Vous trouvez ça drôle

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Vous trouvez ça drôle
Cours de morale Vous trouvez ça drôle ? Vous trouvez ça drôle ?
1. Introduction Extraits de : François l’Embrouille (l’étudiant), Gad Elmaleh (le blond, le ski et les sports) 2. Le rire, une drôle d’histoire… De tous les animaux, les primates sont les seuls à savoir rire. C'est une grimace qui indique que l'on peut commencer à jouer... Mais, chez l'homme, cette ludique invitation tourne souvent à l'humour noir. Rire, c'est un moyen d'échapper à ses angoisses. Parfois même les guérir. A l'Empire Theater de Copenhague (Danemark), un spectateur est mort, en 1988, foudroyé par une crise cardiaque en regardant Un poisson nommé Wanda, film de Michael Crichton, sur un scénario de John Cleese, du groupe de comiques anglais Monty Python. L'homme était déjà malade, mais c'est un fou rire qui l'a emporté. Grâce à la publicité causée par ce tragique fait divers, le nombre d'entrées du film a nettement augmenté dans les semaines qui ont suivi. Le malheur des uns...(…) Plus sérieusement Le rire sert donc à la socialisation de l'enfant. Chez le chimpanzé comme chez l'homme, la mimique figure détendue‐
bouche ouverte coïncide avec une attitude de jeu. Et les chatouilles ne nous font rire que si nous savons que c'est un jeu, que nous sommes en connivence avec le chatouilleur. « Les fonctions du jeu et du rire sont les mêmes », souligne le docteur Smadja. Selon les psychologues, le jeu de l'enfant, a une triple fonction. La première est évidente: c'est la recherche du plaisir. La deuxième l'est un peu moins: c'est la socialisation (le jeu soude un groupe). La troisième est un peu plus complexe: on reproduit par le jeu des événements angoissants pour s'en rendre maître. La meilleure manière de vaincre l'anxiété, de se rassurer! C’est ce que l'on appelle la fonction d'abréaction. Et chez les adultes ? Le rire répond aux trois mêmes fonctions de base que chez les enfants: il fait plaisir, rapproche les membres d'un groupe en se moquant de ceux qui n'en font pas partie et permet de dominer ses angoisses. Nous rions de ce qui nous fait peur, ou de ce que craint la société tout entière. Au premier rang de ces angoisses, il y a bien sûr la mort, qui a produit son contrepoison: l'humour noir. « Je n'ai pas peur de la mort, dit Woody Allen, mais je préfère ne pas être là quand elle va arriver. » Ce n'est pas tout. «On rit aussi par, politesse, par gêne, ou par émotion devant une situation troublante», souligne le docteur Smadja. Les malades mentaux, eux rient de manière incontrôlable et inappropriée lors de situations objectivement non risibles, voire dans un contexte de douleur, de tristesse ou de colère. Dans tous ces cas, le rire est déconnecté du plaisir. Un phénomène spécifique à l'espèce humaine: le chimpanzé, lui, ne rit que quand il joue. 1. Citez 4 fonctions du rire. 2. Le chimpanzé ne rit pas comme l’Homme. Expliquez pourquoi. 3. Quelle différence peut‐on faire entre le rire d’un malade mental et le rire d’un être humain sain d’esprit ? 4. Quelle est la différence entre l’humour et l’humour noir ? VModule 1 : de l’animal à l’homme Véronique Charon Spécificité de l’homme Cours de morale Vous trouvez ça drôle ? 1 3. Peut‐on rire de tout ? 3.1 Les sujets qui blessent… 3.2. «L'homme est un animal qui sait rire ». Le philosophe français Henri Bergson ajoutait que cette définition classique de l'homme devrait être complétée par cette autre: il est aussi « un animal qui fait rire ». Est‐il vrai néanmoins que tous les hommes font rire ? Peut‐on rire des personnes handicapées ? Le racisme étant à juste titre poursuivi, pourra‐t‐on encore rire des étrangers... et pourquoi pas des Belges ? Les cocus, les homosexuels, les curés ou les vieillards, qui tous sont la cible privilégiée des histoires comiques, devront‐
ils désormais porter plainte pour sauver leur dignité ? Le rire est en vérité ambigu. Bien plus, il joue avec cette ambiguïté. D'un côté, en effet, le rire stigmatise un comportement ou une posture, en les caricaturant. De là, il peut déraper et devenir une arme redoutable pour blesser ou exclure en ridiculisant. Mais si l'on s'en tenait à cet aspect inévitable du rire, il faudrait en conclure que c'est uniquement par méchanceté que l'on rit. A moins que cette méchanceté ne cache une souffrance : car, en me moquant, je ridiculise, c'est‐à‐dire je minimise ou je dédramatise ce qui me dérange. (…) C'est pourquoi le rire, malgré sa férocité parfois blessante, est aussi une vertu: en nous permettant de prendre un moment distance par rapport à nos angoisses, il nous offre l'occasion de nous réconcilier avec ce qui nous dérangeait, c'est‐à‐dire aussi avec nous‐mêmes. Rire de quelqu'un, c'est donc jouer avec une ambiguïté : d'un côté, on se moque, on ridiculise au risque de blesser. Mais, de l'autre, on se réconcilie. En ce sens, le rire est une vertu sociale. Se moquer des hommes politiques, par exemple, est indispensable dans une démocratie : (…) le rire rappelle que ceux qui nous dirigent ne sont pas des intouchables. Par la caricature, on les rend « fréquentables » : finalement, ils sont comme nous. On peut rire d'eux comme de n'importe qui d'autre. (…) Ainsi, on a raison d'affirmer que les personnes handicapées sont des personnes ayant la même dignité que tout autre être humain. Mais ne voit‐on pas que, du même coup, cette reconnaissance, pourvu qu'elle soit réellement vécue, autorise qu'elles deviennent la cible du rire ? Bienvenue au club ! Il y a, en effet, une contradiction manifeste à prétendre que l'on peut rire de tout, excepté des personnes handicapées. Car, ce faisant, on les met à part des autres: en d'autres mots, loin de les protéger, on les exclut. (…°) Rire de quelqu'un n'est donc acceptable que si le rire est pris comme un moment à part, si, comme on le dit parfois, on n'oublie pas que « c'est pour rire ». Le problème surgit principalement(…) lorsqu'on prend le rire au sérieux. Enfin, il reste vrai que l'on n'est pas toujours disposé à rire de tout: et notamment de cela qui nous fait trop souffrir (…). Mais il ne s'ensuit pas que l'on ne peut pas rire de tout. On conclura plus prudemment qu'on ne sait pas toujours rire de tout. Idées principales du texte :
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Jean‐Michel Longneaux, assistant en philosophie aux Facultés de Namur, in Le Vif/L’Express, 21 janvier 1999 VModule 1 : de l’animal à l’homme Véronique Charon Spécificité de l’homme Cours de morale Vous trouvez ça drôle ? 4. Evaluation formative Patrick Timsit regrette son sketch sur un trisomique 2 Bavure en scène Peut‐on rire de tout ? Non, ont répondu Robert Fauré et sa femme, les parents d’un fils atteint de trisomie 21. Ils ont attaqué l’humoriste Patrick Timsit au tribunal. Il faut dire que l’artiste n’y était pas allé avec le dos de la cuillère. Dans un sketch mettant en scène un horrible chirurgien fanatique de transplantations d’organes, il lui prêtait ces propos : " Les mongoliens, c’est comme les crevettes roses. Tout est bon, sauf la tête. " L’affaire s’est bien terminée. Une conciliation s’est amorcée. L’humoriste a présenté ses excuses et juré qu’il n’avait pas voulu faire souffrir les trisomiques et leurs familles, pensant dénoncer au contraire ce type de discours. Il a même décidé de créer, avec M. Fauré, une association qui luttera contre l’exclusion des handicapés. L’Union nationale des associations de parents d’enfants handicapés (Unapei), qui a soutenu la famille plaignante, se réjouit de l’accord intervenu. Mais elle se refuse à baisser la garde. " Au‐delà de cet affaire, nous estimons indispensable de faire évoluer la législation, pour protéger les personnes marquées par une différence comme les handicapés, affirme Patrick Gohet, le directeur de l’Unapei. Elles subissent trop souvent le mépris, l’irrespect. Nous demandons une extension de la loi contre les propos racistes. L’humour est un bienfait. Mais les humoristes doivent comprendre qu’il existe des lignes rouges à ne pas dépasser, lorsque l’on porte atteinte à la dignité des gens. " La loi peut‐elle et doit‐elle codifier les degrés acceptables de l’humour ? Et surtout, doit‐on légiférer sur une catégorie de citoyens, certes fragiles, sans ouvrir une brèche à des demandes de texte identiques concernant des groupes s’estimant victimes de plaisanteries de mauvais goût ? Le débat est plus complexe qu’il n’y paraît. Formuler une situation problème 1. Quelle est la situation qui a posé problème à la famille Fauré? Expliquez. Identifier une valeur (préparer au conflit de valeurs) 2. Citez la valeur qui n’a pas été respectée selon les Fauré ? 3. Quelle autre valeur pourrait être bafouée si l’on décide de censurer les humoristes ? Identifier une problématique (préparer à la problématisation) 4. Quelles problématiques sont soulevées par cette situation ? ‐ ‐ Formuler un avis personnel (préparer à l’argumentation) 5. Quel est votre avis ? Peut‐on rire de tous, de tout ? 2
DESMEDT GERARD ‐ Publié le 14 janvier 1999 ‐ La Vie n°2785 VModule 1 : de l’animal à l’homme Véronique Charon Spécificité de l’homme