Une productrice Qualité Suisse

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Une productrice Qualité Suisse
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SWISS MADE
DAILY MOVIES N°30 – DEC/JAN 2012
Une productrice Qualité
Suisse !
Rencontre avec Annick Mahnert, coproductrice
de l’adaptation en court-métrage du comics
« Welcome To Hoxford », un condensé de culot
dû à deux fan boys, Julien Mokrani et Sam
Bodin, qui avaient déjà frappé fort avec leur
adaptation du « Cape Crusader », « Batman :
Ashes To Ashes » !
- Qu’est ce qui t’a plu dans ce projet ?
- En fait, c’est plus la folie du projet qui m’a
plu. Le fait de se lancer dans quelque chose de
complètement fou avec des gars qui partagent
une passion commune du cinéma. Nous savions
qu’au moment où nous nous lancions, nous
n’avions pas encore reçu l’aval de la maison
d’édition. Mais toute l’équipe était optimiste et
partante. Et le but, c’était avant tout de créer
une carte de visite.
- Comment es-tu arrivée sur la production de
ce court-métrage ?
- J’ai rencontré Julien Mokrani au Festival
Européen du Film Fantastique de Strasbourg en
2008, où je présentais « Dead Bones » d’Olivier
Beguin, mes débuts dans la production. Julien et
Sam Bodin y présentaient leur fan film « Batman :
Ashes To Ashes », qu’ils avaient réalisé et pour
lequel ils avaient fait toute la postproduction
et les effets spéciaux chez eux. Même si leur
Batman péchait au niveau scénaristique,
j’avais été impressionnée par le savoir faire et
l’audace des ces deux Français. J’ai tout de suite
sympathisé avec eux et nous sommes restés en
contact. Quelques mois après, lors du Festival de
Cannes, Julien et Sam m’ont proposé de les aider
à coproduire un court-métrage tiré du comics
américain « Xenozoic Tales » de Mark Schultz.
Je me suis dit : ils sont fous ! Mais leur passion
et leur engagement étaient tellement contagieux
que je leur ai dit d’accord. Pour diverses raisons,
ça ne s’est finalement pas fait.
postproduction a duré très, très longtemps. Le
film a été complètement terminé à la fin octobre
de cette année, peu de temps avant que nous ne
le lancions sur Internet. Julien a vraiment été
le moteur de cette entreprise. Sans lui, le projet
aurait probablement calé à la fin du tournage. Je
ne sais pas où il puise son énergie.
- Comment vois-tu le paysage cinématographique helvétique actuel et plus particulièrement le film de genre ?
- Il y a une évolution au niveau de la production
de films de genre. La jeune génération de
producteurs et réalisateurs suisses tente de se
faire une place, mais ce n’est pas facile. Ça tient
à beaucoup de choses : le manque de moyens
financiers, la formation, le manque de structures
postproductionnelles spécialisées (VFX, SFX...).
Un des problèmes majeurs selon moi est que
- Peux-tu nous expliquer quelles structures
de production un projet comme « Welcome to
Hoxford » utilise ?
- La structure est la même que sur un long. La seule
différence est qu’il y a juste plus de producteurs et
plein de gens qui bossent pour des miettes (rires).
Ici, il y a deux producteurs principaux, MU
Films et Six Pieds sur Terre, puis nous sommes
plusieurs coproducteurs ou producteurs associés.
Chacun de nous a amené quelque chose de
bien spécifique à la production, permettant ainsi
au film de voir le jour.
la Suisse manque grandement de scénaristes
professionnels. Les scénarios qui circulent ne
sont que des plagiats de films existants, il y a un
manque d’originalité évident. Ensuite il y a le
public suisse qui n’accepte pas encore vraiment
le film de genre « made in Switzerland ». « Cargo »
de Ivan Engler et « Sennentuntschi » de Michael
Steiner en sont de très bons exemples. Ces films
ont des faiblesses scénaristiques mais je trouve
qu’ils sont très bien mis en scène. Récemment,
la sortie de « One Way Trip », le premier film
d’horreur suisse en 3D, a fait du bruit. Là
aussi, le scénario n’a rien d’original, mais le film
fonctionne. Pourtant, le public suisse ne suit pas.
J’ai l’impression qu’il se méfie et qu’il se dit : si
c’est suisse, ça doit être mauvais. Cette attitude
est tragique. Si je compare avec des films comme
les derniers « Saw », du torture porn à l’histoire
complètement farfelue où le but est de montrer
les meurtres les plus dégueulasses possibles,
nous nous en sortons pas si mal que ça ! Mais
le public préfère aller voir ça que « Cargo » ou
« One Way Trip ». Des films qui, d’ailleurs,
ne bénéficient toujours pas de sortie en Suisse
romande aujourd’hui !
- Quels sont tes projets actuels ? As-tu
l’intention de te lancer dans la production
d’un long-métrage ?
- J’ai rejoint Sam Bodin et Six Pieds sur Terre
en tant que productrice associée sur l’adaptation
d’une nouvelle de Stephen King en court métrage.
Nous sommes en négociations avec l’Estate
King. J’aide également deux jeunes réalisateurs
suisses pleins de talent, Luca Brunoni et David
Baumann, sur leur nouveau projet de courtmétrage. Et j’ai un long en attente. Avec un de
mes meilleurs amis, j’ai optionnel les droits d’un
roman d’un auteur américain très connu. Je ne
veux pas en dire trop pour le moment. Ce que
je peux dire, c’est que ce n’est pas de l’horreur
ou du fantastique. Le scénario est en phase
d’écriture…
- Combien de temps a duré la création de ce
court-métrage ?
- Je dois avouer que tout a été très vite. Je ne
me rappelle pas très bien quand ça a commencé,
mais il me semble que c’était l’été dernier. Les
dates de tournage ont été fixées très vite, car
nous étions dépendants de l’emploi du temps
de Jason Flemyng, qui était sur le tournage de
« X-Men : First Class ». Tout était prêt, puis deux
semaines avant le tournage, Julien m’appelle en
catastrophe pour me dire que le chef opérateur
nous avait lâché. Panique à bord ! Le tournage
était confirmé, les techniciens et les acteurs
bookés. Julien s’est mis à la recherche d’un
nouveau chef-op et en y allant au culot, il a
réussi à convaincre Thierry Arbogast (chef-op
attitré de Luc Besson), un homme remarquable.
Le tournage a eu lieu en septembre 2010 et la
www.screen-division.com
www.welcometohoxford-thefanfilm.com
[JYC]
Retrouvez l’ intégrale de cette interview sur
www.daily-movies.ch
Entretien avec...
Julien Mokrani, réalisateur
« Un an après son écriture, « Welcome to
Hoxford » était devenu un projet obsessionnel,
visuellement dingue et galvanisant. Il fallait le
faire... j'ai craqué et je l'ai fait ! » Julien Mokrani,
autodidacte de 28 ans est un habitué du
travail passionné. Déjà, en 2008, son premier
court-métrage « Batman, Ashes To Ashes »,
diffusé sur Dailymotion, avait constitué
un petit événement sur le net francophone.
Un événement formateur, d'ailleurs, qui
a permis au réalisateur à apprendre de ses
erreurs. « Trop de personnages, trop de lieux,
une grammaire cinématographique trop
riche pour un court-métrage. Des erreurs que
nous n'avons pas reproduites » confesse celui
qui n'a pas résisté à présenter le dossier de
financement de son dernier film en débutant
par ces mots : « pourquoi faire un film qu'on
ne vendra pas ? » Malgré cette bravade, Julien
Mokrani aura réussi à réunir les 25’000 euros
nécessaires à la mise en boîte de l’adaptation
de cette histoire de prisonnier traumatisé et
névrosé, à la mythomanie divine, enfermé
dans une geôle dont les gardiens sont des
lycanthropes. « Welcome to Hoxford est un
film religieux et carcéral » annonce son auteur.
« Nous voulions distordre la narration, de telle
manière à ce que les geôliers loups-garous
paraissent tout naturel au spectateur, sans
recourir à des gros plans sur des doigts qui
s'écartent et gonflent au fur et à mesure de la
transformation ». « Welcome To Hoxford » ou
« L'Antre de la folie » revisitée par un geek de
comics. Mais maintenant, après deux cartons
sur la toile, que compte faire Julien Mokrani ?
« J'ai reçu quelques propositions et ai signé
avec l'agence de réalisateurs WME », avoue
t-il, « Fin novembre, je pars à Hollywood faire
le tour des studios... c'est surréaliste ! »
[BDA]