Position de thèse - Université Paris

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Position de thèse - Université Paris
UNIVERSITÉ PARIS-SORBONNE
ÉCOLE DOCTORALE III
Littératures françaises et comparée
THÈSE
pour obtenir le grade de
DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS-SORBONNE
Discipline : Littératures françaises
Présentée et soutenue par :
Geneviève IGNACE
Le 8 septembre 2015
L’OEUVRE DE LA DESTRUCTION DANS LES ROMANS DE
MARGUERITE DURAS
Sous la direction de :
Monsieur Didier ALEXANDRE – Professeur, Université Paris IV - Sorbonne
Membres du jury :
Monsieur Bernard ALAZET
Marie-Hélène BOBLET
Monsieur Didier ALEXANDRE
Monsieur Jacques DÜRRENMATT
Monsieur Alain SCHAFFNER
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Maître de conférence, Université Paris III
Maître de conférence, Université de Caen
Professeur, Université Paris IV - Sorbonne
Professeur, Université Paris IV - Sorbonne
Professeur, Université Paris III - Sorbonne
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L'oeuvre littéraire de Marguerite Duras est probablement l'une de celles qui a
sollicité le plus de réactions, ainsi qu'une diversité impressionnante de sentiments, allant de la
fascination à la haine. Pourquoi ? L'étude que nous nous proposons de mener ne saurait
répondre de manière exhaustive à cette question, mais permettra, du moins l'espérons-nous, de
mieux connaître le texte durassien, en tentant de comprendre la raison de son existence, la
relation qu'il entretient avec le concept de destruction, mais aussi de déterminer le plus
précisément possible les contours des "lieux" qui le virent naître, espaces maintes fois
fréquentés, mais que nous osons à nouveau visiter.
Il s'agit dès lors pour nous, non d'ajouter un dit aux dits multiples, mais de
compléter, de poursuivre sur le chemin du dit au sujet de l'écrit durassien, afin d'éclairer
encore la "maison", ainsi que Marguerite Duras se plaisait à désigner métaphoriquement le
texte qui s'écrivait sous sa plume, toujours dans l'impuissance de cesser sa course sur la page.
Lors de très fréquentes et attentives lectures des ouvrages de Marguerite Duras,
nous avons constaté une récurrence : le caractère destructeur, négatif, de l'image considérée
dans toute sa pluralité, qu'elle soit représentation la plus concrète, de l'ordre du reflet, du
miroir, du regard ..., ou rhétorique - métaphore, comparaison, métonymie ou allégorie. Mais,
dans le même temps, nous avons appris que le texte durassien avoue une raison d'être : sa
destruction, le cinéma devant délibérément opérer le meurtre de l’écriture. Il nous a alors paru
intéressant de travailler à comprendre quelle relation existait vraiment entre ces entreprises
destructrices de l'image s'exerçant dans des domaines différents - cinématographique,
rhétorique, thématique... -, et ce qui pouvait en être déduit quant à la "nature" du texte
durassien.
" Je suis dans un rapport de meurtre avec le cinéma. J'ai commencé à en faire
pour atteindre l'acquis créateur de la destruction du texte. Maintenant, c'est
l'image que je veux atteindre, réduire." 1
Ces propos - extraits des Yeux verts publié dans Les Cahiers du cinéma - sont
d'une importance considérable, capitale, pour qui veut aller du côté de l'écrit durassien, et
trouvent à se vérifier en plusieurs occurrences notamment dans ce qui a été appelé le cycle
indien constitué de Le Ravissement de Lol V. Stein2, Le Vice-consul3, L'Amour4 ; ces trois
romans sont "massacrés", selon le mot même de Marguerite Duras par et dans un film, India
Song5, lequel sera à son tour détruit, privé de ses personnages, dans Son Nom de Venise dans
Calcutta désert6, long-métrage où tout n'est que désolation, lieux certes, mais Absence. Ainsi,
la cinéaste annihile l’œuvre de l'écrivain, allant même, parfois, jusqu'à oublier ce qui fut
confié à la page blanche, comme si, soudain, la mémoire de l'écrit avait été frappée d'amnésie
par sa projection sur l'écran. D'autres textes subiront la loi de l'anéantissement
cinématographique : Détruire, dit-elle7; Abahn Sabana David8, Nathalie Granger9… Filmer,
pour Marguerite Duras, revient à aller du côté de la lecture, de ce qui a déjà été arraché de soi,
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Les Cahiers du cinéma, N° 312-313 " Marguerite Duras, Les Yeux verts" : juin 1980, p. 49.
Marguerite Duras. Le Ravissement de L V. Stein : Paris, Gallimard, 1964.
Marguerite Duras. Le Vice-consul : Paris, Gallimard, L'Imaginaire, 1966.
Marguerite Duras. L'Amour : Paris, Gallimard, 1971.
Marguerite Duras. India Song : film (long métrage), 1975
Marguerite Duras. Son Nom de Venise dans Calcutta désert : (long métrage), 1976
Marguerite Duras. Détruire, dit-elle, Paris : Les Éditions de Minuit, 1969.
Marguerite Duras. Abahn Sabana David : Paris, Gallimard, 1970.
Marguerite Duras. Nathalie Granger : Paris, Gallimard, 1973.
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"extirpé" de "l'ombre interne" ; revient donc à dire moins et, ainsi, à ne pas briser le silence
essentiel : au contraire, à l'intensifier.
Détruire le texte, telle est donc la volonté de Marguerite Duras, pour, entre
autres buts, freiner par l'image donnée au spectateur, la parole offerte au narrataire, et
émanant du tréfonds de soi, de toutes les souffrances contenues enfin parvenues à l'orée du
dicible, de tous ces cris étouffés, émanant de l'"ombre interne". Parole, venons-nous de
préciser et non pas le mot seulement, car le récit durassien est de l'ordre du dit, non du
raconté: écrire pour dire, non pour relater ; même si parfois le narratif revendique sa présence,
il comprend vite qu'il n'est qu'accessoire, que pour être et disparaître.
Fondamentale du tissu durassien, la parole inscrit le texte dans une structure
très dialogale proposant encore un sens à l'écrit : rompant résolument avec la forme
balzacienne du roman, celui-ci ne s'annonce plus véritablement comme tel sous la plume de
Marguerite Duras. L'essentiel, pour son auteur, n'est plus de désigner, de nommer la forme, il
est dans ce qui parvient à la surface du texte, dans ce qui ne se dit pas, se crie si fort que le
silence le tait aussitôt. Aussi, pouvons-nous être surpris de lire que Le Square10 est un roman,
que Détruire, dit-elle n'est nullement déterminé en tant que genre, qu'India Song11 s'annonce
comme texte, théâtre, film. A tous les termes attribués aux différents genres littéraires,
Marguerite Duras préférera le mot "récit", érigeant l'irrésistibilité de la soumission à l'urgence
d'écrire comme première loi, principe premier : " Je n'aperçois plus rien de différent entre le
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théâtre et le cinéma, le cinéma et l'écrit, le théâtre et l'écrit." disait-elle. Prendre la plume
non pour relater une histoire dans un cadre romanesque ou dramatique, mais tout simplement
pour exprimer, ôter de soi pour ajouter au dit du monde.
Destruction, dialogue, cinéma : trois maîtres mots dans l'univers durassien, à la
fois parce que chacun recouvre une réalité incontestable au cœur de l’œuvre, mais aussi pour
ce qu'il signifie relativement à l'essence même de l'écrit. Nul ne saurait donc appréhender ce
qui est à la source du "surgissement", de la création, ce pour quoi l'œuvre existe, pourquoi
elle est ainsi conçue, sans considérer de manière éminente chacun des trois vocables
précités. De plus, on ne peut pas ignorer que le fait dialogal, offrant donc à voir des
personnages en train de parler, participe de la représentation du reproductible, de l'image.
Dès lors, étant donné l'importance que revêt l'élément cinématographique relativement au
devenir du texte, la présence en son sein du représentable par le biais du dialogue incite à les
associer dans cette littérature qui est aussi celle du regard. Par ailleurs, le destructif habitant
ces lieux, nous devons nous interroger sur la trame dialogale, trop impliquée dans la
structure apparente, pour ne pas toucher un infratexte simultanément raison et promesse
funèbre.
Aussi, notre dessein est-il d’analyser l’oeuvre de la destruction dans les
romans de Marguerite Duras, il nous faudra donc notamment déterminer la fonction du
dialogue et de l'image dans l'œuvre écrite dont nous n'extrairons que certains éléments ;
chercher si la forme dialogale et l'image ne seraient pas deux signifiants fondamentaux d'une
logique de la destruction, mot qu'il conviendra de définir, en cette occurrence. En outre,
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Marguerite Duras. Le Square : Paris, Gallimard, 1976.
Marguerite Duras. India Song : Paris, Gallimard, 1973.
Marguerite Duras. Cahiers Renaud-Barrault, n0 98, 1978.
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précisons que s'imposer une telle étude revient également, naturellement, à examiner quelles
relations le texte entretient vraiment avec l'art, une certaine esthétique.
Il s'avère donc nécessaire de questionner le signe romanesque et le récit tant
par rapport à eux-mêmes que comparativement aux "adaptations" — terme impropre, en
l'occurrence, ainsi que nous le verrons — qui en ont été effectuées par l'écrivain. Pour cela,
Moderato Cantabile13 et Détruire, dit-elle se soumettront à notre réflexion, ainsi que Des
Journées entières dans les arbres14et Le Square, tous deux étudiés en tant que roman puis
pièce de théâtre ; Le Vice-consul, L'Amour seront également vus en soi, mais aussi
relativement à deux films : pour ce qui est du premier, India Song et Son Nom de Venise dans
Calcutta désert ; La Femme du Gange 15 , pour le second. Le polymorphisme du signifié
durassien, et le rapport qu'entretiennent texte et film, texte et théâtre, exigent ces analyses
plurielles ; d'autant que cette relation n'est peut-être pas que dans le devenir matériel de l'écrit
devenu image projetée sur l'écran blanc de la salle noire. Par ailleurs, le roman se doit aussi
d'être considéré dans ce qui le sépare ou le rapproche — "dialogalement" parlant — d'une
oeuvre non durassienne, de manière à ce que la densité du dialogue y soit notamment
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approchée, justement et avec pertinence. Le Côté de Guermantes sera le roman de référence.
Il conviendra, par conséquent, de vérifier si tel le cinéma, l'image émergeant de
la conjugaison des mots, du narré, du décrit et du dialogue, ainsi que ci-dessus énoncé,
travaille à la même oeuvre de destruction ; s'il en est également ainsi pour le caractère
protéiforme du même, l'existence du double et du dichotomique, ces éléments ayant à voir
avec le reflet, le miroir, déjà évoqués.
Rappelons que l'objet de la présente recherche est de saisir l'écrit et, en
particulier, dans ses origines ; cette quête ne peut bien sûr se réaliser qu'à partir d'une étude
rigoureuse, de l'analyse stylistique des textes élus visant à expliquer, comprendre le pourquoi
de la naissance par notamment, ce qui apporte la destruction. Dès lors, des ouvrages ayant
subi le joug de l'image cinématographique s'imposaient dans le cadre de notre travail, d'où le
choix du Vice-consul et de L'Amour ; mais le dialogue romanesque pouvant légitimement être
suspecté de désir dramatique, Le Square et Des Journées entières dans les arbres
s'inscrivaient dans l'évidence. Cependant, le devenir par le théâtre ne sera que peu envisagé
pour les raisons déjà explicitées. Étant donné les termes de notre projet, les mots de ce titre
Détruire, dit-elle, ne pouvaient que concourir à l'élire. Une autre raison a présidé au choix
d'un tel corpus : la logique qui conduit à la source d'un écrit pour mieux en élucider la genèse
ne peut s’informer en ce domaine qu'en allant là où s'effectua le passage d'une certaine
manière d'écrire à une "autre" littérature ; "autre" étant naturellement à préciser ; c'est ce que
nous permet Maurice Blanchot dont Marguerite Duras partageait bien des points de vue dans
la manière de concevoir la Littérature ; en ce sens, ce passage extrait de Le Livre à venir17
nous permet d'appréhender les contours de " cet espace clos, séparé et sacré, qui est l'espace
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Marguerite Duras. Moderato cantabile : Paris, Les Éditions de minuit 10-18), 1998.
Marguerite Duras. Des Journées entières dans les arbres, Roman :Paris, Gallimard, 1954.
Marguerite Duras. Des Journées entières dans les arbres, Théâtre II: Paris, Gallimard, 1968.
Marguerite Duras. La Femme du Gange : Paris, Gallimard, 1973.
Marcel Proust. Le Côté de Guermantes : Paris, Gallimard, 1998.
Maurice Blanchot, Le Livre à venir : Paris, Gallimard, 2005, p.281.
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littéraire.", un espace où nous apercevons le lieu durassien comme en attestera l'étude que
nous allons mener :
" Roland Barthes veut en venir à cette remarque : il y a eu une époque où
l'écriture, étant la même pour tous, était accueillie par un consentement innocent. Tous
les écrivains n'avaient alors qu'un souci : bien écrire, c'est-à-dire porter la langue
commune à un plus haut degré de perfection ou d'accord avec ce qu'ils cherchaient à
dire ; il y avait pour tous unité d'intention, morale identique. Il n'en est plus de même
aujourd'hui. Les écrivains qui se distinguent par leur langage instinctif, s'opposent plus
encore par leur attitude à l'égard du cérémonial littéraire: écrire, si c'est entrer dans un
templum qui nous impose, indépendamment du langage qui est le nôtre par droit de
naissance et par fatalité organique, un certain nombre d'usages, une religion implicite,
une rumeur qui change, par avance, tout ce que nous pouvons dire, qui le charge
d'intentions d'autant plus agissantes qu'elles ne s'avouent pas, écrire, c'est d'abord
vouloir détruire le temple avant de l'édifier ; c'est du moins, avant d'en passer le seuil,
s'interroger sur les servitudes d'un tel lieu, sur la faute originelle que constituera la
décision de s'y clôturer. Écrire, c'est finalement se refuser à passer le seuil, se refuser à
"écrire".
Dans cette perspective précisément, deux livres ne pouvaient s'absenter de
notre enquête : le premier roman de Marguerite Duras, Les Impudents18 ainsi que l'avantdernier, L'Amant de la Chine du Nord19. Le choix de cet ouvrage étant surtout dicté par le fait
que l'auteur s'y affirme de nouveau "écrivain de romans" et que, de plus, le cinéma s'y est
considérablement introduit. D'autre part, près d'un demi-siècle séparant ces deux livres, il
s'avère indispensable d'y rechercher une éventuelle trace destructrice et d'y cerner son
cheminement. Certes ambitieux, notre dessein sera, pour une bonne part, poursuivi grâce au
mot, à la phrase, à une attitude naïve mais curieuse, inquiète, indiscrète devant le style à
traquer. Marguerite Duras répondra à nos questions en ce qu'il sera déduit, conclu,
éventuellement trouvé, notamment et surtout à partir du texte stylistiquement étudié.
Mais il nous est également apparu opportun de convoquer le livre
philosophique - en particulier celui qu'affectionna particulièrement Marguerite Duras - afin de
définir le plus précisément, le plus justement possible, d'éclairer au mieux un texte, cette
"maison" aux devenirs pluriels. Kierkegaard traitant de La Répétition - relativement au
personnage lui-même dans sa relation à l'autre, mais également en fonction de ce que nous
venons d'écrire quant au texte durassien soumis à des formes diverses, à la destruction interne
et externe par la présence du même ; Pascal sera bien sûr évoqué lorsque l'impossible foi troue
le texte; ou encore Diderot quand la folie s'invite ; Alexandre Kojève dans le lieu du désir,
entre autres, anthropogène ; Emmanuel Levinas s'exprimant à propos du visage ou de la
notion de responsabilité ... nous aideront donc dans l'enquête que nous projetons de mener.
Ajoutons que seront obligatoirement considérés des films, mais par rapport à l'écrit, sans
l'approche "scientifiquement" cinématographique que mènerait le spécialiste en la matière.
18
Marguerite Duras. Les Impudents, Paris, Gallimard, Folio, 1943.
19
Marguerite Duras. L'Amant de la Chine du Nord, Paris, Gallimard, 1991.
5
Retournons du côté du "vrai" commencement, et voyons ce qu'est
véritablement le texte durassien ; pour cela, il nous faudra poursuivre trois démarches.
En effet, tout d'abord, il conviendra d'analyser si nous pouvons parler d'une
entreprise de destruction dans la fiction au point de voir dans l'oeuvre durassienne l'expression
d'un véritable refus de l'art, un projet avéré de destruction totale pour ce qui relève aussi de
l'esthétique. Aussi, devrons-nous énoncer les grandes caractéristiques, notamment stylistiques,
des ouvrages choisis, ce dans une perspective liée à la fiction elle-même ; mais il conviendra
également de se demander si, véritablement, la notion de personnage existe dans le livre, si ce
qui constitue une œuvre de fiction est bien présent. Par ailleurs, il faudra s'interroger sur le fait
de savoir si le texte durassien se présente comme une réalité sensible pourvue de signification,
répondant de ce fait à l'une des exigences hégéliennes concernant l'art. Que cela concerne son
intériorité même, le contexte social dans lequel il évolue ou encore l'univers fictionnel où il
devra " exister ", l'être durassien offre l'image d'une humanité semblant condamnée à se
débattre contre la douleur ou le désastre. Rejoignant Kierkegaard lorsque surgit le
ravissement, mais aussi Pascal lorsque tout ne paraît que vide et silence, ou encore Diderot
quand surgit la folie, Marguerite Duras et ses personnages rencontrent aussi et surtout
Alexandre Kojève dans le lieu du désir, comme déjà précisé. Cependant, il s'imposera de voir
que la couleur du texte durassien n'est pas aussi sombre qu'elle paraît l'être ; en effet, allant du
"sentiment de soi" vers " la conscience de soi " - pour reprendre la théorie du désir
anthropogène telle que la définit Alexandre Kojève -, le personnage durassien se hisse jusqu'à
une certaine transcendance, même si son univers semble miné par le phénomène de la
répétition, en l'occurrence signe mortifère conformément à la « grammaire » lacanienne.
D'autre part, loin de n'être que le signe d'une passivité ou de ce qui est subi, la présence de la
reprise dit une certaine énergie au sens où, nous le verrons, Kierkegaard l'entendait. En nous
référant toujours au même philosophe, il conviendra aussi de montrer que le silence où
s'enferme si souvent le personnage durassien est loin de n'être que le signe d'une véritable
destruction.
Puis nous devrons nous attacher à déterminer si l'écriture elle-même est une
métaphore de la destruction pouvant dès lors œuvrer à ruiner toute littérarité. De fait, dans les
œuvres que nous avons choisies pour mener notre étude, apparaît incontestablement une
écriture très marquée par le fait répétitif, mais aussi comme "désarticulée", accidentée,
traversée, par la trace pascalienne ainsi que nous le montrerons. Mais le texte durassien révèle
également une écriture où la perte et le doute ont laissé une large empreinte. Est-ce à dire,
encore, que tous les éléments précités participent à créer un style, une littérature rompant avec
ce que l'on appelle la "norme littéraire" ? Est-ce à dire, aussi, par conséquent, que la volonté
de destruction, que l'atteinte à la "tradition" de la trame, attente à toute littérarité ?
Les
analyses que nous allons mener se proposent d'apporter des réponses à ces questions
permettant de mieux cerner la logique qui conduisit à la source d'un écrit, pour mieux en
élucider la genèse.
Enfin, il nous faudra observer si l'histoire fiction est une allégorie de l'écriture.
Pour cela, nous verrons tout d'abord comment s'est opéré le passage du texte au cinéma, puis
en quoi ce même texte est métaphorique de la technique cinématographique en général, et du
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signifiant filmique durassien en particulier ; au cours d'un troisième chapitre, il s'agira de
vérifier si le texte est métaphorique du signifié cinématographique durassien ; il nous faudra
poursuivre notre recherche en montrant en quoi la fiction est une allégorie ou non de l'écriture
telle que la conçoit Marguerite Duras. Nous achèverons en nous questionnant sur la véritable
nature de la littérature durassienne : une simple destruction d'où se serait absentée toute
littérarité ? Une œuvre élevant au niveau de l'Art, d'une certaine esthétique, un texte que son
auteur a voulu massacrer ?
Ces différentes observations nous permettront d'approcher la Littérature selon
Marguerite Duras.
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