Médaille dor en poésie.
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Médaille dor en poésie.
Musée olympique MÉDAILLÉ D’OR EN POÉSIE L’exposition que proposait le Musée olympique le mois dernier rendait hommage à un médaillé olympique d’un genre oublié, le poète français Géo-Charles (1892-1963), premier prix de littérature aux Jeux de Paris en 1924. Les concours d’art avaient été introduits en 1912 à Stockholm par Pierre de Coubertin qui cherchait, dans l’esprit de l’Antiquité, à donner à ses Jeux un sens plus culturel. Cinq concours avaient été inscrits au programme: architecture, littérature, musique, peinture, sculpture. C’est pour sa « Huitième Olympiade », son premier livre de poèmes, que Géo-Charles obtint sa médaille d’or en littérature. L’ouvrage, à l’image du titre, respectait parfaitement le thème du sport exigé par le règlement de l’épreuve. C es concours, dont on n’a plus aujourd’hui qu’un vague souvenir, furent à l’époque très prisés. Les plus grands noms se bousculèrent pour faire partie du jury : Paul Claudel, Jean Giraudoux, Maurice Barrès, Gabriel D’Annunzio pour les Belles-Lettres, et, en musique, Bela Bartok, Manuel de Falla, Gabriel Fauré, Maurice Ravel, Igor Stravinsky, la fine fleur de la modernité comme on peut le voir. Quant aux participants, il suffit de savoir qu’Henri de Montherlant présenta également en 1924 « Le paradis à l’ombre des épées », mais ne fut pas retenu. La personnalité de Géo-Charles s’incarne parfaitement dans son succès. L’écrivain français Jean Cocteau, qui le fit publier, dit de lui : « Ce n’est pas un poète sportif parce qu’il chante le sport, mais parce que son esprit s’entraîne à obtenir une belle forme. Il pourrait parler de n’importe quoi, il resterait un poète sportif». Cette définition sensible éclaire le personnage. Dans sa jeunesse, comme il le rappelle lui-même dans une note biographique, Géo-Charles fut l’un des premiers élèves des jésuites à faire du sport. « C’était très mal vu », ajoute-t-il. En 1912, il est demi gauche au championnat de football. Pendant la Première Guerre mondiale, il joue dans l’équipe de football de son camp de prison- Portrait de Géo-Charles par Pierre-Louis Flouquet, 1925. 643 Musée olympique niers et dispute des matches de boxe. Plus tard, ce fut la Fédération française d’athlétisme et la Société des marcheurs. Ce qu’il a écrit, traduit en poésie, Géo-Charles l’a vécu. Et au fond il témoigne des grands commencements, quand le sport n’était pas le fait social positif qu’il est devenu, plutôt une succession d’exploits pour un public prompt à s’émerveiller. Il a chanté tous les sports, ou peu s’en faut, sans apprêt mais avec justesse, « Sauts en longueur », « Lancement du javelot », « 4 0 0 m » , « Nage », « Patinage », autant d’images directes. Il découpe «VIII e Olympiade » en «Journées » pour coller à la chronologie de la manifestation, évoque à coups de notations précises et chaleureuses chaque épreuve olympique ; cela donne le « Jeu régulier des deux champions pareil au balancier » dans « Tennis », les « Escrimeuses, lys noirs que précèdent des saluts embaumés » de « Fleuretdames » ou encore et sans doute l’un de ses plus beaux vers, « le cœur des coureurs est aussi montre battante » dans « Trois mille mètres par équipes ». Géo-Charles ne limita pas son enthousiasme à la poésie. Artiste complet, comme on le dit d’un sportif, en 1934 il met sur pied une exposition « Le sport dans l’art moderne », la première du genre, avec pour ambition de réunir des œuvres influencées par le sport, sujet neuf, particulièrement intéressant dans ses rapports avec les arts plastiques, et qui puisse suggérer — à titre d’exemple — la qualité de l’inspiration sportive dans l’art ». Une définition que chaque musée olympique voudrait faire sienne. Le catalogue de l’exposition est impressionnant. Là encore, comme pour les concours d’art, démonstration 644 est faite de l’attirance naturelle des artistes pour le thème du sport. Puis, ce fut la radio. Avec la découverte du haut-parleur dans le stade olympique de Paris en 1924, Géo-Charles perçoit les possibilités de diffusion et de sensibilisation à sa poésie. Il mit dès lors sa force créatrice au service de la TSF, devint producteur de radio, obtint de beaux succès avec des œuvres théâtrales comme « Les Six Jours » ou « Les Boxeurs » dont l’écriture radiophonique totalement nouvelle fut saluée par la critique. Ces émissions, auxquelles s’ajoutèrent plus tard de nombreuses causeries sur le thème du sport, avaient comme souci premier de rendre sensible à un vaste auditoire — par le truchement populaire d’une action et d’une atmosphère sportives — cette nouvelle poésie des ondes. Cette production touffue, multiple, l’exposition l’a fait revivre à travers les nombreux témoignages que possède la Fondation Géo-Charles. Cette institution, créée à l’initiative de M me Lucienne Géo-Charles, la veuve du poète, rassemble selon le vœu de ce dernier, intactes et complètes, ses œuvres et collections. La petite ville française d’Echirolles, soucieuse d’intégrer le sport dans le champ culturel traditionnel et attentive à repérer les traces du sport dans l’imaginaire des artistes, accueille ce fonds depuis 1982, dans le premier musée « Sport et Culture » de France. Mme Géo-Charles et M. Arvin-Berod, maire adjoint d’Echirolles, étaient présents à Lausanne pour offrir la collection au public olympique. La succession d’ouvrages, programmes, catalogues, tableaux, dessins, gravures restituent le parfum d’une époque ; donnent à voir, ce qui ne laisse pas d’étonner, avec quelle richesse se mêlait hardiment le sport et les arts. C’est une déclinaison des valeurs qui animaient le poète, une foi en l’homme, une aspiration à la fraternité des peuples qui le poussèrent à travers le monde bousculé du milieu du siècle à la rencontre des « Autres ». En 1928, à Moscou, il perçoit l’idéal olympique dans la grande manifestation des Spartakiades, puis il découvre le Brésil, la Hongrie. Jusqu’à ses derniers jours, il essaya de saisir ces « dix mille vies » qu’il aurait voulu vivre, toujours selon le mot d’un autre poète, Philippe Soupault, « droit, loyal, enthousiaste, le contraire d’un tricheur ».