Marc Lavoine, mélancolie solaire

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Marc Lavoine, mélancolie solaire
NORD ÉCLAIR - DIMANCHE 13 SEPTEMBRE 2009
56
1940.
ឣ MUSIQUE
Marc Lavoine, mélancolie solaire
Entre le cinéma et la scène, Marc Lavoine sera bientôt sur tous les fronts. Son dernier album, « Volume 10 », dégage
une belle impression de sérénité. Des chansons à la fois marquantes, mélancoliques et entêtantes.
PROPOS RECUEILLIS PAR PATRICE DEMAILLY > [email protected]
Quatre ans séparent cet opus du
précédent « L’heure d’été ».
Qu’avez-vous fait pendant cette période ? >> Beaucoup de cinéma
puisqu’il y a quatre ou cinq
films qui arrivent. La tournée a
été longue, j’ai enregistré un disque de duos, je me suis occupé
de l’album de Gérard Darmon,
et enfin ce disque. Entre temps,
je suis devenu papa. Ce qui
change forcément la vie.
Je suis très attaché
au côté fraternel des
choses, à la longueur
des sentiments, à la
longévité des relations.
C’est indissociable du
travail que je fais.
que j’ai faite à distance puisque
Lulu était dans son école à Boston. Il m’a finalement envoyé
une lettre avec sa musique et sa
voix murmurée. Et je me suis
rendu compte qu’il avait une
impressionnante maturité musicale.
Vous n’avez jamais connu de traversée du désert. Un
luxe ? >> J’ai eu la chance,
même sur des disques difficiles,
d’avoir une ou deux chansons
qui ont eu du succès. J’ai toujours réussi à m’en sortir parce
qu’il y a le soutien de mes camarades chanteurs et l’amitié du
public.
Valérie Lemercier vous accompagne sur « La grande amour ». Que
représente-t-elle
pour
vous ? >> J’adore cette femme,
une vraie personnalité, une élégance incroyable, la gentillesse
à l’état pur. C’est Bertrand Burgalat qui m’a soumis l’idée. Au
cours de l’enregistrement de la
chanson, elle était à la fois drôle
et sérieuse.
Quel recul avez-vous sur vos vingtquatre ans de carrière ? >> Je ne
suis pas du genre à trop regarder dans le rétroviseur. Mais
quand je suis sur scène avec
mes chansons, cela raconte un
peu ma vie. Elles correspondent
aussi à celle des gens. C’est miraculeux de voir cette telle fidélité du public.
Peut-on dire que cet album est né
dans un contexte particulier ? >> Complètement. J’ai
écrit les textes entre la naissance de Roman et la disparition de mon père. J’ai rameuté
la famille, j’ai appelé Fabrice
Aboulker, compositeur des
Yeux revolvers et de Qu’est-ce
que t’es belle. On est parti ensemble en voyage et on a fait la première chanson qui a été écrite,
Reviens mon amour. Cela a
donné le ton du disque, ça a
mis la barre à un certain niveau. J’ai ensuite appelé Christophe Cazenave qui m’avait
écrit la musique de Toi mon
amour, j’ai rencontré Bertrand
Burgalat...
Marc Lavoine a enregistré une partie de son disque dans la maison de George Harrisson, à Los Angeles.
tres avec le réalisateur Tony
Gatlif. Quand je lui demandais
le scénario, il me disait toujours : « On va se revoir la semaine prochaine ».
L’accouchement du texte évoquant
votre père disparu a-t-il été douloureux ? >> Cette chanson a été
faite presque inconsciemment.
J’étais dans une sorte de coma
éveillé, j’ai vraiment dit ce que
Et Julien Clerc qui signe la musi- j’avais sur le cœur. Après la vie
q u e d e « R u e d e s a c a - a repris le dessus avec l’avencias » ? >> C’est mon parrain ture du film de Tony Gatlif sur
dans le métier. Julien m’a un la déportation des Tziganes en
peu mis en lumière. À l’époque
42 (Liberté, ndlr).
des Yeux revolvers, il m’avait invité sur des plateaux télé très C’était votre héros ? >> J’ai un
importants.
immense respect. Il était communiste, il a fait la guerre d’Al« J’essaye d’être le public
gérie qui a été très violente. Ça
de mon propre travail »
a été une souffrance énorme
Quel est votre rapport à l’écri- pour lui, il n’en a jamais vraiture ? >> Je suis quelqu’un qui ment fait le deuil. Mon père a
aime marcher avec les gens. Je fait partie d’une génération un
lance des idées et je les soumets peu gâchée. À la maison, on vià mon entourage pour voir com- vait comme une sorte de comment il réagit. Parfois, il s’agit munauté, ma mère faisait des
de hasard. La semaine prochaine, pâtes pour tous les gens qui
je l’ai écrite suite à des rencon- étaient là.
Vous chantez « Les rêves américains ». Que vous renvoie ce
pays ? >> J’ai un fils de 23 ans
qui vit en Amérique. Il a la couleur de son président. Et celui-ci
a mon âge. Tout un symbole.
Une musique
de Lulu Gainsbourg
On sent que l’amitié n’est pas un
vain mot pour vous. Vous confirmez ? >> Je suis très attaché au
côté fraternel des choses, à la
longueur des sentiments, à la
longévité des relations. C’est indissociable pour moi du travail
que je fais. Plus ça avance, plus
cela devient une nouvelle vérité, une réalité. J’ai eu une première relation avec Fabrice
Aboulker qui a duré dix ans, on
a fait paroles et musiques tous
les deux. Et là on se retrouve
sur un album qui est peut-être
le plus important pour moi.
Estimez-vous que vous avez encore
des choses à prouver ? >> Je n’ai
jamais voulu prouver quelque
chose à qui que ce soit, je n’ai jamais cherché à être plus fort
que les autres. C’est une exigence avec moi-même. Je veux
être le plus près de l’enfant que
j’étais.
Comment est née l’envie de faire
un duo (« Lentement ») avec votre
fille Yasmine ? >> Initialement,
je devais chanter seul ce titre.
Quand Sarah, ma femme, l’a entendu, elle m’a dit : « Cette
chanson irait bien à Yasmine ».
Ce n’était pas idiot puisque la
voix qu’elle a aujourd’hui n’est
qu'éphémère. Je voulais donc
faire une photographie de nos
voix ensemble.
Sa réaction ? >> Elle m’a dit :
« D’accord pour chanter, mais
pas de scène, pas de vidéo ». J’ai
Comment expliquez-vous que vous trouvé ça vraiment intelligent
vous qualifiez d’« impos- qu’elle veuille d’elle-même proteur » ? >> C’est parce que téger son image. Je lui aurais
j’aime tellement le travail des d’ailleurs proposé cette alternaautres. Quand j’écoute tive-là. Cela reste une chanson
Françoise Hardy ou Alain Bas- artistique, pas une exposition
« people ».
hung, je suis fan, je suis le public. Et j’essaye d’être le public C’est quoi le bonheur pour Marc Lade mon propre travail, de me voine ? >> C’est une décision à
faire rêver. Je n’ai pas tellement prendre. L’amour, c’est une réenvie de m’admirer, ce n’est volution permanente alors que
pas mon rôle. Être reconnu le bonheur, il faut se pencher
pour mon travail ou entendre dessus, aller le chercher. Ce
les gens siffloter mes chansons n’est pas facile. Parfois il nous
me suffit.
échappe, parfois il revient. Il
faut être patient. Le bonheur,
Lulu Gainsbourg a composé la mu- c’est aussi de dire aux autres
sique de « Quand je suis seul ». « je suis là ». ɀ
Comment
l’avez-vous
convaincu ? >> Je l’ai un peu
poussé dans ses retranchePRATIQUE
ments. Je lui ai proposé, il a
« Volume 10 ». Disque Mercury.
15,99 €.
d’abord accepté avant de reculer. Il s’interrogeait sur le style
En concert le 2 mars 2010 au
Zénith de Lille. 39 €. Rés : Fnac et
à donner à la musique : rapide,
points de vente habituels.
lente ? C’est la seule chanson

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