3 Des ”besoins” de la psyché au syndrome de glissement ou à la

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3 Des ”besoins” de la psyché au syndrome de glissement ou à la
Lat. Am. Journal of Fund. Psychopath. Online, v. 7, n. 2, p. 3-23, novembro de 2010
Des ”besoins” de la psyché au syndrome
de glissement ou à la mort brutale: “une
étrange euthanasie”?
Catherine Desprats Péquignot
Certaines situations cliniques portent à soupçonner le possible
chez un sujet hospitalisé d’un «se donner la mort» dans une «étrange
euthanasie» par action physique du psychique. Une action qu’on peut
penser à la fois conséquente et corrélative d’une grave et durable mise
à mal des «besoins» de la psyché et pouvant conduire à ce qui apparaît
comme une mort brutale mais aussi au «syndrome de glissement» qui
souvent se termine par la mort.
Dans ces situations, régression pathologique, processus
d’autodestruction, logiques psychiques primitives semblent œuvrer à
une défense paradoxale: se sauver de l’anéantissement par
l’anéantissement. Où est à considérer l’importance, au regard de ces
situations, de la fonction psychique de «la relation de soins» qui
implique le rapport à l’autre/l’Autre et par laquelle il peut être répondu
aux «besoins» de la psyché.
Mots clés: Autodestruction, besoins de la psyché, mort brutale, syndrome
de glissement, hospitalisme
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Dans le fil de sa réflexion sur l’autoérotisme et sur le «mystère du
caractère physique du psychique» le psychanalyste Pierre Fédida en
venait à formuler dans le cadre de son enseignement à l’université: «Le
psychique agit physiquement, il agit physiquement par influence, par une
action exercée de soi sur l’autre mais aussi sous la forme de l’action
exercée de soi sur soi. Il faut resituer ce contexte. Tout récemment un
collègue s’occupant de patients en stade terminal de la maladie me faisait
remarquer une chose, c’est, qu’au fond, on ne comprenait pas très bien
comment certaines personnes, notamment des personnes âgées (mais
pas seulement) semblent avoir la capacité d’agir sur leur cœur au
moment où elles le veulent dans un stade souvent très proche de la mort.
Ces personnes demandent qu’on les laisse tranquilles, ce sont des
personnes qui expriment préalablement leur fatigue mais ne l’expriment
pas comme un état d’épuisement, mais plutôt comme une sorte de
résolution intérieure, avec le sentiment qu’elles peuvent mourir au
moment où elles le décideront. Est-ce qu’on a compris cette étrange
euthanasie qui n’est pas un suicide mais où l’expression «se donner la
mort» prendrait une forme littérale: le sujet se donne la mort. Il se la
donne, il se l’approprie. Il s’agit de mettre en évidence la modalité
d’action du psychique dans sa forme physique et sur le physique»
(Fédida, 1996-97).
Ce qui advient chez des sujets adultes, âgés ou non, hospitalisés
pour des motifs divers, dont le pronostic létal n’est pas forcément
engagé au départ, mérite d’être considéré à partir d’une telle approche.
Certaines situations cliniques portent en effet à soupçonner le possible
d’un «se donner la mort» dans une «étrange euthanasie» par «action du
psychique». Une action qu’on peut penser à la fois conséquente et
corrélative d’une grave et durable mise à mal des « «besoins» de la
psyché» » (formulation de Piera Aulagnier) et pouvant conduire à ce qui
apparaît comme une mort brutale mais aussi à l’efflorescence de ce qu’il
est convenu d’appeler, dans la littérature médicale, le «syndrome de
glissement» considéré comme une pathologie spécifique de la personne
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âgée. Mais, au regard de ces situations dont certaines seront évoquées, on peut
se demander alors: dans bien des cas, n’est-ce pas quand des «besoins» de la
psyché d’un sujet, âgé ou non, sont mis à mal de façon grave et durable qu’un
cap rédhibitoire se franchit malgré des soins corporels appropriés et que, dès lors,
plus rien ne fait rempart au «choix» de «se donner la mort»?
En prenant appui sur la clinique, c’est sur la base de ces hypothèses que je
vais avancer dans cette réflexion qui portera aussi à engager la question de la
«relation de soins», relation psychique «d’échange/transfert» qui implique le
rapport à l’Autre, et de ses incidences chez l’adulte dans la rencontre soigné/
soignant(s).
Syndrome de glissement ou mort brutale:
d’un «équilibre psychique de catastrophe» à sa rupture?
Le «syndrome de glissement», à propos duquel il est souvent souligné dans
les articles médicaux que la personne «semble refuser de vivre», est décrit dans
la littérature médicale comme une pathologie gériatrique relativement peu fréquente
et affectant surtout des personnes très âgées souvent dans les derniers mois, voire
les derniers jours de leur vie. La plupart du temps consécutif à une maladie ou
un accident, survenant parfois au domicile, mais en général dans le contexte d’une
hospitalisation ou dans les suites d’un placement (tel en maison de retraite), le
déploiement de ce syndrome, s’avère, en bien des cas, irréversible.
Il y a un certain consensus pour considérer que ce syndrome est sans
rapport saisissable d’évidence avec la maladie initiale ou l’accident (une chute par
exemple), qui ont conduit, le plus souvent, à l’hospitalisation. Il semble donc
apparaître après ce qui est appréhendé comme un «intervalle libre» entre le
problème ayant nécessité l’hospitalisation et qui semble résolu, et les premiers
troubles inquiétants dont la flambée peut engager, parfois rapidement, sur la voie
d'une évolution mortelle.
Différentes conceptions médicales, parfois assez divergentes, tant du point
de vue clinique que pathogénique, proposent un abord de ce syndrome. Un
ensemble polysémique de troubles sont considérés par certains d’ordre psychiques
(ou psychologiques) par d’autres neuropsychiques (ou neuropsychologiques). A
ces troubles s’associe souvent très vite des désordres somatiques ouvrant, dans
une décompensation plus ou moins rapide de l’état général, à la désorganisation
des grandes fonctions et, par là, à la mort.
Modification des comportements, en particulier désintérêt pour toutes
choses, refus de communiquer, de s’alimenter, de se mouvoir dans une opposition
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ferme, si ce n’est véhémente, agitation, troubles confusionnels, atteinte des
fonctions intellectuelles. Certains médecins considèrent donc que ces troubles dits
alors, selon les auteurs, neuropsychiques ou neuropsychologiques, sont d’étiologie
organique, ce qui les conduit à parler d'un «effondrement somatopsychique».
D’autres sont plutôt enclins à penser qu’ils sont pour l’essentiel d’ordre psychique
et provoqués par des «traumatismes affectifs», le désespoir, la fuite régressive
d’une situation anxiogène, ce qui les conduit alors à parler d'un «effondrement
psychosomatique».
Qu’ils soient dits psychiques (ou psychologiques) ou neuropsychiques (ou
neuropsychologiques), se retrouve un consensus pour référer ces troubles à la
«dépression», à un «état dépressif», un «complexe dépressif», et glissement et
«dépression chez la personne âgée» en viennent à se superposer dans nombre
d’études. De façon générale, pour les médecins actuels, cette dépression relève
plutôt d’un contexte somatopsychique, mais même si l’étiologie initiale est
considérée plutôt d’ordre psychique, le traitement prescrit et privilégié par tous
est neurochimique. Si les mentions «de l’entourage relationnel», voire de
«psychothérapie» (sans que soit explicité ce qui est entendu sous ce terme)
apparaissent parfois, c’est à titre d’adjuvants aux traitements médicamenteux. Que
l’option retenue soit «somatopsychique» ou «psychosomatique», explique peutêtre le peu d’attention portée à une approche autre que neurochimique dans l’une
ou l’autre des options, la «biologisation» du psychique. Ce qui va dans le sens de
ce qu’avancent certains: chez le sujet âgé, glissement/dépression témoignerait de
l'œuvre «naturelle» de la pulsion de mort qui serait congruente chez la personne
âgée avec un âge «normal» pour mourir, et à laquelle ne pourraient s’opposer les
forces libidinales épuisées du sujet.
Des situations que j’ai pu connaître, notamment en service de médecine
interne et en service de réanimation polyvalente, au fil d’un travail clinique
quotidien, dans la rencontre au «lit du malade» de sujets, âgés ou non, et au
décours pour certains de leur hospitalisation, m’ont portée à penser que le
«glissement» ne concernait pas seulement des personnes âgées à propos
desquelles le syndrome est invoqué, mais qu’il pouvait se trouver engagé chez des
sujets jeunes encore. J’en suis venue par là à reconsidérer cette question en
envisageant que pouvait se manifester ainsi, chez des sujets âgés ou non, la
résultante d’une grave et durable mise à mal des «besoins de la psyché». Si on
suit l’hypothèse d’une privation quant aux «besoins de la psyché», et d’une action
psychique induisant ce qui va aboutir à un effondrement généralisé de tout l’être
et à l’issue souvent mortelle du «glissement», cela pose alors la question du
rapport entre ces «besoins» psychiques et des processus à l’œuvre chez des
sujets qui «glissent» et «filent» (la mort) comme disent parfois les soignants.
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Un lien est parfois évoqué entre le «glissement» et des formes de régressions
qui sont rapprochées, quant à la pathogénie, des états régressifs aigus chez le
vieillard décrit par Daumézon (1961), lequel rend compte d’une réversibilité de
ces états chez ce dernier. Mais à ce jour, des études ne semblent pas reprises du
côté du problème de la régression, et telle que la conçoit la psychanalyse au regard
d’une clinique du sujet, soit un problème d’ordre psychopathologique et non pas
«neuropsychique». Suivant cette piste, dans une étude ancienne (Desprats
Péquignot, 1988), à propos précisément de la personne âgée, je faisais l’hypothèse
d’un lien entre régression pathologique et syndrome de glissement. J’envisageais
alors que ce syndrome, chez nombre de sujets, pouvait être l’ultime expression
et l'aboutissement morbide d’un processus psychique de régression pathologique
méconnu. Un processus ayant porté à la mise en place d’un «équilibre psychique
de catastrophe» et témoignant, dans la flambée des troubles psychiques puis
somatiques, de la rupture de cet équilibre, ceci conduisant en bien des cas, malgré
les mesures de soins médicaux énergiques, à la désorganisation des grandes
fonctions et à la mort. Je me demandais, notamment, dans cette réflexion, si une
limite n’est pas déjà franchie quand la régression n’est plus un processus
«normal» de repli temporaire, de réaménagement provisoire, mais devient un mode
prévalant et durable de fonctionnement psychique.
Souvent, c’est d’abord par ce qui apparaît, plus ou moins brusquement,
comme un désintérêt, un détournement du monde extérieur, une opposition active
à la relation (mutisme, tourner le dos, fermer les yeux) et à l’autoconservation du
corps (manger, bouger, se soigner), que se manifestent de façon perceptible, mais
sans être forcément repérés comme tels, les premiers signes de glissement. Ce
qui va conduire, la plupart du temps, à l’imposition par contrainte de soins de tous
ordres.
Si on admet que cette position de retrait et de refus fait indice d’une grave
mise en défaut de «besoins de la psyché», témoigne d’un état de déréliction
subjective sur fond de détresse qu’un «equilibre psychique de catastrophe» dans
la régression ne peut plus contenir, s’impose alors le rapprochement avec la
situation de régression pathologique de «l’hospitalisme» décrit par Spitz chez le
très jeune enfant hospitalisé ou placé. L’hospitalisme dit aussi «syndrome de la
pouponnière», se manifeste par un syndrome de régression mentale, une
dépression dite «anaclitique» (inhibition anxieuse, désintérêt pour l’extérieur, refus
de s’alimenter etc.) et un ensemble de troubles physiques qui sont dus chez le
jeune enfant à une carence affective par privation de la mère. Si cette carence est
totale et prolongée les troubles peuvent aboutir à des états de marasme irréversibles
et à la mort.
On peut trouver, rarement, un lien fait entre hospitalisme et syndrome de
glissement, mais c’est sur le mode implicitement entendu, des risques inhérents
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aux extrémités de la vie, voire de leur conjonction (le vieillard est souvent pensé
«retomber en enfance», et dans les institutions souvent traité comme tel). Ce
n’est pas là qu’est l’intérêt de rapprocher glissement et hospitalisme et empêche
plutôt de se poser la question de ce qui peut conduire un sujet en perdition, qu’il
soit jeune ou vieux, jusqu’à l’effondrement généralisé de son être. On peut se
demander, en effet, si ce n’est pas quand des conditions de vie psychique ne sont
plus assurées, quand les «besoins de la psyché» d’un sujet sont mis à mal et que
rien ne vient sauver d’un insupportable interne/externe, impossible à fuir ou à
amender, que le «choix» d’une «étrange euthanasie» s’impose comme seul
recours.
Si on considère que, chez des sujets pris dans certaines situations, la
régression pathologique vise à une préservation, une survie psychique, à un
«équilibre psychique de catastrophe» tentant une sauvegarde du psychique par
voie de déréliction, c’est alors non pas tant une question d’âge, qu’une question
de ce qui se joue pour un sujet quant aux besoins de «sa» psyché, et du possible
ou non d’y répondre. Le registre du vital corporel se trouve engagé par l’incidence
somatique d’une défense paradoxale dans la régression mettant en jeu des logiques
psychiques primitives (inconscientes) qu’on peut énoncer en ces termes: parer à
l’anéantissement par l’anéantissement. Et ceci en suivant les voies de ce que
j’appelle processus de «déshabitation» ou «désanimation». Soit un processus
visant à venir à une vie «sans que l’habitant soit là», à une vie «où il n’y a encore
personne», à une vie qui est là, un «soubassement», un «humus», un état de la
vie sans manifestation, émergence de vie encore. Ainsi le peintre Tal Coat parlet-il de ce qu’est le «fond de toile» pour lui. Fond de toile comme fond de vie
psychique qu’aucun habitant «signifié» n’anime encore. Reprenons autrement
cette question à partir de ce que Ferenczi déjà permet d’envisager et aussi
d’avancées de Searles .
Ferenczi donne à penser, en lien avec la question du trauma, qui a toute sa
place ici, une stratégie d’autodestruction d’une part de soi qui vise à «délivrer de
l’angoisse» et à survivre, à conserver de la vie donc quand, comme l’écrit celuici «le sauvetage ne vient pas et même l’espoir du sauvetage semble exclu». Et il
remarque: «Le plus facile à détruire en nous, c’est la conscience, la cohésion des
formations psychiques en une entité: c’est ainsi que naît la désorientation
psychique (l’unité corporelle n’obéit pas aussi promptement au principe
d’autodestruction). La désorientation aide: 1° immédiatement, comme soupape,
comme succédané de l’autodestruction; 2° par l’arrêt de la perception plus large
du mal, en particulier de la souffrance morale, plus élevée – je ne souffre plus,
tout au plus une partie de mon corps; 3° par une formation nouvelle
d’accomplissement de désir à partir des fragments, au niveau du principe de
plaisir» (Ferenczi, 1931-32, p. 141).
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Ce que formule Harold Searles à partir de son travail avec des psychotiques
(schizophrènes en particulier) le porte vers d’autres considérations et perspectives
que celles qui me préoccupent ici mais qu’il peut aider à réfléchir. Sa clinique
l’invite à penser une «aspiration à devenir non humain» dans la régression, mais
aussi une angoisse de «devenir non humain», de perdre une «identité d’être
humain» (Searles, 1960, p. 170 sq et 229 sq).
C’est au regard de certaines situations en réanimation que j’ai rapprochées
des propos du peintre Tal Coat sur sa démarche, que j’en suis venue d’abord à
penser l’œuvre d’un processus psychique de «déshabitation» ou «désanimation
dans la défense paradoxale de sauvegarde psychique. Ce qui, à reprendre
l’approche de Searles ici, peut s’entendre au sens de l’aspiration à l’état d’une vie
que rien d’humain n’anime, n’habite, n’affecte. Une vie psychique désanimée,
déshabitée, désaffectée de soi, de l’autre/Autre, ce à quoi vient aider «une
formation nouvelle d’accomplissement de désir» comme l’écrit Ferenczi:
accomplissement du désir d’un vivre à l’état «déshumain», de vivre d’une vie qui
vit «sans personne», sans que de «l’habitant» soit là, une vie sans sensation de
soi, sans sensation de l’autre/Autre. Ce qui vient se conjoindre à l’angoisse de se
dissoudre, de perdre une «identité d’être humain», soit une cohésion interne dont
se soutient la «subjectivité corporelle» selon l’expression de Pierre Fédida.
À admettre l'hypothèse, dans l’instauration d’un syndrome de glissement
chez un sujet, d’une grave et durable carence dans les besoins de sa psyché et
d’une action psychique qui suit des logiques de sauvegarde par des voies de
destruction «quand le sauvetage ne vient pas et même l’espoir du sauvetage
semble exclu», la question des limites de cette solution et de ce traitement se pose.
Ferenczi le souligne: «l’unité corporelle n’obéit pas aussi promptement au principe
d’autodestruction» que la cohésion des formations psychiques. Mais la menace
n’en est pas moins là dès lors que «le principe d’autodestruction» est à l’œuvre
et n’est pas contré. Ce décalage pointé par Ferenczi peut aussi aider à penser
certaines situations de mort brutale. Pourrait trouver là son motif un écart, un
hiatus entre guérison qui semble assurée au plan médical et mort brutale
inexplicable comme «point d’orgue» de l’action physique et sur le physique du
psychique qui a poursuivi, sans pouvoir faire retour, sur les voies de
l’anéantissement, j’y reviendrai.
Si rien ne vient «sauver» à temps, et si tant est que le bon chemin soit
trouvé ou qu’il existe encore une voie, le sujet est livré souvent inexorablement
à la pente de l’involution psychique et de l’autodestruction jusque dans sa
concrétude somatique. Hospitalisme ou glissement, enfant ou adulte âgée ou non,
c’est ici le secours du psychique qui peut contrer les processus de néantisation.
Encore faut-il que ce secours, qui se joue dans l’échange/transfert de la «relation
de soins», intervienne avant l’inéluctable franchissement d’un seuil irréversible,
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qu’il réponde aux «besoins» de la psyché et puisse alors «réanimer» les voies
pulsionnelles, libidinales, narcissiques par lesquelles un sujet peut revenir à l’envie
de la vie, se «redonner» la vie. On va en voir un aspect avec le cas de Mme C
de X, et on verra avec le cas du «monsieur à la serviette» hospitalisé en
réanimation que je reprendrai un peu plus loin, que la sauvegarde chez l’adulte des
«besoins de la psyché» et les modalités de la «relation de soins» peuvent prendre
des formes et des voies inattendues.
Madame C de X ou «la destitution imposée»
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C’est dans un processus de «glissement» dans lequel cette femme, âgée de
quatre-vingt ans hospitalisée en médecine interne, que j’appellerai madame C. de
X, paraît «s’enfoncer». Un processus dont s’alerte des soignants mis en difficulté
par le sentiment de «forçage», de violence qu’ils éprouvent dans les soins qui lui
sont prodigués au cours de ce qui est sa deuxième hospitalisation dans le service.
Une première hospitalisation d’une semaine de cette dame, sans problèmes
notables, avait eu lieu pour une chute chez elle où elle vit seule (elle n’a jamais
été mariée et n’a pas d’enfants). Sont notées dans le dossier, au décours de
l’examen clinique d’entrée lors de cette hospitalisation, une perte de la vue douze
ans plus tôt, une arythmie, la prise de médicaments pour dormir car elle est
insomniaque depuis vingt ans, ainsi que la nervosité et l’anxiété de cette patiente.
Il est noté aussi qu’elle est la dernière descendante de la lignée et du nom des «de
X….». Lors de cette première hospitalisation, comme je le faisais parfois, j’assiste
à la visite médicale du matin et note ce qui s’y passe, s’y dit.
En voici pour l’essentiel la teneur: madame C de X est couchée. Un externe
dit: «c’est madame C…, elle a fait une chute chez elle et n’a pas pu se relever.
La malade rectifie son nom: «on m’appelle toujours madame de X» et conteste
le fait de n’avoir pu se relever. Il est question de l’arythmie. Un externe: «ses
cousins sont cardiaques et sont tous mort du cœur» et il signale un petit goitre
diffus. La malade: «je n’ai plus vingt ans». Examen clinique. Les draps sont
retirés, la malade est dévêtue, se retrouve nue. Auscultation des poumons et du
cœur. Le médecin qui ausculte lui dit: «ne me regardez pas comme si j’étais
responsable». La malade: «je ne vous vois pas monsieur, je suis aveugle». Celuici demande alors: «comment vit cette dame?». Un externe: «elle vit toute seule».
La malade: «je me débrouille très bien, j’ai une femme de ménage». Pendant que
les médecins parlent entre eux elle dit: «vous savez, je suis très nerveuse». Une
radio est examinée. Un externe en réponse à une question: «j’ai dit qu’elle avait
un gros cœur». Discussion sur son cœur. La malade parle du cadre Noir et dit
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qu’elle faisait du cheval. Réexamen clinique. À une question sur sa chute, la
malade répond qu’elle n’a pas pu rallumer. Amusement autour du fait que la
malade dit qu’elle allume la nuit (alors qu’elle n’y voit pas). Un soignant: «il faut
la bradycardiser». La malade se tourne interrogative vers celui qui a parlé, mais
ne dit rien. On lui dit: «votre cœur s’est emballé, on est en train de le ralentir».
Une sortie rapide est envisagée ce qui est formulé de façon plaisante en relation
avec son nom et son arbre généalogique.
Cette malade, avec laquelle je reste après la visite, dit qu’elle supporte très
mal l’hospitalisation, qu’elle n’a jamais été malade, qu’elle n’a même jamais été
chez un gynécologue, qu’elle est vierge. Elle se sent «humiliée», «déconsidérée»
dans cette situation (la promiscuité pour la toilette – chambre à deux lits sans
isolement pour se laver, lors des soins, mise à mal de sa pudeur, on l’appelle non
seulement madame C…, mais aussi «mamie», malgré ses protestations, on la
coiffe avec des «couettes ridicules» dont s’amuse tel ou telle). Le jour de sa
sortie, je la rencontre. Très amène, elle parlera pour l’essentiel de son titre
nobiliaire et de son père («nous avons suivi Henri IV» dira-t-elle), du «temps de
la splendeur» et des revers de fortune. Elle raconte aussi qu’elle a vécu soixantesept ans avec sa sœur cadette, qu’elles ne se sont jamais quittées jusqu’au décès
de celle-ci qui remonte à quelques années, qu’aucune des trois sœurs ne s’est
mariée et n’a eu d’enfants faute de «bons partis», qu’à sa mort elle rejoindra les
siens, «qu’elle ne vit que dans le souvenir des morts».
Une deuxième hospitalisation a lieu deux mois après la précédente, et pour
la même raison d’une chute au domicile. Quelques jours après son admission,
madame C de X qui, cette fois, ne peut pas du tout se lever seule encore à ce
moment et dépend des soignants pour tout, reste couchée en position fœtale,
garde ses deux mains sur son visage sous les draps relevés, et tient des propos,
souvent confus, et à thèmes persécutifs. Elle exprime la crainte que soit divulgué
un secret de famille (elle aurait entendu parler d’elle dans le couloir et de ce secret)
et dit que son entourage a profité de la précédente hospitalisation pour lui voler
des objets, en particulier le papier des armoiries et le document permettant de les
expliquer. Elle en est très affectée. Les médecins se demandent s’il s’agit «d’un
délire qui flambe» ou d’une hémorragie méningée. Les troubles vont en
s’accentuant. Elle ne mange plus, demeure dans un mutisme total, garde les yeux
fermés même au fauteuil, détourne le visage ou tourne le dos ostensiblement dans
son lit lorsqu’on lui parle. On lui tient les mains pour la faire boire, on ne peut la
faire manger, elle s’agite et gémit lors de soins qu’elle refuse et qui sont faits par
contrainte (piqûres, petite toilette, prise de température, mise sur le bassin, mise
au fauteuil). On commence à la nourrir par sonde gastrique et des lavements sont
pratiqués (ventre gonflé). Le risque d’un «glissement» inéluctable est là.
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Cet épisode, au cours duquel elle tombe de son lit se faisant un important
hématome, a évolué sur plus de trois semaines au cours desquelles un traitement
médicamenteux est prescrit (association de neuroleptiques et d’antidépresseurs).
C’est en ayant en mémoire les propos échangés lors de sa première hospitalisation,
et en pensant aux possibles effets conjugués, et cette fois ravageurs, d’une
destitution subjective dans la confrontation renouvelée à ce dont elle avait pu dire
l’inacceptable pour elle, que je vais dans sa chambre, à son chevet. Dans mes
premières rencontres avec elle, alors que, comme à tous, elle tourne le dos, et
qu’elle reste muette, je vais lui parler à partir de ces éléments (nom, descendance,
filiation, dégradation, nudité, pudeur, honte, humiliation). Avec toute l’équipe (des
médecins aux aides-soignantes) sont aussi discutées et reconsidérées les modalités
d’approche et d’adresse (la nommer toujours madame de X…, frapper et se
présenter en entrant dans la chambre, la prévenir des gestes et des soins qui vont
être fait et pourquoi, et, si c’est possible, à l’occasion de tous les soins,
commenter combien ce peut être difficile quand on est indépendant, autonome,
pudique etc. , d’être obligé de demander, de dépendre du bon vouloir pour tout,
de devoir être soignée, lavée, d’être dépouillée de son intimité). Une rencontre
quotidienne avec moi, sur le mode du rendez-vous (je lui dis à quel moment alors
même qu’elle ne me répond pas) a lieu dans sa chambre. Quand elle commencera
à me parler, je viendrai tout un temps pour elle à la place de sa sœur cadette
décédée dont elle a l’impression, me dira-t-elle, qu’elle est à côté d’elle et nous
parlerons de sa vie, de son histoire, du temps de la «splendeur».
L’ensemble de cette approche concertée, dont il est difficile d’apprécier le
poids respectif des différentes modalités, a conduit, de toute façon, à l’instauration
d’un tout autre rapport des soignants à cette personne. Ce dont, on peut penser,
s’est modifiée la «relations de soins» qui a permis ici de contrer le «filage
psychique» d’un mourir, de restaurer, de rétablir une situation psychique vivable
permettant un arrêt du mouvement de «fuite vitale» dans la «recomposition»
subjective, une reprise narcissique et libidinale.
Elle dira, alors qu’elle est à quelques jours de la sortie de cette deuxième
hospitalisation de presque deux mois, et qu’il est envisagé qu’elle rentre à son
domicile à sa demande insistante (elle fait valoir qu’elle se lève, marche, se lave
et mange seule, elle s’efforce de prouver que ses propos sont cohérents, qu’elle
est bien orientée dans l’espace et le temps), qu’elle a eu ici une «impression de
meurtre», «qu’ici on ne la soigne pas, qu’on la fait mourir à petit feu», qu’elle a
souhaité, et souhaite encore, «qu’on en finisse». Mais aussi, elle se soucie à
plusieurs reprises de savoir si on a bien confirmé son rendez-vous pour l’opération
d’un oeil qui doit avoir lieu dans quelques semaines (il semble qu’elle pourrait
retrouver un peu de vue avec celui-ci). Elle s’inquiète qu’on puisse l’empêcher
d’y aller, que personne ne lui dit rien à ce sujet. Elle dira qu’elle n’aime pas
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demander et dépendre des autres, qu’elle n’a pas été élevée comme ça, que dans
sa famille il y a beaucoup de principes. Plusieurs semaines après je la croiserai
un jour dans la rue, marchant d’un pas plutôt assuré avec sa canne blanche, bien
habillée et coiffée, sa prestance retrouvée.
Si j’ai repris ce cas, certes d’une personne «très âgée», c’est qu’il me paraît
proche par bien des aspects, au plan de la situation psychique, de ce qui peut se
produire chez d’autres sujets adultes, âgés ou non, qui répondent à ce qui leur
advient d’impossible à fuir ou négocier, par un «glissement», mais aussi chez des
sujets venant parfois répondre d’une toute autre façon à l’anéantissement, ou à
sa menace, par la «solution» de l’anéantissement.
Chez des sujets adultes, guère âgés, peut survenir en effet le risque du
«glissement». Alors que tout semble aller au mieux du point de vue somatique,
qu’une sortie du service est envisagée par les médecins, peuvent apparaître des
comportements incompréhensibles pour l’équipe soignante (pleurs et/ou
agressivité, refus de manger, de se lever, d’être touché, refus des soins), et se
produire une dégradation somatique inattendue que des soins médicaux intensifs
ne peuvent pas toujours amender. On va en voir le cas avec le «monsieur à la
serviette». Mais aussi des équivalents suicidaires (arrachage de perfusions, de
sondes, passage volontaire par-dessus les barrières du lit) voire des suicides
accomplis peuvent se produire chez des sujets, âgés ou non, dont le pronostic
vital n’est pas ou n’est plus en jeu. Tel ce monsieur dont j’évoque le cas dans un
ouvrage à propos de la question du trauma qui a toute sa place ici (Desprats
Péquignot, 1998). Hospitalisé en réanimation, ce monsieur, jeune encore, se
ressentant «abandonné» et traité comme «un enfant puni» par les soignants, se
fera apporter par sa femme un petit couteau sous prétexte d’éplucher un fruit.
Un couteau qu’il se plantera dans le cœur devant l’équipe médicale réunie dans
sa chambre lors de la visite du matin. La situation qui a poussé cet homme à
l’autodestruction «devant les médecins», à un suicide, je dirai, «dans le transfert»,
il était difficile dans ces lieux où on se bat pour la vie, d’en penser et mesurer
l’importance psychique singulière pour lui: malgré ses appels réitérés aucun
soignant n’est venu lui donner l’urinoir, l’équipe s’occupant d’une urgence, il est
resté des heures dans des draps trempés n’ayant plus pu se retenir. Ce monsieur,
plutôt souriant et combatif, cherchant à soutenir sa position «virile» dans son
rapport aux femmes, je le trouverai en pleurs, complètement défait, «décomposé»,
et ne pourrai obtenir que quelqu’un intervienne au plus vite pour une situation
considérée sans urgence médicale et sans risque vital.
Parfois chez des adultes hospitalisés, situation que j’ai aussi connue dans le
contexte d’un service de réanimation, ce n’est pas un suicide ou un «glissement»,
mais une mort brutale et inattendue qui survient alors que la guérison médicale
était à l’ordre du jour, que les soins intensifs n’ont plus cours et que le patient
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convalescent se promène dans le couloir, cette mort laissant les médecins devant
une énigme. «Glissement», suicide, mort brutale inexplicable au plan médical: n’at-on pas là des situations qui, apparemment sans rapport, peuvent être rapprochées
pour autant qu’on considère que c’est à des épreuves psychiques comparables,
où se sont trouvées gravement mis à mal des «besoins de la psyché», que se
confrontent des sujets hospitalisés et les conduit à l’autodestruction, pour certains
par les voies d’une «étrange euthanasie»?
Besoins de la psyché et «relations de soins»
14
Ce que des sujets hospitalisés, en particulier en réanimation, et qui n’ont pas
présenté ce type de problème, ont pu exprimer de l’épreuve qu’ils ont traversée,
ce qu’ils parviennent à en verbaliser dans le temps de leur hospitalisation ou lors
d’entretiens ultérieurs, peut nous en apprendre, je pense, sur ce qui peut se passer
pour d’autres sujets, d’autres psychés, aux assises peut-être déjà plus fragiles.
Ce qu’ils expriment, en effet, invite à penser que ce à quoi ils s’étaient confrontés
et qui les laissait en profond désarroi, parfois bien des mois après, pouvait éclairer
ce qui se passait pour ceux conduits aux abords du «glissement», voire pour
lesquels, alors que la guérison était là, survenait la mort.
Ce qui laisse en désarroi ces sujets n'est pas réductible aux seuls événements
«objectifs» qui feraient en eux-mêmes traumatismes (hospitalisation, maladie,
natures et conditions de soins, risque létal qui a pu être effectif). Ils disent cela
aussi, mais c’est autre chose qui s’est produit, qui s’est précipité dans ces
contextes et qui, alors même que «tout va bien», semble les laisser dans un
désarroi sans limite. Chez ces sujets, parfois ayant repris le cours habituel de leur
vie, rétablis sur le plan physique, semble avoir été franchie une «frontière
psychique» qui s’entend dans la parole, à l’évocation difficile de leur «séjour en
réa», comme l’impossible remontée d’un abîme insondable de douleur psychique
et de désespoir. Si, comme on dit, ils sont quelquefois «revenus de loin» sur le
plan somatique, sur le plan psychique ils semblent ne pas pouvoir faire aisément
un même retour.
Plutôt que des pensées saisissables, des «sensations psychiques» de
déperdition et de luttes obscures «à la vie à la mort» dans une solitude où, disentils, nul ne venait à l’aide, sont évoquées par certains qui en sont ou en demeurent
toujours bouleversés. Ils font entendre la terreur engendrée par le risque d’être
«oublié», par l’impuissance à fuir ou faire appel (ce que les réactions motrice et
vocale, souvent empêchées en réanimation, renforce), la violence de l’emprise et
de la contrainte implacables qu’exercent en interne/externe des excitations
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psychiques et/ou physiques intenses qui débordent toute capacité d’intégration,
la menace d’annihilation qu’elles emportent.
Une violence, une menace qui viennent se conjuguer, non pas seulement avec
la pensée d’un danger de mort effectif, mais avec ce qui est ressenti comme désir
et puissance de vie ou de mort de l’autre/Autre «soignant». Il n’est pas rare que
des sujets hospitalisés en réanimation expriment des pensées de rétorsion, de
punition comme on l’a vu, mais aussi fréquemment de persécutions, de tortures
qui s’associent à la guerre, aux nazis etc., chez des sujets pouvant être dans les
états confuso-oniriques ou non. On peut repenser au cas Mme C de X parlant de
meurtre et disant «qu’ici on la faisait mourir». Pour chacun d’entre nous, les
figures internes de l’Autre qui se sont forgées au fil de son histoire psychique
peuvent être aussi bien secourable que destructrice. Ce qui, dans le contexte de
l’hospitalisation, se conjoint ici à une réalité externe: c’est dans bien des cas, et
plus ou moins durablement, de la présence réelle de l’autre / Autre, de son
intervention attendue mais aussi qui peut être redoutée, notamment du fait de
soins répétés bien souvent douloureux, que dépend le sujet et parfois sa vie même
ou sa mort.
Cette «situation traumatique» dont ils ont fait l’épreuve et mettant plus ou
moins en carence pour eux les «besoins de la psyché», on peut se demander si
elle n’est pas d’autant plus ravageante chez certains d’entre eux qu’elle est venue
actualiser, via la régression et par répétition et transfert, une «situation traumatique
originelle» (Freud), voire une «agonie primitive» (Winnicott) qui trouveraient ici
leur résonance et peut-être la venue au jour de leurs effets. Ce qu'ils évoquent de
moments, d’un temps d’éternité, où, disent-ils, ils se sentaient sans recours ni
secours, n’est pas sans faire penser, en effet, aux «expériences catastrophiques»
auxquelles peut être livré l'infans et qui le mettent en état de détresse. Un état que
Freud considérait comme prototype de la situation traumatique chez l’adulte.
«On doit à l’analyse d’avoir montré que la nécessité de la présence d’un
Autre n’est en rien réductible aux fonctions vitales qu’il doit assurer. Vivre exige,
bien évidemment, la satisfaction d’une série de besoins auxquels l’infans ne peut
pourvoir de manière autonome: mais, exactement au même titre, est exigée une
réponse aux «besoins» de la psyché, faute de quoi l’infans peut parfaitement,
malgré l’état de prématuration qui est le sien, décider de refuser la vie», remarque
et rappelle Piera Aulagnier (1975, p.131). On peut en dire autant pour l’adulte en
état de vulnérabilité et d’impuissance qui en vient à dépendre pour tout d’un autre/
Autre et dont les «besoins de la psyché» sont gravement mis à mal pour des
motifs divers et relativement singuliers à chacun. Il peut, lui aussi, malgré les soins
corporels qui lui sont prodigués avec compétence, «décider de refuser la vie». Un
refus dont le monsieur à la serviette dont je vais évoquer maintenant le cas avait
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fait le «choix» dans l’amorce d’un syndrome de glissement, dès lors que privé
du secours de ce qui faisait «toute sa vie».
Ce monsieur d’un peu plus de soixante ans est hospitalisé en réanimation,
amené par les pompiers. Il a été mis sous machine (incapacité de parler). Sans
que les médecins comprennent pourquoi, son état somatique guère inquiétant et
stabilisé, brusquement s’aggrave de façon alarmante et fait craindre une issue fatale. L’équipe soignante m’informe que ce monsieur, jusqu’alors tranquille, rejette
avec virulence toute approche et tout soin. Il pleure, s’agite, fait craindre l’arrachement des perfusions ou le basculement par-dessus les barrières du lit et de ce
fait a été attaché. Comme souvent dans les rencontres «au lit du malade» en réanimation, après avoir pu établir un contact, je défais les attaches. Il m’agrippe une
main aussitôt et la frappe contre son ventre. Il s’énerve de son impuissance à se
faire comprendre par ce geste, de mon incapacité à le comprendre. C’est en allant voir les soignants et en cherchant avec eux si quelque chose avait pu se produire, ce qu’il pouvait vouloir, que j’apprends incidemment qu’on lui a retiré une
vieille serviette de cuir pleine de partitions de musique à laquelle il se cramponnait des deux mains déjà dans l’ambulance et depuis qu’il est hospitalisé. Une serviette qu’une fois prise à l’occasion d’un soin, on ne lui a pas redonnée. Or, c’est
cette serviette qu’il réclame sur son ventre, qu’il veut contre lui, avec lui, pour
la tenir et, on peut dire, s’y tenir, s’y raccrocher. Sans elle, c’est pour lui la déperdition, la mise en détresse psychique et l’impossibilité de lutter pour vivre. Lui
rendre sa serviette et la lui laisser, ce dont la consigne est passée aux équipes de
soins, s’avérera permettre un « retour au calme » tant psychique que somatique.
Cette serviette, pour lui, et peut-être en particulier dans ce contexte, a ou
prend dimension «d’objet soi», a ou prend valeur de sauvegarde psychique et
fonction thérapeutique. Cette serviette contient «sa musique» qui est, dira-t-il plus
tard, «toute sa vie», comme pour ses parents eux aussi musiciens. Tout comme
on laisse désormais à l’enfant hospitalisé, cette part de soi/de l’Autre primordial
qu’est l’objet dit transitionnel, laisser à ce monsieur sa serviette, sa musique, «toute
sa vie» qu’il tient/qui le tient, c’était lui laisser ce rempart, ce secours, cette
«barrière psychique protectrice» qui lui était nécessaire pour vivre et désirer vivre.
On voit avec cet exemple que, si sur le plan physique la régulation somatique
avait pu être rétablie par les soins médicaux, ces soins seuls, dans le cas de cet
homme, ne réussissaient plus à contrer de façon efficace la survenue de troubles
qui, pour s‘amender, ne dépendait pas que du corps (organisme) et des soins
somatiques. Prendre dans ce cas cette serviette, certes un objet incongru sur un
lit de réanimation, c’était sans le vouloir ni le savoir, en le privant de sa «musiquevie» matérialisée par la serviette, faire violence psychique par l’autre/Autre
soignant prenant alors figure «féroce» dans la «relation de soins», et par là ouvrir
une faille dans la continuité de l’exister, le possible du vivre pour ce monsieur.
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Si ce monsieur n’avait pas par ses pleurs, son agitation, son refus de soins
nécessaires conduit les soignants désemparés par cette situation à la dégradation
inattendue, à demander l’intervention d’un «psy», la fonction pour lui de la
serviette serait restée ignorée et l’aggravation de son état tant psychique que
somatique imputé seulement à des perturbations inexplicables de l’organisme
malgré les soins appropriés. Ici, ne pas «voir» la serviette de musique seulement
comme un objet embarrassant lors les soins et n’ayant rien à faire sur un lit de
réanimation, mais en venir à s’interroger sur ce qu’elle pouvait singulièrement
représenter pour ce monsieur a permis aux soignants de la lui rendre et de
«l’intégrer» dans les soins. De l’intégrer, comme sont intégrés désormais auprès
des enfants hospitalisés, y compris en soins intensifs, les «objets de son monde»
que l’on pense «soignants» pour lui (maman, doudou etc.). Ce qui n’a pas été sans
effets sur le rapport des soignants à ce monsieur mais aussi des soignants entre
eux: chacun, réjoui, se demandant et plaisantant sur ce que pouvait être «l’objet
de leur vie», sur ce qui les faisait «tenir à la vie».
A propos de la psychose, ce que Roussillon appelle «l’expérience de terreur
agonistique» lui fait convoquer les approches de Bettelheim sur les «situations
extrêmes», de Winnicott à propos d’expériences de «mort psychique»,
d’expériences d’anéantissement de la subjectivité, ou encore celle de Bion
concernant les «terreurs sans nom». Ces approches, de même que celles de
Ferenczi ou de Searles qui ont été évoquées, donnent à penser que ces épreuves
psychiques et, disons même, psychocorporelles, se trouvent à l’origine du «retrait
de la subjectivité». Un retrait pouvant donc prendre différentes formes
d’expressions, qui suit les voies de logiques psychiques primitives (inconscientes
) toujours susceptibles d’être actives ou réactivées chez un sujet tout au long de
sa vie, et qui peut conduire, tant l’enfant que l’adulte en désespoir et sans secours
de l’autre/Autre, jusqu’à l’effondrement de tout l’être.
«Vivre le désespoir et ne pas se retirer» (Roussillon, 1999, p. 142-143)
suppose que se maintienne ou se retrouve de l’espoir. Dans les contextes que
j’évoque ici mais aussi dans d’autres contextes d’hospitalisation (Desprats
Péquignot, 2004), l’espoir qui peut faire rempart au retirement et au «choix» de
refuser de vivre, c’est dans la «relations de soins» qui s’établit et opère dans la
rencontre entre soigné (enfant ou adulte) et soignant(s) qu’il peut pour des sujets,
malgré tout ce qui leur advient, parvenir à être sauvegardé ou à se retrouver, mais
aussi qu’il peut être perdu. La «relation de soins» implique, je l’ai dit, le rapport
du sujet à l’autre/Autre dans un «champ de transférance» pour reprendre ici cette
formule de Pierre Fédida. Par la dimension «d’échange/transfert» qu’elle engage,
par le maintien et le «porter psychique» qu’elle peut venir assurer pour tel ou tel
sujet, on peut la rapprocher de la fonction psychique ce «soin primaire», de ce
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«soin fondamental» qu’est pour l’infans «l’action» de l’ autre/Autre secourable.
Une action qui pare au possible du désespoir d’exister, de la souffrance psychique,
d’un état de détresse, en ne «laissant pas tomber», en venant à l’aide par un
maintien et un «porter». Ce que Winnicott saisit en termes de holding et
«d’expérience de l’échange». «En prenant le terme de «holding» au sens large,
il permet de décrire tout ce qu’une mère fait en prenant soin physiquement de son
bébé...» écrit Winnicott. Situation de holding à laquelle est associé chez lui le
concept de «préoccupation maternelle primaire» ainsi que la question de
«l’expérience de l’échange» entre la mère et l’infans (Winnicott, 1969 et 2000).
On peut remarquer, dans le fil de cette question du holding, que dans les
institutions médicales ou autres, c’est souvent à de seules dimensions d’hygiène,
de nécessités physiologiques, à des gestes machinaux et des paroles
conventionnelles sans adresse qui ne supposent aucun sujet, que sont ramenés des
soins qui suppléent, qui pallient ce qu’une personne ne peut accomplir sans le
secours d’un autre. Tels sont les soins qui sont dits, globalement, de «nursing»
(laver, changer, nourrir etc.), bien peu valorisés, et dont certains sont même plus
ou moins laissés «au bon soin» de l’entourage. Ainsi, par exemple, si placer une
sonde gastrique pour nourrir est un soin «valorisé» à l’hôpital comme geste
médical, aider à manger une personne qui ne peut le faire seule est plutôt pensé
comme une charge de travail indue. Ce sont des soins pourtant par lesquels, de
façon privilégiée, peut opérer la fonction psychique de la «relation de soins» dans
«l’expérience de l’échange». Des soins donc non pas seulement corporel mais,
disons, psychocorporel, via lesquels, chez l’infans, l’autre /Autre primordial
maternel répond à l’initial aux «besoins de la psyché». Il ne s’agit donc pas dans
ces soins d’être «maternant» au sens commun du terme, ce qui se ramène souvent
à traiter l’adulte comme un enfant, mais de soutenir, de «porter» quelque chose
du sujet dans une adresse de parole jusque dans les soins d’autoconservation du
corps les plus élémentaires.
Chacun ne répond pas de la même manière à ce qui l’éprouve, qui peut
l’ébranler dans ses assises subjectives et jusqu’aux tréfonds de son être. Chez
l’adulte, de plus déjà fragilisé, négliger ou méconnaître l’importance que peut
avoir, pour lui, la fonction psychique de «la relation de soins» par laquelle il peut
être répondu aux «besoins de la psyché», ne va pas sans dommages, parfois
majeurs: elle peut être d’ordre aussi vital pour des adultes que les soins médicaux
du soma. Ce qu’on tend trop encore à laisser pour compte. L’autre /Autre
soignant, par la modalité de sa présence, de son «contact», par ce qui en est reçu,
perçu par un sujet, peut être secourable mais aussi destructeur pour celui-ci, sans
que le(s) soignant(s) en soupçonne rien. On a pu en avoir une idée avec les cas
de Mme C de X, du monsieur à la serviette ou celui du monsieur qui s’est suicidé
devant «ses» soignants . Aurait pu suivre une pente du même ordre ce monsieur
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venant d’être hospitalisé en réanimation, attaché serré des pieds et des mains car
il s’agite, arrache tout et se jette sur les barrières de son lit. Il n’a pas de visite
et dans le service, personne ne comprend rien à ce qu’il essaie de dire. Un coup
de fil passé en province dans sa famille, qui prend des mesures pour venir, donne
à penser qu’il parle peut-être dans son patois local. Un «interprète» sera cherché
le jour même pour venir lui parler dans la familiarité d’une langue «maternelle»
qui lui est coutumière depuis l’enfance et qui semble la seule qui lui vienne dans
son affolement présent. S’ensuivra un apaisement rapide qui permettra de lever
les mesures de contention.
En guise de conclusion: la question d’un hiatus
entre «guérison médicale» et «réanimation» psychique
Pierre Fédida remarquait: «L’observation de malades somatiques à l’hôpital
général m’a souvent suggéré l’hypothèse que la mort intervient brutalement chez
des patients incapables – dirais-je – de somatiser leur état somatique. C’est, par
exemple, à l’issue d’une guérison médicale techniquement réussie que survient
l’accident mortel (…). Dans de tels cas, tout se passe comme si un travail de deuil
somatique était brutalement interrompu par la guérison médicale du malade»
(Fédida, 1978, p. 646). Etre «incapable de somatiser un état somatique», n’estce pas dire l’incapacité à ne pas «psychiser» le somatique ou, dit autrement, la
compétence de certains à «psychosomatiser» le somatique? Où il faudrait
reprendre la question de l’autoérotisme et du psychique dans son action physique,
ici en lien avec celle de la mort brutale, et plus incisivement des effets somatiques
et sur le somatique du psychique.
Chez l’être humain, le registre de l’autoconservation, des besoins vitaux,
vient se subordonner, formule Lacan, à l’appareil signifiant qui vient s’y substituer.
Le soma, le biologique, leur fonctionnement sont repris «en sous-œuvre», formule
quant à lui Laplanche, par l’action psychocorpelle de «la personne secourable»
(Freud), et il soutient: «... du côté de l’adulte ce qui s’implante, ce sont des
messages avant tout somatiques, inséparables des signifiants gestuels, mimiques
ou sonores, qui les portent» (Laplanche, 1999, p. 13). Si on admet cela, c’est
alors admettre une compétence plus ou moins grande chez l’être humain à
s’ordonner, jusque dans son fonctionnement d’organisme, du rapport à l’autre/
Autre, à l’initial l’autre/«l’Autre primordial maternel», à être modifié et régulé par
et dans le jeu des «relations psychiques fondamentales» (Lacan) qui se façonnent
dans ce rapport. Un rapport dont l’instauration et les effets se donnent à penser
chez Freud avec la question de l’autoérotisme, indissociable de celles de la pulsion
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sexuelle et des zones érogènes, le conduisant à penser que le corps tout entier
pouvait être érogène, c’est dire autoérotisé. C’est dire que le corps dit «humain»
n’est pas qu’un organisme comme d’autres, il est aussi corps pulsionnel, corps
de désir, de paroles, corps «psychisé» qui se construit dans le rapport à l’autre/
Autre. C’est là des problèmes d’importance si on considère, et il y a un certain
accord sur ce point, que les investissements autoérotiques «jouent certainement
un rôle très important dans les phénomènes psychosomatiques» (Lacan, 1954-55,
p. 120).
A considérer, en effet, cette idée d’un écart, d’un hiatus ici, selon Fédida
entre travail de deuil somatique et guérison médicale du malade, n’est-ce pas alors
ce qui se fait ressentir comme un «lâcher», un «laisser tomber» dans des soins
corporels ayant pris dimension de fonction psychique, que va se jouer chez
certains, considérés guéris, l’impossibilité psychique, psychocorporelle, de se
passer brusquement de ces soins pris pour eux dans le rapport à l’autre/Autre?
Un rapport que, dans les services de soins intensifs comme la réanimation, des
«machines-signifiants» peuvent présentifier.
On connaît en réanimation néonatale la mort brutale de nourrissons «sevrés»
des machines car considérés sortis d’affaire au plan médical et capables, disons,
de vivre seuls. Les machines et autres appareillages auxquelles ils sont reliés dès
leur naissance souvent peuvent prendre fonction psychique d’Autre, avoir valeur
de «part de corps/ part de soi /part de l’Autre». Il peut en être de même chez des
adultes. Le débranchement des machines et autres appareillages «signifiants» avec
lesquels le sujet à «fait corps» (on sait les difficultés et l’angoisse souvent du
«sevrage» du respirateur, du monitoring cardiaque), qu’il a écouté, d’où il s’est
«entendu», peuvent s’éprouver comme abandon, comme «lâchage» de l’Autre.
Alors que «la guérison médicale techniquement réussie» est là, le sujet lui, peut
ne pas être revenu d’un processus de «déshabitation/désanimation» psychique par
lequel il s’est secouru et/ou d’un «porter» par l’Autre-machine qui lui est
brusquement retiré. Un écart, un hiatus plus ou moins grand et dangereux que
peut venir sanctionner la mort brutale. Où on peut penser l’importance, ici aussi,
de ne pas négliger «la relation de soins», la fonction psychique du holding, dés
le temps même de soins intensifs où des machines viennent suppléer aux «besoins
somatiques». C’est là peut-être ce qui pourrait permettre à certains, techniquement
guéris, un «travail de deuil somatique», de «somatiser leur état somatique» qui ne
vient plus se confondre chez eux, par les voies de logiques psychiques primitives
s’instaurant avec «la fonction autoérotique» (Fédida), avec les «besoins de la
psyché» et leur mise à mal.
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2000.
Résumés
Certas situações clínicas sugerem a possibilidade de um sujeito hospitalizado «se
matar» num estranho processo de «eutanásia» por ação do psíquico sobre o físico. Uma
ação que pode ser pensada como simultaneamente consequência e correlação de um
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grave e duradouro adoecimento das «necessidades» da psique e que pode conduzir ao
que aparece como uma morte brutal, mas também à «sindrome de deslizamento» que
frequentemente termina em morte.
Nessas situações, regressão patológica, processo de auto destruição, lógicas
psíquicas primitivas parecem fundamentar uma defesa paradoxal: se salvar do
aniquilamento pelo aniquilamento. Deve-se considerar a importância, no que se refere
a estas situações, da função psíquica da «relação de cuidado» que implica a relação
com o outro/Outro, e pela qual pode-se corresponder às «necessidades» psíquicas.
Palavras-chave: Autodestruição, necessidades do psiquismo, morte brutal, síndrome de
deslizamento, hospitalismo
22
Some clinical situations bring to suspect the possibility for an hospitalized subject
to “to take him/her’s own life” in a “strange euthanasia” by a physical action of the
psychic. An action that can be thought consequent and correlative with a serious and
lasting damage of the “needs” of the psychic which can lead to what seems like a brutal
death but also like the “shift syndrom” which often ends with death.
In these situations, pathological regression, self-destruction process, primitive
psychical logics seem to build a paradoxal defence: to avoid annihilation by
annihilation. Regarding these situations, the importance is to be taken seriously of the
psychical function of “the treatment relation” which implies a link with the other/the
Other and by which the “needs” of the psychic can be fulfilled.
Key words: Self-destruction, “needs” of the psychic, brutal death, shift syndrom,
hospitalism
Ciertas situaciones clínicas sugieren la posibilidad de que un sujeto
hospitalizado “se mate” en un extraño proceso de eutanasia por acción de lo psíquico
sobre lo físico. Una acción que puede ser pensada simultáneamente como consecuencia
y correlación de un grave y duradero adolescimiento de las “necesidades” de la psique
que puede conducir a lo que aparece como una muerte brutal, pero también al
“síndrome de deslizamiento” que frecuentemente termina en muerte.
En esas situaciones, regresión patológica, proceso de auto destrucción, lógicas
psíquicas primitivas parecen fundamentar una defensa paradoxal: salvarse del
aniquilamiento por el aniquilamiento. Se debe considerar la importancia, en lo que se
refiere a estas situaciones, de la función psíquica de la “relación de cuidado” que
implica la relación con el otro/Otro, y por la cual se puede corresponder a las
necesidades psíquicas.
Palabras claves: Autodestrucción, necesidades del psiquismo, muerte brutal, síndrome de
deslizamiento, hospitalismo
Lat. Am. Journal of Fund. Psychopath. Online, v. 7, n. 2, p. 3-23, novembro de 2010
ARTIGOS DE AUTORES
DE OUTROS PAÍSES
Citação/Citation: Péquignot, C. D. Des «besoins» de la psyché au syndrome de glissement
ou à la mort brutale: «une étrage euthanasie»?. Latin American Journal of Fundamental
Psychopathology Online, São Paulo, v. 7, n. 2, p. 3-23, novembro de 2010.
Editores do artigo/Editors : Prof. Dr. Henrique Figueiredo Carneiro, Profa. Dra. Junia de
Vilhena e Profa. Dra. Ana Cecilia Magtaz.
Recebido/Received : 02.08.2010/08.02.2010 Aceito/Accepted : 30.08.2010/08.30.2010
Copyright: © 2010 Associação Universitária de Pesquisa em Psicopatologia Fundamental/
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Conflito de interesses : O autor declara que não há conflito de interesse/The author
declares that has no conflict of interest.
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CATHERINE DESPRATS PÉQUIGNOT
Psychologue clinicienne; Psychanalyste; Maître de conférences HDR, UFR SHC;
Université Paris VII; Membre du Centre de Recherches Psychanalyse, Médecine et Société,
Paris VII.
56 rue Jeanne d’Arc
75013 Paris, France, Fr
e-mail: [email protected]
Lat. Am. Journal of Fund. Psychopath. Online, v. 7, n. 2, p. 3-23, novembro de 2010

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