Diagnostic et traitement des légionelloses
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Diagnostic et traitement des légionelloses
DIAGNOSTIC ET TRAITEMENT DES LEGIONELLOSES MICHEL SIRODOT, DIDIER DOREZ, CHARLES SANTRE. Service de Réanimation polyvalente, Centre Hospitalier de la Région Annécienne, B.P. 333-74011 ANNECY CEDEX. Les légionelloses sont des infections provoquées par des bactéries du genre Legionella, découvertes en 1976 à l’occasion d’une épidémie de pneumonies sévères touchant des vétérans de l’American Legion. Legionella est responsable de pneumonies communautaires et nosocomiales, parfois mortelles, dont le pronostic est amélioré par la mise en route précoce d’un traitement antibiotique adapté. L’identification rapide de Legionella est donc importante. ETIOLOGIE Les Legionella sont des bacilles à Gram négatif, aérobies, à multiplication intracellulaire facultative, à croissance lente, cultivable sur milieu spécifique BCYE. Le genre Legionella comporte, à l’heure actuelle, 42 espèces différentes correspondant à 64 sérogroupes antigéniquement distincts. Legionella pneumophila sérogroupe 1 est le plus fréquemment isolé, responsable de 80 % des infections, suivi du sérogroupe 6 (7). L’immunité est essentiellement de type cellulaire T dépendante. EPIDEMIOLOGIE Les Legionella sont des bactéries de la flore aquatique, retrouvées dans de nombreux réservoirs et sources d’eaux douces, naturels ou artificiels. La voie de transmission des Legionella est essentiellement aérienne, par l’inhalation d’eau contaminée diffusée en aérosol. Les sources de contamination incriminées dans les épidémies sont le plus souvent des installations provoquant une multiplication de Legionella dans de l’eau chaude (température optimale de 37°) et une aérosolisation (douches, systèmes de climatisation et tours aéro-réfrigérantes, eaux thermales, nébuliseurs). D’autres modes de contamination sont possibles, en particulier chez des patients hospitalisés: micro-aspiration d’eau souillée (3, 38), contamination de plaies opératoires par de l’eau souillée (23). Il n’y a pas de transmission interhumaine rapportée. Les légionelloses se présentent sous la forme de cas sporadiques ou d’épidémies, d’infections communautaires ou nosocomiales. L’incidence des légionelloses est difficile à évaluer. Les Legionella seraient la cause de 1 % des pneumonies communautaires soignées à domicile, de 2 à 15 % des pneumonies communautaires nécessitant une hospitalisation du fait de leur gravité, et de 1 à 40 % des pneumonies nosocomiales (29). 1 Les légionelloses chez l’enfant sont rares en l’absence d’une immuno-suppression sousjacente. Le nombre de cas diagnostiqués en France en 1995 a été évalué à 530 cas, soit une incidence de 0,9 /100 000. Bien qu’obligatoire, le taux de déclaration est faible, et le nombre réel de cas de légionellose est estimé entre 2000 et 3000 cas annuels (16). Les facteurs de risques sont les suivants : âge supérieur à 50 ans, sexe masculin (sexe ratio M/F = 2,5 ), tabagisme, alcoolisme, diabète, affections respiratoires chroniques, insuffisance rénale chronique, immuno-suppression (cancer, hémopathie, chimiothérapie, transplantation d’organes, SIDA) (24). CLINIQUE Les légionelloses se manifestent cliniquement sous plusieurs formes : • la maladie des légionnaires, pneumonie aigue, la plus fréquente ; • la fièvre de Pontiac, infection aiguë des voies aériennes supérieures, sans pneumonie ; • les formes extra-pulmonaires. 1 - La maladie des légionnaires Après une période d’incubation de 2 à 10 jours, souvent plus brève chez l’immuno-déprimé, la maladie débute souvent progressivement par un malaise général, de la fièvre, des céphalées, des myalgies, et une toux sèche, sans signe rhinopharyngé. En 2 ou 3 jours, l’expectoration peut devenir purulente, voire hémoptoïque. La fièvre est alors élevée à 39° ou plus, continue, accompagnée de frissons et d’une bradycardie relative. Une dyspnée et des douleurs thoraciques peuvent faire évoquer une embolie pulmonaire. Cette pneumonie peut être responsable d’une insuffisance respiratoire aiguë nécessitant une ventilation mécanique. Des manifestations systémiques, probablement de nature toxinique, sont fréquentes : diarrhée, nausées, vomissements, céphalées, confusion, myalgies, arthralgies (tableau I). L’examen clinique révèle des signes de condensation pulmonaire, et parfois de pleurésie. La radiographie pulmonaire révèle le plus souvent la présence d’opacités alvéolaires, ayant souvent tendance à s’étendre et à se bilatéraliser au cours des premiers jours d’évolution malgré un traitement antibiotique adapté (33). Tous les aspects radiologiques sont cependant possibles (7) : opacités nodulaires pseudo- tumorales, infiltrats interstitiels, abcès, pleurésie, empyème. Un certain nombre d’anomalies biologiques, non spécifiques, peuvent être constatées : une hyponatrémie, une hypophosphorémie, une protéinurie, une insuffisance rénale, une élévation des CPK, voire une vraie rhabdomyolyse, une cytolyse hépatique ou une cholestase, une hyperleucocytose ou une leucopénie, une thrombopénie, une CIVD (tableau I). Plusieurs études prospectives ont démontré qu’il n’était pas possible de différencier une maladie des légionnaires des autres causes de pneumonies, en se basant sur ces signes cliniques, radiologiques et biologiques (13, 28, 37). Cette distinction est d’autant plus difficile qu’une infection mixte est possible dans 5 à 10 % des cas (7) (Pneumocoque, Chlamydia pneumoniae , Mycoplasma pneumoniae, … ) Il n’y a pas non plus de différence clinique significative selon l’espèce de Legionella en cause. Par contre, la résistance au traitement par une béta-lactamine est un élément d’orientation, mais trop tardif. 2 2 - La fièvre de Pontiac La fièvre de Pontiac est une maladie bénigne due à Legionella pneumophila ou feeleii, se traduisant par une infection des voies aériennes supérieures, sans pneumonie, s’accompagnant de fièvre, frissons, céphalées, vertiges, myalgies, diarrhée, et douleurs abdominales. 3 - Les formes extrapulmonaires En dehors des atteintes viscérales probablement d’origine toxinique, des localisations bactériennes extra-pulmonaires peuvent se voir associées ou non à une pneumonie. Ces localisations, probablement secondaires à une bactériémie, peuvent précéder la pneumonie ou survenir tardivement. Elles sont rares et surviennent surtout chez les immuno-déprimés. Ont été décrites (8, 32) : • Des atteintes neurologiques : encéphalite se traduisant par une confusion, des hallucinations, un coma, des convulsions, une atteinte cérébelleuse, des déficits focalisés (hémiplégie ou monoplégie), une paralysie des nerfs crâniens ; neuropathie périphérique, polyradiculonévrite ; myélite aiguë, syndrome de la queue de cheval ; abcès cérébral. • Des atteintes cardiaques : péricardite, myocardite, endocardite sur prothèse. • Des atteintes digestives : péritonite, pancréatite, entérocolite, abcès hépatique. • Des atteintes rénales : pyélonéphrite, abcès rénal, infection de fistule artério-veineuse. • Des atteintes musculaires : myosite. • Des atteintes cutanées : cellulite, abcès. • Des atteintes diverses : sinusite, rétinite. DIAGNOSTIC BIOLOGIQUE Le diagnostic des légionelloses repose sur plusieurs méthodes (8) : 1 - La culture est la méthode de référence. Cette culture est difficile, nécessite un milieu sélectif, et le délai de réponse est de plusieurs jours (minimum de 2 à 3 jours). La spécificité de cette culture est de 100 %. Sa sensibilité varie selon le type de prélèvement, entre 80 et 99% pour une expectoration, un lavage bronchoalvéolaire ou une biopsie pulmonaire, entre 10 et 30 % pour les hémocultures. 2 - L’immunofluorescence directe (IFD) est une méthode de diagnostic rapide (2 à 4 heures) mettant en évidence des antigènes de Legionella pneumophila dans les prélèvements (expectoration, LBA, biopsie pulmonaire, liquide pleural). Sa sensibilité est moins bonne (2575 %), mais sa spécificité atteint 95-99 %, lorsqu’est utilisé un anticorps monoclonal n’ayant pas de réaction croisée avec d’autres bactéries. L’IFD peut être positive plusieurs jours après le début du traitement antibiotique. 3 3 - La recherche d’antigène soluble dans les urines est une méthode rapide (4 heures) permettant un diagnostic précoce dès le début des signes cliniques mais aussi un diagnostic tardif, ces antigènes pouvant être éliminés dans les urines pendant plusieurs mois, même après une antibiothérapie adaptée. Ces antigènes sont détectables par technique radioimmunologique ou immunoenzymologique (ELISA). Le test commercialisé en France est un test ELISA qui ne permet que la détection des antigènes de Legionella pneumophila sérogroupe 1. Sa sensibilité est meilleure que celle de l’IFD (80-99%), et sa spécificité est de 99 %. Un autre avantage de cet outil de diagnostic est la facilité de recueil des urines, alors qu’il peut être difficile d’obtenir une expectoration ou de réaliser un LBA chez un malade présentant une détresse respiratoire sévère. 4 - Le diagnostic sérologique exige une augmentation des titres d’anticorps de 4 fois, avec un deuxième titre minimum de 128, après 3 à 6 semaines d’évolution. La montée des anticorps peut être tardive, jusqu’à 10 semaines après le début de l’infection. Lorsqu’on ne dispose que d’un seul sérum, un titre égal ou supérieur à 256 permet d’établir un diagnostic présomptif . Ce diagnostic sérologique repose le plus souvent sur une réaction d’immunofluorescence indirecte, utilisant des antigènes mono ou polyvalents. Seule la détection d’anticorps antiLegionella pneumophila sérogroupe 1 serait suffisamment spécifique. Avec les autres sérogroupes et autres espèces de Legionella, les faux positifs seraient trop fréquents, du fait de réactions croisées avec de nombreuses autres bactéries. La sensibilité de l’immunofluorescence indirecte, en cas de séroconversion pour Légionella pneumophila sérogroupe 1, est de 75 %, et sa spécificité de 95-99%. 5 - La détection par amplification génomique (PCR) est encore au stade de développement et n’est pas actuellement utilisée en routine. La rapidité de réponse de l’IFD et de la mise en évidence des antigènes urinaires a un double intérêt : • mettre en route rapidement un traitement antibiotique adapté, tout retard étant péjoratif (18) • arrêter un traitement inadapté coûteux. TRAITEMENT L’érythromycine a été considérée jusqu’à maintenant comme le traitement de référence des légionelloses, depuis l’analyse rétrospective de l’épidémie initiale de Philadelphie en 1976. Cependant, aucune étude prospective, comparative de traitements, d’une puissance statistique suffisante n’a été publiée, et ne sera publiée compte tenu de la relative rareté des légionelloses. L’érythromycine est le plus souvent prescrite par voie intra-veineuse au début du traitement, à une posologie de 2 à 4 g/j selon la gravité de l’état clinique, pour une durée de 2 à 3 semaines. Dans les formes sévères ou chez les immuno-déprimés, il est recommandé de lui associer de la rifampicine, à la dose de 20 à 30 mg/kg/j. L’érythromycine se révèle efficace dans 95 à 99 % des cas de légionelloses communautaires, survenant chez des malades non-immuno-déprimés ne nécessitant pas une hospitalisation. Par contre, chez des malades immuno-déprimés ou en cas d’infections nosocomiales, la mortalité varie entre 25 et 50 % selon les séries (8, 19). Les fluoroquinolones et les nouveaux macrolides, en particulier l’azithromycine et la clarithromycine, se révèlent plus efficaces que l’érythromycine dans des modèles 4 intracellulaires et des modèles animaux d’infection à légionella pneumophila, du fait d’un effet bactéricide ou inhibiteur plus puissant, plus rapide, et d’un effet post-antibiotique. (2, 4, 9, 10, 11, 14, 26, 30). Plusieurs études cliniques, non contrôlées, montrent l’efficacité des fluoroquinolones (ofloxacine, pefloxacine, ciprofloxacine, lévofloxacine) (6, 22, 34, 35, 36), de l’azithromycine (5, 21, 25, 27), et de la clarithromycine (1, 17) dans des légionelloses communautaires et nosocomiales . Ces drogues ont également moins d’effets secondaires que l’érythromycine, et des propriétés pharmacocinétiques qui permettraient des traitements plus courts ( 7 à 10 jours pour les quinolones, 3 à 5 jours pour l’azithromycine ). Sur ces différents arguments, plusieurs équipes (12, 33) considèrent actuellement que les fluoroquinolones et l’azithromycine sont devenues les drogues de choix dans le traitement des légionelloses sévères, y compris celles touchant des malades immuno-déprimés. Les posologies recommandées sont les suivantes : ofloxacine 400 mg / 12 h iv ou per os, ciprofloxacine 400 mg / 8 h iv ou 750 mg / 12 h per os, lévofloxacine 500 mg / 24 h iv ou per os, azithromycine 500 mg / 24 h iv ou per os, clarithromycine 500 ou 1000 mg / 24 h. La forme injectable de ces nouveaux macrolides n’est cependant pas encore disponible en France. Des échecs ont aussi été décrits avec ces antibiotiques (20, 31). Leur association avec la rifampicine semble sans intérêt, les études expérimentales n’ayant pas montré de synergie d’action. CONCLUSION La légionellose est une maladie grave nécessitant un traitement précoce adapté. Les fluoroquinolones et les nouveaux macrolides semblent représenter actuellement le traitement de choix. La qualité et la rapidité des nouvelles techniques de diagnostic biologique, telles que la recherche d’antigène urinaire, devraient contribuer à améliorer la prise en charge de cette maladie. REFERENCES 1. Anderson G. Clarithromycin in the treatment of community-acquired lower respiratory tract infections. J Hosp Infect, 1991 ; 19, suppl. A : 21-27. 2. Baltch AL, Smith RP, Ritz W. Inhibitory and bactericidal activities of levofloxacin, ofloxacin, erythromycin, and rifampicin used singly and in combination against legionella pneumophila. Antimicrob Agents Chemother, 1995 ; 39, 8 : 1661-1666. 3. Blatt SP., Parkinson MD., Pace E., Hoffman P., Dolan D., Lauderdale P. , Zajac RA., Melcher GP. Nosocomial Legionnaires’Disease : Aspiration as a primary mode of disease acquisition. Am J Med, 1993 ; 95 :16-22. 4. Deforges L, Fournet MP, Soussy CJ, Duval J. 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Le diagnostic repose sur la mise en évidence : de Legionella par culture, d’antigène spécifique de L.pneumophila par immunofluoresence directe, d’antigènes solubles de L.pneumophila 1 dans les urines, ou une séroconversion. L’IFD et la détection d’antigènes urinaires permettent un diagnostic rapide, et la mise en route précoce d’un traitement adapté, facteur de bon pronostic. Les fluoroquinolones et les nouveaux macrolides (azithromycine, clarithromycine ) semblent avoir détrôné l’érythromycine comme antibiotique de référence, sur des arguments expérimentaux, pharmacocinétiques, et de meilleure tolérance. Chez les malades non-immuno-déprimés traités, la mortalité est de 5 %, mais atteint 25 à 30 % chez les immuno-déprimés. SUMMARY Legionellosis are infections caused by Gram-negative bacilli Legionella sp. Legionella pneumophila serogroup 1 is the most pathogenic, accounting for 80 % of infections. Legionella are responsible for nosocomial and community-acquired pneumonia. Disease occurs as sporadic cases or explosive epidemics. Extrapulmonary legionellosis is rare. Immunosuppressed patients are at particular risk for acquiring legionellosis. Legionnaires’disease can not be differentiated from other common causes of pneumonia, based on clinical, radiographic, or nonspecific laboratory findings.There are four currently used methods for the laboratory diagnosis of legionella infections : isolation of the organism on culture media, immunofluoresent detection of antigen in tissues or body fluids, detection of L.pneumophila serogroup 1 antigenuria, and seroconversion. Direct fluorecent-antibody staining and the detection of legionella urinary antigen are rapid diagnosis tests. Delay in instituting appropriate therapy significantly increases mortality. Fluoroquinolones and the newer macrolides ( azithromycin, clarithromycin ) seem to be now the drug of choice, because they have greater in vitro activity, better intracellular penetration, and lower toxicity than erythromycin. Treated nonimmunosuppressed patients have a case fatality rate of about 5 % versus 25 – 30 % in treated immunosuppressed patients. 9 TABLEAU I – Fréquence des signes cliniques et biologiques au cours des légionelloses (15) SIGNES CLINIQUES ET PHYSIQUES % ≥ 39° C 90 Fièvre ≥ 40° C 50 Toux 80-100 Frissons 75 Expectoration 50 Dyspnée 59-94 Douleurs thoraciques 25-33 Diarrhée 50 Nausées, vomissements 25 Douleurs abdominales 15-23 Céphalées 41-71 Confusion 30-40 Myalgies, arthralgies 14-83 Bradycardie 60 Râles 80 Matité 80-100 SIGNES BIOLOGIQUES % Leucocytes (> 10 000mm3) 45 Hyponatrémie 68 Hypophosphatémie Augmentation des enzymes LDH SGOT Phosphatases alcalines Hyperbilirubinémie Protéinurie Hématurie 51 45 65 62 15 50 50 10