L` étymologie des noms des éléments chimiques

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L` étymologie des noms des éléments chimiques
L' étymologie des noms des éléments chimiques
David W. Ball, Rice University
Adapté de l'article paru dans le Journal of Chemical Education, volume 62 (septembre 1985), pages 787-788.
Au même titre que toute autre discipline scientifique, la chimie possède une
nomenclature qui lui est propre, c'est à-dire un système ésotérique d'appellation des
éléments et des composés.
Tout étudiant en chimie doit absolument maîtriser cette nomenclature s'il veut s'en
sortir. Au début, les étudiants sont souvent effrayés et affolés par les noms des
substances organiques ou inorganiques parce que ceux-ci semblent compliqués. Bien
vite, cependant, ils en arrivent à débiter à toute vitesse les mots polysyllabiques avec la
facilité d'un spécialiste.
Les noms des éléments fournissent la racine qui apparaît dans les divers mots employés
pour nommer les composés, qu'il s'agisse de simples sels ou de composés de
coordination, ou encore d'acides et de bases inorganiques ou de la multitude de
molécules organiques complexes. Alors donc que les mêmes étudiants font intervenir
les noms des éléments dans la dénomination des composés, bon nombre d'entre eux
n'ont aucune idée de l'origine des noms des éléments eux-mêmes.
Ainsi, par exemple, s'il est aisé de comprendre la relation qu'il y a entre le nom «
Un alchimiste, en quête de la pierre
hydrogène » et le préfixe « hydro- » qui signifie « l'eau », il n'est pas toujours aussi
philosophale*, découvre le phosphore,
évident de connaître l'origine ou la signification d'autres noms d'éléments.
par Joseph Wright
L'étude de l'origine du nom des éléments représente un outil important qui permet de
* Pierre philosophale : pierre, qui,
connaître certaines propriétés de ceux-ci ; en outre, elle constitue un moyen
d'après les alchimistes, devait opérer la
transmutation des métaux en or ; chose
mnémotechnique très valable pour se souvenir des symboles voire des usages de ces
impossible à trouver (petit Larousse
éléments. Examinons donc attentivement l'origine des divers noms des éléments, c'est-àédition 1980)
dire l'étymologie des éléments chimiques. La quasi-totalité des informations
étymologiques peut donc se retrouver dans un bon dictionnaire ou dans un traite de chimie, mais dans aucune de ces sources,
l'accent n'est mis sur les similitudes et les tendances qui existent dans la nomenclature des éléments. Ainsi, par exemple, bon
nombre de personnes remarquent immédiatement que l'un ou l'autre élément est nommé d'après le nom d'un savant célèbre. Ce
qui leur échappe, bien souvent, cependant, c'est que le nom de certains éléments dérive aussi de personnages mythologiques
bien connus. Pour mieux mettre en exergue ces modes de nomenclature (et pour en améliorer le caractère pédagogique), les
éléments ont été répertoriés dans cinq catégories distinctes qui se différencient par le point de vue adopté quant à l'origine de
leurs noms. Les scientifiques admettent volontiers que le découvreur d'un élément ait le privilège de lui donner son nom.
Toutefois, l'Union internationale de chimie pure et appliquée [IUPAC*l se réserve le droit de sélectionner un nom ainsi qu'un
symbole, lesquels sont alors approuvés, et ce, sans tenir compte de la priorité de la découverte. La seule règle IUPAC qui
s'applique à la formulation des noms est l'ajout du suffixe -ium au nom de tout nouvel élément métallique. Cependant, étant
donné qu'une bonne part des éléments ont été découverts avant l'existence de cette règle, toute une série d'éléments (métaux
aussi bien que non métaux) ont des noms dans lesquels ce suffixe n'apparaît pas.
Le tableau 1 donne une liste d'éléments dont le nom évoque la couleur dudit élément ou d'un de ses composés, ou encore d'une
de ses propriétés. Ainsi, par exemple, étant donné que les sels d'iridium présentent des colorations variées, on a estimé qu'il
était opportun d'appeler cet élément à partir d'un mot qui signifie « arc-en-ciel ».
Le chlore et l'iode doivent leur nom à leur couleur respective, tandis que le rubidium, un métal blanc argenté doit le sien à la
raie intense de couleur rubis qui apparaît dans son spectre atomique. Les autres éléments qui sont répertoriés dans ce tableau
ont des noms dont l'étymologie rappelle d'autres couleurs.
*N.d.tr. : IUPAC est l'acronyme de International Union of Pare and Applied Chemistry.
Tableau 1 : Éléments dont le nom évoque une couleur
Élément
Origine du nom*
Bismuth
All., Wismut, masse blanche
Césium
Lat., caesius, bleu ciel
Chlore
Gr., khlôros, vert
Chrome
Gr., chrôma, couleur Couleur bleu indigo de sa raie d'émission
Indium
Couleur bleu indigo de sa raie d'émission
Iode
Gr., iôdês, violet
Iridium
Lat., iris, arc-en-ciel
Praséodyme vert
Gr., prasios + didymos, double
Rhodium
Gr., rhodon, rose (coloration de certains de ses sels)
Rubidium
Lat., rubidos, rouge sombre
Zirconium
Ar., zargun, couleur d'or
*Signification des abréviations s'appliquant à tous les tableaux : All. = allemand ; Angl. = anglais ; Ar. = arabe; Esp. espagnol ; Gr. = grec ; Lat. = latin ;
Suéd. = suédois.
1
Dans le tableau 2 apparaissent d'autres éléments dont les noms dérivent de ceux de personnes réelles ou mythologiques.
Près de la moitié des éléments présentés évoquent des noms de savants célèbres ; l'autre moitié correspond à des divinités et
autres personnages mythologiques. On remarquera que tous les éléments qui ont été découverts depuis 1952 (à partir de
l'einsteinium, en l'occurrence l'élément 99) ont reçu les noms de leurs découvreurs.
Tableau 2 : Éléments dont le nom évoque une personne (réelle ou mythique)
Élément
Origine du nom
Curium
Pierre et Marie Curie, qui isolèrent le
radium (prix Nobel de physique en 1903)
Einsteinium
Albert Einstein, l'auteur de la théorie de la relativité (prix Nobel de physique
en 1921)
Fermium
Enrico Fermi, un des initiateurs de la physique des particules (prix Nobel de
physique en 1938)
Gadolinium
Johann Gadolin, un chimiste finlandais à qui on doit la découverte de
l'yttrium
Lawrencium
Ernest 0. Lawrence, qui reçut, en 1939, le prix Nobel de physique pour son
invention du cyclotron
Mendélévium
Dmitri Mendeleïev, auteur de la classification périodique des éléments
chimiques
Niobium
Niobé, reine légendaire de Thèbes, qui fut changée par Zeus en rocher d'où
jaillissait une source
Nobélium
Alfred Nobel, inventeur de la dynamite et fondateur des prix qui portent son
nom
Prométhéum
Prométhée, personnage de la race des Titans, qui transmit le feu aux hommes
et qui fut puni par Zeus puis délivré par Héraclès
Tantale
Tantale, roi de Phrygie, qui fut précipité
dans les Enfers et condamné à une faim et
à une soif insatiables
Thorium
Thor, le dieu scandinave du tonnerre
Titane
Les Titans, divinités grecques qui gouvernaient l'univers avant les dieux de
l'Olympe
Vanadium
Vanadis, une « femme savante » dans la
mythologie scandinave
Le tableau 3 reprend divers éléments dont les noms ont pour origine un lieu géographique. Les noms d'au moins cinq pays y
apparaissent, l'un d'eux deux fois (le gallium provient de Gallia, nom latin de la France). Quatre éléments sont même nommés
d'après Ytterby, qui est une petite ville située à 15 kilomètres au nord de Göteborg, laquelle est la deuxième ville de Suède si
on considère son nombre d'habitants. Il y a à Ytterby une carrière dans laquelle on a isolé divers minerais fort rares et de ceuxci, on a isolé de l'yttrium, de l'erbium, du terbium ainsi que de l'ytterbium. Ytterby se distingue par le fait que c'est la racine qui
détient le record d'apparition dans le nom des éléments.
Tableau 3 : Éléments dont le nom évoque un lieu
Élément
Origine du nom*
Américium L'Amérique
Berkélium
Berkeley, en Californie
Californium La Californie
Cuivre
Lat., cyprium aes, bronze de Chypre
Erbium
Ytterby, un village de Suède
Europium
L'Europe
Francium
La France
Gallium
Lat., Gallia, France
Germanium Angl., Germany, Allemagne
Hafnium
Lat., Hafnia, Copenhagen
Holmium
Lat., Holmia, Stockholm
Lutécium
Lutèce, ville de Gaule dont l'emplacement correspond à Paris
Magnésium Magnésie du Méandre, colonie thessalienne d'Ionie
2
Polonium
La Pologne
Rhénium
Lat., Rhenus, le Rhin
Ruthénium
Ruthénie, ancienne région à l'est de la Tchécoslovaquie, cédée à l'URSS en
1945 (Ukraine)
Scandium
Lat., Scandis, Scandinavie
Strontium
Strontian, nom d'un village d'Écosse
Terbium
Ytterby, un village de Suède
Thulium
Thulé, nom donné par les Romains à l'Islande
Ytterbium
Ytterby, un village de Suède
Yttrium
Ytterby, un village de Suède
Le tableau 4 présente divers éléments dont le nom évoque un astre. Il semble que les corps célestes ont eu une influence
notoire sur la nomenclature des éléments. Le soleil, la lune, deux astéroïdes ainsi que six planètes (dont la Terre) ont prêté
leurs noms à des éléments. Ainsi, par exemple, si le phosphore provient des mots grecs phôs, « lumière », et phoros, « qui
porte », la même étymologie (lat., Lucifer) caractérise le nom donné par les anciens à la planète Vénus, lorsqu'elle est vue
comme étoile du matin*. L'hélium, quant à lui, a été mis en évidence par spectroscopie dans l'atmosphère solaire avant sa
découverte sur terre, ce que révèle le nom hélium. Les chimistes ne manquent pas de faire le lien entre la séquence des
éléments uranium-neptunium-plutonium et l'éloignement de plus en plus important des planètes Uranus, Neptune et Pluton par
rapport à la Terre.
*N.d.tr. : Par rapport à Vesper, l'étoile du soir. Les anciens croyaient en effet à l'existence de deux planètes distinctes.
Tableau 4 : Éléments dont le nom évoque un astre
Élément
Origine du nom
Cérium
L'astéroïde Cérès
Hélium
Gr., hêlios, soleil
Mercure
Lat., Mercurius, la planète Mercure
Neptunium La planète Neptune
Palladium
L'astéroïde Pallas
Phosphore
Gr., phôs, lumière, et phoros, qui porte ; c'est également le nom donné à la
planète Vénus, lorsqu'elle est vue comme étoile du matin
Plutonium
La planète Pluton
Sélénium
Gr., Selênê, Lune
Tellure
Lat., Tellus, Terre
Uranium
La planète Uranus
Enfin, il y a des éléments qui ne s'insèrent pas dans les catégories précédentes, du fait que leur nomenclature repose sur toutes
sortes d'autres raisons. Ces éléments sont présentés dans le tableau 5. Dans ce groupe apparaissent trois éléments dont les
noms dérivent d'autres éléments : le radon (qui est une émanation du radium), le molybdène (de molubdos, un mot grec qui
signifie plomb) et le platine (de platina, un ancien mot espagnol qui désignait l'argent). Comme dans les autres catégories, la
majorité des éléments qui sont répertoriés dans ce tableau ont des racines grecques ou latines. Au contraire des autres groupes
d'éléments, une bonne part de ceux-ci ne se terminent pas par la désinence habituelle -ium. On se doit de faire remarquer que
l'oxygène est un élément qui a reçu son nom par erreur. Lavoisier à qui on doit le nom de l'oxygène, pensait que cet élément
était indispensable pour donner lieu à la formation des acides, de sorte qu'il lui donna un nom qui signifie « qui engendre un
acide ». L'oxygène n'est pas indispensable pour qu'on ait affaire à un acide, mais le nom a quand même été maintenu.
Lorsqu'on examine de près les noms des éléments, on remarque parfois certaines régularités qui constituent d'excellents
moyens mnémotechniques. C'est ainsi par exemple, qu'à l'exception de l'hélium, tous les gaz nobles se terminent par -on :
néon, argon, krypton, xénon, radon. Tous ces exemples ont leur valeur pédagogique propre et démontrent l'intérêt qu'il y a à
étudier l'origine des noms des éléments.
Tableau 5 : Éléments dont les noms proviennent d'origines diverses
Élément
Origine du nom
Actinium
Gr., aktinos, faisceau de rayons
Aluminium
Lat., alumen, alun (un astringent)
Antimoine
Gr., anthos, fleur (en raison de l'aspect de pétales de fleur des sulfures
naturels)
Argent
Lat., argentum, argent
Argon
Gr., argos, inactif
3
Arsenic
Gr., arsenikos, mâle ou masculin
Astate
Gr., astatos, instable
Azote
Gr., a privatif et zôê, vie
Baryum
Gr., barus, lourd
Béryllium
Béryl, une gemme (le béryl vert est l'émeraude)
Brome
Gr., brômos, puanteur
Cadmium
Lat., cadmia, calamine (un minerai de zinc qui contient du cadmium)
Calcium
Lat., calx, chaux (oxyde de calcium)
Carbone
Lat., carbo, charbon
Cobalt
All., Kobalt, lutin
Dysprosium Gr., dusprositos, difficile à atteindre
Étain
Lat., stannum, plomb argentifère
Fer
Lat., ferrum, fer
Fluor
Lat., fluere, s'écouler
Hydrogène
Gr., hudôr, eau, et gennân, engendrer
Krypton
Gr., kryptos, caché
Lanthane
Gr., lanthanein, rester caché
Lithium
Gr., lithos, pierre
Manganèse
Lat., magnes, nom donné dans l'antiquité à la pyrolusite (dioxyde naturel de
manganèse)
Molybdène
Gr. molubdos, plomb
Néodyme
Gr. neos, nouveau, et didumos, double
Néon
Gr. neos, nouveau
Nickel
All., Kupfernickel, nickeline (un minerai de nickel)
Or
Lat., aurum, or
Osmium
Gr., osmê, odeur
Oxygène
Gr., oxus, acide, et gennân, engendrer
Platine
Esp., platina, argent
Plomb
Lat., plumbum, plomb
Potassium
Angl., potash, potasse (hydroxyde de potassium)
Protactinium Gr., protos, le premier, et actinium (cf. ci-dessus)
Radium
Lat., radius, rayonnement
Radon
de radium (cf. ci-avant)
Samarium
Angl., samarskite, un minerai de samarium
Silicium
Lat., silex, silex (roche siliceuse très dure)
Sodium
Angl., soda, soude
Soufre
Lat., sulphur, soufre
Technétium Gr., tekhnêtos, artificiel
Tungstène
Suéd., tungsten, pierre lourde
Xénon
Gr., xenon, chose étrange
Zinc
All., Zink, zinc
4

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