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UNE BELLE HISTOIRE EN TERRE PAPOUE Celle de Marie-Claire Pelletier, Fille de la Sagesse Une vocation missionnaire, qu’elle soit ad intra ou ad extra, prend ses racines dans l’appel du baptême, comme toute vocation. Elle ne s’improvise pas. En plus, elle est essentiellement communautaire puisqu’un ENVOI au nom de l’Église est requis pour qu’il y ait vraiment EMBAUCHE à la suite du Christ missionnaire ! MarieClaire a ainsi emboîté le pas à d’innombrables Filles de la Sagesse qui sont parties ailleurs pour permettre à la Bonne Nouvelle de se répandre.* (statistiques) «Le désir de servir à l’extérieur du pays» s’est fait entendre dès l’adolescence pour Marie-Claire mais particulièrement pendant sa période de formation pour devenir Fille de la Sagesse. L’engagement de nos Sœurs à Atikameg dans les Territoires du Nord Ouest, l’attirait. Mais finalement lorsqu’on lui donna le choix entre deux lieux d’engagement, elle opta pour la Papouasie. C’est en 1975, à l’âge de 31 ans, qu’elle quitta le Canada pour la très lointaine WESTERN PROVINCE de la Papouasie NouvelleGuinée. Permettez-nous ici une parenthèse historique … 1975 représente une année charnière pour la Papouasie, puisque c’est l’année de la déclaration de l’indépendance ! En très peu de temps ce pays sera passé de l’âge de pierre à l’âge supersonique, se préparant pour l’âge électronique. Cent années d’évangélisation ont contribué grandement à conduire ce peuple vers l’autonomie. Arrivés en 1959, les Pères montfortains et quelques années après, les Filles de la Sagesse ont assez rapidement parlé de localisation, d’inculturation. Ce fut leur souci constant de rendre les Papous responsables et engagés dans leur vie en général et dans leur foi. Aussi lorsque Marie-Claire atterrit en PNG, le peuple est en pleine effervescence de développement à tous les plans. Sans doute a-t-elle reconnu l’actualisation de cette sage affirmation de Mgr Georges Gilson, archevêque de Sens Auxerre, France, à savoir que … « nous découvrons toujours plus le Christ quand nous entrons en dialogue avec ceux qui ne partagent pas notre foi. Nous sommes envoyés auprès de nos contemporains pour les rencontrer dans leurs découvertes de Dieu, pour les servir avec intelligence et les aimer avec passion. L’évangélisation n’est pas d’abord un programme ou un discours ; elle est présence, engagement, témoignage et ouverture au Christ dans toute sa richesse.» Les missionnaires de PNG dont Marie-Claire fait partie depuis 30 ans, sont convaincu(e)s que l'Evangile doit s'incarner dans la culture papoue, la féconder, la transfigurer de l'intérieur en la purifiant pour produire l'humain papou nouveau, revêtu des valeurs chrétiennes. Travail magnanime, gratuit et libérant ! En arrivant en PNG Marie-Claire plongera dans ce mouvement bouillonnant de respect et de créativité. Ses premières années seront consacrées à l’éducation informelle (hors des classes reconnues par le gouvernement) des enfants de la maternelle ainsi qu’à des étudiants atteignant leur de 6e année de scolarité et qui n’étaient pas admis à la 7e année, faute de places disponibles. Cette première tranche d’engagement lui permettra aussi de collaborer à la pastorale paroissiale, secteur catéchèse. Pendant quatre années, elle sera ensuite coordonnatrice diocésaine des programmes de formation académique en langue vernaculaire (literacy awareness). Elle a beaucoup aimé cet engagement qui la conduisait régulièrement en patrouille à travers le diocèse pour susciter le développement et l’intérêt par rapport à ce projet. Projet qui touchait de proche à la culture propre des différentes régions.. LITERACY AWARENESS / Conscientisation à l’alphabétisation Pour sauvegarder la langue tribale, le gouvernement national de PNG avait mis sur pied un programme mais sans l’intégrer au programme académique officiel. Cela voulait dire concrètement que les outils pédagogiques pertinents étaient inexistants, que les professeurs ne recevaient pas de formation véritable ni d’accompagnement. L’aide reçue venait uniquement des missionnaires. La conséquence de tout cela ? Le désir de sauvegarder la langue vernaculaire n’était vraiment pas ou peu respecté. Les professeurs n’étant pas, en bout de ligne, reconnus par le gouvernement, n’étaient pas non plus ni encouragés, ni rémunérés. Lorsque S. Marie-Claire Pelletier est désignée comme coordonnatrice des programmes de formation pour la langue vernaculaire, dans le diocèse de Daru Kiunga, elle a vite pris conscience que tout était à faire dans ce domaine. Ce fut un «travail de moine» qui commença ! Avec les professeurs de chaque village, elle a fait le travail de base pour donner naissance aux signes écrits de la langue locale. L’objectif de ce chantier : voir à la production de deux livres, un livre du maître appelé THE BIG BOOK et celui de l’élève appelé THE SMALL BOOK. La base de la pédagogie consistait à composer avec les professeurs locaux des histoires en langue vernaculaire. Chaque histoire était illustrée par un dessin. Sur la page gauche, le dessin et sur la droite, le texte. Le livre permettait ainsi de faire le tour des situations essentielles de la vie et fournissait un vocabulaire de base pour s’exprimer, lire et écrire en langue vernaculaire. Et cela se répétait de village en village. Ce projet éducatif fut intégré au programme académique régulier au début des années 2000. Imaginons la fierté et la joie de Marie-Claire lorsque le gouvernement endossa ce programme, ce qui veut dire qu’il s’engageait à voir à la formation et à rémunérer les professeurs. La maternelle, les 1ère et 2e années, s’enseignent maintenant en langue vernaculaire. De la 3e à la 5e années, un certain nombre de cours/semaine sont prévus pour assurer une bonne connaissance de la langue tribale. À partir de ce moment-là, le travail de Marie-Claire fut de s’assurer que les professeurs savaient enseigner les matières, qu’ils avaient les livres et le matériel pour le faire et de répondre à leurs questions afin d’améliorer leur enseignement. Autour de 1996, un Papou, Bernard Onde, a travaillé avec elle et l’a remplacée lorsqu’elle est venue en congé en 1998. Il est maintenant le directeur de l’école élémentaire de Matkomnai. Acculturation, localisation … ne sont pas ici des mots mais une réalité. Pour une Fille de la Sagesse pour qui l’Incarnation de la Sagesse est le mystère central, quel cadeau de vivre une telle expérience ! L’histoire s’est écrite simultanément dans la vie de Marie-Claire et dans la vie du peuple de la Papouasie. Pas étonnant qu’elle affirme avoir grandi avec ce peuple ! Elle sera ensuite coordonnatrice diocésaine de la catéchèse scolaire pendant environ huit ans. Pour cette tâche, par souci de continuité, Marie-Claire demandera qu’on lui trouve une remplaçante mélanésienne. Quelque temps avant son congé missionnaire actuel, l’Évêque du lieu, Mgr Gilles Côté, lui a proposé de se préparer pour devenir membre du tribunal ecclésiastique. Cette tâche consiste à faire des entrevues avec les personnes concernées en vue de monter les dossiers pertinents, lesquels sont acheminés vers le Bureau diocésain où les jugements sont prononcés. Incroyable, le diocèse de Daru-Kiunga en est rendu là … à avoir besoin d’un tribunal ecclésiastique ! Symbole de l’évolution au plan de la liberté de conscience qui grandit, sans doute. Marie-Claire a donné son assentiment pour ce service, confiante que son expérience et la sagesse qui en découle lui seront d’un grand secours ! Lorsque je pose la question à Marie-Claire : COMMENT LA CULTURE PAPOUE T’A-T-ELLE MARQUÉE ? … ses yeux deviennent rayonnants et sans aucune hésitation, sa réponse jaillit : «Je suis très reconnaissante parce que mon expérience missionnaire m’a permis d’être Témoin et «bénéficiaire» du travail de l’Esprit dans le peuple. Un peuple qui aspire à une plus grande liberté et cela, dans des conditions particulièrement difficiles, entre autres, une multitude de traditions et de dialectes.» La Papouasie Nouvelle-Guinée est reconnue comme un des pays les plus multilingues ; 700 dialectes y sont parlés. Cela veut dire autant de clans, devenus souvent ennemis pour des questions de survie ! Nous ne pouvons pas ne pas penser au peuple d’Israël ! Mais écoutons Marie-Claire. «Étant appelée de par mon travail à me déplacer un peu partout dans le diocèse, j’ai grandi avec le Peuple. Sous l’influence du programme «New Image of the Parish» et plus tard du «Diocesan Renewal Program», missionnaires et autochtones sont entrés courageusement dans un travail de transformation, de conversion des mentalités, des cœurs. Tous les quatre ans, un plan est élaboré mettant l’accent sur une valeur fondamentale. C’est une confrontation systématique avec l’Évangile qui s’établit. Cela crée petit à petit l’unité, questionne l’individualisme, provoque des tribus à travailler ensemble … alors qu’elles étaient auparavant ennemies. Cela ne va vraiment pas de soi ! Le plan pastoral diocésain permet d’avoir un langage commun en plus. Mais cela ne suffit pas d’annoncer par la parole. Matkomnai, 1976 Bébé George Moses Marie-Claire Pelletier. Les missionnaires se font souvent répéter : «N’oubliez pas que beaucoup de gens ne savent pas lire, vous êtes leur Évangile !». Malgré les exigences inhérentes au changement de mentalité et ceux des engagements concrets requis (beaucoup de rapports !!), c’est pour moi une vraie bénédiction, une grâce de voir cette Église, toute jeune, puisqu’elle est post-vaticane, avancer et se transformer sous le Souffle de l’Esprit !». Depuis quelques années, l’accueil de jeunes Filles de la Sagesse papoues apporte un grand encouragement et un souffle de renouveau chez nos Sœurs missionnaires en PNG.. Si vous demandez à MarieClaire : « Souhaiterais-tu revenir au pays ?» vous l’entendrez dire : «Mais non, du moins pas tout de suite ! Je suis heureuse d’être en congé présentement, mais mon CHEZ-MOI est encore en terre papoue. J’ai conscience que mes 30 années de vie missionnaires m’ont façonné une nouvelle physionomie où le rythme de la vie quotidienne, les valeurs ecclésiales et familiales, tout un ensemble de manières d’être qui traduisent l’attachement à la Vie dans toute sa profondeur … me relient cordialement à mon pays d’adoption ! «Now give thanks to the good Lord above For His kindness, His wisdom and love For this land of our fathers so free, Papua New Guinea.» O ARISE ALL YOU SONS OF THIS LAND LET US SING OUR JOY TO BE FREE !» Extrait de l’Hymne national de la Papouasie Nouvelle Guinée Nos meilleurs voeux et toute notre admiration chère Marie-Claire ! Texte rédigé par Lucille Deschênes fdls en collaboration avec Marie-Claire Pelletier fdls Photos: Marie-Claire Pelletier, fdls Scanner et mise en page : Madeleine Malette, fdls