Boris Vian Boris Paul Vian naît le 10 mars 1920, à Ville
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Boris Vian Boris Paul Vian naît le 10 mars 1920, à Ville
Boris Vian Boris Paul Vian naît le 10 mars 1920, à Ville-d’Avray, au 41 rue de Versailles. Il a un frère aîné Lélio né le 17 octobre 1918. Son père, Paul Vian, fils d’Henri Vian, célèbre ferronnier d’art, est rentier. Sa mère, Yvonne, de huit ans son aînée, appartient à une famille d’industriels, les Woldemar-Ravenez. Les parents de Boris Vian se rencontrent en 1914 et se marient le 3 décembre 1917. La famille s’agrandit avec les naissances d’Alain le 24 septembre 1921 et de Ninon le 15 septembre 1924. Les Vian habitent désormais aux Fauvettes, grande villa de la rue Pradier en bordure du Parc de Saint-Cloud, toujours à Ville-d’Avray. Ils ont pour voisin le biologiste Jean Rostand, fils d'Edmond et frère de Maurice Rostand. L’éducation du jeune Boris est confiée à une institutrice qui vient à domicile. A la maison, la mère de Boris joue au piano du Satie, Debussy, Ravel, Manuel de Falla, Chopin, Schubert… Passionnée par l’opéra elle donne des prénoms du répertoire à trois de ses enfants (Boris tiré de Boris Godounov). Son père est disponible et proche. Les enfants Vian sont élevés dans une atmosphère joyeuse dans laquelle la culture, les sciences tiennent une part importantes. Avec la crise de 1929, Paul Vian perd la quasi totalité de sa fortune. La famille habite désormais dans la maison du gardien, rehaussée d’un étage, alors que la villa est louée aux Menuhin, dont l’un des fils, Yehudi, prodige du violon, devient un ami de Boris. Paul Vian est contraint de travailler. Malgré ces revers de fortune, les Vian restent de grands bourgeois bohême. Boris fréquente le lycée de Sèvres, puis le Lycée Hoche à Versailles. Il souffre d’une insuffisance aortique depuis l’âge de deux ans. Cette maladie s’aggrave alors qu’à 15 ans, il contracte une fièvre typhoïde. Il est couvée par sa mère. En 1937, son baccalauréat en poche, il prépare Centrale au Lycée Condorcet à Paris. Dès ses 16 ans, il se passionne pour la musique et en particulier le jazz. Boris adhère au Hot Club de France en 1937 et commence à jouer de la trompette, alors que Lélio a appris la guitare et Alain la batterie, en parallèle avec l’accordéon. François Missoffe, un ami tient également la guitare. Avec un cinquième musicien, ils montent un premier orchestre, l’Accord Jazz, qui se produit le plus souvent chez les Vian, dans la salle de jeu et de bal construite dans le jardin. Le 6 novembre 1939, Boris Vian intègre l’école centrale des Arts et Manufactures, à Angoulême où elle a déménagé pour cause de guerre. Première incursion dans le domaine de la chanson : Boris rencontre un vif succès en adaptant en une demiheure la chanson de garde « La Patrouille », avec des couplets caricaturant ses camarades… Peu de temps avant le 10 mai 1940, Boris et ses condisciples montent un spectacle de fin d’année mêlant sketches, chansons et jazz. En juin 1940, la famille Vian s’installe à Capbreton dans les Landes. Boris les rejoint. Il y rencontre Michelle Léglise, qui va devenir sa première femme et Jacques Loustalot, surnommé Le Major, qui du haut de ses 15 ans fascine Boris par son non-sens. Le Major devient vite l’ami de Boris, son double et son modèle. En Août, les Vian retournent à Ville-d’Avray. Dès septembre, les surprises-parties sur fond de jazz (Duke Ellington, Don Redman…) reprennent dans la salle de bal. Boris Vian réintègre Centrale, à Paris cette fois. Boris et Michelle se marient les 5 et 7 juillet 1941. Ils vivent entre Ville-d’Avray et l’appartement des parents de Michelle, au 98 du Faubourg Poissonnière à Paris. Michelle donne naissance à un fils, Patrick, le 12 avril 1942, alors que Boris termine Centrale. En mars, il a rencontré le clarinettiste Claude Abadie avec lequel son frère Alain joue de la batterie. Boris intègre la formation jazz Nouvelle-Orléans à la © Hall de la Chanson, 2005 1 trompette. Lélio la complète à la guitare. L’orchestre prend parfois le nom de Formation Abadie-Vian. En août 1942, jeune ingénieur diplômé, Boris Vian intègre l’AFNOR, l’Association française de normalisation. Ses activités lui permettent de continuer à se consacrer au jazz et à l’écriture. En effet, ses premiers exercices littéraires datent selon ses proches, vraisemblablement de l’hiver 1941-42. En 1942, il rédige son premier roman, Troubles dans les Andains, dactylographié en mai 1943, qui ne sera publié qu’à titre posthume. Il met de l’ordre, toujours en 1942, dans ses premiers poèmes, en écrit de nouveaux et les regroupe sous le titre Cent Sonnets (recueil publié également après sa mort). Au cours de l’année 1943, Boris Vian écrit son premier texte de chanson « Au bon vieux temps », à la demande de Jean-Marc (Johnny) Sabrou, guitariste de l’orchestre Abadie, qui le met en musique. Boris en faisant partie d’un orchestre de jazz, rencontre de plus en plus de musiciens, qui, de fil en aiguille lui demandent des paroles. Mais cette activité reste pour l’instant très minoritaire. Au cours de l’hiver 1943-44, il rédige un nouveau roman, Vercoquin et le plancton. Son père, Paul Vian, est assassiné dans la nuit du 22 au 23 novembre 1944, par des inconnus, introduits dans le pavillon. Cette date marque la fin des années insouciantes de Ville-d’Avray. La propriété est vendue. Boris Vian continue de se produire avec l’orchestre Abadie, principalement pour les soldats américains, dans des boîtes comme le Rainbow Corner, boulevard de La Madeleine. Le 18 juillet 1945, il signe un contrat avec Gallimard, avec le soutien de Raymond Queneau, qui a reçu le manuscrit de Vercoquin et le plancton de Jean Rostand. Boris Vian joue énormément de jazz au cours de l’année 1945. Il se lie d’amitié avec le batteur de la formation, Claude Léon. L’enregistrement d’un 78 tours a lieu en juillet. Le 15 février 1946, Vian quitte l’AFNOR pour l'Office professionnel des industries et des commerces du papier et du carton où travaille Claude Léon. De mars à mai 1946, il écrit L’écume des jours. En août, en deux semaines, il rédige un pastiche de roman noir américain mâtiné d’érotisme, J’irai cracher sur vos tombes. Boris Vian pour faire croire que c’est une de ses traductions, prend le pseudonyme de Vernon Sullivan. Le roman est imprimé en novembre. De septembre à novembre, il écrit L’Automne à Pékin. En 1946 toujours, il commence à écrire dans la revue Jazz-Hot. Il publie sa Chronique du menteur dans la revue de Sartre et Merleau-Ponty, Les Temps Modernes. Il traduit des livres, continue de jouer de la trompette et du jazz, et d’écrire des chansons. Ainsi en 1945, il écrit deux textes pour Jack Diéval, pianiste de jazz qui deviendra l’accompagnateur d’Henri Salvador : « Ce n’est que l’ombre d’un nuage » et « J’ai donné rendez-vous au vent ». Les deux chansons sont éditées sous la forme d’un petit format en 1948. Vian travaille avec Diéval sur d’autres chansons : « Les Petites sœurs » (1947-48), « La Vie grise » (1948), « C’est le Bebop » (1949)… Henri Salvador enregistre « C’est le Be-bop » en mars 1950 et « La vie grise » en 1951. En avril 1947, Le Tabou-Club ouvre au 33 rue Dauphine à Saint-Germain-des-Prés. Alain Vian en devient vite l’animateur et Boris le trompettiste officiel. Grâce à lui, des musiciens de jazz comme Miles Davis, Roy Eldridge, Sidney Bechet, Rex Stewart s’y produisent. Le club est fréquenté par des écrivains (Queneau, Sartre, Beauvoir, Camus, Cocteau, Prévert, Duhamel…), ainsi que par des peintres, sculpteurs, comédiens, musiciens… Les journalistes affluent. Dès janvier 1947, plus personne © Hall de la Chanson, 2005 2 n’ignore que Vernon Sullivan et Boris Vian ne font qu’un. La polémique autour de J’irai cracher sur vos tombes éclipse la parution de Vercoquin et le Plancton (janvier 1947) et de L’écume des jours (avril 1947), qui ne reçoivent pas le succès escompté. Boris Vian est désormais un personnage médiatique, la vedette à l’égal de Juliette Gréco du Tabou, qu’il anime avec l’orchestre Abadie. En 1947, il écrit les paroles de « Ah ! Si j’avais un franc cinquante », adaptation de « Whispering », classique du jazz américain de Malvin et John Schonberger. Le titre devient l’indicatif de l’orchestre, puis du Tabou. Il fonde la Petite Chorale de Saint-Germain des Pieds avec Paul Braffort. En 1947, il écrit deux chansons mises en musique par Jean Marty (« J’ai une poupée », « Je l’ai connue »), ainsi que « C’était un pauv’ gosse des rues » (mise en musique par Mouloudji et Albert Assayag), « La tour de verre », « Le jour la nuit », « Seule avec la nuit ». Grâce aux ventes de J’irai cracher sur vos tombes, Boris Vian abandonne en août 1947 son métier d’ingénieur pour l’écriture. Depuis le 28 janvier 1947, Boris Vian traduit des romans noirs américains pour Marcel Duhamel et la Série Noire : Raymond Chandler, Peter Chase, James Cain… A la fin de l’année paraissent L’automne à Pékin (Vian) et Les morts ont tous la même peau (Sullivan). Le 7 janvier 1948, Le Major se tue en sortant par la fenêtre d’un appartement situé au septième étage d’un immeuble. Boris Vian adapte J’irai cracher sur vos tombes au théâtre, qui sera un échec. Il écrit la pièce L’équarrissage pour tous. Le 16 avril naît Carole Vian. Boris Vian publie Et on tuera tous les affreux sous le nom de Vernon Sullivan. A la mi-juin 1948, le Club Saint-Germain est inauguré au 13, rue Saint-Benoît. Boris Vian délaisse le Tabou à son profit. Au Club Saint-Germain, même s’il ne joue pas dans les trois orchestres du lieu (celui de Jean-Claude Fohrenbach, la formation bebop d’Hubert Fol et celle de Claude Bolling en matinée), Boris Vian réalise son rêve d’adolescent : il y accueille Duke Ellington le 19 juillet 1948. En août 1948, il débute la rédaction de L’herbe rouge (sous le titre Le Ciel crevé). Le 24 novembre, Boris Vian reconnaît officiellement être Vernon Sullivan devant un juge d’instruction. Le 3 juillet 1949, J’irai cracher sur vos tombes est interdit par décret ministériel. Boris Vian est poursuivi par le fisc. Il multiplie les articles, les traductions pour récupérer de l’argent. En avril 1949, il publie Cantilènes en gelée, recueil de poèmes, puis en juillet Les Fourmis, onze nouvelles. Son couple bat de l’aile. L’équarrissage pour tous est créé le 11 avril 1950 au Théâtre des Noctambules. La pièce n’est jouée que jusqu’à la fin du mois malgré le soutien de Jean Cocteau et des critiques René Barjavel et Michel Déon. Le 13 mai 1950, Boris est condamné à 100 000 francs d’amende pour outrage aux mœurs, à cause des deux premiers Sullivan. Le 8 juin 1950, il croise Ursula Kübler, jeune danseuse suisse du Ballet de Roland Petit, à un cocktail chez Gallimard. Il la retrouve lors d’une semblable réception. Elle lui parle de chanson, lui explique qu’elle est tentée par le chant. Ursula Kübler et Boris Vian apprennent à se connaître. Le dernier Vernon Sullivan, Elles se rendent pas compte, sort. Refusé par Gallimard, L’herbe rouge paraît chez un petit éditeur, Toutain, et n’est disponible que dans certaines librairies parisiennes. Depuis décembre 1949, pour raisons de santé, Boris Vian délaisse la trompette. © Hall de la Chanson, 2005 3 Le 6 janvier 1951, Il passe avec succès l’examen d’admission la SACEM, sur le thème imposé « Pour bercer ma peine ». Il peut désormais toucher les droits qui lui reviennent. Le 25 janvier 1951, il termine son ultime roman L’Arrache-cœur, refusé une nouvelle fois par Gallimard, pour qui il continue les traductions. En avril 1951, il quitte le domicile conjugal et s’installe avec Ursula dans une chambre de bonne au 8 boulevard de Clichy. Pour vivre, Boris Vian multiplie les piges dans différents journaux et les traductions. Il s’intéresse de plus en plus à la science-fiction (il traduira Le Monde des Non-A et Les Joueurs du Non-A de A. E. Van Vogt). Il continue d’écrire des chansons au gré de rencontres, mais cette occupation reste encore marginale malgré le succès de « C’est le be-bop » enregistré par Henri Salvador en mars 1950. Ce dernier grave également « Ma chansonnette », première adaptation d’un succès américain par Boris Vian (en l’occurrence « Sam’s Song » créé par Frank Sinatra). Boris Vian collabore ainsi avec les compositeurs Jean Gruyer, trombone de l’orchestre Abadie (« T’en souvient-il ? », 1950), Jack Diéval (« Ombres de l’amour », 1950), Claude Vence (« Berceuse pour les ours qui ne sont pas là », 1951), Louis Bessières (« Cueillir le jour », 1951), Eddie Barclay (« Fragile », 1952), Django Reinhardt (« Vamp », entre 1951 et 1954), Claude Laurence, alias André Hodeir (« Rue traversière », 1952)… Il lui arrive aussi de mettre ses textes en musique lui même (« Les Frères », 1949, « Allons z’enfants », 1952). En 1951, Boris Vian écrit une pièce de théâtre, Le goûter des Généraux et commence Le Traité de civisme, qui restera inachevé. Le 8 avril 1952 est créé au cabaret la Rose Rouge, rue de Rennes, Cinémassacre, spectacle de sketches sur le cinéma, sur une idée de Pierre Kast et Jean-Pierre Vivet. Boris Vian en écrit le scénario et les dialogues. Yves Robert assure la mise en scène. Le spectacle est un succès et est joué près de quatre cent fois. Le 8 juin 1952 : Boris Vian intègre le collège de ‘Pataphysique en tant qu’Equarrisseur de première classe. Il y retrouve Raymond Queneau mais aussi Jacques Prévert. Boris Vian écrit la plupart des poèmes qui seront rassemblés sous le titre Je voudrais pas crever. Il passe une partie de l’été 1952 à Saint-Tropez avec Ursula. Vian n’a plus assez de souffle pour interpréter «Ah ! Si j’avais un franc cinquante » à la trompette avec Don Byas. Son cœur s’emballe et les médicaments sont parfois sans effet ce qui provoque d’interminables nuits d’insomnie. Son médecin lui conseille le repos, mais il continue de vivre sans se ménager. Le 15 janvier 1953, L’Arrache-cœur paraît aux éditions Vrille, dans l’indifférence générale. Le 20 janvier 1953, le divorce d’avec Michelle Léglise est prononcé à sa défaveur. Boris et Ursula s’installent au 6, bis Cité Véron dans le 18e arrondissement. Le petit appartement donne sur la terrasse du Moulin Rouge. Ils ont pour voisins, à partir de février 1954, Jacques et Janine Prévert. Boris Vian écrit le livret et les textes de chansons d’un opéra tiré des Romans de la Table Ronde. Cette commande vient du Festival dramatique de Normandie. La musique est composée par Georges Delerue. Le Chevalier de neige est joué sept fois en août 1953 à Caen, en plein air, devant un public et des critiques enthousiastes. Le 8 février 1954, Boris et Ursula se marient à la mairie du 18e arrondissement. © Hall de la Chanson, 2005 4 Boris Vian se lance véritablement dans la chanson en ce début d’année 1954, par nécessité et par curiosité. Nécessité car sa situation financière s’aggrave et qu’il en a assez de courir après les piges. Comme il l’explique à un de ses proches, avec une chanson on sait tout de suite ce qu’elle vaut : elle est prise ou refusée. De plus, Jack Diéval, son vieil ami, continue de vouloir travailler sur des chansons avec lui. Boris fait le tour des music-halls parisiens avec Ursula. Ils prennent tous les deux des cours de chant. Ursula a toujours envie de chanter. Le 15 février 1954, Boris Vian dépose à la SACEM «Le Déserteur », chanson harmonisée par Harold Berg. Son thème pacifiste lui est peut-être inspiré par la guerre d’Indochine qui s’enlise. En avril suivant, Mouloudji se dit intéressé par la chanson. Après avoir réécrit à deux sa chute (« Que je n’aurai pas d’armes et qu’ils pourront tirer » au lieu de : « Que j’emporte des armes et que je sais tirer »), Mouloudji la crée le 8 mai au Théâtre de l’Oeuvre. L’accueil du public est neutre. Il l’interprète ensuite sur la scène de l’Olympia. En avril 1954, Vian écrit « Le Politique », sur un homme arrêté et interrogé mais qui ne veut rien dire. Jacques Canetti, directeur des Trois Baudets, reprend Cinémassacre à partir du premier mai 1954 (avec Yves Robert à la mise en scène et les comédiens Rosy Varte, Edmond Tamiz et Philippe Clay). Boris Vian le rencontre à cette occasion. Le 3 juin 1954, Vian est reçu par Renée Lebas qui cherche de nouvelles chansons pour un récital Salle Pleyel en octobre suivant. Elle est intéressée par quelques textes de Vian. Elle lui présente son pianiste, Jimmy Walter, pour que celui-ci les arrange et les mette en musique. Cette rencontre est capitale pour Vian. Jimmy Walter vient plusieurs fois par semaine travailler sur le piano de son appartement Cité Véron. En quelques mois et à deux, ils écrivent une trentaine de chansons dont : « Au revoir mon enfa nce », « Cinématographe », « Dans mon lit », « De velours et de soie », « Fugue », « J’ai pas d’regret », « J’suis snob », « L’âme slave », « Les lésions dangereuses », « On n’est pas là pour se faire engueuler », « L’expérience », « L’amour en cage »… Renée Lebas en retient cinq du duo (« Sans blague », « Au revoir mon enfance », « Ne te retourne pas », « Suicide valse » et « Moi, mon Paris ») et deux de Vian seul (« Sophie » et « La valse dingue » rebaptisée «La valse à Renée ») pour son tour de chant du 8 octobre 1954. L’année suivante elle en enregistre quatre sur un 45 tours. Boris Vian et Jimmy Walter démarchent sans succès les maisons de disques. En novembre 1954, Michel de Ré demande à Boris Vian d’écrire des chansons pour le spectacle La Bande à Bonnot de Henri-François Rey. Il compose seul en une semaine l’essentiel des chansons du spectacle et quatre autres avec Jimmy Walter, dont « Les joyeux bouchers ». La première a lieu le 17 décembre 1954 au Théâtre du Quartier latin. Le spectacle est un échec et est rapidement retiré de l’affiche. Jacques Canetti passe Cité Véron pour écouter Boris Vian et Jimmy Walter. Alors que Vian se plaint du fait que personne (à l’exception de Renée Lebas, Suzy Delair, Philippe Clay et Mouloudji) ne veut interpréter leurs chansons, Canetti le pousse à le faire lui même. Boris Vian hésite puis finalement accepte. Du 4 janvier 1955 au 22 juillet 1955, Boris Vian se produit sur la scène des Trois Baudets, cabaret que dirige Canetti, chaque soir sauf le lundi, et le dimanche en matinée. Il passe un quart d’heure vingt minutes et choisit ses chansons parmi « La complainte du progrès », « J’suis snob », « Le petit commerce », « Les Lésions dangereuses », « Les joyeux bouchers », « La java martienne », « Pourquoi qu’on peut pas », « Blues pour Jean Martin », « La java des bombes atomiques », « L’âme slave », « Chantez », « Huit jours en Italie », « Le déserteur », « Le prisonnier » et © Hall de la Chanson, 2005 5 « La valse jaune ». Chaque soir Boris Vian, pétrifié par le traque, manque d’aisance. La salle est souvent embarrassée, voire indifférente. Vian persévère. Serge Gainsbourg assiste à un de ses récitals et en sort bouleversé, persuadé qu’il peut lui aussi s’exprimer par la chanson. Léo Ferré et Georges Brassens viennent également l’écouter. Boris Vian chante en parallèle du 28 janvier au 15 juin 1955 à La Fontaine des Quatre Saisons. Le 4 février 1955, Boris Vian enregistre Le code de la route . Il en récite et chante les articles sur des airs folkloriques. Ce canular est produit par Eddie Barclay. Les 22, 27 et 29 avril, il enregistre ses propres chansons aux studios Philips. Avec Jimmy Walter et son ensemble, il grave « Le déserteur », « « La Java des bombes atomiques », « Les joyeux bouchers », « J’suis snob », « Cinématographe », « On n’est pas là pour se faire engueuler », « La complainte du progrès » et « Le petit commerce ». Avec Claude Bolling (avec qui Vian signera « Mon oncle Célestin » et « Le Piège »), et une formation jazz, il enregistre une nouvelle version de « On n’est pas là pour se faire engueuler » et une autre de « Le petit commerce », ainsi que « Bourrée de complexes » et « Je bois ». Ces chansons composent les deux 45 tours Chansons possibles et Chansons impossibles qui sortent à la fin 1955, et le 33 tours Chansons possibles et impossibles, publié en février 1956. Au dos du disque Georges Brassens écrit : « … Si les chansons de Boris Vian n’existaient pas, il nous manquerait quelque chose » et : « J’ai entendu dire à d’aucuns qu’ils n’aimaient pas ça. Grand bien leur fasse. Un temps viendra comme dit l’autre où les chiens auront besoin de leur queue et tous les publics des chansons de Boris Vian ». Du 23 juillet au 31 août 1955, Boris Vian entame une tournée d’été montée par Canetti, avec au même programme Monique Sénator, Fernand Reynaud et le spectacle Les Carnets du Major Thompson, mis en scène par Yves Robert avec Gérard Séty et Hubert Deschamps. Boris Vian est accompagné par son nouveau pianiste Alain Goraguer, avec lequel il écrira une cinquantaine de chansons (« La java des bombes atomiques », « Je bois », « Barcelone », « La java martienne », « Le petit commerce », « Je n’aime que moi », « Fais-moi mal Johnny », « Tango poivrot »…). L’accueil du tour de chant de Vian est beaucoup plus dur qu’à Paris. Il essuie ses premiers sifflets, des insultes même, les gens ricanent. A partir de Nantes, un groupe d’anciens combattants fait tout pour l’empêcher de chanter. « Le déserteur » en cette période de troubles en Afrique du Nord n’est pas du goût de tous. A Dinard, le maire monte sur scène et lui somme de sortir… Vian annule un récital, arrive à chanter après avoir discuté avec un officier récalcitrant… La tournée se poursuit tant bien que mal. Le 14 septembre 1955, Le Canard Enchaîné relate les incidents de Dinard en mettant en cause le maire. La polémique autour de la chanson « Le Déserteur » est lancée. On se presse pour venir l’écouter sur la scène des Trois Baudets. Vian s’y produit du 20 septembre 1955 au 29 mars 1956, avec le fidèle Alain Goraguer. Il est fortement déconseillé aux radios de diffuser « Le déserteur ». La chanson est bannie des listes de programmation des émissions de variétés. Le disque ne se vend pas. En octobre 1955, Jacques Canetti, directeur artistique chez Philips, commande à Vian l’édition d’une collection de disques de jazz. Fin mars 1956, Vian arrête son tour de chant. Il en sort extrêmement fatigué. En mai 1956, Michel Legrand, de retour des Etats-Unis, fait écouter à Vian et à Henri Salvador des disques de rock’n’roll. Ils trouvent cette musique assez médiocre, volée au blues. En un après-midi, ils décident de ridiculiser ce genre naissant en écrivant quatre rocks parodiques : « Rock and Roll Mops » (musique de Legrand), « Rock- © Hall de la Chanson, 2005 6 Hoquet », « Dis-moi que tu m’aimes, Rock » et « Vas t’faire cuire un œuf, man ! » (musiques de Salvador). Ils prennent des pseudonymes, Mig Bike pour Legrand, Vernon Sinclair pour Vian et Henry Cording pour Salvador. Les chansons sont enregistrées le 21 juin 1956 et sortent en 45 tours sous le nom de Henry Cording and his Rock’n’Roll Boys… En juillet 1956, Boris Vian est victime d’un œdème pulmonaire grave. Il reste alité deux semaines. Le médecin, outre de nombreux médicaments, lui recommande une vie normale en évitant la hâte et les gros efforts physiques. Boris Vian ne remontera plus sur scène. Il part en convalescence à Saint-Tropez. Le 11 octobre 1956, Boris Vian fait enregistrer « Fais-moi mal, Johnny » à Magali Noël aux studios Philips. Depuis la rentrée 1956, il est en effet engagé au cachet chez Philips par Jacques Canetti, pour lui servir d’adjoint intermittent. Le 26 novembre, il écrit en quelques heures l’adaptation française de chansons de Bertolt Brecht et de Kurt Weil pour un spectacle de Catherine Sauvage. En novembre 1956, Les Editions de Minuit rééditent L’automne à Pékin, sans succès. Le premier janvier 1957, il devient directeur artistique adjoint chez Philips. Il signe et produit de nombreux artistes dont Mouloudji , Les Trois Ménestrels, Jacqueline François, Simone Langlois, Francis Lemarque, Jean-Claude Darnal, Béatrice Moulin, Salvador… Vian s’intéresse à des chanteurs atypiques que refuse de signer Canetti. Ce qui provoque son départ. En 1958, il est nommé directeur artistique des disques Fontana, une sous marque de Philips. Il peut laisser libre cours à ses choix : Rock Failair, Fredo Minablo et sa pizza musicale, Elsa Popping (André Popp), Gabriel Dalar, Gérard La Viny… Boris Vian les produit certes, mais écrit également des chansons pour eux. Il rédige aussi les textes qui les présentent au dos des pochettes de disques. Même s’il ne chante plus, Vian continue d’écrire des chansons. L’année 1957 voit sa collaboration avec Alain Goraguer se terminer et s’approfondir celle avec Henri Salvador (« Ca pince », « Bien loin », « J’aimerais tellement ça », « Je me souviens de vous », « Monsieur le jazz », « Robert », « Pas encore », « Trompette d’occasion »…). Il travaille avec André Popp (« Musique mécanique » enregistrée par Juliette Gréco en mars 1957, « Danses des sosies », « Tango militaire »…) ou encore Eddie Barclay et Jacques Brienne (« Rock de monsieur Feller »…). Le 31 janvier 1957, Boris Vian assiste à la création de la nouvelle version de son opéra Le Chevalier de neige à Nancy. La presse est enthousiaste. Au cours de l’année, il écrit une pièce de théâtre (Les bâtisseurs d’empire), un opéra de chambre sur une musique de Georges Delerue (Arne Saknussem ou une regrettable histoire), un opéra sur une partition de Darius Milhaud (Fiesta), mais ne revient pas au roman… En septembre 1957, il est victime d’un deuxième œdème pulmonaire. Ursula arrête de travailler pour s’occuper de lui. Début janvier 1958, il se repose deux semaines en compagnie d’Ursula au cap de la Hague dans la Manche. Il arrête sa collaboration bénévole à la revue Jazz-Hot. Le 22 avril 1958, il offre au collège de ‘Pataphysique, en vue d’un dossier Vian, son Théâtre complet inédit. Le 3 octobre, Fiesta est créé à Berlin. Boris Vian commence à écrire pour les pages spectacles du journal Le Canard Enchaîné. Le 29 octobre, il prend la défense de Georges Brassens. Le 12 novembre, il présente Serge Gainsbourg. © Hall de la Chanson, 2005 7 A la fin de l’année 1958 est édité En avant la zizique… et par ici les gros sous, pamphlet de Boris Vian contre le système des maisons de disque et l’exploitation commerciale de la chanson. En cette année 1958, il écrit plus de 140 chansons dont beaucoup d’adaptations : paroles de la comédie musicale My Fair Lady, chansons du film Gigi, chansons tirées de films américains (« D’où reviens-tu, Billy Boy ? » issu du film The Pusher, « La marche des gosses » du film The Inn of the Sixth Happiness…), reprises de standards américains, de succès italiens en français… Il continue sa collaboration avec Henri Salvador (« Le gars de Rochechouart », un grand succès public, « Java chauve », « Je peux pas travailler », « Moi j’préfère la marche à pied », « ma petite amie », « Le blues du dentiste »…). Boris Vian invente le terme « tube ». Début janvier 1959, Boris Vian prend une nouvelle fois du repos à l’Hôtel de la mer, à Goury, dans la Manche. Le 14 janvier, il adresse sa lettre de démission au directeur commercial de Fontana. Il reste en poste jusqu’en avril, effectuant ses trois mois de préavis. Le projet de film autour de J’irai cracher sur vos tombes échappe totalement à Boris Vian. Sa santé faiblit, les crises de palpitation sont de plus en plus fréquentes. Il accepte quand même d’entrer chez Barclay le 1er avril en tant que directeur artistique, même s’il ne signe pas le contrat qu’Eddie Barclay lui a proposé. La pièce de théâtre Les Bâtisseurs d’empire est éditée en mars 1959 par le Collège de ‘Pataphysique. Le 11 juin 1959 a lieu une fête grandiose organisée dans les moindres détails par Boris Vian sur la terrasse de la Cité Véron et dans son appartement, en l’honneur du nouveau Vice Curateur du Collège de ‘Pataphysique, le baron Mollet. Les jours suivants, Boris Vian reparle à Ursula d’une suite à L’Arrache-cœur. Boris Vian écrit une quarantaine de chansons en 1959, dont « Ma rengaine » avec Marguerite Monnot le 19 juin. Son dernier écrit est un opéra, Le Mercenaire, qui traite du thème de la guerre. Le 23 juin 1959, à 10h10 du matin, Boris Vian meurt au cinéma le Petit Marbeuf, situé près des Champs-Élysées, au début de la projection du film J’irai cracher sur vos tombes, qu’il désavouait. . © Hall de la Chanson, 2005 8 © Hall de la Chanson, 2005 9 © Hall de la Chanson, 2005 10