitement la morale du conte en
reprenant trois mots-clé du texte et en dégage la leçon.
• Dans le corps du conte, trois mots sont mis en relief par les italiques : « Espoir…compassion…
amour » ; ils seront repris et commentés dans le dernier passage. Ces trois vertus soulignent le fait
que l’espérance du salut réside dans la fraternité entre les hommes.
[Même s’il n’appartient pas au texte proprement dit mais au paratexte, on peut prendre en
compte les italiques du sous-titre « ou L’étrange fruit d’amours inattendues » : le sous-titre
développe et commente le titre sans vraiment l’expliciter ; il crée un horizon d’attente pour
le lecteur/auditeur, il suggère une double lecture.]
3 - Dans les contes « certains trouvent prétexte à rire, d’autres des sujets de réflexion, d’autres encore
des leçons morales et spirituelles » (lignes 4 et 5).
Choisissez une de ces trois appréciations et justifiez-la en vous appuyant sur le texte.
(3 points)
« …prétexte à rire » :
• Les animaux qui se comportent comme des humains
• La voracité gloutonne du renard
• Le combat inégal entre le carnassier et l’oiselet
• Le retournement de situation/la ruse du plus faible
• La métamorphose du renard qui devient végétarien et galant [au prix d’une petite
•
•
•
•
invraisemblance de la narration avec l’apparition de « son amie renarde »]
L’accouplement hors nature et l’évocation suggestive de l’acte sexuel dans une autre langue
La naissance étonnante d’un animal inédit, la chauve-souris
Rythme et rapidité de la narration, ton « plaisant »
…
« …sujets de réflexion » :
• Une histoire d’animaux qui renvoie à des comportements humains (l’amour, l’affrontement, la
ruse…)
• L’interpellation indirecte du lecteur/auditeur : toi, comment aurais-tu réagi ? [dimension
pragmatique et parabolique du conte]
• Une explication du monde et de ses origines (une genèse) / aspect didactique du conte
• Les vertus de la parole et de l’argumentation
• Le triomphe de la vie sur la mort
• La nature dominée
• …
« …leçons morales et spirituelles » :
• Une histoire qui permet une morale partagée par tous
• Message spirituel explicite dans la dernière partie du conte
• Une leçon universelle : l’amour au-delà de l’affrontement
• La vie l’emporte sur la pulsion de mort
• Une leçon universelle qui transcende les cultures et les époques
• L’affirmation du plaisir et de l’amour
• …
[Les trois appréciations peuvent bien entendu se recouper]
II – Compétences d’écriture
(10 points)
Lire des livres, voir des films… Vous répondez à une enquête sur les pratiques
socioculturelles. Vous exposez le plaisir que vous procurent ces « histoires », l’intérêt que
vous y prenez en vous appuyant sur deux ou trois exemples de votre choix (une
quarantaine de lignes).
Quelques critères d'évaluation :
•
•
•
respect de la longueur (« une quarantaine de lignes »)
qualité de l'expression (syntaxe, orthographe, richesse du vocabulaire)
graphie et présentation
•
•
•
reprise explicite de la thèse imposée : « les histoires me procurent du plaisir »
respect des marques du discours : emploi de la première personne, temps des verbes…
visée argumentative claire: structure, organisation et cohérence de l’argumentation, présence
d’arguments, articulations…
présence de deux ou trois exemples
on valorisera les productions qui traduisent un souci d’efficacité, qui utilisent un ton convaincant.
•
•
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Corrigé Bac Pro L BRAGANCE & JP DURAND mai 2007 [email protected]

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