LA DIMENSION CULTURELLE DE LA POLITIQUE FRANCAISE EN

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LA DIMENSION CULTURELLE DE LA POLITIQUE FRANCAISE EN
LA DIMENSION CULTURELLE
DE LA POLITIQUE FRANCAISE
EN AMERIQUE LATINE
IEP de Toulouse
Mémoire pour la 4ème année
Présenté par Claire Lawrence
Directeur du mémoire: Bernard Labatut
IEP 2008
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LA DIMENSION CULTURELLE
DE LA POLITIQUE FRANCAISE
EN AMERIQUE LATINE
IEP de Toulouse
Mémoire pour la 4ème année
Présenté par Claire Lawrence
Directeur du mémoire: Bernard Labatut
IEP 2008
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Avertissement : l’IEP de Toulouse n’entend donner aucune approbation, ni
improbation dans les mémoires. Ces opinions doivent être considérées comme propre
à leur auteur.
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Remerciements:
Je tiens tout d'abord à remercier M. Bernard Labatut qui a su me guider efficacement
dans la réalisation de ce mémoire de recherche. Ses conseils ont été précieux.
J'adresse également mes remerciements sincères à Alexandre Roig, mon responsable de
stage au cours de l'année universitaire 2006/2007, au moment où j'étais en Argentine. C'est grâce à
lui que j'ai pu commencer ce travail.
Le soutien de mes proches a, par ailleurs, été lui aussi important. Ils ont été d'une
écoute très utile à chaque étape de ce mémoire.
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SOMMAIRE
Introduction
P.8
PREMIÈRE PARTIE - DES RESSOURCES EXCEPTIONNELLES MAL
EXPLOITÉES
P.13
Chapitre 1- Les héritages de l'influence culturelle française en Amérique latine
Section 1 – Brève histoire de la diffusion culturelle française en Amérique latine
Section 2 – L'État français n'est pas le seul acteur sur ce terrain
P.13
P.13
P.17
Chapitre 2 - Des ressources actuelles très riches mais trop peu efficaces
Section 1 – L'organisation de cette politique culturelle extérieure
Section 2 - Le rôle de la Direction Générale des Relations Culturelles :
diriger la politique culturelle extérieure
Section 3 – Les autres acteurs de la politique
P.22
P.22
P.25
PARTIE 2 – LE MANQUE D'ADAPTATION DE CETTE POLITIQUE
P.32
Chapitre 1 – Les mutations de la politique culturelle extérieure : quelques avancées
Section 1 - Le volontarisme du Ministère de la Culture au sortir de la
P.32
P.33
P.27
Seconde Guerre Mondiale fait de l'ombre au Ministère des Affaires étrangères
Section 2 – Les tentatives de renouvellement du travail du Quai d'Orsay
P.35
Chapitre 2 – La politique culturelle extérieure et l'uniformisation culturelle
P.41
Section 1 – La défense de l'exception culturelle
P.41
Section 2 – La France comme alternative à l'hégémonie culturelle anglo-saxonne? P.44
Chapitre 3 : Une politique encore largement figée dans son passé
Section 1 – Une image basée quasi-exclusivement sur un passé
considéré comme glorieux
Section 2 – Une politique inadaptée. Les pistes proposées pour son
renouvellement
Conclusion
P.46
P.46
P.47
P.55
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7
LA DIMENSION CULTURELLE DE LA POLITIQUE FRANCAISE EN
AMERIQUE LATINE
" peut-on gouverner la création et l'imaginaire comme on le fait des affaires
publiques d'un Etat?" Jean Duvignaud1
Le début du déclin de la diplomatie française et plus généralement de la France comme
puissance mondiale remonte à la fin de la Première Guerre Mondiale et s'est confirmé au lendemain
du second conflit mondial. Le monde qui s'est alors dessiné a annoncé un nouvel ordre où les
"grands" ne sont plus des européens, mais sont les États-Unis, le bloc soviétique et secondairement
la Chine. Depuis, les cartes ont été redistribuées; avec la chute du mur de Berlin, on a cru à la
victoire définitive du capitalisme et à l'hégémonie totale des Etats-Unis. Si la situation est en réalité
plus complexe, il n'en reste pas moins que le monde est fortement marqué par le système libéral
capitaliste et par le phénomène complexe qu'est la mondialisation. La France et sa diplomatie
semblent perdre du terrain dans ce contexte. Cela dit, la France tente de faire valoir ses atouts,
parmi lesquels, un atout traditionnel, son poids culturel historique. Lorsque nous parlons ici de
poids culturel, nous faisons référence tant à la "patrie des Droits de l'Homme et des Lumières" telle
que les responsables politiques la font valoir, comme aux œuvres artistiques de renommée
mondiale, mais aussi à la gastronomie française ou encore au "savoir-vivre" français. Toutes ces
images sont des "clichés", pourtant, elles semblent encore faire partie de l'imaginaire collectif à
l'étranger. C'est ce poids que la France tente de valoriser, ou dans une vision plus pessimiste, qu'elle
tente de préserver.
Dans le domaine de "l'exportation" de la culture, comme dans les autres champs de la
culture (l'aide à la création, la mise en avant du patrimoine culturel, etc.), l'État mène une politique
active. Considérant les objets culturels et artistiques comme des instruments participant à la
"géopolitique de la culture", la France a mis en place diverses institutions dont la fonction est de
1 préface de l'ouvrage d'Alain Lombard, Politique culturelle internationale, Le Modèle français face à la
mondialisation, Paris Babel, Actes Sud
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développer ces exportations et d'améliorer le poids de la culture française sur la scène
internationale. La politique menée dans ce domaine est une politique stratégique, à tel point qu'elle
est en très grande partie placée sous la responsabilité du Quai d'Orsay. L'enjeu est tel qu'elle n'a pas
été mise entre les mains du ministère de la Culture.
La France est peut-être l'État qui a le plus développé cette dimension culturelle de sa
politique étrangère. Cet aspect renvoie à la nature de la politique extérieure, qui est propre à chaque
État. Dans la lignée de Marcel Merle, il faudrait souligner l'interpénétration de la politique interne et
de la politique externe, ce qui dans notre cas expliquerait l'importance de la politique culturelle
extérieure : celle-ci a acquis de l'importance grâce à la politique culturelle interne formidable
développée en France; en retour, l'action culturelle à l'étranger a un impact sur la politique en
matière culturelle sur le territoire national.
Mais ce particularisme français découle par ailleurs du fait que chaque État développe de
manière différenciée ses relations extérieures. Certains mettront l'accent sur l'instrument militaire,
d'autres sur la puissance économique, etc. La France a particulièrement développé son instrument
culturel. Cette caractéristique en dit long sur l'image que la France a d'elle-même, image qu'elle
voudrait projeter à l'étranger...
Il serait pertinent de reprendre la question de Marie-Claude Smouts « que reste-t-il de la
politique étrangère »2 en l'adaptant à notre champ d'étude : que reste-t-il de la politique culturelle étrangère?
Marie-Claude Smouts s'interroge dans son article sur la situation actuelle et future de cette
politique si particulière.
Pour son analyse, elle se place à l'intersection des théories réaliste et transnationale.
Chacune de ces théories a des fondements pertinents, mais l'une ou l'autre ne suffisent pas. L'État
reste un acteur de premier plan en matière de relations internationales, malgré la montée en
puissance des acteurs économiques, des organisations multilatérales, etc.
Dans son texte, elle se veut d'analyser le rôle que joue aujourd'hui la politique étrangère
dans le contexte actuel qui s'est complexifié.
Il est vrai que les acteurs non-étatiques ont pris une place nouvelle (même s'ils ont toujours
joué un rôle sur la scène internationale) qui remet en cause le pouvoir étatique en matière de
relations internationales (et dans beaucoup d'autres domaines, d'ailleurs). Notre époque est
singulièrement marquée par une remise en cause de l'État. Si la théorie réaliste mettait trop l'accent
sur le rôle de l'État et sur sa volonté de puissance, à l'inverse, la tendance actuelle néglige trop
2 cf. le titre de son article dans le n°88 de Pouvoirs.
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l'État. Le phénomène de mondialisation a mis en tête de l'agenda international les affaires
économiques et commerciales. Les organisations internationales en charge de ces questions (OMC,
FMI, Banque mondiale, G8,...) sont celles qui sont les plus puissantes et les plus écoutées. Ce
constat pourrait être considéré comme l'indice de la fin de l'État et donc de sa politique étrangère.
Mais comme nous l'explique Marie-Claude Smouts, « remplacer un prisme (celui des « réalistes »)
par un autre prisme (celui des « transnationalistes ») ne donnera jamais qu'une vision déviée ».
La politique étrangère conserve un rôle déterminant. Si ce n'était pas le cas, les mots de
guerre ou de paix seraient absents des informations transmises par les médias.
Mais c'est une politique qui s'est complexifiée étant donné que le monde actuel est plus
complexe. Son champ s'est élargi à des domaines autres que ceux de la défense et de la
géopolitique. Ceux qui y participent, ce ne sont plus uniquement des diplomates, mais aussi des
dirigeants d'entreprises, des experts, des ONG, etc.
Le cas des États européens est encore plus atypique étant donné les compétences
communautaires qui imposent des concertations incessantes.
En plus de l'Union Européenne, la France est engagée dans de très nombreuses instances
multilatérales, c'est d'ailleurs le pays qui fait partie du plus grand nombre d'organisations
internationales. L'agenda de la politique étrangère est rythmé par les rencontres de ces
organisations, tous comme les thèmes à traiter. L'influence de cet aspect multilatéral est immense,
rien ne peut se décider seul.
Autre contrainte, la politique et la situation intérieures participent à la définition de la
politique étrangère, qui en retour pèse sur le plan intérieur.
Ces aspects de la politique étrangère que décrit Marie-Claude Smouts dans son article sont
tout à fait transposables à la politique culturelle étrangère.
En effet, le phénomène multiforme de la mondialisation, semble être très contraignant pour
la politique culturelle étrangère française, peut-être encore plus que pour les autres pans de la
politique étrangère. Le défi est le suivant : alors que la mondialisation permet la démultiplication
des échanges (culturels entre autres), la situation pose problème du fait que paradoxalement, elle est
également porteuse d'un risque d'uniformisation de la culture dans le monde, marquée par
l'influence anglo-saxonne en particulier.
Les acteurs économiques prennent ici aussi, une place de plus en plus importante : les
industries culturelles sont puissantes et déterminent en grande partie la « consommation culturelle »
comme les règles en vigueur.
L'État n'est en outre plus l'acteur public premier : au-dessus de lui, l'Union Européenne
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étend son champ de compétence en matière culturelle et notamment dans la réglementation des
échanges culturels à dimension commerciale. D'autres acteurs agissent également: l'UNESCO, mais
également l'OMC par exemple. Enfin, à un niveau infra-étatique, les collectivités territoriales ont
touché à un domaine inconnu pour elles il y a encore peu : la politique culturelle à l'étranger, dans
un souci de développement de leur image.
Cet aperçu rapide de la situation actuelle de cette politique (que nous développerons plus
amplement par la suite) illustre la raison pour laquelle nous pouvons nous demander, sur le modèle
de la question de Marie-Claude Smouts : que reste-t-il de la politique culturelle étrangère?
Parmi les régions du monde qui font montre d'un intérêt pour la culture française,
l'Amérique latine est peut-être la région où cet intérêt s'exprime le plus fortement. Du moins, lors de
notre séjour sur ce continent, avons nous pu observer à maintes reprises à quel point les Latinoaméricains, du moins les élites, utilisent régulièrement des références culturelles françaises. Les
relations diplomatiques de la France ont bénéficié de la francophilie largement partagée par les
élites latino-américaines au cours du XIXème siècle. En ce sens, la culture était devenue un
véritable vecteur d'influence au même titre que la coopération militaire ou économique. S'il faut
nous interroger sur la situation actuelle de ces relations culturelles, il nous a semblé intéressant de
délimiter notre étude de la politique culturelle étrangère à la région latino-américaine. Ces liens
historiques tissés entre la France et les pays de la zone restent remarquables. C'est également parce
que la région en question présente une (très) relative homogénéité culturelle et historique qu'elle a
pu faire l'objet d'une étude en particulier. Pour le moins, il semble que les politiques françaises qui
ont touché à l'Amérique latine l'ont considéré comme un ensemble d'une cohérence satisfaisante.
Dans le contexte actuel de mondialisation, le vecteur des relations culturelles peut-il avoir
toujours autant de poids en Amérique latine face à la concurrence anglo-saxonne et à
l'uniformisation culturelle?
La thèse que nous voudrions défendre c'est l'idée selon laquelle la politique étrangère de la
France en Amérique latine bénéficie encore de cet héritage d'influence culturelle, mais peine à
s'adapter au contexte actuel.
Pour tenter d'apporter des éléments de réponse à la problématique de notre travail de
recherche, nous nous sommes appuyés sur deux types de ressources. Premièrement, des ouvrages et
articles scientifiques traitant du thème nous ont permis de construire un socle théorique.
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En ce qui concerne le deuxième type de source, il s'agit de documents officiels produits par
l'Assemblée Nationale, le Sénat et le Ministère des Affaires Étrangères. Nous avons privilégié les
avis et rapports les plus récents afin de contribuer à une étude la plus actuelle possible. Les rapports
sur lesquels nous nous sommes appuyés datent au plus de dix ans, ce sont les dernières analyses de
fonds produites par des parlementaires sur des questions relatives au thème traité. Ces rapports
portent sur des aspects délimités de cette politique tels que les centres culturels français à l'étranger
ou encore sur l'enseignement du français à l'étranger. En plus de ces rapports sur des questions
ponctuelles, nous nous sommes également appuyés sur un rapport, certes plus ancien, mais qui a
marqué la politique dont nous traitons, ce rapport est celui de Jacques Rigaud.
Les autres documents parlementaires utilisés sont des avis émis à l'occasion du vote du
budget. Délimiter une période significative s'est avéré être une tâche difficile étant donné que cette
politique s'inscrit dans une continuité assez remarquable. Les modifications apportées ne portent
que sur des questions plus ou moins secondaires. La politique d'action culturelle telle que mise en
place au sortir de la Deuxième Guerre Mondiale a finalement peu évoluée (ce point fera l'objet
d'une des parties de cette analyse, c'est notamment cette continuité qui pose actuellement problème,
puisque ce manque d'adaptation participe d'un manque de remise en cause).
Enfin, des documents produits par les acteurs de cette politique, c'est-à-dire par des services
du Quai d'Orsay ont également été analysés.
Ces documents nous paraissent être d'une grande richesse pour plusieurs raisons : tout
d'abord, ce sont des documents "bruts" qu'il nous convient d'analyser et d'interpréter, tâche propre à
un travail de recherche. Par ailleurs, ils proviennent d'instances ou d'acteurs qui se trouvent en
première ligne pour définir la politique que nous étudions ici, la politique culturelle de la France à
l'extérieur. Parmi les raisons pour lesquelles nous avons privilégié ce type de documents, nous
pouvons encore citer le fait que fréquemment, ils établissent un bilan de la politique en question et
proposent des perspectives futures; ainsi, à partir de ces sources, nous pouvons émettre des
hypothèses sur l'avenir de cette politique (que nous étudierons dans la troisième partie de ce
mémoire de recherche).
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PREMIÈRE PARTIE - DES RESSOURCES EXCEPTIONNELLES MAL
EXPLOITÉES
Chapitre 1- Les héritages de l'influence culturelle française en Amérique
latine
L'Amérique latine constitue traditionnellement l'une des zones où l'influence
culturelle française est la plus forte, si l'on met de côté les pays francophones et les anciennes
colonies (celles-ci constituent à la fois d'anciens territoires dominés par la France et où
aujourd'hui encore dans la plupart des cas, le français reste pratiqué par de larges couches de
la société). Cette influence est ancienne, puisqu'elle remonte à la création des États latinoaméricains : c'est la philosophie du Siècle des Lumières et la Révolution Française qui en
découle qui ont inspiré tous les indépendantistes latino-américains. Les règles juridiques de
ces Etats alors nouvellement créés tirent leurs sources de l'exemple français : la Charte des
Droits de l'Homme de 1789 et le Code Napoléon sont les principales références sur le
continent latino-américain. Les élites depuis les indépendances et au moins jusqu'au début du
XXième siècle citaient en matière culturelle et scientifique en premier lieu des références
françaises.
Section 1 – Brève histoire de la diffusion culturelle française en Amérique
latine
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I. L'évolution de l'influence culturelle depuis les indépendances latino-américaines jusqu'à
l'entre deux guerres
Depuis les indépendances latino-américaines, qui se sont effectuées à partir des
valeurs portées par le siècle des Lumières, les élites latino américaines se sont tournées vers
la France, sa culture, son système politique et juridique, ses arts, ses modes, etc... Le
phénomène a eu une telle importance qu'on lui a donné un terme : on parle
d'"afrancesamiento" de ces élites3. La littérature de voyage du XIXème siècle a pu retracer ce
phénomène abondamment : les voyageurs européens décrivent leur étonnement lorsqu'à leur
arrivée sur le continent latino-américain, ils découvrent que les femmes sont parées des
mêmes vêtements que les Parisiennes, les élites parlent français dans les salons mondains et
connaissent presque mieux la littérature française que les Français eux-mêmes.
Le changement est profond : au XVIème et XVIIème siècles, et jusqu'au XVIIIème
siècle, les colonies ibéro-américaines étaient uniquement tournées vers leur métropole :
l'Espagne comme le Portugal avaient instauré un monopole commercial pour éloigner les
autres puissances attirées par les richesses du Nouveau Monde. Les contacts avec l'extérieur
en étaient d'autant plus limités. La politique de conversion au catholicisme menées par ces
mêmes métropoles participe d'un même phénomène.
Il faut attendre le XVIIème siècle pour que les Latinos américains aient un accès plus
large au reste du monde. Les règles commerciales imposées par les Ibériques sont de plus en
plus contournées et combattues, la diffusion de produits, biens culturels, et modes en
provenance de France en particulier s'accélère. A la fin du XVIIIème siècle, les écrits de
Lumières françaises sont largement diffusés au sein des cercles d'élites des différents pays
latino-américains. A cela s'ajoute l'intérêt suscité par les événements qui marquent la France à
partir de 1789. Les premiers indépendantistes du continent s'inspirent largement des valeurs
des Lumières, portées par les Révolutionnaires français. La Déclaration des Droits de
l'Homme et du Citoyen est traduite par le Colombien Antonio Narino qui se charge de la faire
circuler clandestinement.
L'image de la France largement répandue dans les sociétés latino-américaines est
celle d'une terre de liberté, de droit, et de progrès.
3 Voir sur ce point notamment les travaux de Denis Rolland, La crise du modèle français. Marianne et
l’Amérique Latine. Culture, politique et identité. Presses Universitaires de Rennes, Institut Universitaire de
France, 2000.
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Exemple parmi tant d'autres de l'influence culturelle française : le positivisme
d'Auguste Comte. Au cours de la seconde moitié du XIXème siècle, la très grande majorité
des élites d'Amérique du Sud ont lu les ouvrages du philosophe et les progressistes se
réclament d'ailleurs du positivisme. Avec la fin de la monarchie au Brésil en 1889, c'est la
Marseillaise qui est jouée pour proclamer la république, et sur le nouveau drapeau de
l'ancienne colonie portugaise on peut lire la devise Ordem e Progresso, directement inspirée
du positivisme comtien.
La référence aux valeurs françaises n'a pas pris fin à la suite des indépendances. La
francophilie, bien au contraire s'est développée, approfondie et diffusée au sein des sociétés
en question. La France se substitue en quelque sorte à l'Espagne et au Portugal, rejetés tout
comme est rejeté le lien colonial. Paris devient la nouvelle capitale, où d'ailleurs, tous les
membres de l'élite au cours de l'éducation se doivent d'y séjourner.
Le péril que représentait le premier conflit mondial pour la France et ses valeurs a
suscité d'ailleurs un élan de solidarité en Amérique latine. L'Uruguay a ainsi fixé la fête
nationale au 14 juillet. Élément également peu connu et peu retenu par l'histoire, parmi les
étrangers qui se sont engagés auprès des soldats français, on a compté des centaines de
jeunes Latino-Américains.
II. Les principaux domaines où cette influence est la plus ressentie
La langue française est largement enseignée tant dans le système éducatif que grâce
aux Alliances françaises dont le nombre d'établissements sur le continent se multiplie à partir
de 1880. Le français se maintient à la première place des langues étrangères parlées et
enseignées en Amérique latine jusqu'à l'entre deux guerres, c'est alors l'anglais qui le
devance.
Un même goût s'exprime en ce qui concerne la littérature (la pratique du français
permettant l'accès à la littérature). A tel point que Chateaubriand est l'un des principaux
inspirateurs du romantisme brésilien. C'est encore en Amérique latine que Lamartine trouve
un soutien au moment où en France il est rejeté.
Cette inspiration française touche de nombreux autres domaines. L'urbanisme par
exemple est très marqué au cours du XIXème et début du XXème siècle par les réalisations
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françaises. La ville qui illustre le mieux cette influence est probablement la ville brésilienne
de Rio de Janeiro dont le remodelage est mené par Francisco Perreira Passos qui a suivi les
cours de l'École des ponts et chaussées. Les avenues percées à cette occasion, les principes
hygiénistes appliqués et la volonté de contrôler la marginalité sociale de la ville entrent dans
la lignée directe des travaux menés à Paris par le baron d'Haussmann.
Le domaine des sciences et techniques n'est pas en reste. Ce qui infirme l'image d'une
influence uniquement artistique et littéraire. André Siegfried, figure de la science politique
française écrivait ainsi en 1947 dans Le développement économique de l'Amérique latine4
« Ne laissons pas dire que la préoccupation scientifique ou technique n'est pas de notre
ressort. Une opinion trop largement répandue et que nos concurrents, dans un but qui n'est
pas désintéressé, cherchent encore à développer, voudrait nous limiter à l'influence littéraire
ou artistique. Nous savons que, dans les techniques où nous réussissons, nous tenons
aisément le premier rang mondial et nous savons que, dans les recherches scientifiques, nous
ne sommes distancés par personne quand nous disposons de l'outillage et des moyens
matériels suffisants ». Dans un ton qui se veut convaincant et par un langage qui semble
vouloir convaincre l'auteur lui-même, André Siegfried rappelle la diversité des domaines
d'influence de la France dans le monde.
L'un des premiers épisodes marquants l'influence scientifique et technique française
remonte aux travaux du géographe de l'Amérique latine, un Prussien, Alexander von
Humboldt. Il était en effet accompagné par un Français, Aimé Goujaud, dit Bonpland. Les
expositions universelles qui ont eu lieu à Paris ont par ailleurs bénéficié d'un grand écho en
Amérique latine où ont été rapportées les dernières découvertes scientifiques et techniques
françaises, montrées pour l'occasion.
Exemple plus fameux peut-être, les sciences sociales ont été durablement marquées
par les missions de l'anthropologue Claude Lévi-Strauss dans la forêt amazonienne; par les
séjours dans les années 1930 de Fernand Braudel, ou encore les missions de l'ethnologue
Paul Rivet.
En ce qui concerne les réalisations techniques, le canal de Panama, même si sa
réalisation a suscité des problèmes se doit d'être cité, tout comme la construction des métros
des capitales du Mexique, du Chili ou encore du Venezuela.
Au niveau architectural, on peut citer l'exemple d'Eiffel, qui après avoir fait bâtir la
4 cité par Christian GIRAULT dans "La coopération scientifique et technique avec l'Amérique latine et les
Caraïbes", Cahier des Amériques, n°28/29, Institut des Hautes Études de l'Amérique latine, 1998.
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tour qui porte son nom à l'occasion de l'exposition universelle dans la capitale française, se
rend au Chili pour honorer une commande: on lui confie la conception de la gare centrale de
la capitale chilienne. L'entreprise qui construira la gare, est bien entendu française : c'est la
compagnie Schneider qui est choisie.
Autre domaine marqué par les références françaises : la mode vestimentaire. Les
latino-américaines fortunées des grandes villes de la région se parent des mêmes vêtements et
accessoires que les Parisiennes. Les élites ont un goût prononcé pour le "chic" à la française.
Section 2 – L'État français n'est pas le seul acteur sur ce terrain
I. Les initiatives personnelles qui ont œuvré indépendamment de l'État : l'exemple de la
diffusion de la pensée de Jacques Maritain
L'analyse qui suit s'est inspirée des travaux qu'Olivier Compagnon a mené sur la
diffusion de la pensée du philosophe français Jacques Maritain en Amérique latine 5.
L'objectif de l'historien était de montrer que s'il y avait une politique active de l'État français
en matière de diffusion culturelle, ce sont également des individus qui se sont fait les relais
de la pensée et de la culture française en Amérique latine. L'étude du cas de la diffusion de la
pensée de Jacques Maritain au XXème siècle sur tout le continent latino-américain est en ce
sens révélateur.
Olivier Compagnon explique comment alors qu'en 1925, seuls quelques cercles de
prêtres et d'intellectuels qui entretiennent des relations serrées avec la France et ses
mouvements intellectuels connaissaient les œuvres du philosophe; au sortir de la guerre, le
maritanisme devient une référence incontournable au sein du catholicisme latino-américain.
Cette diffusion de la pensée du philosophe français se poursuivra d'ailleurs jusqu'aux années
soixante, avec comme point culminant, la victoire électorale de la Démocratie Chrétienne au
Chili et au Venezuela, mouvement politique prônant comme une de ses références majeures
les œuvres de Jacques Maritain. Le phénomène est d'autant plus remarquable, qu'en France,
5 Olivier COMPAGNON, Jacques Maritain et l'Amérique du Sud. Le modèle malgré lui, Presses universitaires
du Septentrion, 2003.
17
cette œuvre a eu une portée et une influence moindres.
La diffusion de cette pensée n'est pas le fruit d'un effort déployé par l'auteur pour
exporter ses œuvres. Ce sont des acteurs locaux, en quête de renouvellement du catholicisme
qui opèrent le transfert de la pensée maritainienne. Si au départ, les médiateurs de cette
diffusion ont opéré de manière individuelle et sans stratégie, progressivement, ils s'organisent
en réseaux et cercles pour réceptionner l'œuvre et par la suite la diffuser.
C'est en 1925 qu'est publié pour la première fois un article de Jacques Maritain sur le
continent latino-américain, dans une revue argentine de diffusion très limitée. Cette
publication a pu avoir lieu suite aux sollicitations du directeur de la revue qui, étudiant, avait
suivi les cours du philosophe à l'Institut Catholique de Paris. Les premiers liens de Maritain
avec l'Amérique latine se feront sur le même mode : la collaboration est initiée par de jeunes
catholiques latino-américains qui sont entrés en contact avec l'œuvre du philosophe à
l'occasion d'un séjour en Europe. Le cercle des premiers initiés s'agrandit grâce à des
conférences organisées par ces mêmes initiés pour transmettre cette pensée alors que les
œuvres du philosophes ne sont pas encore traduites en espagnol. Des structures de type
associatif naissent et s'agrandissent par la suite.
A partir des années quarante, le nombre de publications se revendiquant du
maritainisme se multiplie. La stratégie de diffusion de la pensée du philosophe français
cherche alors à atteindre un public bien plus vaste et à générer un véritable débat d'idées. A
ce titre, la revue chilienne Politica y Espiritu est un bon exemple : créée par des maritainiens
de la première heure, elle bénéficie d'une audience importante tant au Chili que dans
l'ensemble du continent, grâce notamment au recours à des auteurs venant de l'ensemble de la
zone; créant et maintenant une sociabilité intellectuelle internationale autour du
maritainisme. Parallèlement, sont créées des maisons d'éditions vouées à la diffusion du
maritainisme.
L'étape suivante consistait à réinvestir cette audience importante de la pensée
maritainienne au sortir de la Seconde Guerre Mondiale. Une nouvelle stratégie s'ajoute à la
précédente pour faire sortir du champ strictement intellectuel l'influence de la pensée de
Maritain. Les destinataires de cette stratégie sont des militants politiques; nouveau public
pour qui il faut adapter le discours étant donné que dans leur majorité ils ne sont pas
francophones, n'ont pas de formation particulière en philosophie et pour beaucoup, n'ont pas
pu accéder à l'enseignement supérieur. L'idée est de fonder des partis démocrates chrétiens
s'appuyant notamment sur la pensée maritainienne. Les publications de vulgarisation de cette
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pensée se multiplient alors. Dans les années soixante, ce sont aussi des institutions qui
naissent dans le but d'enseigner le legs de Maritain, en particulier au Venezuela avec
l'Instituto de Formacion y Educacion Democrata Cristiana et au Chili avec l'Instituto Chileno
de Estudios Humanisticos.
L'exemple que nous donne Olivier Compagnon d'analyse du modèle de diffusion de
la pensée d'un auteur français qui a marqué l'Amérique latine est à retenir pour plusieurs
raisons. D'une part, son étude explicite les différentes étapes qui permettent une telle
diffusion : à partir de cercles restreints constitués autour de sociabilités amicales ou
familiales, l'audience a pu s'agrandir pour progressivement toucher de larges pans de la
société des différents pays de la zone en question. L'illustration donnée nous permet de
mieux saisir comment concrètement la pensée d'un auteur peut se diffuser.
D'autre part, cette étude met l'accent sur le rôle indispensable joué par des acteurs
individuels, voire dans un premier temps isolés. Les stratégies menées dans le cas de la
diffusion de la pensée maritainienne ne relève en rien d'une volonté de diffusion de la part de
l'auteur. Plus intéressant encore peut-être, d'après l'analyse d'Olivier Compagnon, il semble
que les administrations françaises en charge de la politique culturelle française à l'étranger ne
sont pas intervenues et n'ont pas apporté leur soutien.
Pour pouvoir en tirer des conclusions plus précises, il faudrait appliquer ce modèle
d'analyse à d'autres auteurs français qui ont eu une influence dans le débat d'idées en
Amérique latine. On pourrait alors évaluer en quoi l'exemple de la pensée maritainienne peut
être posé en modèle ou non.
II. Une influence culturelle qui n'a jamais joui d'un monopole
La France a certes, comme montré plus haut bénéficié d'un statut favorable en matière
d'influence culturelle en Amérique latine. Mais il ne faut pas oublier que les références
françaises ont toujours été en situation de concurrence avec les références ibériques,
anglaises, allemandes puis états-uniennes. Enfin, il ne faut pas non plus avoir l'image d'un
continent sous domination : les Latinos américains se sont également construits une identité
et des valeurs propres.
Les Anglais ont particulièrement marqué le sous-continent grâce aux échanges
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commerciaux très fructueux. Jusqu'au XXème siècle, l'Angleterre était effectivement le
premier partenaire économique et commerciale des États latino-américains. Les produits de
consommation de masse qui étaient importés provenaient pour la plupart de l'île britannique.
Ce sont également les investissements anglais qui ont afflué sur le continent. L'influence s'est
ancrée au niveau de la politique économique et commerciale.
Les Allemands, eux, ont marqué le continent à partir de la fin du XIXème siècle. La
philosophie allemande, le droit allemand, mais aussi la formation militaire allemande ont
traversé l'océan Atlantique, au grand désespoir des diplomates français en poste en Amérique
latine.
Enfin, les États Ibériques, même rejetés par les mouvements indépendantistes puis par
les nouveaux États souverains ont laissé leur marque. La langue, la religion, l'organisation
sociale des sociétés latino-américaines découlent toutes de l'époque de la colonisation.
Les vagues migratoires puissantes en provenance d'Italie, d'Espagne, plus
marginalement d'Europe de l'Est, et d'Allemagne et en partance pour le Nouveau Monde
permettent également de tisser des liens entre les continents. Or dans ces contingents
d'émigrés, les Français ne sont pas représentés. Les Espagnols, précités trouvent dans ces
échanges un vecteur de renouveau de l'hispanité en Amérique latine.
L'exemple argentin est à évoquer : aujourd'hui encore, la gastronomie reste marquée
par les traditions culinaires italiennes. Le si célèbre tango, lui, prend ses origines dans le
métissage de trois traditions populaires : le paso doble, la polka d'Europe de l'Est et les
rythmes africains; illustration intéressante des apports des diverses vagues migratoires.
Il faut dire que la France a également perdu du terrain à partir du moment où l'anticléricalisme a eu une influence considérable sur la vie politique et sur la société française.
L'interdiction d'enseigner faite aux congrégations religieuses, puis la séparation de l'Église et
de l'État ont été vues d'un très mauvais oeil par les catholiques d'Amérique du Sud.
Autre élément qui nuit à l'influence française, la montée en puissance tant politique
qu'économique des États-Unis ainsi que leur nouvelle politique extérieure dite de voisinage
sur le continent.
Les Latinos-américains, s'ils restent admiratifs des Européens et de la France en
particulier, prennent progressivement leurs distances. L'européanisation des sociétés latinoaméricaines est ressentie peu à peu comme une nouvelle forme de colonisation, plus subtile
20
que la précédente, mais qu'il reste à combattre. L'Amérique latine refuse de n'être qu'une
périphérie de l'Europe. Le premier tiers du XXème siècle est ainsi marqué par la volonté des
élites latino-américaines de se démarquer de ces influences françaises notamment, pour
mieux construire l'identité de leur pays. Le cosmopolitisme est petit à petit abandonné au
profit de revendications culturelle nationales.
Un autre facteur à signaler qui explique en partie ce détournement des Latinoaméricains : la Grande guerre qui déchire l'Europe. La violence, la barbarie et l'atrocité avec
lesquelles les Européens se combattent font naître un rejet de l'Europe. Ce terrible conflit est
vu comme le symbole de la fin d'un monde, la fin d'une culture européenne marquée par les
valeurs forgées depuis le siècle des Lumières.
Les Latinos-américains se détournent des problèmes européens pour se consacrer à la
résolution de leurs propres problèmes. Ils se concentrent sur l'objectif de déterminer et forger
leur identité.
Si les Latinos américains ont dès lors refusé l'importation des modèles culturels
européens et notamment français, ils ne se sont repliés qu'en partie sur eux-mêmes. Le
continent est resté tout au long du XXème siècle, et aujourd'hui encore ouvert sur l'extérieur.
La culture française a gardé une place importante en Amérique du Sud. Mais la référence
principale n'est plus l'Europe, et pas plus que la culture latino-américaine. Les États-Unis
occupent la place de l'Europe. Le phénomène d'américanisation a marqué le monde entier
depuis la fin de la Première Guerre Mondiale. Mais l'ampleur de ce phénomène est peut-être
encore plus notable en Amérique du Sud et en Amérique centrale plus particulièrement. A la
faveur de l'émergence d'une culture de masse, les références américaines se sont multipliées
et approfondies. C'est également le poids économique, diplomatique et militaire des ÉtatsUnis sur le sous-continent qui en fait un acteur influent.
21
Chapitre 2 - Des ressources actuelles très riches mais trop peu efficaces
Tous les États prêtent attention à l'image qui est donnée d'eux à l'extérieur. Cette
image est en très grande partie le reflet du patrimoine culturel et artistique du pays. Mais la
France se distingue des autres puissances par le fait qu'elle a intégré cette volonté de maîtrise
de son image dans son action diplomatique. Les réseaux culturels de l'Espagne, de
l'Allemagne, de l'Italie, du Royaume-Uni et encore plus celui des États-Unis, respectivement
le réseau des instituts Cervantès, Goethe, Dante, le British Council et les American Centers
entretiennent des relations beaucoup moins étroites avec les autorités en charge des affaires
étrangères.
Si les échanges culturels s'opèrent largement de manière spontanée, en France, on a
voulu coordonner les initiatives individuelles, les développer et les impulser depuis le Quai
d'Orsay. L'impact et les moyens mis à disposition en sont d'autant plus importants et
enviables. Le pendant de cette stratégie est de donner l'image d'une culture administrée et
officielle.
Autre caractéristique de cette politique en France : son ancienneté. Marie-Christine
Kessler explique ainsi que « La politique culturelle extérieure est sans doute l'une des plus
anciennes "politiques publiques" françaises. La France a eu une politique culturelle
extérieure avant d'avoir une politique culturelle intérieure »6. Les exemples sont nombreux
concernant la politique menée en ce sens dès l'Ancien Régime : le monarque envoyait
comme diplomates de la France des savants ou des artistes. On peut placer dans cette lignée
les conquêtes napoléoniennes et la colonisation.
Section 1 – L'organisation de cette politique culturelle extérieure
6 Marie Christine Kessler, La politique étrangère de la France. Acteurs et processus. Paris, Presses de Sciences
Po, 1999.
22
A la tête de cette action, on trouve une direction générale en charge des affaires
culturelles qui se trouve être sous la tutelle du ministère des Affaires Étrangères.
Les relais du Quai d'Orsay en la matière sont les conseillers ou attachés culturels
déployés dans les différentes ambassades à travers le monde. Directement sous la
responsabilité de ces diplomates, le réseau des instituts et centres culturels français compte
plus de 150 établissements, dont les objectifs sont variés : la priorité est donnée à
l'enseignement du français, mais on y organise également des conférences, rencontres,
expositions, concerts, et par ailleurs, ils disposent généralement d'un centre de
documentation.
Dans la très grande majorité des ambassades existent un service de coopération et
d'action culturelle avec à leur tête un conseiller culturel assisté d'attachés spécialisés. Le
service est placé sous l'autorité de l'ambassadeur. Les centres et instituts culturels dépendent
directement de ces services culturels.
L'État s'est également appuyé sur un réseau d'une très grande richesse, les Alliances
françaises. Dans ce cadre, le public s'est associé à des structures de statut privé, plus
précisément des établissements de type associatif, de droit local. Les missions de ces
Alliances françaises sont similaires à celles des instituts et centres culturels : l'enseignement
du français, et la promotion de la culture française dans toutes ses dimensions. C'est la raison
pour laquelle, il existe rarement dans une même ville à la fois une Alliance française
d'importance et un institut ou centre culturel français. Ce réseau des Alliances françaises a
débuté sa constitution dès 1883. Le partenariat avec le Quai d'Orsay s'est officialisé et
renforcé en 1981 avec la signature d'une convention entre les deux entités. L'action de ce
réseau est particulièrement remarquable en Amérique latine et dans les Caraïbes, comme
nous le soulignerons par la suite. Il faut préciser que l'intérêt pour la France de préserver un
réseau comme celui-ci est immense : les Alliances françaises sont aidées par l'État qui
rémunèrent ses cadres, mais à elles ensuite de s'autofinancer grâce aux cours payants qu'elles
dispensent. Elles s'implantent d'ailleurs généralement très bien dans le contexte local non
seulement parce qu'elles adoptent des statuts juridiques de droit local, mais également parce
qu'elles embauchent des partenaires locaux.
Les Alliances françaises comme les instituts culturels programment de moins en
moins directement les activités culturelles. L'agence Culturesfrance leur propose la plupart
des programmes. Mais ils sont de plus en plus de lieux de convivialité qui s'ouvrent sur la
réalité locale. Leurs partenaires se multiplient. C'est vers cette voie, d'un lieu de débat et de
23
rencontre que les recommandations portent.
Moins connue, la Mission laïque française fondée en 1902 participe du même effort
et complète le réseau mondial. En Amérique latine, néanmoins, la Mission laïque n'est
présente qu'indirectement à travers les quelques écoles d'entreprises implantées au Brésil, au
Vénézuela et à Trinidad et Tobago.
Ces deux types d'établissements (les Alliances françaises et les centres culturels
français) sont les relais locaux de la mission d'enseignement de la langue française à
l'étranger.
En ce qui concerne la recherche dans les disciplines de l'archéologie, l'histoire de l'art
et plus largement dans la création artistique, là aussi, la France bénéficie d'un réseau
enviable. Même si ces établissements ne concernent pas directement la zone géographique
dont nous traitons dans cette étude, il faut citer l'École française d'archéologie d'Athènes
fondée en 1846, l'École française de Rome qui se trouve au palais Farnèse et créée en 1875,
l'Institut d'archéologie du Caire qui existe depuis 1880, l'École française d'Extrême-Orient
établie en 1901, la casa Velázquez de Madrid, la Maison franco-japonaise de Tokyo,
l'Académie de France à Rome qui se situe dans la villa Médicis et qui a été instaurée par
Louis XIV...
Ces exemples confirment, si besoin était, que la présence culturelle de la France dans
le monde, n'est en rien due à un hasard. C'est une volonté qui s'enracine dans des origines
anciennes.
Il faut noter que la France bénéficie de la présence d'expatriés français sur les terres
latino-américaines. En effet, d'après les chiffres fournis par la Direction des Français à
l'étranger et des étrangers en France (DFAE) du Ministère des Affaires Étrangères (MAE), en
2006, près de 84 000 Français étaient immatriculés auprès d'ambassades françaises en
Amérique latine. Ce chiffre représente un peu plus de 6% des expatriés français dans le
monde. La communauté totale des Français en Amérique latine (les immatriculés et les nonimmatriculés) est estimé à environ 120 000 personnes. Les trois pays où la communauté
française a la plus forte présence sont le Brésil, l'Argentine et le Mexique avec pour chaque
pays des chiffres qui s'élèvent à environ 15 000 personnes. Ailleurs, la présence de Français
est beaucoup plus réduite. Sachant le rôle actif que jouent généralement ces expatriés dans la
promotion de la France à l'étranger (cf. supra), il est important de signaler ce point, d'autant
plus qu'entre 2000 et 2006, cette communauté a connu une hausse de plus de 30% !
C'est surtout la tradition de francophonie et de francophilie des Latinos américains
24
(plus particulièrement des élites) qui permet de maintenir un lien culturel fort avec la France.
Si l'anglais y est à présent la langue étrangère la plus parlée, le français malgré son recul
arrive tout de même en seconde position.
Section 2 - Le rôle de la Direction Générale des Relations
Culturelles : diriger la politique culturelle extérieure
I. La naissance tardive de la structure
Il faut attendre le lendemain de la Seconde Guerre Mondiale pour que l'État mettent
en place un véritable service en charge de cette action au ministère des Affaires Étrangères.
Au cours de la première moitié du XXème siècle, existait seulement un "service des œuvres"
aux moyens tant en termes de personnels que de budgets trop modestes, bien que de grandes
figures de la culture française y ont travaillé (Jean Giraudoux et Paul Morand notamment).
En avril 1945, une ordonnance du gouvernement provisoire a fondé la Direction
générale des relations culturelles avec à l'origine trois sections en charge respectivement des
trois priorités suivantes : l'enseignement de la langue française, les missions scientifiques et
la diffusion des "œuvres". Cette direction a subi un certain nombre de restructuration au fil
des ans : on lui a ajouté comme responsabilités la coopération technique et l'audiovisuel, on a
élargi son champ d'intervention en matière scientifique. Plus récemment, le Ministère de la
Coopération, fusionnant en 1998 avec le Quai d'Orsay, la direction en question a intégré
comme zone d'intervention les pays dits du "champ". Le dernier titre en date de cette
direction est : "Direction générale de la coopération internationale et du développement"
(DGCID), nom critiqué car trop vague, trop abstrait et trop éloigné des missions menées...
II. Des missions enfin renouvelées
Le champ de ses missions est très étendu. Celles-ci sont réparties entre quatre
25
directions en fonction des domaines suivants : le développement et la coopération technique,
la coopération culturelle et le français, l'audiovisuel et les techniques de communication et
enfin la coopération scientifique, universitaire et la recherche. Des structures annexes
complètent le dispositif : une mission pour la coopération multilatérale, une mission pour la
coopération non gouvernementale et une direction de la stratégie, de la programmation et de
l'évaluation.
III. Le tiers du budget du Quai d'Orsay
Le budget alloué est considérable puisqu'il représentait en 2000 plus du tiers du
budget du Quai d'Orsay. Cela dit, le chiffre est à prendre avec précaution étant donné qu'il est
très difficile de délimiter ce budget : tous les services du Quai d'Orsay interviennent plus ou
moins dans cette politique.
C'est au sortir de la guerre, au moment de sa création que cette direction générale
avait la marge budgétaire la plus importante : avec les plans quinquennaux mis en place par
la Quatrième République, puis par De Gaulle qui voulait assurer une présence mondiale
visible, ces budgets ont représenté jusqu'à 53% des fonds du Quai d'Orsay.
Cette direction compte plus de 600 agents à Paris et en gère 7 000 à travers le monde.
La répartition par zones géographiques montre que pour le travail mené en l'Amérique latine
le service y consacre environ 18% de ses fonds.
IV. Mais des difficultés de fonctionnement
Cette Direction générale de la coopération internationale et du développement est
unique en son genre : nul autre État dispose d'un tel service qui a sous sa responsabilité un
budget aussi conséquent, des organismes aussi nombreux et variés, un tel nombre
d'opérations financées, et un réseau aussi dense.
Cependant, elle reste parfois surnommée la "Cendrillon du Quai d'Orsay" parce que
son sort dépend de l'intérêt que veut bien lui montrer le ministre de tutelle, parce qu'elle est
sans cesse restructurée et remodelée sans pour autant voir ses budgets s'améliorer et enfin
26
parce que les missions dont elle a la charge ne forment pas systématiquement partie des
priorités des diplomates.
Son budget est souvent sacrifié au moment de l'élaboration du budget du
gouvernement. On en arrive à une situation presque aberrante où les moyens de
fonctionnement sont maintenus mais les moyens d'intervention sont trop faibles. La structure
et le réseau sont préservés, mais ne peuvent qu'intervenir marginalement... L'espoir est de
maintenir le réseau en attendant des conjonctures meilleures en termes budgétaires...
En outre, sa tâche n'est pas facilitée : ses missions entrent dans le champ d'action à la
fois du Ministère de l'Éducation Nationale, du Ministère de l'Enseignement Supérieur et de la
Recherche et du Ministère de la Culture. Les rapports sont les plus difficiles probablement
avec le Ministère de la Culture qui se verrait bien reprendre ses missions, il y a d'ailleurs eu
plusieurs tentatives. L'idée peut être justifiable étant donné que le Ministère de la Culture a la
charge de la création culturelle et la préservation du patrimoine, tout comme l'accueil des
artistes et œuvres des autres cultures. Pourtant, jamais cette volonté n'a abouti, les
responsables de l'État ont constamment réaffirmé l'enjeu que ce domaine pouvait avoir à
l'extérieur. La conséquence de cette concurrence entre les deux ministères est une
coopération trop restreinte malgré les proximités de leurs missions.
Section 3 – Les autres acteurs de la politique
I. L'agence Culturesfrance (ex-AFAA) : un rôle performant dans la diffusion artistique
française
La coopération entre le Quai d'Orsay et le ministère des Affaires étrangères a lieu
principalement à travers l'Association Française d'Action Artistique (AFAA), rebaptisée il y a
peu Culturesfrance. Cette agence fondée dès 1922 joue un rôle fondamental dans le domaine
de la politique culturelle extérieure. Sa structure est originale puisque tout en ayant des
statuts relevant du droit privé, elle bénéficie d'un financement d'origine largement étatique,
ce qui lui confère une souplesse intéressante. Sa mission est d'être l'opérateur des échanges
27
artistiques. C'est elle qui met en œuvre les objectifs de la DGCID en matière artistique.
Alors que son budget annuel n'est d'environ que de 25 millions d'euros et alors qu'elle
ne dispose que d'une centaine de collaborateurs, cette association joue un rôle de premier
plan dans le domaine grâce à ses conseils et son expertise, grâce aux programmes qu'elle
propose et qu'elle soutient.
Actuellement, suite à une période d'évolution majeure, Culturesfrance (ex-AFAA)
travaille à la promotion d'artistes et d'œuvres de styles et d'horizons très variés. Cette
ouverture a contribué à aider à la diffusion d'expressions artistiques originales et innovantes.
Ce point est à comprendre dans le travail mené pour renouveler l'image de la culture
française qui ne peut plus se reposer uniquement sur son patrimoine. La tâche assignée est
prioritairement de promouvoir à l'extérieur de la création artistique française contemporaine.
Pour mener à bien sa mission, elle accorde des aides aux tournées, des bourses de résidences
à l'étranger pour des artistes, mène des campagnes d'information et de promotion, organise
divers événements culturels à travers le monde et en France.
Son action porte également sur des programmes qui ont lieu sur le territoire national,
puisqu'elle s'inscrit dans la nouvelle volonté de diversité culturelle. L'association a entre
autres à sa charge l'organisation de saisons culturelles étrangères en France.
Autre domaine d'intervention : la formation et l'aide au développement en matière
culturelle, en particulier à destination de l'Afrique7.
Les changements entrepris quant au mode de fonctionnement de l'agence ont
également porté sur le financement et les partenariats. Là encore, face au désengagement de
l'État, il a fallu trouver des sources de financement alternatives. Celles-ci ont été trouvées
auprès d'entreprises souhaitant pratiquer le mécénat dans le domaine culturel, mais aussi
auprès de collectivités territoriales développant de plus en plus un intérêt quant à leur image
à l'extérieur. C'est pourquoi, la part des fonds provenant de l'État dans le budget de
l'association est passée de 96% en 1991 à 73% en 1999. Le ministère des Affaires Étrangères,
reste et de loin le premier bailleur de fonds de l'association.
L'exemple de Culturesfrance illustre l'originalité de la structure française qui gère
cette action culturelle extérieure. En effet, si tout est décidé et coordonné par les services du
Ministère des Affaires Étrangères, l'État s'appuie largement sur des opérateurs qui ont des
statuts de droit privé mais qui sont principalement financés par des fonds publics. Ce type de
7 Culturesfrance s'inscrit en ce qui concerne ce domaine dans la lignée du programme "Afrique en création"
(qui relevait du ministère de la Coopération), et avec lequel elle a fusionné.
28
structure permet plus de souplesse et d'autonomie. Le réseau des Alliances françaises a des
statuts similaires, tout comme les organismes comme Unifrance Films ou la Maison des
cultures du monde par exemple. Ailleurs, c'est généralement un opérateur principal qui
chapeaute l'ensemble du système de promotion de la culture à l'extérieur. C'est le cas du
British Council du Royaume-Uni, ou pour l'Allemagne le Goethe institute.
II Les établissements culturels et d'enseignement du français en Amérique latine
En ce qui concerne les instances officielles, l'Amérique latine compte 24 ambassades
françaises qui disposent de services culturels. Mais également, des lycées français dans la
plupart des pays en question dont il faut remarquer le succès : ils font partie des lycées
français à l'étranger qui, en dehors de l'Europe et des pays francophones accueillent le plus
d'élèves et ont les meilleurs résultats au baccalauréat (20 lycées de plus de 500 élèves). La
présence du réseau des Alliances françaises est elle aussi à noter : on en recense pas moins de
250 sur le continent, le réseau le plus dense et le plus ancien se trouvant en Argentine où pas
moins de 97 établissements ont accueilli en 2006 plus de 12500 étudiants et la fréquentation
est en progression.
Pour aider les établissements scolaires français, ainsi que les structures privées, le
Quai d'Orsay dispose d'une agence, l'Agence pour l'Enseignement Français à l'Etranger
(AEFE). Un peu moins de 25000 élèves bénéficient de son aide en Amérique latine 8. C'est
principalement en payant les personnels enseignants que l'agence mène son action de soutien.
III. La coopération scientifique et technique : un pan nouveau de la politique culturelle
Les premières concrétisations de l'influence scientifique et technique de la
France en Amérique latine remontent à la fin du XIXème siècle et au début du XXème siècle.
Mais il faut attendre la seconde moitié du XXème siècle pour qu'une véritable coopération
8 Chiffre cité par François Rochebloine dans l'Avis de l'Assemblée Nationale sur le projet de loi de finances
pour 2003, fait au nom de la Commission des Affaires étrangères, Tome IV, Affaires étrangères,
francophonie et relations culturelles internationales.
29
s'instaure. Une nouvelle période de cette politique débute dans les années quarante et
cinquante avec l'implantation d'établissements culturels et scientifiques suite aux initiatives
du Ministère des Affaires Étrangères. A Mexico ont été créés l'Institut français d'Amérique
latine (IFAL) ainsi que la Mission archéologique française plus tard nommée Centre d'Études
Mexicaines. Autre exemple, les autorités françaises ont installé à Lima, au Pérou, l'Institut
français d'Études Andines (IFEA). L'objectif était d'y accueillir des étudiants ou des
professeurs sur une période assez longue permettant de mener à bien des travaux de
recherche.
L'initiative vient également directement de centres de recherche français. L'Institut de
Recherche pour le Développement (IRD) tout comme le Centre National de la Recherche
Scientifique (CNRS) ont mené des politiques actives de coopérations et d'échanges. Des
missions, divers colloques, des échanges et des publications fruits du travail de coopération
de chercheurs français et latinos-américains sont menés à bien grâce aux fonds alloués par
ces organismes.
Au niveau technique, les coopérations sont intéressantes également. Le continent
latino-américain tout comme la France sont des territoires reconnus pour leur agriculture.
Leur coopération en la matière allait de soi. Le Centre de Coopération Internationale en
Recherche Agronomique pour le Développement (CIRAD) ainsi que l'Institut National de la
Recherche Agronomique (INRA) ont pu concrétiser la coopération franco-latino américaine
dans le domaine agricole.
Le dispositif mis en place progressivement à la faveur des divers épisodes de
coopération scientifique et technique se caractérise par sa complexité et par la diversité des
moyens existants. Les organismes pré-cités qui ont un rôle important dans ce domaine
restaient jusqu'à récemment très autonomes. Récemment, le Ministère des Affaires
Étrangères s'est efforcé de mieux coordonner et harmoniser toutes ces initiatives en ajustant
les possibilités françaises aux demandes exprimées localement
La politique et l'organisation du Ministère des Affaires Étrangères évoluent en la
matière comme nous l'explique Christian Girault dans son article : pour la plupart des pays
concernés, le ministère a mis en place des commissions mixtes dont les réunions périodiques
permettent d'évaluer les actions en cours et de tracer les objectifs futurs. Autre innovation, à
la fin du XXème siècle le ministère a créé quatre délégations régionales pour la coopération
scientifique et technique basée à Bogota pour les pays andins, San José de Costa Rica pour
l'Amérique centrale, Santo Domingo pour les Caraïbes et Santiago du Chili pour le Cône Sud
30
et le Brésil. L'idée est de couvrir des États se trouvant dans des régions qui ont initié des
processus d'intégration et qui pourraient avoir des besoins et demandes similaires.
La coopération s'installe dans la plupart des disciplines scientifiques et techniques,
sans qu'il y ait véritablement des thématiques majeures mises de côté. A signaler tout de
même, une coopération spécifique s'instaure parfois pour des questions très pointues et
relevant typiquement du territoire en question : le CIRAD travaille par exemple sur les
maladies du caféier.
31
PARTIE 2 – LE MANQUE D'ADAPTATION DE CETTE POLITIQUE
Chapitre 1 – Les mutations de la politique culturelle extérieure :
quelques avancées
Sur le site du Ministère des Affaires Étrangères, on peut lire à propos du poids de la
France en Amérique latine que « le dialogue politique est un pilier central de notre partenariat
avec les différents pays latino-américains, mais celui-ci n’aurait pas la même portée si notre
influence culturelle n’y était pas aussi forte ». L'idée explicitée ici est claire, la politique
culturelle extérieure, sert les autres politiques que la France peut mener vis-à-vis de
l'Amérique latine. L'influence culturelle semble être un formidable levier pour la politique
extérieure française.
Mais quelle est la situation de cette politique culturelle extérieure depuis la Seconde Guerre
Mondiale? Ce conflit planétaire marque un tournant décisif quant à la puissance de la France.
Le mouvement de recul du pays sur la scène internationale commencé avec l'épisode barbare
de la Première Guerre Mondiale se confirme avec le conflit suivant. A chaque reprise, la
perte d'influence française profite à la puissance montante américaine. Le constat est évident
en matière militaire avec la défaite fulgurante de 1940. En termes économiques également, la
France à terre au lendemain de la guerre se relèvera grâce aux Trente Glorieuses, mais ne
retrouvera jamais le rang qui était le sien jusqu'alors. Qu'en est-il en matière culturelle? Une
évidence s'impose, la capitale culturelle internationale s'est déplacée de Paris à New York. De
même, la tendance qui s'amorce et se confirmera jusqu'à aujourd'hui contribue à une
américanisation de la culture qui devient de masse. Le français est totalement dépassé par
l'anglais qui devient la langue du monde des affaires également.
Conscient de ces difficultés, la réponse ne tarde pas à venir. Le volontarisme exprimé
au sortir de la guerre dans beaucoup de domaines est marqué en matière culturelle. Le projet
politique se veut de renouveler ce qui est encore appelé le "rayonnement culturel de la France
32
dans le monde". L'intervention de l'État dans ce domaine est véritablement renforcée : c'est
alors que naît la Direction générale des relations culturelles, placée sous la responsabilité du
Quai d'Orsay. Cette section du Ministère des Affaires Étrangères, dont le nom changera à
plusieurs reprise existe toujours et occupe une place importante dans le ministère.
Peu de temps après, De Gaulle donnera l'impulsion pour créer le Ministère de la
Culture avec à sa tête André Malraux. La question peut être posée : pourquoi la charge de
promotion de la culture française à l'étranger n'est elle pas revenue à ce nouveau ministère?
Celui-ci avait notamment pour mission de favoriser la création artistique. La diffusion à
l'étranger de cette création pourrait être dans le prolongement de la mission précédente. Le
fait que ce soit le Quai d'Orsay qui en soit responsable nous confirme (s'il en était besoin)
que la diffusion de la culture française correspond à un impératif de puissance sur la scène
internationale.
Section 1 - Le volontarisme du Ministère de la Culture au sortir de la
Seconde Guerre Mondiale fait de l'ombre au Ministère des Affaires étrangères
Malgré les difficultés de l'après-guerre, des efforts importants ont été déployés pour
rétablir les échanges intellectuels et artistiques de la France avec le monde. Des tournées
emblématiques sont organisées : le ballet de l'Opéra de Paris part à New York dès 1948,
encore plus précocement, en 1945, le Théâtre national populaire organise des représentations
en Tchécoslovaquie; en 1947, c'est une tournée de Jean Marchat qui a lieu au Proche-Orient,
en Turquie et en Grèce. Une exposition de grande ampleur est mise en place au Japon en
1952 pour valoriser le patrimoine artistique français, elle s'est intitulée "Dix siècles d'art
français".
Autre secteur où les autorités en charge se sont mobilisées : l'art contemporain.
L'AFAA (Association Française d'Action Artistique) se voit confier la mission d'envoyer
dans les grandes rencontres d'art contemporain des peintres, sculpteurs et décorateurs aux
quatre coins du monde.
A la suite de la Seconde Guerre Mondiale, la décolonisation de l'empire français porte
33
un nouveau coup au statut culturel de la France. Pourtant, c'est l'occasion pour redoubler
d'efforts. On élabore deux plans quinquennaux destinés uniquement à l'expansion culturelle.
L'idée est à la fois de préserver et consolider les relations culturelles traditionnelles, mais
également d'être plus actifs dans la création de liens nouveaux de coopération avec les pays
récemment décolonisés et les pays émergents.
L'objectif premier est de défendre et promouvoir la langue française. Première étape
pour faciliter l'accès aux autres pans de la culture française. Depuis, l'objectif reste
prioritaire.
Pourtant, ce qui marquera les esprits, ce sont les opérations retentissantes menées
sous l'égide du Ministère Malraux (et non par le Quai d'Orsay). Ces opérations, organisées en
France ont eu un grand écho : en 1960 c'est l'exposition "5 000 ans d'art indien"; l'année
suivante "7 000 ans d'art iranien"; en 1967, "Les trésors de Toutankhamon". Au cours de la
même période, le ministère de la Culture prend l'initiative d'instaurer de grands rendez-vous
culturels renouvelés périodiquement. L'objectif est de rendre la capitale (et plus largement la
France) attractive et attirante culturellement. En 1959, est créée une Biennale internationale
des jeunes au Musée d'Art moderne de Paris. Autre exemple, mais qui n'aboutira qu'en 1975,
sous l'impulsion de Michel Guy est organisé le Festival d'automne à Paris qui attire et fait
connaître des grands chorégraphes et des metteurs en scène. L'innovation réside dans la
volonté de dialogue des cultures, en lieu et place d'un échange à sens unique. Cette ouverture
se traduit notamment par l'inauguration de lieux culturels majeurs tels que l'Institut du monde
arabe, la Maison de l'Amérique latine (qui nous intéresse ici tout particulièrement) ou encore
la Maison des cultures du monde.
Le même type de rencontre est organisé en province. Les exemples les plus célèbres
sont : le Festival de Cannes en ce qui concerne le septième art et pour le théâtre c'est le
Festival d'Avignon qui naît alors. Exemple peut-être moins connu mais qui a une place
remarquable dans la création théâtrale et chorégraphique : le Festival international
universitaire de Nancy.
A l'extérieur, le Ministère Malraux consacre des efforts conséquents pour organiser
des opérations visibles et là encore retentissantes. La grandeur de la France est sensée être
exprimée alors : c'est ainsi que depuis, régulièrement, la France en partenariat avec le pays
récepteur envoie des œuvres majeures du patrimoine artistique national. Quelques exemples :
La Vénus de Milo est présentée au Japon alors qu'au Mexique une grande exposition de
peinture française est organisée en 1963. Autre exemple parlant pour notre étude : l'AFAA
34
monte une exposition intitulée "150 ans d'art français" qui parcourra l'Amérique latine entre
1963 et 1965.
Ce type d'opération sera poursuivi par les successeurs de Malraux, mais en orientant
la stratégie sur des opérations plus thématiques, comme c'était le cas de l'Année Molière en
1973, l'occasion de redécouvrir le dramaturge, notamment en Amérique latine où la première
de Tartuffe de Roger Planchon a eu lieu à Buenos Aires.
Autre figure de l'histoire du Ministère de la Culture, Jack Lang s'est inscrit dans la
continuité du travail de Malraux tout en s'attelant à la tâche de modernisation. Dans la même
lignée que Malraux, Jack Lang s'efforce de mener une action d'envergure internationale. Son
œuvre est célèbre : il crée puis exporte la Fête de la musique. Les célébrations du
bicentenaire de la Révolution française ont eu un écho planétaire, un succès pour le ministre
qui en avait fait un enjeu pour l'image de la France à l'extérieur. C'est également Jack Lang
qui met en place un Service au sein de son ministère en charge des affaires internationales.
Ce service progressivement collaborera avec la section correspondante au Quai d'Orsay.
Les Grands Travaux menés au cours de la période en France avec notamment la
Pyramide du Louvre et la Bibliothèque François Mitterrand participent d'une même volonté
de restauration de l'image de la France comme centre culturel de premier ordre.
Le
ministère de la Culture développe son action internationale face à la
multiplication des échanges culturels dans le monde. Ses compétences se sont étendues à
l'accueil des cultures étrangères en France, mais aussi à la coopération culturelle au niveau
communautaire, participe activement au soutien au développement international des
industries du livre, du cinéma et de la musique et apporte son expertise en matière
d'ingénierie culturelle.
Le ministère de la Culture prend le devant de la scène en ce qui concerne cette
politique de grandeur de la France, alors qu'à l'origine, c'est plutôt le Ministère des Affaires
Étrangères qui devait en avoir la charge. En réalité, le Quai d'Orsay poursuit son travail, mais
de façon différente.
Section 2 – Les tentatives de renouvellement du travail du Quai
d'Orsay
35
I - Prôner le dialogue des cultures
La tâche prioritaire consiste à se remettre en cause afin de renouveler l'action
culturelle extérieure. A partir de la fin des années soixante-dix, les rapports se succèdent. Le
plus marquant est celui livré en 1979 par Jacques Rigaud. C'est ce même rapport Rigaud qui
voudrait tirer un trait définitif sur les notions d'expansion culturelle et de rayonnement pour
faire place à un dialogue entre toutes les cultures. C'est l'ouverture qui doit être de mise. Dans
son article sur la présence artistique de la France à l'étranger, Jean Digne note que le projet
français s'inscrit dans cette lignée dans les années quatre-vingt : le projet culturel extérieur de
1984 explique que "la France en effet n'entend rester elle-même, fière de sa langue et de sa
culture, qu'à travers une relation culturelle fondée sur la réciprocité de l'échange, le respect
de la diversité des cultures et le renforcement des solidarités naturelles. C'est en ce sens
qu'elle place la culture, la formation et la maîtrise des nouvelles technologies comme l'une
des dimensions primordiales du développement économique et social des peuples"9. Cette
citation résume bien par quel nouvel état d'esprit la France entend mener sa politique
culturelle extérieure : le dialogue et les échanges culturels allant de pair avec une
modernisation de l'image de la France à montrer à l'extérieur.
II - Le nouveau pilier : la coopération scientifique et technique
Une des nouvelles priorités consiste à renforcer et développer la coopération
scientifique et technique. L'intérêt est multiple : en finir avec l'image passéiste et élitiste de la
France dont la "grandeur" ne s'exprimait pendant longtemps qu'à travers sa littérature et son
art; mener à bien une véritable politique de coopération solidaire et d'assistance technique et
enfin améliorer sa compétitivité internationale dans le domaine scientifique et technique
actuellement très stratégique.
9 cité dans le Dictionnaire des politiques culturelles de la France depuis 1959, sous la direction d'Emmanuel de
Waresquiel, Paris, CNRS éditions – Larousse – Bordas, 2001
36
III - Une politique de développement de l'audiovisuel
La France a pris conscience (même s'il lui a fallu du temps) du nouveau contexte dans
lequel elle doit désormais agir. Par certains côtés, la France tente de résister à la
mondialisation. Mais elle essaie par ailleurs de s'appuyer sur le nouveau contexte. Comme
illustration de cette attitude, elle a développé une véritable politique de développement
audiovisuelle. Suite aux rapports qui dès les années soixante-dix le recommandaient, en
1982, est créée au sein du Quai d'Orsay une Direction de l'audiovisuel. A sa suite, deux ans
plus tard, on assiste à la naissance de la chaîne de télévision TV5. L'objectif était selon Alain
Decaux "d'inonder les pays francophones d'images, de chansons, d'informations, de fictions
en français, de le faire par l'intermédiaire de la télévision"10. Autre étape dans cette stratégie,
en 1989, le gouvernement décide la création du Conseil de l'Audiovisuel Extérieur Français.
Pour permettre de diffuser des programmes français gratuitement, la France met à disposition
des chaînes de télévision des pays en développement une banque de données d'émissions
télévisuelles. Ces initiatives complètent le dispositif radiophonique qui existait déjà avec
notamment Radio France International (RFI).Avec l'aide à l'exportation du cinéma français,
ce secteur bénéficie de près de la moitié du budget de la Direction générale du Quai d'Orsay
en charge des relations culturelles, scientifiques et techniques.
TV5 comme RFI jouent un rôle important dans la diffusion du français. Leurs
programmes émis 24h/24 peuvent être transmis à un très grand nombre d'auditeurs (le chiffre
de 45 millions d'auditeurs est avancé pour RFI). En touchant un large public, les émissions
qui proposent des bulletins d'information, des émissions pour découvrir la France et les
programmes courts d'enseignement du français sont d'un très grand atout.
Pourtant, si cette politique audiovisuelle est une des priorités, RFI souffre de
restrictions budgétaires trop contraignantes.
La dernière nouveauté dans le domaine concerne la mise en place de la chaîne de
télévision française d'information en continu, élaborée sur le modèle des chaînes CNN ou
encore BBC news, CCTV pour la Chine. C'est un secteur où la France se devait d'être
présente.
10 cité par Jean Digne dans le Dictionnaire des politiques culturelles de la France depuis 1959, Paris, CNRS
éditions – Larousse – Bordas, 2001.
37
IV - La défense de la langue française reste la priorité
Autre pilier de la politique actuelle, la défense de la langue française reste,
traditionnellement, une priorité. L'apprentissage de la langue étant bien entendu, un prérequis pour les actions menées ailleurs : pour attirer des étudiants étrangers en France (dont
d'ailleurs le nombre de bourses accordées a été augmenté à plusieurs reprises), il faut qu'ils
aient accès à l'enseignement du français, l'exportation de biens culturels français est d'autant
plus facilitée qu'il existe une communauté francophone active, pour multiplier et renforcer
les collaborations entre scientifiques, la maîtrise d'une même langue est indispensable, etc.
Par ailleurs, le réseau très riche et dense de centres culturels publics et privés dont
nous avons déjà parlé a été renforcé. Tout d'abord, grâce à une meilleure collaboration des
ministères des Affaires étrangères et de la Culture, laissant progressivement de côté leur
rivalité en la matière.
On peut ajouter que dans ce sens, un effort a été mené pour attirer des étudiants
étrangers en France. Pour cela, le nombre de bourses a été augmenté : entre 1990 et 2000, le
nombre d'étudiants étrangers qui ont bénéficié d'une bourse de l'État français a augmenté de
plus de 10%. Mais la répartition géographique de ces étudiants montre que les étudiants
latino-américains ne représentent qu'un faible pourcentage de ces étudiants : 5,8% en 200111.
Le nombre d'étudiants étrangers qui viennent poursuivre une partie de leurs études en
France reste trop faible notamment parce que les étudiants sont plus attirés par le système
anglo-saxon. Il est suggéré d'améliorer la promotion de l'enseignement supérieur français.
Mais il faudrait également permettre aux étudiants qui voudraient venir en France de pouvoir
apprendre le français avant leur départ. Or, dans beaucoup d'universités étrangères, le
français n'est pas (ou que très marginalement) présent dans l'offre de formation.
V - La place accordée à de nouveaux acteurs
11Ces chiffres sont tirés de l'Avis de l'Assemblée Nationale par Henriette Martinez sur le projet de loi de
finances pour 2003, fait au nom de la Commission des Affaires culturelles, familiales et sociales, Tome 1
Affaires étrangères, Francophonie et relations culturelles internationales.
38
1) Les artistes
En outre, le réseau a considérablement évolué, parallèlement aux changements opérés
sur la scène culturelle internationale : les artistes, à partir d'initiatives individuelles et avec
des motivations propres tissent des liens avec des partenaires étrangers, les réseaux
professionnels se multiplient, etc. Cette situation reflète la nécessité toujours plus pressante
pour le milieu culturel de trouver des débouchés en dehors des frontières nationales.
Les artistes prennent donc une place plus importante dans l'action dont il est ici
question. Par leur notoriété, ou par des choix personnels qui les incitent à se détacher des
structures nationales, des représentants de la culture française contemporaine prennent
l'initiative de grandes tournées, ou séjours à l'étranger. Cette nouveauté peut être saluée dans
un contexte où tout ou presque se décide dans des ministères et au sein de commissions.
L'initiative d'ordre privé, si d'après le modèle français n'est pas suffisante, elle reste
complémentaire de l'action de l'Etat. Des artistes comme Patrice Chéreau ou Bartabas sont
accueillis par de larges succès à l'étranger. Aujourd'hui ce ne sont plus uniquement les
oeuvres qui circulent, les artistes eux-mêmes voyagent.
En Amérique latine, l'éditeur de musique K617 a pris l'initiative de partir à la
recherche de partitions oubliées. Depuis 1987 avec son programme Les chemins du baroque
en Amérique latine, les partitions restaurées sont ensuite interprétées par des artistes locaux
puis enregistrés. Ce travail de coopération culturelle donne l'occasion d'organiser également
de nombreux concerts sur le continent.
Les échanges, les liens tissés sont de plus en plus denses, réguliers et riches à
l'inverse du saupoudrage et des actions isolées.
La volonté exprimée actuellement a conduit à faire en sorte que plus aucun
événement culturel en France d'une certaine ampleur n'intègre pas un partenariat entre
artistes français et étrangers.
2) Les collectivités territoriales
Autre nouveauté, les collectivités territoriales se sont lancées dans l'action culturelle
extérieure et en sont devenues des acteurs dorénavant incontournables. Ce sont souvent des
partenariats avec d'autres villes à travers le monde qui s'instaurent. Ces relations souvent
riches, donnent une image renouvelée de la culture française.
Un exemple révélateur de ces changements peut être cité : le voyage du nommé
39
Cargo 92, événement organisé par l'AFAA. Au départ de la ville de Nantes, ce cargo au cours
de son parcours a commémoré la découverte de l'Amérique.
Enfin, le renouvellement de l'image de la France à travers sa culture est passée par
l'utilisation de vecteurs nouveaux. Ce qui est promu au niveau artistique, ce n'est plus
seulement la peinture classique, le théâtre ou encore la littérature. Les efforts portent
également aujourd'hui sur des arts dits "mineurs" tels que la photographie, le théâtre de rue et
le cirque, la musique et la danse contemporaine, le jazz, le design, etc.
La politique en question s'enrichit donc et se complexifie, et l'État n'a plus la première
place. Les collectivités territoriales, les artistes et les réseaux professionnels (comme
Unifrance Films ou la Communauté des télévisions francophones) ou les entreprises, les
fondations et les producteurs indépendants du secteur ont leur rôle à jouer. Si ces nouveaux
acteurs interviennent c'est également parce que l'État a considérablement réduit les budgets
alloués, l'origine des financements a dû ainsi être diversifiée. La puissance étatique se
contente de plus en plus de chapeauter les manifestations artistiques. La régularisation du
secteur, et du marché culturel reste la tâche majeure de l'État. Tâche d'une importance accrue
par le contexte de dérégularisation actuelle. La mondialisation a imposé une vision
industrielle et économique au champ culturel. La culture est devenue de masse et les biens
culturels sont dorénavant des produits de consommation. La puissance étatique se doit de
protéger la création artistique.
40
Chapitre 2 – La politique culturelle extérieure et
l'uniformisation culturelle
Les effets du phénomène dit de mondialisation sont multiples, mais touchent
l'ensemble de la société et de l'État. Très schématiquement, la mondialisation ou globalisation
c'est d'abord et avant tout une multiplication unique dans l'histoire de l'humanité des
échanges d'ordre économique ou culturel. Cette accélération des échanges est notamment la
conséquence de la diffusion de nouvelles technologies de communication qui réduisent les
distances et les durées.
L'État se retrouve dans une situation paradoxale, puisque d'un côté, sa légitimité est
remise en cause "par le haut" avec la multiplication des processus d'intégration régionale et
"par le bas" avec l'accent porté sur les revendications décentralisatrices, régionalistes et
identitaires. Mais pourtant, en même temps, il est demandé à l'Etat de fournir une protection
accrue face au phénomène d'uniformisation culturelle menée par les quelques firmes
culturelles qui dominent le domaine voire face au phénomène d'américanisation (les firmes
en question sont pour la plupart d'origine américaine).
La France a fait un effort tout à fait unique pour briller sur la question de la protection
du pluralisme de la culture sur la scène internationale.
Section 1 – La défense de l'exception culturelle
I – Une politique en contraste avec les fondements de la politique culturelle d'après-guerre
Aux origines de la mise en place du ministère de la Culture de 1959 pourtant, la
notion de pluralisme est totalement absente. Les missions confiées par De Gaulle limitent le
pluralisme puisqu'il s'agissait de privilégier l'accès aux œuvres du patrimoine culturel
français de manière uniforme à l'ensemble de la population française. Une même vision de la
culture devait en aboutir. La conception gaulliste de la culture lui confiait un rôle de
rassemblement de la Nation autour de la "grandeur de la France".
41
Au moment même de l'instauration de ces fondements du ministère Malraux, ils
étaient remis en cause par les intellectuels du moment (tels que Pierre Bourdieu et Michel
Foucault) et par la suite par les mouvements sociaux qui s'exprimeront en particulier à
l'occasion de Mai 68. L'idée d'une même culture pour tous et imposée d'en haut ne
correspond pas aux aspirations de la société. Le champ des sciences sociales s'emparera de la
question, notamment l'école des cultural studies représentée aux États-Unis en particulier.
A la fin des années soixante et tout au long des années soixante-dix, les cultures
locales, les terroirs ont pris une place nouvelle, et les arts dits mineurs et/ou populaires ont
acquis une légitimité sociale nouvelle.
Mais ces changements ont éveillé des phénomènes de résistance au nom de
l'universalisme républicain, contre une vision consumériste de la culture et au nom de
l'excellence culturelle française. Cette position a eu un écho d'autant plus important que la
période a été marquée par la prise de conscience des dangers de la mondialisation.
C'est alors que se consolide la notion d'exception culturelle sous la double facette de
protection face à l'invasion des produits culturels de masse d'origine anglo-saxonne et comme
fondement de la légitimité d'intervention de l'État en la matière.
Le contexte de
renouvellement de la légitimité de l'État pour protéger la culture n'était pas favorable : les
revendications identitaires pluralistes existaient toujours, les pratiques culturelles avaient
évolué, le poids du marché international des produits culturels était sans commune mesure
avec celui de l'État, l'Union Européenne dictait de plus en plus les règles, alors qu'au niveau
infra-étatique, les collectivités locales voulaient, elles aussi participer à l'action de promotion
culturelle à l'extérieur.
II- La politique de défense de la culture française sur la scène internationale
Pour s'adapter au nouveau contexte, une des questions posées était de savoir à quel
niveau on voulait établir l'équilibre entre le poids des industries culturelles et la place des
services culturels publics. Le problème, c'est que l'État ne pouvait répondre à la question seul
: au-dessus de lui se trouve l'Union Européenne ainsi que le GATT (General Agreement on
Trade and Tarifs) qui est devenu par la suite l'OMC (Organisation Mondiale du Commerce).
La position de la France est bien connue : elle a systématiquement fait valoir auprès de ces
42
instances supra-nationales une position de défense de la culture francophone. Le résultat de
ce travail intensif pour convaincre les organismes pré-cités a été la possibilité d'instaurer une
politique de quotas dans les domaines de l'édition, de la musique et du cinéma. Les instances
communautaires ont soutenu cette politique tant au niveau interne, que sur la scène
internationale, notamment à l'occasion du sommet de l'OMC à Seattle en 1999.12 Cette
position de la France est l'aboutissement d'une action conjointe de producteurs et
professionnels des domaines culturels cités et d'acteurs motivés par une vision
altermondialiste qui refusent de se plier au modèle culturel américain. Autre curiosité,
l'action menée par la France est applaudie par la société, qui pourtant "consomme" de plus en
plus de produits culturels américains...
III- Le passage à la défense de la diversité culturelle
A la notion d'exception culturelle, on a peu à peu préféré celle de diversité culturelle
pour plusieurs raisons. La première de ces raisons tient au fait que les pratiques culturelles en
France, comme ailleurs ont profondément changé en particulier à partir de la fin de la
Seconde Guerre Mondiale. Ces pratiques sont plurielles et extrêmement variées. Les genres
et styles se sont multipliés. L'offre comme la demande se sont décuplées. Le public a par
exemple accès aux films de tous genres en provenance du monde entier. L'offre culturelle des
organismes publics ne suffit plus à répondre à la demande actuelle. Le patrimoine accessible
est désormais mondial. Mais pour les uns, l'offre publique tombe dans la facilité en
reproduisant cette diversité au nom d'un politique dite populiste au lieu de promouvoir les
œuvres et artistes d'excellence, la culture légitime et légitimée. Pour les autres, l'État n'est pas
allé assez loin (souvent parce que le budget et les moyens mis en œuvre n'ont pas été adaptés
à la volonté de promouvoir une culture diversifiée) et poursuit une politique jugée trop
élitiste, bien loin du principe de démocratisation de l'accès à la culture.
Une deuxième raison qui explique le passage de la défense officielle de l'exception
culturelle à la diversité culturelle réside dans le fait que la première notion suscitait des
critiques parmi les partenaires de la France : elle reflétait encore trop l'image de la culture
française trop teintée d'arrogance.
12 cf Serge Regourd, L'exception culturelle, Paris, Presses Universitaires de France, collection Que sais-je?,
2002
43
Cette nouvelle attitude de défense de la diversité culturelle sur la scène internationale
peut surprendre lorsque on la compare à la politique culturelle menée sur le plan intérieure.
Ce n'est que très marginalement que la France promeut la diversité culturelle sur son
territoire. Le modèle d'universalisme républicain refuse ce pluralisme. Ce sont les mêmes
principes qui sont au fondement de la politique d'intégration, pour qui le multiculturalisme se
rapproche trop du communautarisme du modèle anglo-saxon. Si la France préserve une
tradition d'ouverture aux cultures étrangères, elle ne pratique pas la même ouverture en ce
qui concerne les identités locales et communautaires de ses citoyens. Il y a là clairement un
manque de cohérence qui mériterait d'être étudié et modifié pour que la voix portée par la
France sur la scène internationale porte ses fruits.
Section 2 – La France comme alternative à l'hégémonie culturelle anglosaxonne?
I – Tension entre admiration et rejet de la culture française en Amérique latine
L'exemple de la langue est en ce sens parlant. Au cours du XIXième siècle, le français
était parlé communément au sein des élites latino-américaines, cette tradition, si elle ne s'est
pas maintenue avec la même force pendant le XXième siècle a tout de même continué à avoir
un impact sur les sociétés en question, pour le moins, elle était restée dans la mémoire de
tous. Depuis quelques années, on note un certain renouveau de l'intérêt pour le français qui
bénéficie paradoxalement de la situation actuelle de mondialisation des échanges et de
l'information. Tout d'abord, c'est pour exprimer le refus de l'homogénéisation culturelle
symbolisée par la domination de la langue anglaise que de nombreux latino-américains ont
appris ou redécouvert le français. L'ouverture à d'autres langues et cultures, selon le principe
de la diversité culturelle a été d'un appui non négligeable pour la culture, la langue et les
valeurs françaises, symboles, elles, de la résistance à la mondialisation. Mais même lorsqu'il
ne s'agit pas d'altermondialisme, la culture et la langue françaises se révèlent relativement
utiles étant donné la multiplication des flux touristiques, des échanges commerciaux,
44
techniques, scientifiques, ou encore artistiques. Autre avantage de la situation actuelle,
l'enseignement du français apparaît moins élitiste grâce à l'accès de plus en plus aisé aux
nouvelles technologies.
Les institutions officielles en charge de la politique extérieure ont tenté de s'appuyer
sur ces éléments nouveaux pour aller accélérer cette dynamique. C'est ainsi que dans les
Alliances françaises sont enseignés des cours de français pour les spécialistes du tourisme,
des cours de français juridique, médical, ou des affaires; sont organisés des cours en ligne,
etc13. Ce sont également des réseaux dynamiques de professionnels de l'enseignement du
français qui en organisant d'importants congrès internationaux dynamisent l'image de la
langue française. Il faut ici mentionner la tenue des réunions du SEDIFRALE (Congrès
Latino-Américain des Associations des Professeurs et Chercheurs de/ en Français Langue
Étrangère ou Sesiones Para Docentes E Investigadores De Francés Lengua Extranjera).
II- La « lutte » contre la « menace » anglo-saxonne
A titre d'exemple, pour illustrer ce sentiment de menace que ressentent les
responsables des pouvoirs publics voici ce que le député Georges Hage écrit dans l'avis qu'il
a présenté à l'Assemblée Nationale sur le projet de loi de finances pour l'année 2001. Il
commence sa présentation en plaçant cette action dans son contexte actuel. Ce qui transparaît
clairement dans ses propos c'est le danger que représente la concurrence américaine. C'est le
champ lexical de la lutte voire de la guerre qui est employé : "la montée en puissance des
industries culturelles américaines ne laisse pas de nous inquiéter [...] en raison de leur
prétention à l'hégémonisme, elles menacent directement une part de notre identité". Il fait
référence à un "raz de marée américain" qui nécessite de la part de la France d'entreprendre
la "résistance" et la "reconquête". La France "lutte".
Dans le même ordre d'idée, on peut citer le combat mené par certains dans la défense
de la langue française face à l'anglais. Plusieurs projets, notamment celui de la loi Toubon se
proposent de lutter contre le « franglais » en proposant des termes alternatifs aux mots
d'origine anglaise qui ont été intégré au langage commun.
13 L'exemple de l'Alliance française de Buenos Aires est en ce sens parlant. www.alianzafrancesa.org.ar
45
Chapitre 3 : Une politique encore largement figée dans son passé
Section 1 – Une image basée quasi-exclusivement sur un passé considéré
comme glorieux
Dans son ouvrage, Denis Rolland14 retrace l'évolution de l'image que les LatinosAméricains ont eu de la France depuis la Révolution Française jusqu'à la fin de la Seconde
Guerre mondiale. Tout au long de la période, cette image a connu des heures plus ou moins
glorieuses. La Première Guerre mondiale lui a porté un premier coup, comme mentionné plus
haut. Au cours de la Seconde Guerre mondiale en revanche, grâce au travail des partisans de
la France libre exilés sur le continent, la France apparaît à nouveau comme une référence
pour les élites intellectuelles. Le phénomène s'est ensuite poursuivi au sortir de la guerre avec
la politique volontariste qui est alors menée (et qui nous avons décrit rapidement plus haut).
Progressivement cela dit, le moment d'intermède proposé par le second conflit
mondial s'efface, pour se rendre compte à quel point le décalage entre l'image diffusée et la
réalité était grande. Ce qui est principalement retenu de la France par les Latinos-Américains,
ce sont les valeurs de Lumières et l'arrogance culturelle française.
Le problème posé est celui du renouvellement de cette image, mais pour cela, il faut
diffuser des œuvres modernes.
Or la culture française est elle aussi gravement touchée par le phénomène
d'uniformisation. De plus, la critique la plus fréquente note que les problèmes "d'exportation"
de la culture française sont d'abord et avant tout liés à un manque d'articulation de la création
française avec les services des ministères français en charge de la politique culturelle
extérieure. Cette critique s'est notamment exprimée en 1979 dans une étude du CNRS
intitulée "La culture tamisée".
La "concurrence" avec la culture anglo-saxonne s'exprime de manière idéal-typique
en ce qui concerne la diffusion de la langue. Depuis le début du XXième siècle, voire dès la
14 La crise du modèle français. Marianne et l’Amérique Latine. Culture, politique et identité. Presses
Universitaires de Rennes, Institut Universitaire de France, 2000.
46
fin du XIXième siècle, l'anglais a supplanté le français comme langue étrangère la plus
parlée sur le continent. Alors que le français était la deuxième langue des élites tout au long
du XIXième, le siècle suivant a été marqué en Amérique latine, comme dans le reste du
monde (y compris en France) par l'apprentissage et l'utilisation généralisées de l'anglais. Les
causes de ce phénomène sont bien connues : la montée en puissance des États-Unis tout au
long du siècle passé; le développement des échanges qu'ils soient commerciaux,
technologiques, culturels, et la circulation quasi-instantanée des informations, sous
l'impulsion principalement des États-Unis expliquent pourquoi le français est en recul. Plus
que le développement de la langue de Shakespeare, c'est l'anglais des États-Unis qui s'impose
dès qu'il s'agit d'échanges internationaux.
Les situations restent très variées au sein de la zone, avec des pays comme
l'Argentine, l'Uruguay et le Brésil (plus particulièrement le Sud de cet État) où le français
maintient une place honorable, alors qu'en Bolivie et en Équateur, le français stagne ou
continue à perdre du terrain.
Il y aurait depuis peu un certain regain du français dans ces terres latino-américaines
(cf. supra), mais il reste encore très loin derrière l'anglais.
En matière de coopération scientifique et technique, le même problème se pose : la
concurrence des États-Unis est très forte. Cette concurrence s'exprime par le nombre de
candidats latino-américains qui veulent effectuer une partie au moins de leurs études en
Amérique du Nord; alors que la France peine à attirer des candidats dans ses universités et
grandes écoles. Ce n'est que récemment que le Ministère des affaires étrangères a pleinement
pris la mesure du problème : il faut rendre le système d'éducation supérieure français plus
attractif.
Section 2 – Une politique inadaptée. Les pistes proposées pour son
renouvellement
La constante la plus remarquable que l'on trouve dans tous les rapports portant sur le
47
travail mené par l'État dans le domaine, et dans les avis du parlement pour le budget consiste
en une défense parfois inconditionnelle à la fois des fondements de cette politique et de sa
prise en charge par l'État et plus particulièrement par le Quai d'Orsay. Si les critiques peuvent
être nombreuses sur son organisation, sa structure ou ses stratégies, à la lecture de ces textes,
on comprend bien à quel point cette politique est défendue par les responsables des pouvoirs
publics. L'action culturelle extérieure doit rester partie intégrante du travail diplomatique
pour superviser, conseiller et protéger (si besoin) les échanges culturels d'ordre privé. Autre
argument avancé, seul l'État est capable de mener cette action à l'échelle planétaire. Enfin, de
bonnes relations culturelles facilitent les relations diplomatiques. Le débat ne porte pas sur le
fonds, mais sur la forme pour adapter les moyens dont dispose la France aux besoins actuels.
I. Une structure trop lourde, impossible à gérer efficacement
L'ancienneté de cette politique, l'importance qui lui est accordée, le principe
centralisateur des décisions et l'importance des moyens alloués rendent difficiles toute
volonté d'adaptation et d'évolution. La structure est lourde, il n'est pas aisé de la flexibiliser.
Pourtant le contexte dans lequel elle opère a évolué : la mondialisation, la multiplication et la
complexification des échanges culturels gérés par une myriade d'acteur a changé la donne.
L'adaptation
du
dispositif
français
est
devenue
une
nécessité.
Les
principales
recommandations répétées dans les nombreux rapports sur la question sont une meilleure
définition des objectifs, une restructuration des moyens, un assouplissement du dispositif, la
décentralisation de la prise de décision et de la mise en oeuvre des programmes, et la
recherche de partenariats. Le secteur a commencé ce travail de réforme, mais il est encore
loin d'avoir abouti.
Un problème qui est régulièrement soulevé, c'est la stratégie de la Direction générale
en charge des relations culturelles. Cette stratégie manque de cohérence et de visibilité. Il
faut dire qu'étant donné l'ancienneté de cette politique, se sont juxtaposées de nombreuses
actions et volontés. La situation s'est aggravée avec l'ajout (nécessaire) de nouveaux
domaines d'intervention : la coopération scientifique et technique, l'audiovisuel, etc. Ce
manque de cohérence est visible sur le terrain : dans les Alliances françaises, le personnel de
direction est recruté par le Quai d'Orsay, le personnel enseignant par le Ministère de
48
l'Education nationale parfois, c'est une structure de droit privé qui pourtant est « conseillée »
par le service culturel de l'ambassade française la plus proche...
Le rapport de 2001 d'Yves Dauge avait pour objectif de faire un bilan du travail des
centres culturels français à l'étranger et de proposer des perspectives nouvelles. Le
fonctionnement de ces établissements y est durement analysé. Les critiques portent sur le
recrutement des personnels, issus en grande majorité de l'Éducation Nationale. Ce même
personnel a été considéré comme insuffisamment formé pour leur tâche. Enfin, leur statut est
trop ambigu. Les moyens ont apparus insuffisants.
La pertinence d'un tel réseau est régulièrement mis en question étant donné son
étendue et ce qui est vu comme sa lourdeur. Un travail de rééquilibrage géographique a été
entamé et les missions ont été diversifiées, mais plusieurs rapports préconisent d'approfondir
ce travail. Une des voies proposées est de redéfinir l'implantation des établissements du
réseaux en fonction de la nouvelle donne diplomatique, le réseau en l'état actuel correspond à
des préoccupations diplomatiques d'un autre temps. Dans le cas de l'Amérique latine, la
question se pose alors... Cela dit, la force du réseau dans la région latino-américaine tient
beaucoup aux structures d'ordre privé, telles que les Alliances françaises.
En ce qui concerne les acteurs sur le terrain, André Ladousse15 note qu'il y a un
sérieux problème de coordination, dû à une formation des personnels qui est inadaptée. Il
explique qu'étant donné la multiplicité des acteurs de l'action culturelle extérieure de la
France qui se trouvent sur le terrain, il faut qu'il y ait un référent qui coordonne leurs
activités. Ce rôle revient au personnel dirigeant des ambassades et instituts culturels. De plus
en plus, l'État nomme à la tête de ces centres culturels des conseillers de coopération et
d'action culturelle. Le problème avec cette pratique est qu'elle confère à ces conseillers deux
missions (une mission d'élaboration de la stratégie à mener d'une part qui s'adresse à
l'ensemble des acteurs et l'application de cette stratégie au niveau du centre culturel), qui peut
aboutir à un mélange des genres. Le risque est d'autant plus prégnant que la formation de ces
conseillers reste trop partielle dans le domaine et le poste est souvent perçu comme
transitoire.
En ce qui concerne l'enseignement du français, pilier historique de la politique
15 André Ladousse, "La coopération culturelle de la France : alibi ou vrai enjeu?" in Jean-Jacques Gabas (sous
la direction de), L'aide publique au développement en mutation?, collection "Les Études de la Documentation
française", printemps 2005.
49
culturelle extérieure, deux priorités de renouvellement sont mis en oeuvre : d'une part,
rénover l'ensemble du système d'enseignement du français à l'étranger, et d'autre part,
poursuivre avec plus de moyens la politique audiovisuelle. Ce pilier reste actuellement la
priorité, au détriment des autres domaines d'intervention que sont la coopération scientifique
et technique et les échanges culturels et artistiques.
Les perspectives en matière de coopération technique et scientifique ne sont pas très
encourageantes, plusieurs problèmes persistent. Si cette politique veut être fructueuse, les
experts recommandent plusieurs adaptations et changements. Le premier défi à relever
consiste à en finir avec l'éparpillement de l'action menée. Au lieu du saupoudrage, les
responsables de la politique en question doivent définir des objectifs et des priorités claires,
pour rendre l'action efficace et visible. De même pour mieux coordonner les projets et
regrouper les financements, certains proposent de créer une agence qui pourrait centraliser
les propositions de projets et les demandes locales tout en étant un interface plus visible, un
interlocuteur unique. Autre souhait des experts, instaurer un véritable partenariat entre les
autorités chargées de l'aide technique et celles qui consacrent leur travail à l'aide au
développement. Alors que leur proximité semble évidente, dans la réalité, la coopération
reste trop faible. Par ailleurs, dans le contexte actuel, des financements multilatéraux sont
rendus possibles (l'Union Européenne, mais aussi la Banque Mondiale ou encore la Banque
interaméricaine de développement sont des bailleurs de fonds incontournables). La France
devraient savoir les utiliser, notamment en instaurant des partenariats qui peuvent être
fructueux au lieu d'agir de façon isolée.
Par rapport aux besoins exprimés localement, la France doit également redoubler
d'efforts. Les aberrances sont encore malheureusement nombreuses. De nombreuses
demandes locales correspondent à des domaines où la France dispose d'un savoir et de
techniques reconnus, pourtant la réponse française pourrait être améliorée. A ce titre,
Christian Girault cite deux exemples16 : le tourisme et le domaine des travaux publics et de la
gestion des réseaux. En matière de tourisme, la France, en tant que première destination
touristique du monde dispose d'un savoir-faire et d'une expérience unique dans la gestion de
l'activité. Au niveau de la demande, que ce soit dans les Caraïbes ou sur le continent, le
secteur est en expansion. Pourtant, la France reste très discrète dans le domaine. Autre
16 Ces exemples sont tirés de son article "La coopération scientifique et technique avec l'Amérique latine et les
Caraïbes" publié dans le Cahier des Amériques, n°28/29 en 1998. L'article a pour origine un rapport que
Christian Girault et Henri Hurand ont remis au Ministère des Affaires Étrangères en 1996.
50
exemple, les métropoles latino-américaines n'arrivent pas à faire face aux besoins croissants
en termes de réseaux de transport en commun, d'approvisionnement en eau potable
notamment. Les grandes entreprises françaises du secteur (Suez, Veolia, EDF, les grands
groupes de télécommunication, etc.) malgré quelques chantiers obtenus (l'assainissement de
l'eau à Buenos Aires, l'approvisionnement en électricité à Rio de Janeiro), restent trop en
retrait alors que les potentialités sont importantes. Aux autorités françaises en charge de
mieux accompagner les entreprises françaises en Amérique latine, de mieux promouvoir
l'expertise française dans les domaines pour lesquels la France est reconnue. L'objectif dans
ce sens est également de renouveler l'image de la France, encore beaucoup trop passéiste et
élitiste.
Malgré toutes ces critiques, on retrouve une constante dans tous ces rapports et dans
toutes ces réflexions : à chaque reprise est réaffirmé le rôle essentiel de ce dispositif de
centres et instituts culturels dans la mise en oeuvre de cette action culturelle extérieure.
II. Des partenariats à développer
Le phénomène de mondialisation a contribué à une véritable internationalisation des
pratiques culturelles dans le monde. Les échanges culturels se sont décuplés grâce aux
nouvelles techniques de communication et aux modes de production actuels. Au niveau de la
demande, ce qui a changé, ce sont les modes de vie et les mentalités qui se sont ouvertes sur
le monde. Cette internationalisation correspond par ailleurs à un besoin pour les industries du
milieu, elles aussi portées par des besoins de rentabilité et donc par la recherche de
débouchés extérieurs.
Pour mieux répondre à ce nouveau contexte, la France a multiplié le nombre et la
variété des acteurs qui interviennent dans la promotion de la culture française à l'étranger.
Les réseaux se sont ainsi étoffés. Elle a en outre réaffirmé sa mission d'intervention dans
l'exportation de la culture.
Le travail de l'État a pu être décuplé par la prise en compte des échanges culturels
internationaux par les instances infra-étatiques que sont les collectivités locales. Les mairies
des grandes villes françaises développent de plus en plus ce type d'effort, qui va bien au delà
de la pratique traditionnelle du jumelage.
Au niveau supra-étatique, là aussi la situation a évolué. L'UNESCO poursuit son
51
travail. L'Union Européenne, elle, commence a véritablement se saisir de la question
culturelle : les échanges culturels intra-européens méritent en effet d'être enrichis, ne seraitce que pour donner plus de réalité à l'intégration régionale en cours. Autre organisation qu'il
faut mentionner, l'Organisation internationale de la francophonie, instrument indispensable
pour maintenir et développer les liens entre les pays francophones, une des voies privilégiées
pour défendre la langue française.
Le secteur strictement privé n'est pas en reste. Le mécénat d'entreprise se développe.
La marge de manœuvre reste importante puisque les entreprises françaises sont très loin
d'atteindre le niveau des entreprises américaines pour qui le mécénat est très commun.
Les opérateurs culturels privés tout comme ceux qui bénéficient de fonds publics ont
eux-mêmes initié des stratégies de développement à l'international. La plus grande part du
mérite leur revient peut-être en priorité. Pour mieux aborder ce contexte nouveau, ces
opérateurs se regroupent de plus en plus au sein de réseaux professionnels nationaux et
même internationaux. Le but de ces réseaux est d'accompagner ces opérateurs dans leurs
stratégies de développement à l'international. Généralement, les pouvoirs publics se sont
associés à ces efforts. On aboutit ainsi à la formation de structures de statut privé de type
associatif, mais étant largement financé par l'État. C'est par exemple le cas d'Unifrance Films
dont la mission est de développer l'exportation de films français; existent également le
Bureau export de la musique française, le Bureau international de l'édition française ou
encore l'Association des architectes français à l'exportation.
Les quelques réseaux internationaux récemment créés doivent leur origine à une
volonté principalement communautaire. Ces initiatives originales permettent à leurs membres
d'avoir un poids plus important au moment de la recherche de fonds européens et/ou
participent à une meilleure prise en compte du domaine culturel au sein des instances
communautaires. Ces réseaux sont encore en chantier, mais l'on peut nommer l'Association
européenne des festivals de musique ou l'Union des théâtres de l'Europe.
Au cours d'un entretien mené en Argentine avec la directrice des activités culturelles
de l'Alliance française de Buenos Aires, Lia Goldberg, nous avons pu prendre la mesure de
l'importance du changement en cours en matière de partenariat. Elle nous a en effet expliqué
qu'actuellement, plus aucun projet n'était mené par l'Alliance seule. La recherche de
partenaires est notamment rendue indispensable étant donné les restrictions budgétaires, mais
c'est surtout un choix de la direction d'intégrer une forte dimension de coopération. Les
partenaires sont multiples et variés : des entreprises, d'autres centres culturels (dans ce cas, la
52
coopération est fructueuse avec le Goethe institute), des associations de divers types, etc.
Point à souligner, ces partenaires sont indifféremment français ou argentins. Cette exemple,
s'il n'est peut-être pas représentatif, prouve que des avancées sont en cours. Pour améliorer
l'efficacité de l'action des centres culturels tels que l'Alliance française, cette démarche est
intéressante.
III. Une vision à changer : mettre fin à l'idée de « rayonnement culturel »
L'objectif prioritaire de la France reste malgré tout, et selon un tradition maintenant
ancienne, la promotion de la langue et de la culture françaises dans le monde. Les
expressions consacrées depuis le début du XXème siècle sont connues de tous : c'est la
volonté "d'expansion intellectuelle de la France au-dehors" qui motive son action, on parle
également de "rayonnement culturel". Aujourd'hui encore, ces expressions restent utilisées,
même par les instances officielles. L'idée de rayonnement culturel est à remettre en cause, ce
qui a déjà été fait à plusieurs reprises notamment par Jacques Rigaud dans son rapport remis
au Ministère des Affaires Étrangères en 1979 et qui a fait date. Mais l'expression persiste
parce que persiste la volonté d'influence à travers la diffusion culturelle. Cette volonté
s'exprime d'autant plus que la situation n'est pas très favorable à la puissance de la France
dans les autres domaines dans lesquels elle pouvait jouir d'un statut enviable. C'est d'ailleurs
peut-être une des raisons qui expliquent pourquoi la France déploie des moyens aussi
considérables dans cette politique.
Il est vrai cependant que la France a fait des efforts pour élargir sa vision : la
promotion des cultures étrangères sur son territoire et le dialogue interculturel ont été
intégrés à la mission originelle.
En 2000, le député Georges Hage dans l'avis qu'il a présenté à l'Assemblée Nationale
sur le projet de loi de finances pour l'année 2001, a exposé l'enjeu des relations culturelles de
la sorte : " la France est bien un cas particulier qui s'exprime dans l'idée que notre pays a un
rôle spécifique à remplir dans le monde, à la fois sur les plans politique et culturel. Ce rôle
justifie l'importance attachée par la France à son rayonnement culturel extérieur, considéré
comme un enjeu important des relations internationales". Ces quelques lignes condensent
53
tout le projet de l'action culturelle extérieure de la France. Dans un avis qui doit justifier les
fonds alloués à cette politique, l'objet est d'expliquer les enjeux en cours. L'enjeu est
clairement diplomatique.
Plus haut d'ailleurs, il a rappelé le rôle qu'a joué historiquement et que continue de
jouer la culture dans l'élaboration de la politique étrangère du pays. Cette dimension
culturelle de la politique extérieure reste fondamentale d'après le député. Celui-ci, il faut le
remarquer utilise encore l'expression de "rayonnement culturel" malgré la vision unilatérale
qu'elle implique. Plus étonnant peut-être, il rappelle l'idée selon laquelle la France a une
mission à mener auprès de l'humanité, mission culturelle voire civilisatrice.
54
En guise de conclusion...
La situation est loin d'être catastrophique malgré les propos alarmistes tenus par
certains. L'idée d'un déclin de l'influence culturelle française en Amérique latine va de pair
avec l'idée plus large d'un déclin global de la France. Dans le cas étudié, comme dans
beaucoup d'autres domaines, il faut relativiser le débat. Il est clair que les temps ont changé,
mais la France bénéficie toujours d'atouts non négligeables. L'objectif est dès lors de savoir
les réinvestir pour renouveler des politiques trop peu volontaristes.
Mais c'est la politique culturelle extérieure dans son ensemble qui doit évoluer. Les
moyens ne sont plus les mêmes, tout comme les objectifs. L'idée de rayonnement est encore
trop présente, alors que le contexte prouve constamment que la culture de l'un ne sera
acceptée par l'autre que dans le cadre d'un échange. Si d'un côté, la France tente de résister à
l'américanisation et l'uniformisation de la culture, comment justifier une volonté
exclusivement exportatrice de sa culture? Progressivement, la politique tend à mieux prendre
en compte la dimension d'échange et de partage. C'est la voie que la plupart recommande.
Plus généralement, les interrogations posées par les difficultés auxquelles doit faire
face cette politique culturelle extérieure renvoient aux difficultés de la politique culturelle
intérieure. Si ce sont deux ministères distincts qui en sont en charge, tous deux travaillent à
partir du même matériau : la culture française (entendue au sens très large, comme tout au
long de cette étude). Plus d'un demi-siècle après le ministère Malraux, le bilan reste négatif
notamment en ce qui concerne la création. La culture française est-elle aussi vivante qu'on le
souhaiterait? Le véritable problème se trouve peut-être là : il faut une culture dynamique et
moins élitiste pour être attractive et par la suite pour être promue à l'étranger.
55
Bibliographie
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Articles:
57
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Rapports de l'Assemblée Nationale:

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de l'économie générale et du plan sur le projet de loi de finances pour 2008 par Gilles
Carrez, rapporteur général, Annexe 1 : Action extérieure de l'Etat, rapporteur spécial:
Jean François Mancel, commission des finances, novembre 2007.

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pour 2003, fait au nom de la Commission des Affaires culturelles, familiales et
sociales, Tome 1 Affaires étrangères, Francophonie et relations culturelles
internationales.

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58
finances pour 2003, fait au nom de la Commission des Affaires étrangères, Tome IV,
Affaires étrangères, francophonie et relations culturelles internationales.

Avis de l'Assemblée Nationale sur le projet de loi de finances pour 2001, Affaires
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septembre 2000.

Rapport d'information de la commission des Affaires étrangères sur les centres
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
Rapport d'information de la commission des Affaires étrangères sur la politique
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Rapport du Sénat :

Rapport d'information de Louis Duvernois fait au nom de la commission des affaires
culturelles "Pour une nouvelle stratégie de l'action culturelle de la France : de
l'exception à l'influence", Décembre 2004.
Rapports du Ministère des Affaires Étrangères:

Rapport de l'Inspection Générale des Affaires Étrangères, 2003.

Rapport d'activité de la DGCID, 2003.

La coopération internationale française, DGCID, 2005.
59
Table des matières :
Introduction
P.8
PREMIÈRE PARTIE - DES RESSOURCES EXCEPTIONNELLES MAL
P.13
EXPLOITÉES
Chapitre 1- Les héritages de l'influence culturelle française en Amérique latine
P.13
Section 1 – Brève histoire de la diffusion culturelle française en Amérique latine
P.13
I. L'évolution de l'influence culturelle depuis les indépendances
P.14
latino-américaines jusqu'à l'entre deux guerres
II. Les principaux domaines où cette influence est la plus ressentie
Section 2 – L'État français n'est pas le seul acteur sur ce terrain
I. Les initiatives personnelles qui ont œuvré indépendamment de l'État :
P.15
P.17
P.17
l'exemple de la diffusion de la pensée de Jacques Maritain
II. Une influence culturelle qui n'a jamais joui d'un monopole
P.19
Chapitre 2 - Des ressources actuelles très riches mais trop peu efficaces
P.22
Section 1 – L'organisation de cette politique culturelle extérieure
P.22
Section 2 - Le rôle de la Direction Générale des Relations Culturelles :
P.25
diriger la politique culturelle extérieure
I. La naissance tardive de la structure
P.25
II. Des missions enfin renouvelées
P.25
III. Le tiers du budget du Quai d'Orsay
P.26
IV. Mais des difficultés de fonctionnement
P.26
Section 3 – Les autres acteurs de la politique
I. L'agence Culturesfrance (ex-AFAA) : un rôle performant dans la diffusion
P.27
P.27
artistique française
60
II Les établissements culturels et d'enseignement du français en Amérique latine
P.29
III. La coopération scientifique et technique : un pan nouveau de la politique
P.29
culturelle
PARTIE 2 – LE MANQUE D'ADAPTATION DE CETTE POLITIQUE
P.32
Chapitre 1 – Les mutations de la politique culturelle extérieure : quelques avancées
P.32
Section 1 - Le volontarisme du Ministère de la Culture au sortir de la
P.33
Seconde Guerre Mondiale fait de l'ombre au Ministère des Affaires étrangères
Section 2 – Les tentatives de renouvellement du travail du Quai d'Orsay
P.35
I - Prôner le dialogue des cultures
P.36
II - Le nouveau pilier : la coopération scientifique et technique
P.36
III - Une politique de développement de l'audiovisuel
P.37
IV - La défense de la langue française reste la priorité
P.38
V - La place accordée à de nouveaux acteurs
P.38
1) Les artistes
P.39
2) Les collectivités territoriales
P.39
Chapitre 2 – La politique culturelle extérieure et l'uniformisation culturelle
P.41
Section 1 – La défense de l'exception culturelle
P.41
I – Une politique en contraste avec les fondements de la politique culturelle
P.41
d'après-guerre
61
II- La politique de défense de la culture française sur la scène internationale
P.42
III- Le passage à la défense de la diversité culturelle
P.43
Section 2 – La France comme alternative à l'hégémonie culturelle anglo-saxonne?
P.44
I – Tension entre admiration et rejet de la culture française en Amérique latine
P.44
II- La « lutte » contre la « menace » anglo-saxonnes
P.45
Chapitre 3 : Une politique encore largement figée dans son passé
P.46
Section 1 – Une image basée quasi-exclusivement sur un passé
P.46
considéré comme glorieux
Section 2 – Une politique inadaptée. Les pistes proposées pour son
P.47
renouvellement
I. Une structure trop lourde, impossible à gérer efficacement
P.48
II. Des partenariats à développer
P.51
III. Une vision à changer : mettre fin à l'idée de « rayonnement culturel »
P.53
Conclusion
P.55
62
63
La Révolution française et les écrits des Lumières ont grandement inspiré les
indépendantistes latino-américains du XVIIIe et XIXe siècles. Depuis, les élites de la région
sont restées francophiles. Les relations entre la France et l'Amérique latine sont dans une
large mesure bâties sur des relations culturelles, ce qui permet à la diplomatie française
d'avoir un écho d'autant plus important. Mais l'heure actuelle, caractérisée par le
phénomène multidimensionnel de la mondialisation et par la réduction du rôle de l'Etat est
désavantageuse pour la politique culturelle extérieure, pan crucial de la politique étrangère
française.
Cette politique culturelle bénéficie d'une histoire très riche en Amérique latine et de
moyens uniques au monde. Pourtant, face aux mutations du monde, elle peine à trouver une
place qui corresponde aux moyens dont elle dispose. La légitimité d'une telle politique de
diffusion culturelle n'est jamais remise en cause, mais les critiques sont nombreuses quant au
déploiement de cette politique qui ne parvient pas à démarquer la France et sa culture d'une
image archaïque.
Alors que les échanges culturels se sont décuplés au cours des cinquante dernières
années, alors que l'uniformisation culturelle sous l'impulsion des industries culturelles
anglo-saxonnes touchent l'ensemble du globe, la France tente de faire valoir sa spécificité,
mais n'y parvient que marginalement.
Mots clés :
politique étrangère – influence culturelle – Amérique latine – action culturelle extérieure –
échanges culturels
64