L`école des straussiens à la défense de l`administration Bush
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L`école des straussiens à la défense de l`administration Bush
L’école des straussiens à la défense de l’administration Bush Capsule philosophique De nombreux philosophes, anciens comme modernes, ont eu une influence palpable sur le monde politique. Platon a tenté de mettre sur pied sa Cité parfaite à Syracuse. La pensée de Rousseau est à l’origine de notre Déclaration universelle des droits de l’Homme. Marx, en invitant les prolétaires à la révolte, s’appuyait sur son système philosophique du matérialisme dialectique. Mais ce qui peut paraître étonnant, c’est que les décisions prises par l’administration Bush sont elles aussi fortement inspirées par une école de philosophie : celle des straussiens. Les premiers straussiens ont été formés à l’Université de Chicago par le philosophe Léo Strauss (18991973). Les cours de Strauss se démarquaient par sa volonté de questionner avec rigueur les textes classiques de philosophie politique. Les straussiens se disent les disciples de Strauss mais en réalité, leurs vues et leurs ambitions s’éloignent bien souvent de celles de leur maître. En fait, les straussiens se distinguent par leur engagement clairement néoconservateur et leurs affinités avec le Parti Républicain. Ils cultivent le patriotisme avec zèle et se méfient des institutions internationales. Ils croient en un leader autoritaire de la nation et en un état qui puisse s’allier avec les grandes sociétés privées. Ils défendent une armée forte et une politique étrangère impérialiste. Les straussiens sont en faveur de la guerre préventive, arguant qu’il faut causer des ennuis aux « états-voyous » avant qu’eux-mêmes ne nous en causent. Ainsi justifient-ils la guerre en Iraq. Enfin, ils sont défenseurs d’une conception traditionnelle de la séparation des tâches domestiques et encouragent les valeurs familiales. Les straussiens ne sont pas que des théoriciens dévoués à la recherche et poursuivant des carrières universitaires. Plusieurs d’entre eux occupent une place de choix sur la scène politique. Les postes qui ont été offerts aux straussiens parmi les membres de l’équipe Bush ont même augmenté depuis les événements du 11 septembre. Allan Bloom est le straussien qui a certainement eu le plus d’influence sur la scène politique, en raison de ses relations privilégiées avec les équipes de Reagan, de Bush père et de Bush fils. Il fut le professeur de Paul Wolfowitz, lui-même ancien secrétaire adjoint à la défense et, jusqu’à récemment, président de la Banque Mondiale. Autre exemple de l’importance des straussiens dans la politique actuelle aux États-Unis : le Council on Bioethics du président des É.-U. Sa mission est en fait de décider quelles valeurs et décisions éthiques doivent être défendues par l’État. Ce qui est inquiétant, c’est que ce conseil n’est pas formé de spécialistes aux horizons différents, mais il compte une large majorité de straussiens parmi ses membres. Une victoire éventuelle du démocrate Barack Obama lors des prochaines élections présidentielles occasionnera sûrement un recul des straussiens. Mais dans la situation où c’est John McCain qui l’emporterait, les disciples de Léo Strauss pourraient bien continuer à jouer leurs rôles d’architecte de la guerre préventive et d’apôtre du néoconservatisme. Catherine Guindon, département de philosophie Bibliographie : Norton, Anne. Léo Strauss et la politique de l’empire américain, Paris, Éd. Denoël, 2006. Caricature de G.W. Bush en marionnette d’un lecteur de Platon : www.hermes-press.com/philosophy_tyranny.htm