Grossesse et maladies digestives : périnée
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Grossesse et maladies digestives : périnée
G rossesse et maladies digestives Périnée et grossesse Pregnancy and pelvic floor Philippe Godeberge Institut Mutualiste Montsouris, Universit e Paris V, 42 boulevard Jourdan, 75014 Paris, France ; Clinique du Trocadero, 62 rue de la Tour, 75116 Paris, France e-mail : <[email protected]> sume Re Grossesse et accouchement peuvent induire des l esions p erin eales domin ees, dans le quadrant post erieur, par les l esions du sphincter anal. Longtemps m econnues, ces l esions ne sont symptomatiques que dans 1 cas sur 4 ; elles exposent a l’incontinence anale et a des troubles de la statique. L’impact de l’accouchement s’estompe avec le temps car d’autres facteurs viennent se surajouter. La pr evention repose sur des pr ecautions obst etricales, mais elle ne peut ^ etre absolue, y compris gr^ ace a la c esarienne qui n’efface pas les risques de s equelles. La maladie h emorroı̈daire peut s’exacerber dans cette p eriode principalement sous forme de thrombose. Quelle que soit la pathologie, le traitement de premi ere ligne est avant tout m edical chez ces patientes jeunes ; les explorations sont rarement n ecessaires. La chirurgie concerne essentiellement les ruptures sphinct eriennes symptomatiques et les fistules rectovaginales. L’impact psychique est important et doit ^ etre pris en compte, y compris dans les rares indications gastroent erologiques de c esarienne pr eventive. s : perinee, accouchement, grossesse, rectocele, incontinence anale, hemorroı̈des n Mots cle Abstract Pelvic floor disorders could result from childbirth or pregnancy. For gastroenterologist, the main lesions are sphincter laceration and prolapse. Most of the lesions recently recognized are asymptomatic; they are associated with anal incontinence in 1/4 of cases. Within the time, the impact of these lesions get down as other factors appear, related to ageing. Prevention measures are devoted to obstetricians. They are not absolute, including cesarean section. Hemorrhoidal disease could increase in that period; the symptoms are mainly thrombotic. For all these diseases, the first line treatment is medical in these young females. Explorations are more often unnecessary. Surgery is indicated mainly to treat sphincter disruption or rectovaginal fistula. The psychic consequences must be taken in account, particularly in the case of preventive cesarean section. n Key words: pelvic floor, childbirth, pregnancy, rectocele, anal incontinence, hemorrhoids y HEPATO GASTRO et Oncologie digestive rieur et l’incontidu p erin ee poste nence anale. M^ eme si stricto sensu la maladie h emorroı̈daire n’est pas une atteinte du p erin ee, il est difficile de ne pas en parler du fait de son extr^ eme fr equence et du lien physiopathologie marqu e tant avec le p erin ee qu’avec l’accouchement. D’ailleurs, beaucoup de patientes font Tir es a part : P. Godeberge 608 Pour citer cet article : Godeberge P. Perinee et grossesse. Hepato Gastro 2013 ; 20 : 608-616. doi : 10.1684/hpg.2013.0924 HEPATO-GASTRO et Oncologie digestive vol. 20 n8 8, octobre 2013 doi: 10.1684/hpg.2013.0924 l y a en France 792 000 naissances (chiffre OCDE 2012) ; 20 % le seront par c esarienne. Il est donc in evitable qu’au cours de sa carri ere un praticien soit amen e a prendre en charge une maladie digestive pendant ou au voisinage d’une grossesse (et de son corollaire, l’accouchement). Nous nous concentrerons sur les maladies I Perinee et grossesse debuter leur maladie h emorroı̈daire au d ecours de leur premier accouchement. des accouchements par voie vaginale [3]. Ces alt erations ne sont donc ni syst ematiques (bien que fr equentes), ni d efinitives ou symptomatiques. Dans un groupe de primipare ayant une IA du post-partum, 31 % ont des l esions pudendales patentes [3]. Physiopathologie des troubes périnéo-sphinctériennes Les mecanismes qui concourent a l’alt eration du p erin ee sont identiques pour l’incontinence anale (IA) et les prolapsus. Les donn ees sont issues essentiellement d’une litterature obst etricale observationnelle ; la randomisation n’est pas possible dans ce domaine pour des raisons de bon sens. ‘‘ Les mécanismes qui concourent à l’altération du périnée sont identiques pour l’incontinence anale et les prolapsus ’’ Les traumatismes du plancher pelvien notamment du chef puborectal du Celui-ci est compose muscle elevateur de l’anus et du sphincter anal. Les l esions du puborectal peuvent entraı̂ner un elargissement de la filiere urogenitale et favoriser l’apparition d’un prolapsus. En IRM, les lesions du puborectal sont plus fr equentes en cas de prolapsus [1]. Le risque de survenue d’une l esion est augmente en cas de recours a des forceps [2]. Le sphincter anal interne comme externe peut ^ etre l es e par l’accouchement. Les lac erations du sphincter anal sont un facteur de risque ind ependant d’incontinence du postpartum. Lors d’un accouchement par voie basse (AVB), le risque d’IA est multipli e par deux en cas de l esion sphincterienne. ‘‘ Les lacérations du sphincter anal sont un facteur de risque indépendant d’incontinence du post-partum ‘‘ Une altération pudendale est notée dans 38 à 42 % des accouchements par voie vaginale ’’ Les altérations des tissus de soutien et mécanismes divers vrose pelvienne et ses diff L’apone erentes expansions fibreuses constituent un ensemble de fascia susceptibles d’^ etre etir es et d egrad es au cours d’un accouchement. ^le ; il s’agit d’un avis Cette donn ee peut jouer un ro d’experts trouv e dans la litt erature. Les donn ees objectives sont tir ees d’ etudes in vitro sur les caract eristiques histologiques des tissus ou de mod ele animaux. Des modalit es variables d’expression des g enes impliqu es dans le m etabolisme de l’ elastine ont et e rapport ees au cours des incontinences urinaires de stress. Enfin, certains facteurs anatomiques constitutionnels pourraient intervenir (cul-de-sac de Douglas profond, malformation des structures de soutien). Facteurs de risque des troubles périnéosphinctériennes co ^ t A e de l’ob esit e et de la chirurgie, l’accouchement vaginal est le facteur de risque pr edominant des troubles p erin eo-sphinct eriens (TPS). Rôle de la parité (nombre d’accouchements) ’’ Les traumatismes neurologiques Le nerf pudendal issu de S2, S3 et S4 innerve le sphincter uretral et anal. Il a un trajet tr es particulier ; il emerge dans la cavite pelvienne au-dessus du plancher pelvien, au niveau des plexus sacr es situ es a la face ant erieure du sacrum. Il passe dans la partie superficielle du p erin ee. Pour cela, il contourne le plancher pelvien par l’orifice ischiatique en arriere de l’ epine ischiatique. Il est donc tendu entre un point fixe (les plexus sacr es) et un point mobile (le p erin ee) en contournant l’ epine ischiatique qui peut faire office de billot. Une alt eration pudendale est not ee dans 38 a 42 % ‘‘ ’’ À âge équivalent, le risque de TPS est plus important après accouchement que chez les nullipares Ce risque est surtout marqu e entre 20 et 34 ans, la ^ diff erence disparaissant au-del a de 65 ans, du a l’augmentation de la part de la d eg en erescence li ee a l’^ age. Pour les troubles du p erin ee ant erieur, leur fr equence s’accroı̂t avec le nombre d’accouchement. Sur une enqu^ ete portant aux USA sur 1 961 patientes, il existe un lien significatif entre les TPS (incontinence anale incluse) avec une fr equence de 12,8 %, 18,4 %, 24,6 % et 32,4 % pour HEPATO-GASTRO et Oncologie digestive vol. 20 n8 8, octobre 2013 609 s 30 ans contre 6 % pour les autres. Ces facteurs ne apre sont pas ind ependants les uns des autres. une parite respective de 0, 1, 2, 3 ou plus, accouchements [4]. Impact du mode de délivrance La delivrance vaginale expose a plus de troubles que la cesarienne (58 % vs 43 %) [5] ; mais cette diff erence n’est pas significative dans le temps sauf pour le groupe avec assistance instrumentale. Par contre, l’existence de lacerations p erin eales (grades 3 et 4) a et e trouv ee comme le seul facteur etiologique d’une incontinence du postpartum [6]. Autres facteurs associés à l’accouchement tres de nature obste tricale interPlusieurs autres parame viennent dans l’apparition des TPS. Ils se combinent pour induire les troubles, mais le facteur le plus significativement a risque est la d elivrance instrumentale. Une etude randomisee a montr e que le risque etait elev e avec les forceps (60 % de troubles de la continence f ecale) et significativement plus qu’avec le recours a une ventouse [7]. ‘‘ Le facteur le plus significativement à risque est la délivrance instrumentale ‘‘ L’épisiotomie systématique reste débattue ’’ L’episiotomie est largement rentr ee dans la pratique obstetricale. Son b en efice reste controvers e [8]. Elle ne diminue pas le taux de lac erations p erin eales, d’incontinence fecale ou de prolapsus. Or, la pr esence de lacerations est reli ee a une incontinence f ecale plus frequente ou plus s ev ere. L’ episiotomie syst ematique reste donc d ebattue ; il faut temp erer ces r esultats qui sont issus d’une litt erature internationale etudiant les habitus anglo-saxons domin es par l’ episiotomie m ediane. L’impact negatif de l’ episiotomie m ediolat erale, celle pratiquee en France, semble nettement moins important car elle lese moins les structures m edianes de soutien du perinee. ’’ La connaissance des m ecanismes et des facteurs de risque des l esions p erin eales permet de mettre en place des mesures pr eventives. Mais le gastroent erologue a peu de prise sur ces mesures pr eventives qui sont de nature obst etricale. Il est consult e apr es que les d eg^ ats soient ^mes. Cette connaissance apparus et du fait de sympto a deux objectifs : pouvoir r epondre aux questions des patients qui consultent (pourquoi ai-je une incontinence anale ?) ; l’aider a formuler des conseils pour l’accouchement suivant. La rectocèle signe une anomalie anatomique. Mais il Ce terme de regroupe probablement des maladies diff erentes tant par le m ecanisme que par leur prise en charge. Si l’accouchement est consid er e comme un facteur de risque de rectoc ele, son influence n’est plus trouv ee quand on s’adresse a des patientes de plus de 50 ans. Il n’est alors plus trouv e de diff erence entre les nullipares et les multipares. D’autres facteurs confondant apparaissent avec le temps : m enopause, hyperpression abdominale chronique (ob esit e, constipation, maladie pulmonaire chronique). Apr es AVB, l’apparition ou l’aggravation d’une constipation est possible et peut ^ etre rapport e a une rectocele. Il s’agit-la d’une maladie non du rectum mais de la cloison rectovaginale, plus par affaissement que par pulsion. Ce type de rectoc ele s’accompagne a des degr es divers d’un p erin ee descendant et d’une neuropathie. Elle se d efinit par la protrusion de la face ant erieure du ^t rectum dans le vagin. Du co e vaginal, la constatation du refoulement de la paroi post erieure fait parler de colpoc ele post erieure. ‘‘ Si l’accouchement est considéré comme un facteur de risque de rectocèle, son influence n’est plus trouvée quand on s’adresse à des patientes de plus de 50 ans Il semble que la dur ee de la deuxi eme partie du travail joue ^ un role dans la survenue des lac erations pelviennes et des TPS. La compression, l’isch emie, la dur ee de l’ etirement neurologique sont autant de m ecanismes potentiels. Ce serait un facteur d’alt eration du plancher pelvien au m^ eme titre que la pr esentation, la taille de l’enfant. L’^ age du premier enfant interviendrait avec un risque de chirurgie pour prolapsus de 14 % en cas de premier accouchement 610 Pourquoi s’intéresser à ces mécanismes et à ces facteurs de risque ? ’’ Symptômes rapportables à la rectocèle ^mes rapportables Les sympto a une rectoc ele sont : ^ne a l’e vacuation imposant des efforts de (a) une ge pouss ee pour obtenir une exon eration ; (b) une fragmentation de l’ evacuation avec polych esie ; HEPATO-GASTRO et Oncologie digestive vol. 20 n8 8, octobre 2013 Perinee et grossesse (c) une sensation de fausse route lors des efforts defecatoires ; (d) une digitation pour assister l’ evacuation, principalement en effectuant un contre appui directement sur la face posterieure du vagin ou au niveau de la fourchette anovulvaire (un appui p erin eal evoquant plus un p erin ee descendant). Ils sont pr esents dans plus de 50 % des cas. ^me le plus sp La digitation vaginale est le sympto ecifique [9]. ‘‘ La digitation vaginale est le symptôme le plus spécifique Examen physique ’’ alement en position L’examen est pratiqu e ide gynecologique mais il est tr es utilement compl et e par un examen accroupi car l’effort de pouss ee sur le dos est mediocre et peu physiologique. Lors de la pouss ee on voit apparaı̂tre la colpoc ele post erieure qui ecarte la vulve (figure 1). Le toucher rectal en crochet fait saillir la cie le reste des param rectoc ele. Il appre etres communs a tout examen pour trouble de la statique pelvip erin eale : tonicit e musculaire, sensibilit e marginale, longueur de la fourchette anovulvaire, recherche endoscopique d’intussusception. La rectoc ele peut ^ etre masqu ee par un prolapsus v esical ou ut erin qu’il faut r ecliner pour mettre en evidence la rectoc ele. Faut-il faire des examens complémentaires ? Si le praticien a confiance dans son examen, l’examen clinique est suffisant pour initier la prise en charge. S’il n’a pas confiance (manque d’expertise, sujet difficile ou ob ese) un examen morphologique se discute. L’exploration de r ef erence est le rectocolopocystogramme avec opacification des anses gr^ eles. Cet examen doit ^ etre envisag e avec certaines restrictions chez une femme en ^ age de procr eer ou susceptible d’^ etre enceinte (figure 2). L’IRM dynamique, moins performante, peut ^ etre suffisante pour mettre ne route une prise en charge m edicale. ‘‘ Si le praticien a confiance dans son examen, l’examen clinique est suffisant pour initier la prise en charge ’’ Spécificité de la prise en charge de la rectocèle au décours d’un accouchement Comme pour tout trouble de la statique, une question essentielle est la r ealit e du lien entre la rectoc ele et les ^ symptomes. Ce lien apparaı̂t plausible si elle est de grande taille (> 4 cm), si le traitement d’une constipation de transit est un echec, si la plainte principale est une Figure 1. Rectocele a l’examen clinique (credits photographiques/ copyright : Ph. Godeberge). Figure 2. Rectocele mise en evidence au rectocolpocystogramme (credits photographiques/copyright : Ph Godeberge). HEPATO-GASTRO et Oncologie digestive vol. 20 n8 8, octobre 2013 611 constipation terminale, si des manœuvres digitales vaginales sont n ecessaires pour assister la d ef ecation et si ^mes sont r les sympto eguliers et anciens (plus de 1 an) [10]. Comme pour toute maladie fonctionnelle, les diverses possibilites doivent ^ etre envisag ees : succ es, echec immediat ou a moyen terme (r ecidive), am elioration partielle. La possibilit e de complications doit ^ etre pr ecis ee. Dans le post-partum, a court et moyen terme, il existe des specificites qui disparaissent apr es 50 ans ; au-del a le traitement se confond avec celui des rectoc eles habituelles. Ce qui est particulier c’est que l’on s’adresse a des femmes jeunes. La possibilit e d’une d egradation dans le temps des resultats doit ^ etre evoqu ee. Tout cela doit ^ etre soigneusement evalu e, car chez une femme qui vient d’accoucher la demande de soins mise en avant peut « masquer » une demande moins patente : r ecup eration d’une image corporelle perçue comme d egrad ee, d esir de retour a l’etat physique anterieur, lien non verbalis e entre des troubles sexuels et une rectoc ele. Enfin, il faut connaı̂tre le desir de grossesse suppl ementaire. ‘‘ Dans le post-partum, à court et moyen terme, il existe des spécificités qui disparaissent après 50 ans ; au-delà le traitement se confond avec celui des rectocèles habituelles ’’ Traitement Il ne differe pas du traitement des rectoc eles « classiques » sinon que l’on va privil egier avant tout le traitement medical : pr evention des efforts de pouss ee, biofeedback en cas d’echec, r egularisation du transit. Tout cela n’est pas necessairement simple chez une jeune active, une femme allaitante. Il faut insister sur l’association rectoc ele et ^mes d’une insuffisance incontinence. Les sympto sphincterienne peuvent ^ etre aggrav es en cas de mauvaise vidange rectale. Pour ces incontinences « a rectum plein », l’objectif du traitement de la rectoc ele n’est pas que le soulagement de la constipation distale, mais egalement la vidange compl ete du rectum. co ^ t des l esions. A e de cette dichotomie anatomie/ ^me, les sympto etudes ne sont pas toutes comparables car elles ne consid erent pas les patientes au m^ eme moment. Certaines incluent et d’autres excluent les d elivrances instrumentales. Enfin, si l’IA peut s’observer apr es c esarienne, il n’y a pas de rupture sphinct erienne apr es c esarienne. ‘‘ Les lésions anatomiques sont plus fréquentes que l’incontinence anale ; les patientes qui ont une incontinence anale ont plus souvent des lésions anatomiques Un problème fréquent ’’ L’IA du post-partum concerne 13 % des parturientes (surtout aux gaz) mais 1 a 2 % aux selles liquides [11, 12]. Les chiffres initiaux de l esions sphinct eriennes lors des premi eres publications etaient inqui etants, posant m^ eme le probl eme de leur signification en termes pathologiques. Ce qui est admis, c’est que l’incidence des l esions augmente avec la parit e avec un impact moins net au-del a de 2 accouchements, et que la ventouse est moins morbide que les forceps (figure 3). Tous les d efects ne sont pas symptomatiques. ‘‘ L’incontinence anale du post-partum concerne 13 % des parturientes (surtout aux gaz) mais 1 à 2 % aux selles liquides ’’ Des chiffres moins importants ont et e rapport es ult erieurement [13]. En cas d’IA, une rupture L’incontinence anale ^t Il y a d’un co e la survenue d’une incontinence anale, majoritairement mineure (au gaz) et de l’autre, l’incidence des lesions anatomiques d etect ees par l’ echographie endoanale. Les l esions anatomiques sont plus fr equentes que l’IA ; les patientes qui ont une IA ont plus souvent des ^mes peuvent r lesions anatomiques. Si les sympto egresser, leur persistance est plus fr equente chez les patientes ayant 612 Figure 3. Rupture perineale complete (grade 4) (credits photographiques/copyright : Ph Godeberge). HEPATO-GASTRO et Oncologie digestive vol. 20 n8 8, octobre 2013 Perinee et grossesse sphincterienne est observ ee dans 45 a 96 % des cas et en cas de rupture 1/4 a 1/2 sont associ ees a une IA. Une m etaanalyse des etudes les plus importantes a trouv e chez les primipares 26,9 % de l esions occultes et de 8,5 % de lesions supplementaires chez les multipares [14]. Les 2/3 de ces ruptures sont asymptomatiques mais la probabilit e d’avoir une rupture en cas d’IA est en moyenne de 80 %. ‘‘ Tableau 1. Indication gastroentérologique de césarienne préventive (commentaires dans le texte). Groupe 1 : il existe une incontinence anale patente ou un risque spontané très élevé Incontinence anale évolutive Maladie neurodégénérative évolutive (sclérose en plaques), Lésions anopérinéales sévères de la maladie de Crohn Les 2/3 des ruptures sont asymptomatiques mais la probabilité d’avoir une rupture en cas d’incontinence anale est en moyenne de 80 % Rupture réparée du sphincter anal Groupe 2 : la continence est normale mais le capital sphinctérien est altéré avec une atteinte anatomique constante aux examens (échographie endoanale) ’’ La prise en charge rejoint le traitement classique de l’IA. Le caractere recent d’une eventuelle rupture sphinct erienne conduit dans cette population a une plus grande fr equence des reparations sphinct eriennes mais dont les r esultats habituellement se d egradent avec le temps. Que dire à une patiente qui vous consulte pour une incontinence anale gresser (elle peut aussi apr Cette IA peut re es disparition reapparaı̂tre ult erieurement). Ainsi a 5 ans, des l esions neurologiques du pudendal sont constat ees m^ eme si une amelioration partielle a et e possible [15]. La recommandation est de toute façon de ne pas d eclencher d’explorations complementaires avant 6 mois [16]. Des accouchements successifs, surtout s’ils sont traumatiques, peuvent aggraver l’IA ou entretenir le trouble ; les facteurs de risque d’une IA sont : d echirure p erin eale, coexistence d’une incontinence urinaire [17], multiparit e; par consequente si la patiente a une IA associ ee a ces divers facteurs pronostiques on peut craindre que l’AVB suivant sera plus a risque de s equelles. Quand faut-il recommander une césarienne préventive ? On ne dispose actuellement pas de donn ees valid ees dans la litterature mais les RPC distinguent plusieurs situations que l’on peut regrouper en 3 ensembles pour lesquels la force de recommandation va en d ecroissant (tableau 1). Dans le groupe 3, les param etres qui peuvent etayer une decision sont : une hypotonie de repos et une baisse de la contraction volontaire a la manom etrie ; une rupture de l’appareil sphinct erien a l’ echographie endo-anale (figure 4) ; peut-^ etre une atrophie ou un traumatisme du puborectal a l’IRM. Pour autant actuellement la proposition r esulte d’un dialogue avec la patiente ; dialogue qui peut aussi ^ etre generateur d’anxi et e compte tenu de la complexit e du probleme et du manque de donn ees valid ees pour Constitutionnellement (malformations opérées) Antécédent de chirurgie proctologique ayant impliqué le sphincter (notamment la chirurgie des fistules) Groupe 3 : la continence est normale mais il s’agit d’un ^ tre décompensé par l’accouchement équilibre qui peut e Chirurgie rectale et/ou abord trans-anale : anastomose iléo-anale ou rectale, résection trans-anale de lésion rectale, anastomose colorectale Incontinence anale transitoire post-partum Antécédent d’accouchement traumatique (lacérations spontanées, forceps) Coexistence d’autres facteurs : primipare de plus de 30 ans, obésité. permettre un choix raisonnable. La c esarienne ne prot ege pas de tout et comporte des risques sp ecifiques non pr edictibles. Dans une m eta-analyse, la c esarienne n’a pas et e montr ee comme prot egeant de l’IA pour une primipare ; afin de pr eserver la continence, il faut r ealiser 198 c esariennes pour prot eger une patiente de l’IA [18]. ‘‘ La proposition d’une césarienne préventive résulte d’un dialogue avec la patiente ; ^ tre générateur d’anxiété dialogue qui peut aussi e compte tenu de la complexité du problème et du manque de données validées pour permettre un choix raisonnable ’’ La maladie hémorroı̈daire morroı̈daire est domine e chez la femme La maladie he enceinte et la parturiente par la thrombose h emorroı̈daire externe (figure 5). Elle est rapport ee, dans les etudes ayant HEPATO-GASTRO et Oncologie digestive vol. 20 n8 8, octobre 2013 613 ‘‘ La maladie hémorroı̈daire est dominée chez la femme enceinte et la parturiente par la thrombose hémorroı̈daire externe ’’ La litt erature est pauvre dans ce domaine et une analyse de la Cochrane Library, surtout d evolue aux phl ebotropes, ne peut pas conclure, y compris pour les mesures classiques [20]. Le traitement m edical combine les 4 types de mol ecules : Figure 4. Rupture multiloculaire du sphincter externe et du sphincter externe (cr edits photographiques/copyright : Ph Godeberge). realise un examen syst ematique chez les parturientes, dans 8 % des cas durant le troisi eme trimestre de grossesse et ^le de 20 % dans le post-partum imm ediat [19]. Le ro l’accouchement semble primordial puisque les thromboses du post-partum surviennent dans 91 % des cas dans les 24 heures suivant la d elivrance. Il est moins observ e de thrombose apr es les accouchements par c esarienne qu’apres voie vaginale (4 % vs 23 % ; p < 0,089). Enfin, la thrombose h emorroı̈daire de la parturiente est favoris ee par un accouchement difficile et une constipation terminale [5]. La maladie h emorroı̈daire en revanche, beaucoup moins etudi ee, ne semble pas evoluer sur un mode different de la population g en erale. – laxatifs : les laxatifs osmotiques, de lest et huileux sont autoris es chez la femme enceinte ou allaitante, ainsi que les habituels conseils hygi eno-di et etiques ; – les antalgiques : les possibilit es sont plus restreintes. Seul le parac etamol, en l’absence d’allergie ou de cholestase, est sans risque. Tous les antalgiques ayant un potentiel d epresseur respiratoire sont d econseill es (1er et 2e trimese tres), contre-indiques (3 trimestre et allaitement). C’est donc le cas de la cod eine ; les donn ees sont moins etablis pour le tramadol qui reste d econseill e; – les anti-inflammatoires : les AINS sont contre-indiqu es pendant la grossesse ; dans le post-partum, on peut y recourir en cure courte, toujours avec l’accord de l’obst etricien et du p ediatre. La biodisponibilit e est identique par voie rectale et il n’y a pas de s ecurit e suppl ementaire a recourir a la forme suppositoire (sans compter l’inconfort de sa mise en place). Les corticoı̈des a 1 mg/kg remplacent les AINS, en cure courte sans contre-indication pour l’enfant. Ils peuvent d es equilibrer un diab ete gestationnel. – Les topiques classiques, a excipient gras ou avec de l’hydrocortisone, sont utilis es sans niveau de preuve. ‘‘ Les AINS sont contre-indiqués pendant la grossesse ‘‘ Il faut rester prudent sur les gestes instrumentaux ’’ Il faut rester prudent sur les gestes instrumentaux. La thrombose de la femme enceinte est souvent tr es œd emati ee et polythrombotique. Un geste fait a proximit e de l’accouchement risque de ne pas soulager la patiente, de ne pas emp^ echer une nouvelle thrombose du post-partum et va ajouter un h ematome a la thrombose et a l’ episiotomie. Dans les formes tr es invalidantes, une chirurgie peu se discuter, mais toujours avec a proximit e dans la m^ eme institution une unit e d’obst etrique et un b en efice discutable car la r ecidive est peu probable apr es l’accouchement. Figure 5. Thrombose hemorroı̈daire externe circulaire du post-partum (cr edits photographiques/copyright : Ph Godeberge). 614 ’’ Le traitement de la maladie h emorroı̈daire interne ne doit pas induire de risque sp ecifique. Elle repose sur un HEPATO-GASTRO et Oncologie digestive vol. 20 n8 8, octobre 2013 Perinee et grossesse traitement m edical assez proche de celui de la thrombose. Les gestes instrumentaux sont discutables : l’infrarouge n’est pas valid e, la ligature expose a une h emorragie €e, potentiellement d el et ere sur ce terrain (an emie aigu difficultes post-transfusionnelles) ; la scl eroth erapie est contre-indiqu ee. rin & Les l esions du sphincter anal et du pe ee surviennent apr es accouchement dans 10 a 20 % des cas. Toutes les l esions ne sont pas symptomatiques. Maladies diverses & Elles sont favoris ees par l’utilisation de forceps, la multiparit e et l’accouchement par voie vaginale. quente, trouv La fissure anale est fre ee dans une etude prospective chez 15 % des parturientes [19]. Si l’accouchement en est le facteur d eclenchant, il est not e une dyschesie plus frequemment associ ee que chez les patientes sans fissure. La fissure peut ^ etre ant erieure ; alors qu’au sein des fissures la topographie ant erieure represente moins de 10 %, elle constitue 25 % des localisations chez la femme. Si la chirurgie de r ef erence pour la fissure est la sphinct erotomie lat erale, cette procedure est loin de faire consensus dans cette ^le de l’hypertonie y est topographie d’autant que le ro probablement moins marqu e ; le traitement reste resolument m edical. ‘‘ T ake home messages & Une rectoc ele peut apparaı̂tre apr es accouchement. Son traitement est avant tout m edical. Avec le temps, d’autres facteurs se surajoutent et participent a sa physiopathologie. & L’incontinence anale peut toucher jusqu’ a 15 % des accouch ees ; il s’agit essentiellement d’incontinence mineure aux gaz. Elle ne r egresse pas constamment et est plus s ev ere en cas de l esions sphinct eriennes associ ees. On peut ^ etre amen e a proposer une c esarienne pour proteger le perinee des cons equences d’un nouvel accouchement. Mais l’effet protecteur n’est pas constant et les bases scientifiques d’une telle pr econisation sont m ediocres. & La maladie h emorroı̈daire est domin ee chez la femme enceinte et la parturiente par la thrombose h emorroı̈daire externe. La fissure anale est fréquente, trouvée dans une étude prospective chez 15 % des parturientes & ’’ Enfin les fistules rectovaginales acquises sont dans la majorite des cas d’origine obst etricale. Sur 20 500 accouchements une etude rapporte 0,1 % de fistule e rectovaginale, toutes apr es d echirures du 3e ou 4e degr reparees [21]. ‘‘ ’’ & La chirurgie de la maladie h emorroı̈daire est exceptionnelle ; les traitements instrumentaux doivent ^ etre tr es limit es surtout a proximit e de l’accouchement. & Les antalgiques type cod eine, tramadol, doivent ^ etre utilis es avec prudence et toujours en accord avec l’obst etricien. Les fistules rectovaginales acquises sont dans la majorité des cas d’origine obstétricale ‘‘ Conclusion es ont des limites car le niveau de Les donnees expose l’importance dans la preuve de la litt erature est faible. D’ou pratique du dialogue entre les diff erentes sp ecialit es impliquees dans leur prise en charge. On avait cru il y a quelques ann ees qu’il y aurait la place pour une sp ecialit e nouvelle « la p erin eologie » ; la pratique montre qu’il y a ^t la place pour des r pluto eseaux et des r eunions de concertation au sein desquels les sp ecialit es dialoguent pour determiner la meilleure strat egie de soin. L’impact détaillé ici a concerné essentiellement des maladies organiques. Mais les conséquences psychiques de ces troubles, qui atteint une population jeune, sont importantes. D’autant qu’elle touche tous les compartiments de l’existence, image corporelle, sexualité, maternité et féminité ’’ re ^ts : L’auteur a perçu des honoraires dans le Liens d’inte cadre d’activit e de conseil ou de conf erences de Mac Neill sant e grand public, les Laboratoires Servier, Ethicon Endosurgery, Ipsen Beaufour, Norgine. Il a et e laur eat de & la bourse delivree par le laboratoire Tonipharm. HEPATO-GASTRO et Oncologie digestive vol. 20 n8 8, octobre 2013 615 Les r ef erences importantes apparaissent en gras 11. Abramowitz L, Sobhani I, Ganansia R, et al. Are sphincter defects the cause of anal incontinence after vaginal delivery ? Results of a prospective study. Dis Colon Rectum 2000 ; 43 : 590-6. 1. DeLancey JO, Morgan DM, Fenner DE, et al. Comparison of levator ani muscle defects and function in women with and without pelvic organ prolapse. Obstet Gynecol 2007 ; 109 (2 Pt 1) : 295-302. 12. Sultan AH, Kamm MA, Hudson CN, Thomas JM, Bartram CI. 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