Simpson et Wendover cantons - Société d`histoire de Drummond

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Simpson et Wendover cantons - Société d`histoire de Drummond
Simpson et Wendover
L’histoire à succès de pionniers courageux
Pays de plaines infinies recouvertes par la forêt, les cantons de Simpson et de Wendover accueillent
ses premiers résidants permanents en bordure de la rivière Saint-François, la seule voie de
communication à l’époque de la colonisation. Une voie, cependant périlleuse, si l’on en juge par le
rapport Bouchette de 1815, qui considère les chutes Hemming comme « praticables pour les
bateaux vides seulement » et les chutes de Drummondville comme « sujettes à de plus grands
inconvénients, puisqu’à moins que l’eau ne soit très haute, les bateaux légers n’y peuvent passer ».
À chacun de ces chutes, les voyageurs doivent donc décharger leurs barques ou leurs radeaux et
portager sur plus d’un kilomètre, faisant une halte dans le modeste relais d’Alexandre Menut (chutes
Hemming) ou à celui d’Artemus Lord (chutes de Drummondville).
Les Abénaquis désignaient la région des chutes Hemming par
Wiguahigans, ce qui signifiait « endroit où l’on trouve de la grosse écorce
de bouleau ». Ils y récoltaient de l’écorce de bouleau blanc
suffisamment grande pour la fabrication de leurs canots.
Des débuts difficiles
Le peuplement des cantons de Simpson et de Wendover s’engage véritablement au cours des
décennies 1840 et 1850, avec l’arrivée des Canadiens français venus des seigneuries. Ceux-ci
affrontent avec courage les dures conditions d’établissement dans la forêt primitive, en particulier le
sol généralement marécageux ; seule une mince bande de terre sur le bord de la rivière SaintFrançois est drainée naturellement. Dès le 2e rang, un marais sans fin descend en pente douce
jusqu’à la rivière Nicolet, quelque 15 km plus loin.
Charles Gariepy et son épouse d’origine irlandaise, Elizabeth McGuire, forment le premier couple à
venir coloniser le canton de Wendover (lot 5 du 3e rang), en 1839. Puis les frères Cyrille et
Théophile Brassard s’installent, suivis des Hébert, Blais, Carbonneau...
« Charles Gariepy était d’une force pas commune. On le
voyait souvent portant sur ses épaules un sac de cent livres
de farine, parcourir sans broncher les longs arpents de chemin
de front que l’on devait passer sur des arbres abattus exprès
bout à bout. » J.-C. Saint-Amant, p. 414.
C’est au prix d’efforts héroïques que les colons creusent des fossés, à la petite pelle, pour assécher
leurs terres. Ils quadrillent le canton de Wendover de fossés de la hauteur d’un homme, larges de
trois mètres au fond. Cyrille Brassard, un de ces courageux « pelleteux », décrit ainsi la scène : « Il
fallait se mettre dans l’eau et la boue pour briser les chaussées de castors ; on était enfoncé jusqu’à
la ceinture. S’il n’y avait eu que cela ! Mais on rencontrait des mouches de toutes espèces qui nous
dévoraient et il y en avait pour toute la journée : le matin c’étaient les brûlots, ensuite les
maringouins, puis les mouches de chevreuils. »
Population Simpson-Wendover
% de la population fancophone
Wendover-Simpson
Canton de l’Est
1844
139
15%
1861
608
82%
33%
1881
1279
89%
55%
1901
3443
97%
62%
Les activités forestières
Au 19e siècle, le bois demeure sans conteste la richesse naturelle la plus abondante dans les
cantons de Simpson et de Wendover. D’abord les grands pins rouges et blancs destinés à la
construction navale, qu’on choisit soigneusement. Ils doivent être francs de noeuds. À peine
équarris, ils sont reliés pour former d’immenses radeaux qui descendent la Saint-François et le
fleuve Saint-Laurent jusqu’au port de Québec, pour être exportés en Grande Bretagne.
Après le pin, c’est la pruche qui fait l’objet d’une coupe à blanc. La pruche est alors recherchée pour
son écorce riche en tanin utilisée par la tannerie de Simpson, entre 1867 et 1891, sur les peaux.
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Durant quelques années, on ajoute aux activités de tannage la fabrication du goudrier pour les
semelles.
À la fin du 19e siècle, toutes les pruches matures de Wendover et Simpson ont disparu à l’exception
de la « pruche de la petite montagne » qui sert de point de repère pour les voyageurs et aussi de
tour d’observation. Du sommet de l’arbre, on peut apercevoir les clochers des églises de L’Avenir,
de Kinsey, de Saint-Zéphirin, de Drummondville, de Saint-Germain, de Sainte-Clothilde et de SaintAlbert. Cette pruche, d’une quarantaine de pieds, était située au milieu des riches érablières de la
« petite montagne », sur le lot 6 du 4 e rang de Simpson.
La pruche légendaire de Saint-Cyrille
« Il ne passait pas un homme à cet endroit (la petite montagne du 4e rang de
Simpson) qui ne montait jusqu’au sommet de la pruche. L’ascension en était
assez difficile car pour atteindre les premières branches il fallait grimper à la
mode des ours, par un mouvement énergique des bras, des pieds et des
genoux ; tâche passablement ardue, car l’écorce était entièrement lisse et
polie comme un vernis. On croyait la pruche de la petite montagne
immortelle. Mais elle disparut un jour et retourna en poussière de cendres
après avoir réchauffé la maison de son propriétaire, Adrien Guèvremont. On
projeta alors l’érection d’une croix à la place de la pruche ; Adrien
Guèvremont offrait le bois nécessaire et le Dr Pelletier s’engageait à payer la
main-d’œuvre pour sa confection. » J.-C. Saint-Amant, p. 424.
Les ressources forestières sont également transformées en bois de charpente dans les nombreuses
scieries en activité dans les deux cantons. Le commerce du bois de sciage prend une telle ampleur
qu’il justifie la construction d’une voie ferrée qui traverse les cantons de Wendover et de Simpson à
compter de 1888. Le Drummond County Railway relie d’abord Drummondville à Saint-Léonard ; il
sera par la suite intégré au vaste réseau du Canadien National.
Enfin, les forges de Drummondville exploitent de nombreux chantiers dans Simpson, entre 1880 et
1910, pour en extraire tout le bois dur nécessaire à la fabrication du charbon de bois qui alimente
leurs haut fourneaux.
Les richesses du sous-sol
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Le sous-sol de Simpson regorge de limonite d’une haute teneur de fer (environ 50%). Les
propriétaires des forges de Drummondville estiment d’ailleurs pouvoir s’y approvisionner pendant au
moins 20 ans. Les prospecteurs localisent avec précision les poches de limonite par des moyens
fort simples. Ils remontent les ruisseaux pour s’arrêter aux endroits où l’eau paraît rouillée : c’est
l’indice de l’existence, à proximité, de certains dépôts.
Le sous-sol contient également des concentrations à forte pigmentation jaune, une argile très fertile,
ainsi que du calcaire (en particulier dans les collines des 4 e et 7e rangs de Simpson) qu’on peut
transformer par polissage en un beau marbre à veines verdâtres, blanches, rouges, grisâtres.
Une faune sauvage abondante
Chevreuils (cerfs de Virginie), orignaux, ours, caribous, castors, lynx, renards... trouvent dans les
cantons de Simpson et de Wendover un habitat qui leur est propice. Certains orignaux atteignent
une taille remarquable ; vers 1845, Cyrille Brassard en abat un de 7 pi 10 po, pesant entre 1000 et
1200 lb.
Les ours font aussi l’objet de plusieurs anecdotes, dont celle du notaire Saint-Amant :
À l’été de 1895, C. et E. Blanchette de Carmel, tous deux habiles chasseurs,
étaient à tendre des pièges lorsque l’un d’eux aperçut, à quelque distance, un
ours dont l’allure lui paraissait menaçante. Sans se déconcerter, il épaule son
fusil et fait feu ! L’ours tombe, on le croit mort. Il se rend près de l’animal
abattu, lorsque celui-ci, qui n’était qu’étourdi (ayant été blessé au nez), se relève
et plein de rage se précipite sur le jeune Blanchette. Une lutte terrible s’engage,
l’ours labourant le corps de Blanchette avec ses griffes. Heureusement son
frère ayant entendu les cris « au secours ! » vint avec une hache et assomma
l’animal.
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Saluons la témérité de ces femmes et de ces hommes venus coloniser les cantons de Simpson et de
Wendover, en quête d’un pays neuf qui assurerait un avenir meilleur à leurs descendants. Privés de
toute commodité, ils ont traversé avec courage des premières années ponctuées d’accidents, de
maladies, de problèmes de sous-alimentation. À la ferrée, ils ont drainé des centaines d’âcres de
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terre. Ils ont su entrevoir les richesses de la forêt et du sous-sol et les ont exploitées avec succès.
Leur ténacité et leur esprit d’initiative sont à jamais gravés dans nos mémoires.
Yolande Allard, résidante de Wendover, septembre 1999.
Sources :
1. Saint-Amant, Jean-Charles. Un coin des Cantons de l’Est. La Parole, Drummondville, 1932.
2. Milot, Maurice. Les forges de Drummondville 1880-1911 : fin d’une industrie artisanale au Québec.
Mémoire présenté à l’UQTR pour l’obtention d’une maîtrise en études québécoises en 1984.
3. Bouchette, Joseph. A topographical Description of the Province of Lower Canada. London, W. Faden,
1815.
4. Archives nationales du Canada, recensements nominatifs de 1844, 1861, 1881, 1901.
5. La Route des Abénaquis (via la rivière Saint-François). Société d’histoire de Drummondville, 1982.
1204 mots
Iconographie :
1. Drummond County Railway
2. Chasse à l’ours dans Simpson
3. Canot d’écorce
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