Urbanisme et montagne : l`exemple de Megève

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Urbanisme et montagne : l`exemple de Megève
Urbanisme et montagne : l'exemple de Megève
Bernard POUJADE
Professeur agrégé de drottpublic à l'Université Paris V René-Descartes,
Avoeat an Barreau de Paris
Ce sont quarante années de vie et de développement d'une station de
montagne qui est chère au cœur de la dédicataire de ces lignes et de leur auteur ',
vues au travers du prisme du contentieux de l'urbanisme ^ qui seront évoquées.
Car cette commune célèbre de Haute-Savoie qui a su préserver pour l'essentiel
son caractère et son charme, connaît bien évidemment les mêmes contraintes et
difficultés que ses homologues « à la mode » : pressions foncières intenses,
spéculation immobilière, gestion de l'espace difficile (avec en l'espèce un plan
d'occupation des sols « mosaïque * hérité du passé et dont la révision et la
transformation en plan local d'urbanisme n'ira pas de soi), déplacements
parfois problématiques à certaines périodes entre les diverses parties de la
station, utilisation des ressources naturelles à surveiller (l'eau par exemple pour
permettre l'utilisation de canons à neige en cas d'insuffisance de l'enneigement
naturel). La jurisprudence publiée amène néanmoins à un constat plutôt
réconfortant car le nombre des affaires est finalement relativement faible. On
pourrait en inférer, compte tenu de l'existence de quelques associations de
défense locales, que la ville a su éviter les faux pas majeurs dans sa politique
1. Par .iilleurs membre du Conseil d'.idministr.ition clc l'Asvocutioii des amis de Megève et
de I)en!(-(^ii,irrier, .issuei.irion reconnue d'ucilite publique dont le but est notamment la préservation de 'a qualité de l'environnement et de l'urbanisme dans cette commune de Haute-Savoie,
[.es propos de cette ehromque n'engagent que leur auteur.
2. ' Megève se >.itue MI sud-est du département de la Hauie-Savoie, .\ l'ouest du massif du
Mont-Blanc, hlle f.ut partie du eanton de Sallanches et de l'arrondissement de Bonneville.
nviditionnellemcnt tournée vers le ski, 'Vîegève, est tme station siniee a I iOO m d\iltittide (]ui
compte environ 4 3CC habitants mars liont la eapacite d'accueil tourrstique est de près de
4C CCO liti... Une ties c.u'.ieteristiqties t(>rtes de Megève est également le très fort devek>ppement
vie résidences secoiuiancN kle iu.\e... •>. (i.xtr.ïit de la preseiiîat'on vie la station par la CRC^
R!i<>ne-;\lpcs dans sa lettre d'ob.^ervations définitive du 4 août 20CCj.
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URBANISME ET MONTAGNE : LEXEMPLE DE MEGEVE
urbanistique. Certains contentieux sont tout de même passés à la postérité et
ont concerné des questions essentielles du droit de la planification urbaine,
mais la plupart ont trait à des questions classiques du droit de l'urbanisme.
Seront successivement abordées, la contribution de Megève au droit de la
planification urbaine (I), au droit des autorisations individuelles (II) et au droit
des procédures contentieuses en matière d'urbanisme (III).
I. - Megève et les questions de planification urbaine
A. Le droit des POS/PLU
1. Le contenu des POS/PLU
C'est sans doute sur ce point que la contribution de Megève au droit des
POS/PLU est la plus notoire. On sait que le contenu d'un POS/PLU n'est pas
totalement libre ^. II doit fixer « les règles générales et les servitudes d'utilisation des sols "* » c'est-à-dire au moins le zonage et les règles d'implantation des
constructions ; mais il peut aussi préciser l'affectation des sols selon les usages
principaux qui peuvent en être faits ou la nature des activités qui peuvent être
exercées, déterminer les règles concernant l'aspect extérieur des constructions,
leurs dimensions et l'aménagement de leurs abords afin de contribuer à la
qualité architecturale et à l'insertion harmonieuse des constructions dans leur
milieu environnant. En revanche, le règlement d'un POS/PLU ne peut restreindre le ciroit de propriété que dans la mesure prévue par la loi et ne peut ainsi
mterdire aux propriétaires de partager ou de céder des biens à des riverains -"•.
Un POS ne peut pas fixer la forme d'un terrain, ainsi peu importe que celui-ci
soit « régulier » ou « irrégulier » *. Dans son arrêt du 9 juillet 1997, Commune
de Megève ', la Haute assemblée a considéré que le règlement du POS révisé de
Megève qui comportait une norme imposant, pour tous les bâtiments édifiés
dans les zones susceptibles de recevoir des constructions, une surface minimale
de plancher de 35 m' par logement était sur ce point illégal. Aucune disposition
3. Voir B. POUJADE, J.-C. BONICHOT, Droit de l'urbanisme, Montchrestien, coll. Focus,
2006, p. 127.
4. Code de l'urbanisme, ,irt. E. 123-1.
5. CE, 28 juin 1996, Dnrnez, BJDU 3/1996, p. 182, concl. R. Schwartz ; Mon. TP 13 sept.
1996, p. 55 \DA 1996, a" 507.
6. CAA Paris, 18 janv. 2001, Commune du Vihmel, BJDU 2/2001, p. 120; RFDA 2001,
p. 945 946.
7. BJDU n" 5/97, p. 331, concl. Touvet ; Dcfrcnois 9/1998, r.rt. 36805, p. 607 ; DA 1997,
n"395; D. 1997, IR p. 220 ; Rec. p. 3C3 ; RDI 1997, p. 578 ; /CT G 1997, IV, 2240; RDP
1998 p. 31 1 •,AFDUH 1998, chron.J.-P Dcmouveaux et j.4'. Eebreton « Planilîc.ition urbaine et
règle.s,générales de l'urbanisme •>, n" 236.
lîHRNARD PC:i[7AI)E
législative ou réglementaire en vigueur n'a pu, selon le Conseil d'État, légalement fonder l'édiction par le règlement d'un POS d'une prescription qui régit
l'agencement intérieur des bâtiments d'habitation et non leur emprise au sol,
leur hauteur ou leur aspect extérieur.
Le commissaire du Gouvernement, Laurent Touvet, a analysé avec une
pointe d'ironie les motifs de cette disposition jugée îrréguliére : « Un plan
d'occupation des sols peut-il fixer une surface minimale des logements ?
La commune de Megcve, dont vous connaissez la réputation non usurpée de
station de montagne haut-de-gamme, où vous pouvez retrouver les mêmes
boutiques que rue du Faubourg Saint-Honoré ou avenue Victor-Hugo à Paris,
souhaite garder son caractère en évitant l'arrivée d'une clientèle à revenus plus
ordinaires. Le Conseil municipal a donc modifié le POS en imposant à tous les
bâtiments édifiés dans une zone constructible de la commune, une surface
minimale de plancher de 35 m- par logement ^. L'effet attendu était d'interdire
ces studios à peine plus grands qu'un compartiment de chemin de fer, où
s'entassent pour une semaine une demi-douzaine de vacanciers, skieurs l'hiver
ou randonneurs l'été... "^ ». L'urbanisme, pour reprendre sa formule, ne s'arrête
pas toujours à la porte des maisons (réglementation du nombre d'étages, de la
superficie de plancher construite) mais nen au Code de l'urbanisme ne permet
aux auteurs du POS de réglementer la surface intérieure des logements. Cette
décision ne doit bien entendu pas occulter le fait que, désormais, les préoccupations sociales dans la composition de la ville ou d'un quartier sont évidemment déterminantes même si elles ne jouent pas exactement dans le même sens
que celui de la décision '°.
2. Les dépassements de COS fixés par le POS
Le Conseil d'Etat rappelle dans l'arrêt Commune de Megeve c/ Association
pour la protection du site de Megève du 2 décembre 1991 " que si l'article
UC 15 permet un dépassement du coefficient d'occupation des sols qu'il
autorise notamment « par transfert de coefficient d'occupation des sols ou
versement de la participation prévue à l'article L. 332-1 du Code de l'urbanisme... », cette disposition n'a pas eu pour objet et n'aurait d'ailleurs pu
légalement avoir pour effet de déroger aux dispositions de l'article L. 123-1 du
Code de l'urbanisme qui prévoit, dans sa version applicable au litige, que
lorsqu'un plan d'occupation des sols fixe un ou des coefficients d'occupation
des sols, ce plan ne peut comporter des dispositions autorisant le dépassement
de ces coefficients que dans les cas prévus soit au 5° du même article, aux termes
duquel les plans « délimitent les zones ou parties de zone dans lesquelles la
S'. POS ,iit, 3.
9. In BJDU n" 3/97, p. 33 I, le commissaire du Gou\ ernoniont .nait sans doute d;iii.s l'esprit
1.1 tr.msform.itu)!! de l'cx-hôtel du Mont d'Arbois, Heuron di.sp.iru au Iu\e niei;cv,in.
10. Sur 1.1 mixité sociale, voir entre ,uitre,s Y. Jl-XiOLi/'o, •• r,'iiiipact de la loi SRIi sur la nature
du i-lroit de rurbaiusme •>, BjDU n" 4/2CC1, p. 226.
I I. Rcc. T, p. 1 I 10.
IKIUMSME ET MONTAGNl- : I. EXEMPLE DE MEGEVE
reconstruction sur place ou l'aménagement de bâtiments existants pourra,
pour des motifs d'urbanisme ou d'architecture, être imposé ou autorisé avec
une densité au plus égale à celle qui était initialement bâtie, nonobstant les
règles fixées au 40 ci-dessus », soit à l'avant-dernier alinéa, aux termes duquel
les règles concernant le droit d'implanter clés constructions, leur destination,
leur nature, leur aspect extérieur, leurs climensions et l'aménagement de leurs
abords « peuvent prévoir des normes de construction différentes de celles qui
résultent de l'application du coefficient d'occupation des sols, soit en raison de
prescriptions d'urbanisme ou d'architecture, soit en raison de l'existence de
projets tendant à renforcer la capacité des équipements collectifs ». Le Conseil
d'État avait déjà estimé illégale la disposition d'un POS prévoyant des dépassements de COS en dehors des cas prévus par l'art. L. 123-1 '-. Cet arrêt est
interprété par une doctrine dominante comme permettant la survie de la faculté
pour les POS de prévoir des adaptations mineures permettant d'autoriser des
dépassements de COS pour des raisons d'urbanisme particulières en dépit de
l'abrogation par la loi SRU du 13 décembre 2000 de la redevance liée aux
dépassements de COS. Comme l'a souligné B. Phémolant '^ la suppression de
la redevance « ne fait pas disparaître les raisons d'urbanisme qui nécessitent les
dépassements, bien au contraire '* ».
3. L'urbanisation en continuité
Parmi les règles concourant à la protection de la montagne, ligure celle de
l'urbanisation en continuité, favorisant le regroupement des constructions.
Sous réserve de l'adaptation, du changement de destination, de la réfection ou
de l'extension limitée des constructions existantes et de la réalisation d'installations ou d'équipements publics incompatibles avec le voisinage des zones
habitées, l'urbanisation doit se réaliser en continuité avec les bourgs, villages,
hameaux, groupes de constructions traditionnelles ou d'habitations existants ''. Cette règle est appliquée ati classement lors de la révision du POS de
Megève en zone à urbaniser UC de parcelles, situées au lieu-dit « l'Angne »,
12. CE, 7 oct. 1988, Cne de Saint^Romam-de-Popey, Rec. p 332 ; TA Paris, 20 dcc. 1990,
DoiouL'ix, Qnot.Jur. 19 sept. 1991, p. 9, note J. Mor.ind^Devlller ; TA Paris, 14 mai 1991, 5>'«i/.
des copropriétaires de l'immeuble 94-96, quai Louis- Blériot, Qiiot. fur. 19 sept. 1991, p. 9, note
J. Morand-Deviller (les dépassements importants des COS n'étaient pas justifies •• strictement et
néeessairement » et les prescriptions d'urbanisme et d'architecture exigées par l'art. L. 123-1
impliquent des « indications précisées et détaillées sur les situations de fait pouvant autoriser ut^
tel dépassement ••).
13. « Droit de raménaj^ement, de l'urbanisme, de l'habitat •>, colloque du Cridauh, 2C02,
p. 98-99.
14. Contra J. TRtMF.AU, •< Le contenu des nouveaux documents d'urbanisme •>, B]DU
5/2CCI,p. 312.
15. Sur le sujet, voir par exemple N. CAi UHRARO, « Loi littoral et loi mt>ntagne », ET'E,
l998-20CI,p. 39 (préface de J. Morand-Deviiler) ou encore i\L BRAUl), •• L'artiele L. 145-3-lHdu
Code de l'urbanisme : la jurisprudence du Tribunal administratif de Grenoble •>, BjDV. 2/2000,
p. 78.
BERNARD POL'[A1)E
7JS
quartier le Maz en direction de l'altiport alors que cette portion du territoire
communal se trouve éloignée du bourg de Megéve ; or, s'il existait à proximité,
à la date de la délibération attaquée, quelques constructions dispersées, celles-ci
ne formaient pas un bourg ou un village au sens des dispositions de
l'article 145-3 III du Code de l'urbanisme, la révision était donc illégale sur ce
point ' ''. Cette jurisprudence est aussi reprise à propos du classement du lieu dit
'< Lady » à tort en zone NB au POS où les constructions sont possibles alors
qu'il s'agit d'une zone naturelle comportant deux exploitations agricoles et
deux habitations à l'écart de tout bourg ou village existants '''.
4. La préservation des activités traditionnelles
Les terres nécessaires au maintien et au développement des activités agricoles, pastorales et forestières doivent être préservées en zone de montagne.
Différents critères sont pris en compte (rôle, place des terrains dans les systèmes d'exploitation locaux, situation par rapport au siège de l'exploitation,
relief, pente, exposition "^). Le juge administratif a, à plusieurs reprises, sanctionné les dispositions du POS de Megève pour le non respect des dispositions
protectrices qui ont figuré dans la directive d'aménagement national relative à
la protection et à l'aménagement de la montagne approuvée par le décret du
22 novembre 1977'^ ou ultérieurement à l'article L. 145-3-1 du Code de
l'urbanisme ^°.
5. Le détournement de pouvoir
La commune a donné lieu à une illustration exemplaire des difficultés des
élus locaux à résister à des pressions fortes venant de personnages célèbres. Le
Conseil d'État a rappelé classiquement qu'est entachée de détournement de
pouvoir la délibération portant application anticipée de la révision d'un POS
16. CE, 9 juill. 1997, M. Morand, req, n" 123241, Quot. ]ur. 5 févr. 1998 n'' 11, note
J. Morand-Deviller.
17. CAA Lyon, 27 xvc. 2004, [ndivision Perrin Veyrat, Commune de Megève, req.
n'^'03LY01119, 03LY01228.
18. Voir J. xMORAND^DtVILLHR, Droit de l'urbanisme, 6'' éd., Dalioz, Mcmento, 20C3, p. 28.
19. CE, 6déc. 1993, M. Morand, Rec, p. I080pour un classement de terres .igricoles de faible
déclivité en zone d'urbanisation Nac.
20. CAA Lyon 1" févr. 2005, Commune de Megève, req. n" 01LY00058, confirmation de
l'annulation d'un classement en zone UC au motif que « le secteur en cause est constitué de
prairies de fauche quasunent planes et aisément accessibles, que si leur valeur agronomique est
faible dans une échelle résultant de comparaisons sur l'ensemble du territoire national, et si en
incluant les alpages, les espaces dévolus à l'agriculture restent importants sur le territoire
communal, ces terrains représentent cependant pour des exploitations installées à proximité les
rares prairies planes disp<jnibles, qu'elles jouent ainsi un rôle spécifique dans un système
d'exploitation local essentiellement orienté vers l'élevage, qu'à l'inverse il n'est pas établi ni même
allégué que, compte tenu de la configuration de la commune, leur urbanisation serait essentielle
pour satisfaire les besoins en matière d'habitat ou de eonstruetions hôtelières ».
716
URBANISME ET MONTAGNE : L'EXEMPLE DE MEGEVE
dont le seul objet est de permettre la réalisation d'un projet privé dépourvu
d'intérêt général ^'.
Cette situation a été décrite toujours avec humour par le commissaire du
Gouvernement Laurent Touvet décidément en charge des dossiers sensibles de
cette station : « la commune de Megéve est une station de montagne huppée qui
abrite notamment une clientèle de prestige. Certains désirent s'y installer
durablement en y édifiant une résidence de grandes dimensions, malgré les
contraintes d'urbanisme peu adaptées, même à Megève, à des constructions
exceptionnelles. Ainsi, S.A.R. le prince sultan Ben Abdul Aziz Al Saoud désire,
de temps à autre, quitter les sables de l'Arabie Saoudite, dont il est le frère du
Roi et son ministre de la Défense, pour apprécier les paysages accidentés, riants
et charmants du Mont d'Arbois et du Mont Joly, face à la chaîne du MontBlanc. Sensible au choix du prince, la commune de Megève a voulu faciliter son
installation. Le 24 juillet 1987, le Conseil municipal a décidé l'application
anticipée de la révision du plan d'occupation des sols de la commune, en tant
que cette révision crée une zone U C b au quartier Le Maz, zone qui recouvre
exactement les parcelles acquises par le prince mais toujours exploitées par
M. Morand, agriculteur soucieux de maintenir la viabilité de son exploitation,
et à l'origine du présent litige, et une zone Q C b l , qui recouvre une seule
parcelle destinée à recevoir le vaste bâtiment d'habitation projeté par le prince
(3 000 m" de surface hors œuvre brute, dont 600 m ' d e garage). Le 11 mars 1988,
une seconde délibération a autorisé le transfert des possibilités de construction
comprises dans la zone U C b au profît de Tunique parcelle classée en zone
U C b l . Le 15 avril 1988, le maire de Megève accordait un permis de construire
au prince sultan Ben Abdul Aziz Al Saoud ».
B. L'utilisation du droit de préemption
Dans un arrêt récent, le Conseil d'État rappelle que le droit de préemption
ne peut s'exercer que pour un projet précis ou certain et conhrme la suspension
de !a décision de préemption du maire de Megève -'-.
II. - Megève et le droit des autorisations individuelles
Ce sont exclusivement des litiges relatifs au permis de construire qui sont
intervenus et les questions tranchées ont été fort diverses.
21. C;E, 9 juin. 1997, .If. Ben .-\bjjil Aziz .-\l S.IOHJ, Commune de .Me^e've, BJDU, 4./l'-M7,
p. 250, concl. L. Tourct.
22. C:E, 27 .îoût 2C0I, Ciimnmne de Megève e/ Lipaim, rcq. n" 235Sh4, ConitK-iirb. 2C01,
comiii. n" 260, obs. Ph. Bcnoït-("atnn.
BERNARD
- La nécessité d'un titre pour construire
Le Conseil d'État juge comme de nature à faire naître un doute sérieux le
moyen tire de ce qu'un pétitionnaire ne dispose pas de titre pour élargir la voie
d'accès à la construction projetée - \
- Le respect par le permis de la loi Afotrtagne
U n permis octroyé par le maire de Megève a été annulé car il violait l'article
L. 145-3-1 du Code de l'urbanisme, les parcelles constituant l'assiette de la
construction étant situées dans une zone dédiée aux activités agricoles et
pastorales et devant, à ce titre, être préservées de toute urbanisation ; et d'autre
part, ces parcelles n'étaient pas situées en continuité avec un bourg ou un village
existant -'•.
- Le respect par le permis des dispositions du POS
Un permis est annulé pour avoir été délivré sur le fondement d'un C O S
applicable en zone « hameaux à protéger » de 0,32 alors que la plus grande part
de la parcelle d'assiette se situe en zone naturelle où le C O S est de 0,12 -'. U n
refus de permis modificatif opposé par le maire de Megève est reconnu régulier,
le permis correspondant à un C O S très supérieur à celui fixé dans la zone -''.
- Le respect par le permis des règles du cahier des charges d'un lotissement
Uarrét du 7 octobre 1977, Association syndicale des propriétaires du lotissement du Ruisseau de Glaise -^ se réfère à un cahier des charges à valeur
réglementaire et dont le respect s'impose lors de la délivrance du permis.
En l'espèce, le maire de Megève avait délivré un permis qui dérogeait à la
hauteur maxima des constructions, mais aux termes du cahier des charges du
lotissement une dérogation était possible par autorisation spéciale des lotisseurs ; par acte notarié les lotisseurs ayant donné cette autorisation, le maire de
Megève avait pu légalement accorder, au vu de ladite autorisation, le permis de
construire litigieux -•''.
- Le calcul de la SHON
La C o u r administrative d'appel de Lyon rappelle qu'aux termes de l'article
R. 112-2 du Code de l'urbanisme : >< ... La surface de plancher hors oeuvre nette
d'une construction est égale à la surface hors oeuvre brute de cette construction
après déduction : c) des surfaces de plancher hors œuvre des bâtiments ou des
1?,. CI-:, [-•'• mars -2CC4, M. Socrjuct Jnglard, Rcc. T. p. 820.
24. CE, 9 juin. 1997, Mor.viJ, rci]. n" 123341.
25. CE, 2 oct. 19SI, Asîochiticni fiDiir lit proti'criint Ju are Je }tegèz'e, Rec. T, p. S64.
26. Cl-:, 2S fcvr. I9,s'6. SCI Rcsuloice llôtcl Rci/t, rcq. ii" 514.S5.
27. Rec, p. .VS'2.
2S. S u r les règles d u liitis.somcnt, J. Mi )K;\\1)-I)|-.\'II IJ.R, f..olissenient. Droit de l'.irne/htgeiit, l-d. liii M o n i t e u r , 20C4, fasc. IV, 40C.
"18
rRlîAMSMl-: ET MONTAONE : L'EXEMPLE DE MEGEVE
parties de bâtiments aménagées en vue du stationnement des véhicules...
La surface de plancher hors œuvre d'un dépôt de vélos et voitures d'enfants eu
égard, d'une part, à sa localisation au rez-de-chaussée d'un immeuble collectif,
en contiguïté avec la loge du concierge, avec accès direct au vestibule d'entrée
et à la cage d'escalier desservant les étages, d'autre part, à la circonstance qu'il
n'est pourvu que de fenêtres de dimensions réduites, doit être regardée comme
aménagée en vue du stationnement des véhicules au sens du c) de l'article
R. 112-2 du Code de l'urbanisme et par suite déduite de la surface hors œuvre
brute de la construction pour le calcul de la surface hors œuvre nette ».
Le maire avait donc, à juste titre, refusé de délivrer à la Sari Alpinvest un
permis de construire modificatif, la surface hors œuvre nette actuelle du
bâtiment existant excédant celle qui, compte tenu de la superficie du terrain
d'assiette de la construction, serait autorisée en application de l'article UC 14
du plan d'occupation des sols de la commune actuellement en vigueur ^''.
- Les adaptations mineures
On sait que lorsqu'il n'existe qu'une faible différence entre la situation du
projet et la règle posée par le plan d'occupation des sols ou le plan local
d'urbanisme, l'autorité administrative peut accepter une adaptation mineure,
que ce soit en ce qui concerne les règles de hauteur ou de longueur ou les règles
relatives à la densité ; le Conseil d'État considère que ne constitue pas une
adaptation mineure la construction d'un bâtiment d'un COS de 0,345 au lieu
de 0,15 ^° ou la construction d'un bâtiment relié par une galerie couverte par un
toit à un bâtiment existant et qui ne forme avec ce dernier qu'une seule
construction dont la longueur de plus de 45 m ne relève pas d'une adaptation
mineure à l'article U C l 1 du règlement du POS de Megève fixant la longueur
maximale à 24 m ^'.
- Le retrait
Une lettre peut valoir retrait de permis si elle fait état de l'annulation du
dossier après que le pétitionnaire a fait savoir qu'il retirait sa demande, alors
que le permis avait été accordé. L'autorité compétente étant tenue de rapporter
un permis illégal, les moyens tirés du défaut de motivation ou de l'intervention
d'une autorité incompétente sont d'ailleurs inopérants '-. Le refus de délivrer
un permis de construire modificatif par le maire de Megève s'analysant en un
retrait de permis de construire tacite dont la société requérante était devenue
titul.iire, un tel retrait était légalement possible, dès lors que le permis tacite
29. CAA LN.in, 22 nov. 1994, S.irl Alpaivc.t, n" 93LYC0332.
3C. CE, 2 déc. J9VI, Conmiii/ic de Mcgévc, Rec, T, p. 1264 ; DA 1992, n" 57.
31. CAA LviMi, 1 I mars 2C03, Cainniimc île Megève, rcq. n" 9SLYCI739.
}2. (.'E, 2 dcc. 1991, Cj/iuirmuc Je Megève cl Aaoe. pour la proteetion du iite de Megève,
Ree. T, p. 1253^1254 ; DA 1992, n" 57.
BERNARI3 POl;JADE
719
était entaché d'illégalité en raison de la méconnaissance du coefficient des sols
applicable, et n'était pas devenu définitif -'^.
III. - Megève et le droit des procédures contentieuses
- L'intérêt à agir
II a été jugé que la commune de Megève avait un intérêt à contester une
décision du directeur de l'équipement retirant un permis de construire délivré
pour régulariser une construction déjà édifiée en exécution d'un premier
permis, annulé en justice, et qui imposait au bénéficiaire une participation
financière pour dépassement de COS ^'*. On rapprochera cet arrêt de la
jurisprudence jugeant qu'une commune a intérêt à contester l'arrêté par lequel
le préfet rapporte un permis de construire qu'elle avait délivré au nom de
l'État 35.
- Le délai pour agir
On sait qu'un requérant peut avoir eu connaissance d'un permis par
diverses voies. Cela ne suffit pas à faire courir le délai, si les formalités légales
de publicité ne sont pas accomplies par ailleurs. La jurisprudence estime que le
double affichage restait indispensable pour permettre aux tiers de prendre
connaissance du dossier. Il n'y a pas connaissance acquise permettant d'opposer la tardiveté du recours quand une association mentionne le permis attaqué
dans un mémoire relatif à une autre instance contentieuse "".
- La notification prévue à l'article L. 600-3 du Code de l'urbanisme
II a été jugé que le refus d'user des pouvoirs de police de l'art. L. 480-1 du
Code de l'urbanisme n'a pas le caractère d'une décision d'occupation du sol et
qu'en conséquence une association n'apas à procéder à la notification préalable
du recours dirigé contre ce refus au maire ^^.
- Les conséquences de l'illégalité d'un document d'urbanisme
Un permis de construire sera annulé par voie de conséquence de l'illégalité
du document d'urbanisme, lorsqu'il existe un lien particulier entre cette
33. CE, 28 lévn 1986, 5C7 •. Résidence Hôtel Rem », req. n" 51.455.
34. CE, 1 liée. 1991, Commune Je Megève, précité.
35. CE, 10 m.irs 197S, Commune de Raquefort-les-Pitu, Rec, p. 126 ; RDP 1979, p. 252,
concl. [..ibctoullc ; AJDA 1978, p. 346, cliron. Duchcillct de [ amothe et Robinciu.
36. CE, 2 oel. I9SI, Association pour la défense du site de Megève, Rec T, p. 978.
i7. l'A Crenobie, 3 nov. 1999, Association Les Amis de Megève, req. n" 97-27X2, BJDU
6/1999, p. 465, obs. B. P(iu).ulc eonhrmé p.ir CAA I.von, 2S déc. 2004, Lucien Soeqiiet, req.
n"OGLYO0I0S.
720
L:RBAN1SME ET M O N T A G N E
: L EXEJVIPLE
DE MEGEVE
illégalité et ce permis, ainsi lorsque le permis a été accordé sur la base de
dispositions illégales de ce document « spécialement édictées pour rendre
possible l'opération litigieuse » '** ou lorsque le permis n'a pu être délivré qu'à
la faveur des dispositions illégales du P O S -'''. Si l'illégalité du POS n'entraîne
pas par elle-même l'annulation de l'autorisation de construire ou de lotir, il
appartient au juge, s'il est saisi de moyens en ce sens par la partie qui critique
l'autorisation, de rechercher si le projet autorisé est ou non compatible avec les
dispositions d'urbanisme applicables, notamment celles qui sont redevenues
applicables à la suite de la déclaration d'illégalité de ce plan. Depuis l'intervention de la loi du 9 février 1994, codifiée sur ce point à l'article L. 121 -8 du Code
de l'urbanisme, l'annulation ou la déclaration d'illégalité d'un plan d'urbanisme a désormais pour effet de remettre en vigueur le plan immédiatement
antérieur. La difficulté résulte de ce que l'annulation ou la déclaration d'illégalité peut entraîner le retour au POS antérieur qui peut, pourtant, être entaché
de la même illégalité. C'est ce qui a pu être constaté à Megève ; la Cour
administrative d'appel de Lyon a constaté que la version immédiatement
antérieure du plan d'occupation des sols de Megève remise en vigueur, comme
d'ailleurs celle antérieure à cette dernière, méconnaissant les prescriptions du
paragraphe III de l'article L. 145-3 du Code de l'urbanisme et ainsi, en
l'absence de dispositions légales et opposables d'un plan d'occupation des sols
antérieur à ce dernier, seules devaient trouver à s'appliquer les dispositions du
Code de l'urbanisme qui, étant prises dans leur version en vigueur à la date de
délivrance du permis contesté, étaient directement applicables aux demandes
d'autorisation d'utilisation et d'occupation du sol *°.
- L'obligation du maire de dresser procès verbal d'infractions
L'autorité compétente est tenue, en vertu des dispositions combinées des
articles L. 480-1 et L. 160-1, de dresser procès-verbal des infractions dont elle
a connaissance et son refus d'user de ses pouvoirs de police en constatant
l'infraction est illégal •*' ; le Tribunal administratif peut assortir son jugement
d'une injonction, adressée à l'autorité compétente, de faire dresser procèsverbal de l'infraction commise et d'en transmettre copie sans délai au Ministère
pubhc et pourrait même assortir cette injonction d'une astreinte.
- La procédure de référé suspension
Le Conseil d'État confirme la décision du juge des référés ordonnant la
suspension de la décision du maire de Megève décidant de préempter un terrain
aux prix et conditions figurant dans la déclaration d'intention d'aliéner aux
motifs, d'une part, que la suspension de la décision contestée revêtait un
3S.
39.
4C.
41.
CE, l2Jcc. 19S6, Sté Gtpro, licc, p. 2S2 : AJDA 1987, p. 275, concl. Vi-ourcnix.
CE, IC juin I99S, SA Leroy-Mcrlin, Rec. p. 221 ; HJDU 4/1998, p. 242, CDUCI. S.ivoic.
CAA I.von, 27 avril 20C4, hiJivision Pcrrni, prccitô.
TA Grenoble, 3 nov. 1999, Assoc. La A/ms Je Megcve, précité.
BERNARD POUJADB
caractère d'urgence « compte tenu des intérêts en cause et de la possibilité pour
la commune de procéder rapidement au transfert de propriété » et, d'autre part,
qu'il était fait état d'un moyen propre à créer un doute sérieux sur la légalité de
la décision litigieuse "*-.
En l'absence de moyen sérieux, le préfet ne saurait obtenir la suspension d'un
arrêté du maire de Megève délivrant un permis de construire •*^. L'absence de
titre pour construire constitue un moyen propre à créer un doute sérieux sur la
légalité d'un permis '*"*. Le Conseil d'État a rejeté par le passé une demande de
sursis à exécution d'un permis faute de moyens de nature à justifier l'annulation
de cet arrêté •*^. Il faut rappeler que l'intervention d'une décision au fond rend
sans objet le pourvoi introduit contre la décision se prononçant sur le sursis "*''
ou désormais la suspension.
— Le pourvoi en cassation
Bien évidement le pourvoi en cassation ne peut être accueilli que s'il
contient des moyens de nature à en permettre l'admission ; tel n'était pas le cas
dans deux litiges relatifs à un permis et un arrêté de lotir ^''.
- La responsabilité
Le Conseil d'État n'a eu qu'à trancher une seule affaire sur Megève où la SCI
requérante a vu sa requête, dirigée contre l'État pour un refus fautif de permis
de construire, rejetée car la faute n'a pas eu pour conséquence de priver
définitivement cette société de la possibilité de construire, l'impossibilité de
construire ayant résulté de l'intervention du POS de la commune de Megève •***.
Au terme de ce bref panorama contentieux, on constate que pour l'heure « la
conciliation entre acteurs et intérêts divers et souvent conflictuels "*^' » s'est
passée de façon plutôt satisfaisante. Puisse l'élaboration en cours du P L U rester
dans cette logique d'apaisement et cette commune réussir à maintenir un
développement équilibré dans un environnement de qualité.
42. CE, 27 août 2001, Commune Megèi'e c/ L.cipalus, précité.
43. C A A Lyon, 7 janv. 2C03, Préfet de la Haute-Savoie el Commune de Mcgcve et Ituiivisieni
Perrni Veyrat, rcq. n"02LYC2061.
44. CE, V mars 2C04, Soeqiiet Juglard, précité.
45. CE, 16 |uin 197S, Aisoaatioti pour la protection du ute de Megève, rci|. n" 7549.
46. CE, 6 févr. I9S!, SC/Apan, rcq. ii" 18838.
47. CE, 30 sept. 2C02, M""' Porret, rcq. n" 247374 ; CE, 16 févr. 20C5, Co»i>nioie de Meg,ève,
rcq. n" 273748.
48. CK, 3C sept. 2C02, M""' Porret, rcq. n" 247374 ; CE, 16 fcvr. 20C5, Coinmune de Megei-e.
rcq. n" 27374.S.
49. J. M()RANI)-Dl-:V1I.L1-R, ;A;i/., p. 159.

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