mort de la fripe en afrique ou fin d`un cycle

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MORT DE LA FRIPE EN AFRIQUE
OU FIN D’UN CYCLE ?
Sylvie BREDELOUP, Jérôme LOMBARD *
La fripe a envahi les étals des marchés africains depuis
plusieurs décennies. Son commerce fait vivre dans chaque
pays des dizaines de milliers de personnes en quête d’un
emploi et fournit des vêtements bon marché aux populations
pauvres. Le propos insiste sur les conditions de l’émergence
au XXe siècle d’un secteur commercial dynamique dans trois
pays d’Afrique de l’Ouest (Cap-Vert, Côte d’Ivoire, Sénégal).
Est abordée ensuite la place occupée dans la filière par les
opérateurs grossistes et détaillants, souvent d’origine étrangère. Enfin, à travers les différents lieux de l’espace urbain
des capitales des trois pays dans lesquels se déploie la vente
de vêtements de seconde main, les auteurs reviennent sur la
notion d’occasion et sur ce qu’elle permet comme mises en
scènes dans la ville africaine.
Mots clés : Fripe, aménagement urbain, Abidjan, Dakar,
Praia.
En janvier 2006, le plus grand fripier de la place dakaroise s’interroge sur
l’avenir de la filière au Sénégal : « Le beau temps est fini maintenant, depuis trois
ans je n’y arrive plus, en 2003 ça a basculé. Je faisais 48 conteneurs dans l’année,
cette année je n’arrive pas à la moitié. On perd du terrain partout, le seul endroit
où nous tenons encore c’est Kaolack, j’ai de bons sous-traitants là-bas, très
corrects, des battants. À cause des importations sauvages de ceux qui travaillent
[migrants sénégalais] aux États-Unis, en Italie et en Espagne, qui prennent un
conteneur seulement et qui paient un million de taxes et de droits de douane au
lieu des 5 ou 6 millions [francs CFA] 1. Ça, plus les Chinois, tout est venu en
même temps. Eux, on n’arrive pas à les taxer, on ne comprend pas et on ne sait
rien ». Le service des Douanes contacté le même mois minore encore davantage
le nombre de containers importés par ce grossiste : en dix ans, il serait passé de
cinq containers mensuels à un seul. À Praia, au Cap-Vert, le principal importateur
* Institut de recherche pour le développement (IRD)-UMR LPED, Marseille.
1 - Un euro équivaut à 656 francs CFA.
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N° 194 - AVRIL-JUIN 2008 - p. 1-22 - REVUE TIERS MONDE
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développe la même litanie, insistant sur la concurrence des produits vestimentaires chinois neufs. Pour ces deux entrepreneurs qui ont débuté le commerce de
la fripe en 1990, l’âge d’or fut rapide mais bref.
La fripe constitue un des symboles d’une Afrique en transformation, caractérisée par la capacité d’adaptation permanente de ses habitants aux contextes
changeants. La mise en regard des différentes activités commerciales liées à la
fripe, des multiples parcours des opérateurs, des diverses perceptions de ce
produit par les populations permet d’avancer des hypothèses sur l’avenir du
vêtement d’occasion en Afrique. Le développement de la fripe, un peu partout
dans le monde, a permis de relancer dans un nouveau cycle de consommation un
produit usagé en lui attribuant une nouvelle valeur marchande. Certains auteurs
ont souligné, avec raison, l’effervescence du secteur des vêtements d’occasion en
Afrique dans les années 1990. Les pays en développement sont devenus de
nouveaux débouchés dès lors que les pays occidentaux ne parvenaient plus à eux
seuls à absorber l’ensemble de ces produits dévalorisés. A do kaflê, yougou
yougou, troutrou nou, klou fâ ou broad en Côte d’Ivoire, houdeh à Djibouti,
mutuki au Gabon, fëgg jaay au Sénégal, salaula en Zambie, dead whiteman’s
clothes au Zimbabwe, la fripe en Afrique est déclinée en appellations aussi originales que multiples. Elles traduisent autant le geste de l’acheteur ou du vendeur
sur les marchés du continent – fouiller et prendre dans un tas (troutrou nou,
salaula), secouer et vendre (yougou yougou, fëgg jaay) – que la nouvelle vie
d’un produit après la fin de la précédente – ce qui est mort (houdeh) – ou encore
le caractère étranger de l’objet – abroad (broad), les vêtements du Blanc mort
(Dead whiteman’s clothes).
Au regard d’observations récentes conduites à la fois à Abidjan, Dakar et
Praia 2, le commerce de fripes est désormais concurrencé par une offre de plus en
plus diversifiée de vêtements et de chaussures neufs, de qualités différentes,
proposée par des commerçants chinois ou africains. La fripe, qui présentait
encore, au seuil des années 2000, un excellent rapport qualité-prix et qui répondait aux besoins des consommateurs les plus pauvres ou de ceux les plus en
phase avec les modes occidentales, s’est retrouvée dévaluée. Les importateurs
n’ont pas été en mesure de réviser leurs stratégies ni de développer une offensive
commerciale susceptible de contrer rapidement les nouveaux entrepreneurs du
vêtement neuf.
2 - L’étude du commerce de la fripe s’inscrit dans le cadre de recherches plus globales, portant sur
les liens entre migration et commerce en Afrique et dans lesquelles les frontières géographiques,
juridiques et sociales sont transcendées. La recherche a d’abord été engagée, de manière comparative, entre Abidjan et Dakar. Puis, en 2001, elle a été interrompue à Abidjan en raison de l’instabilité
politique régnant en Côte d’Ivoire. Elle a, en revanche, été poursuivie à Dakar puis, en 2006, étendue
au Cap-Vert dans la perspective de mettre en lumière un aspect particulier de ce commerce, la
« culture du bidon ». Outre une observation dans les trois sites, entre 1999 et 2001, 130 enquêtes ont
été réalisées à Abidjan, sur les marchés d’Adjamé, de Treichville, de Marcory, de Koumassi et de
Yopougon, auprès de détaillants et de grossistes ; entre 2001 et 2006, quinze entretiens ont été
conduits à Dakar (selon la méthode des passages répétés) auprès des différents acteurs impliqués
dans la filière, depuis le lieu de réception des marchandises jusqu’aux consommateurs ; en 2006, dix
entretiens ont été menés au Cap-Vert, à la fois auprès d’importateurs, de détaillants, de tailleurs
retravaillant la fripe et de consommateurs.
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Mort de la fripe en Afrique ou fin d’un cycle ?
Dans cet article, il s’agit tout d’abord de présenter, au Cap-Vert, en Côted’Ivoire et au Sénégal, les différents moments de la vie d’un secteur, de sa
naissance à sa fin prévisible, en soulignant le rôle que les opérateurs économiques et responsables politiques lui ont attribué dans la dégradation de l’industrie textile africaine. Puis, l’importance de la vente de vêtements de seconde main
en tant que débouché majeur, à la fois pour des petits et des grands opérateurs
de nationalité ou d’origine étrangère et des populations en situation précaire, est
rappelée. Enfin, à travers les différents territoires de la fripe, le propos porte sur la
notion d’occasion et ce qu’elle permet comme mises en scènes dans la ville
africaine, avant d’insister sur les bénéfices que retirent les nouvelles collectivités
locales de ce négoce.
I – LES TEMPS DE LA FRIPE AFRICAINE
Dès le XIXe siècle, la fripe a fait l’objet d’un commerce international. M. CHARPY
(2002) signale qu’en 1854, 1 260 tonnes de vêtements neufs et vieux indifférenciés sont exportées à partir de la France (et en 1867, 1 838 tonnes). Il s’agit
souvent de vêtements militaires, mais pas seulement. « Les quantités énormes et
l’extrême rentabilité de ces exportations signalent un commerce parfaitement
structuré à l’échelle mondiale » (CHARPY, op. cit., p. 9). Si les principaux destinataires demeurent les pays européens (États sardes et villes hanséatiques), l’Afrique du Nord et le Sénégal sont aussi concernés par ce commerce à compter de
1830. L’Algérie capte à elle seule 5 % des flux en 1860. Alors que le commerce de
fripes décline en France dès la fin du XIXe siècle et tend à être supplanté par la
brocante, l’empire colonial devient, en partie, un débouché intéressant pour
recycler (déjà) les vieux vêtements auprès de citadins aisés de Dakar ou de
Saint-Louis, « sapeurs » avant l’heure, attirés par la mode occidentale et donc
minoritaires. On peut penser que les maisons françaises de commerce comme la
CFAO, qui importaient à Douala des vêtements de seconde main à l’époque du
protectorat franco-britannique sur le Cameroun (FODOUOP, 2005), ont reproduit
le système à Dakar, capitale de l’Afrique occidentale française depuis 1902 3. La
plupart des articles de fripe étaient collectés en Europe et aux États-Unis par des
organisations caritatives comme le Secours catholique, l’Armée du Salut, la CroixRouge et Goodwill pour satisfaire une demande locale très limitée. À l’époque, les
habitudes vestimentaires sont extrêmement différenciées sur le continent africain. Autant dans la partie soudano-sahélienne marquée par l’islam les populations étaient, de la tête aux pieds, couvertes de cotonnades, autant dans la partie
forestière tournée vers l’animisme les habitants avaient la tête nue et étaient
seulement ceints d’un pagne. Dès que les colons ont voulu imposer leur vision
civilisatrice et notamment leur manière de s’habiller, les négociants sahéliens en
ont profité pour échanger des tissus de pagnes ou des vêtements ou sousvêtements neufs (ce qu’on appelait alors la bonneterie), en provenance de
3 - L’extrait d’un ouvrage de 1938, écrit par un fonctionnaire français au Sénégal, est à ce sujet
explicite : « Tant qu’aux hommes vêtus avec toutes les loques laissées pour compte par les fripiers
européens, ils présentaient un aspect cocasse, affublés ainsi de vêtements de cérémonies : habits
démodés, redingotes trop longues, jaquettes étroites, négligemment plaqués sur une chemise crasseuse, dont les pans flottaient fièrement, par devant et par derrière, au-dessus d’une culotte arabe à
fond immense. » (JULIENNE, 1938, p. 48).
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l’Europe, contre des produits locaux (kolas, diamants, or) auprès des paysans
d’Afrique équatoriale.
1 – La fripe en Côte d’Ivoire et au Sénégal : une histoire à
rebondissements
L’indépendance des colonies africaines fait évoluer le statut des vêtements
neufs et d’occasion. Les industries textiles naissantes sont officiellement protégées
de toute concurrence. Au Sénégal (ROCHETEAU, 1982) comme en Côte d’Ivoire,
leur expansion est conditionnée par la garantie de débouchés à la fois sur le
marché intérieur et à l’export. Dans cette perspective, la bonneterie importée est
fortement taxée. Ce qui conduit les importateurs les plus audacieux à établir de
fausses déclarations et à laisser accroire, pour diminuer leurs coûts de revient, que
les stocks écoulés relèvent de la friperie. C’est ainsi que sont signalées, à la
frontière sénégalo-mauritanienne, des importations de « friperie » de Mauritanie qui sont, en réalité, des vêtements de confection neufs (VAN CHI-BONNARDEL,
1978). À mesure que les conditions de vie se dégradent au Sénégal, les vraies fripes
inondent le marché et remplacent les fausses. T. MBOUP, ancien émigré ayant fait
fortune dans le trafic de diamants au Zaïre, est le premier à se reconvertir dans
l’importation de fripes au milieu des années 1970. Il est le seul alors à disposer
d’une autorisation d’importation que lui garantissent ses relations avec le pouvoir
en place. Ses quelques concurrents sont européens. En Côte d’Ivoire, le président
F. HOUPHOUËT-BOIGNY reste, quant à lui, fermement opposé au commerce de
fripes, symbole à ses yeux d’un recyclage stigmatisant pour la construction nationale. Il développe à cet effet une législation contraignante jusqu’à la fin des années
1980, assurant la défense des complexes industriels textiles de première génération. L’interdiction d’importation frauduleuse est cependant contournée. La fripe
écoulée sur le marché ivoirien est issue de réexportations en provenance du
Nigeria et du Ghana et revendue par des commerçants nigérians (Ibos) et ghanéens qui franchissent clandestinement les frontières 4.
À partir des années 1980, la libéralisation progressive des économies nationales dans les deux pays amène les gouvernements, sous la pression des commerçants, à ouvrir les marchés intérieurs à l’entrée contrôlée de fripes. Dans un
premier temps, une politique de quotas est mise en place. Au Sénégal, 4 000
tonnes d’importations annuelles sont autorisées. Dès 1980, on compte ainsi une
dizaine de fripiers sur la place dakaroise ; en 1990, ils sont une quinzaine.
T. MBOUP, qui demeure le leader de la filière, profite de cette ère nouvelle pour
ouvrir à Dakar une usine de triage dans laquelle il conditionne des ballots de
50 kg destinés aux semi-grossistes et détaillants. D’autres noms apparaissent, tous
plus ou moins liés à cet opérateur influent à la fois sur les scènes économique et
politique : Hassan MOUNIR ASSI, un associé tunisien ; Serigne NDIAYE BOUNA et
Adja AWA NDIAYE, tous deux grands commerçants sénégalais jusque dans les
années 1990. Ces pionniers sont progressivement remplacés par de nouveaux
opérateurs, d’origine libanaise, déjà solidement introduits dans l’économie
4 - Rappelons qu’avant même les Indépendances, de grands opérateurs nigérians contrôlaient déjà
l’ensemble de la filière des fripes qu’ils importaient directement des Pays-Bas et des États-Unis (IGUE,
1983).
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locale et dans les réseaux d’échanges internationaux ; dans ce nouveau panorama
fortement concurrentiel, en 1989, l’usine de T. MBOUP ferme ses portes. En Côte
d’Ivoire, la période de quotas débute en 1992 et une dizaine d’importateurs
nationaux ou originaires du Nigeria, du Ghana mais aussi du Liban est
comptabilisée.
Deuxième temps fort, l’ouverture totale du marché des vêtements usagés aux
flux internationaux a lieu respectivement en 1996 au Sénégal et en 1997 en Côte
d’Ivoire. Dans les deux pays, c’est l’âge d’or du commerce de la fripe. Le nombre
d’importateurs croît de façon importante, jusqu’à atteindre une cinquantaine : en
Côte d’Ivoire, si les Haoussa originaires du Niger investissent alors la filière, les
Libanais ne sont pas en reste. Un grossiste du Shopping Abrogoua d’Abidjan
précise : « Ils se sont jetés dedans car ils ont des relations plus faciles avec le port,
la douane et les impôts » 5. Au Sénégal, il s’agit plutôt de migrants de retour
d’Italie. Les droits de douane sont cependant élevés dans les deux pays, l’importation de fripes étant par exemple taxée au Sénégal à plus de 50 % de leur valeur.
Les marchandises transitent alors par d’autres ports de l’espace ouest-africain
dont les conditions fiscales et tarifaires sont plus favorables – celui de Banjul
(Gambie) pour le Sénégal, ceux de Tema au Ghana ou de Cotonou au Bénin pour
la Côte d’Ivoire –, et à partir desquels les importateurs affrètent des camions pour
le pays de destination. Par ailleurs, l’interdiction de vendre la fripe au Nigeria
explique les mouvements au Bénin voisin et le développement de flux à partir de
ce pays vers le Ghana et la Côte d’Ivoire. C’est aussi l’époque où à la fois le
nombre d’intermédiaires et les lieux de vente se multiplient. Semi-grossistes et
détaillants envahissent les marchés des deux capitales, des villes secondaires et
des villages.
Depuis la « transition » de 2000 en Côte d’Ivoire et l’apparition de troubles
politiques récurrents à partir de 2002, le commerce de fripes semble se stabiliser.
En dépit du fait qu’il est de plus en plus problématique de passer, dans un sens
comme dans l’autre, la frontière ivoiro-ghanéenne 6 et d’opérer des transactions
au port d’Abidjan, les fripiers continuent d’approvisionner une population affaiblie par la crise. Les Chinois n’ont pas encore investi le créneau de l’habillement
en Côte d’Ivoire. En revanche, au Sénégal, le déclin de la fripe est annoncé :
entre 2000 et 2005, selon les chiffres fournis par les Douanes sénégalaises, les
importations annuelles ont baissé de façon continue, passant de 7 600 à 6 031
tonnes. Ici, la concurrence des entrées de prêt-à-porter neuf chinois explique, en
partie, cette tendance ; les importations déguisées opérées par des Sénégalais
s’improvisant importateurs, notamment des émigrés résidant en Europe, ralentissent aussi considérablement les perspectives de développement de la filière.
2 – La fripe au Cap-Vert : à l’usage du « bidon »
À la différence de ce qui se passe en Côte-d’Ivoire ou au Sénégal, au Cap-Vert,
le commerce de la fripe est depuis longtemps une affaire de famille dont le
fonctionnement mérite d’être éclairé.
5 - Entretien S. BREDELOUP, 17 janvier 2001.
6 - « Abidjan-Noé, sur la route du racket », Le Temps, 15/06/2005.
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La fripe est associée à un objet, le bidon, c’est-à-dire au contenant dans lequel
la marchandise est regroupée. Ces cylindres de 200 litres, métalliques ou en
plastique, qui ont contenu des huiles alimentaires, sont nettoyés puis recyclés par
les commerçants pour stocker les vêtements usagés proposés à la vente. Le bidon
est lié aux voyages, à ceux qu’effectuaient les Capverdiens lorsqu’ils étaient
embauchés comme marins, dès le XVIIe siècle, sur les baleiniers américains qui
pêchaient dans les eaux du Cap-Vert. Des fûts étaient alors utilisés pour stocker le
poisson. L’habitude a été gardée et réadaptée par les Capverdiens pour conserver, dans chaque maison, les quelques richesses présentes (les grains, le maïs en
particulier) : c’étaient des fûts en bois, sortes de tonneaux cerclés de métal qui
étaient appelés tampos ou tambours. En cas de coups durs, fréquents dans ce
pays miné par les famines, les Capverdiens revendaient ce qu’ils contenaient. Au
temps de l’esclavage, ils s’en servaient aussi pour racheter auprès des maîtres leur
liberté. Aujourd’hui, dans les maisons, ces tambours, ces bidons, ces coffres-forts
qui ne disent pas leur nom, sont recouverts d’une nappe et remplacent le
guéridon, symbolisant le lien affectif entre la société – les femmes notamment qui
ne peuvent s’en séparer – et cet objet. Le bidon devient prolongement de soi et
les relations qu’entretiennent les commerçantes avec cet objet participent d’une
nouvelle culture matérielle (WARNIER, 1999).
Le tampo a acquis une dimension supplémentaire lorsque les Capverdiens ont
commencé à s’installer aux États-Unis. Après avoir travaillé à bord des baleiniers,
les premiers migrants capverdiens se sont implantés sur la côte est-américaine, en
particulier autour de New-Bedford (HALTER, 1993). Les départs vers ce pays se
sont intensifiés à partir de 1820. Avec la consolidation des liens entre les deux
communautés, avec le développement des transports maritimes puis aériens au
e
XX siècle, les fûts ont été réutilisés pour envoyer aux familles des biens d’origine
américaine : produits alimentaires comme le café, draps, couvertures, chaussures, etc. (LOPES TAVARES, 1992). Les vêtements d’occasion issus d’œuvres charitables (comme Goodwill) ont, dans un premier temps, complété les bidons,
mélangés à d’autres produits plus recherchés 7. Souvent la fripe servait de contenant pour empaqueter d’autres objets plutôt que de contenu. Les fripes réceptionnées par les familles étaient revendues en cas de difficultés. Ce n’est que
récemment, à compter de la libéralisation des années 1990, qu’elles sont devenues des marchandises à part entière et ont été, plus systématiquement, mises en
vente sur les pas de porte des maisons. Une commerçante capverdienne rencontrée à Praia précise : « il est très difficile de trouver un Capverdien qui ne “fait” pas
le bidon en plus de son travail » 8. Le commerce des fripes a alors pris de
l’ampleur et est devenu une activité commerciale pour quelques grossistes ayant
pignon sur rue dans les quartiers de la capitale (île de Santiago) ou de Mindelo
(île de Sao Vicente). Par ailleurs, des femmes se rendent en groupe au Brésil d’où
elles rapportent des marchandises, neuves ou usagées, qu’elles vendent sur les
marchés ou chez elles, dans leurs familles. Comme dans les autres pays étudiés,
au Cap-Vert, la fripe est arrivée à un tournant de son évolution : la concurrence
7 - Aujourd’hui encore, d’autres produits plus ou moins licites (drogues notamment) sont cachés
dans les ballots ou les bidons estampillés fripes. Au Cameroun également, la fripe est devenue un
emballage pour divers produits de contrebande. Une fois qu’elle a perdu sa fonction de contenant,
elle est revendue à prix sacrifiés (Marchés Tropicaux et Méditerranéens, n° 2879, 12/01/2001).
8 - Entretien S. BREDELOUP et J. LOMBARD, 11 janvier 2006.
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Mort de la fripe en Afrique ou fin d’un cycle ?
des produits chinois détourne les consommateurs de ce type d’articles et, par
contrecoup, affaiblit les importateurs de fripes qui se plaignent d’une dégradation
de leur activité.
Pour autant, si la fripe décline au Cap-Vert, le bidon lui, en véritable institution, résiste : dès lors qu’il se remplit d’autres marchandises, il renaît. « C’est une
culture qui ne peut finir » fait remarquer une commerçante rencontrée au marché
Sucupira de Praia 9. Dans ce pays, le contenant, ce bidon métallique inusable,
semble en permanence primer sur le contenu, alors qu’en Côte d’Ivoire et au
Sénégal, le ballot, enveloppe plastique dont l’usage s’est généralisé dans le
milieu, ne revêt aucune signification particulière aux yeux des consommateurs.
Une fois découpées, les feuilles de plastiques qui composent l’enveloppe sont
laissées à même le sol : en certains lieux, dès la fin du marché, elles jonchent les
rues sur des centaines de mètres. La dimension éphémère du ballot illustre la
volatilité d’un secteur très concurrentiel et à l’avenir incertain.
3 – À l’ère de la « crise » : comment la fripe devient
responsable de tous les maux
La plupart des analyses menées en Afrique sur ce produit ont été réalisées en
plein boom du secteur. Elles insistent précisément sur la montée en puissance du
phénomène dans la décennie 1990, ainsi que sur son explosion depuis l’appauvrissement notable d’une partie de la population africaine, consécutive à l’adoption des plans d’ajustements structurels et à la dévaluation du franc CFA. Les
auteurs mettent en relation l’expansion de la fripe, le déclin des industries textiles
locales et l’absence de politiques protectionnistes nationales. En Zambie, l’essor
fulgurant de la fripe a eu lieu avec l’avènement de la Troisième république (1992),
dans un contexte marqué par la libéralisation de la vie économique et politique.
Les taxes sur les importations ont été supprimées au milieu des années 1990,
favorisant, outre les exportateurs américains de produits de seconde main,
l’entrée des producteurs du sud-est asiatique sur le marché local du textile
imprimé (TRANBERG HANSEN, 2000). L’importation de vêtements usagés aurait
causé, selon le secrétaire de la Fédération des travailleurs du textile, la perte de
12 000 emplois dans le secteur 10. En Ouganda, les industries textiles locales
auraient licencié 5 000 salariés ; au Nigeria, 7 000 emplois auraient été également
supprimés ; au Zimbabwe 20 000. Au Cameroun, K. FODOUOP associe également
l’effondrement de l’industrie de la confection et des chaussures au développement de la fripe. En 2004, sur un total de près de 3 millions de travailleurs urbains
recensés dans le pays, il estime à plus de 160 000 le nombre d’individus exerçant
dans le secteur, dont une partie proviendrait des licenciés de l’industrie textile
(FODOUOP, 2005). Assurément, l’industrie textile en Afrique traverse une crise
sérieuse, mais il semble exagéré de croire que, seul, l’essor de la fripe puisse
l’expliquer. Dans la plupart des pays africains, l’appareil de production local, mal
entretenu, est devenu vétuste voire obsolète. En lien avec le désengagement des
États et dans un contexte d’ajustement structurel contraignant, la gestion des
9 - Entretien S. BREDELOUP et J. LOMBARD, 11 janvier 2006.
10 - Marianne, n° 186, 13 au 20/11/2000.
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entreprises est apparue largement déficiente et leur compétitivité a notablement
décru 11.
4 – Quand la fripe est attaquée par l’industrie textile chinoise
À partir de l’exemple camerounais, E. ESOH met en lumière la progression
rapide du commerce chinois à Douala et à Yaoundé au seuil des années 2000
(ESOH, 2005). La presse camerounaise conforte le propos et établit des liens entre
l’essor du prêt-à-porter fabriqué en Chine et la désaffection pour la fripe. Des
femmes trouvent plus avantageux de pouvoir désormais habiller leurs enfants et
décorer leur maison à moindre coût car « cela permet d’éviter d’aller au marché
nous bousculer dans la friperie, au risque d’y attraper toutes sortes de maladies » 12. Au Sénégal comme dans la plupart des pays d’Afrique de l’Ouest et du
Nord, les vêtements fabriqués en Chine inondent les marchés et les boutiques
des grandes villes au détriment de la friperie (BERTONCELLO et BREDELOUP, 2006).
Si, tout au long du XXe siècle, la place de la fripe a progressé dans les économies
nationales et les consommations des Africains, aujourd’hui, alors qu’elle reste
visible et parfois envahissante dans les rues des capitales, l’intérêt que lui portent
les consommateurs urbains et ruraux commence à décliner. La valeur affective qui
lui était attribuée sur le continent africain s’est déplacée vers d’autres produits
vestimentaires, neufs de surcroît, entraînant une désaffection progressive.
Ce que le vêtement a vécu et vit encore en Europe, à savoir une transformation de son usage, ne doit pas être nécessairement envisagé dans les mêmes
termes en Afrique, au prétexte que ce continent est supposé absorber, sans
limites, les occasions venues d’ailleurs. Un même usage ne préjuge pas de la
valeur symbolique ou affective de l’objet. La fripe peut connaître une deuxième
fin de vie (GOURDON, PERRIN, TARRIUS, 1995).
II – COMMENT LA FRIPE RECYCLE LA MIGRATION
ET LA PRÉCARITÉ
Produit de seconde main, la fripe ne fait pas l’objet d’un monopole d’importation et de distribution de la part de grandes sociétés industrielles ou commerciales du Nord qui trouveraient en elle une source de croissance et de profit. La
filière est plutôt investie par une multitude d’intervenants, aux statuts très divers
et à la surface financière très inégale. Ce qui structure en premier lieu le milieu,
c’est la capacité des opérateurs à pouvoir interagir sur différents espaces à la fois,
dans les lieux d’export comme dans les lieux d’import. Les migrants internationaux ou encore les nationaux d’origine étrangère constituent les principaux
acteurs de ce commerce. En second lieu, la revente de fripes concerne des
individus en quête de revenus qu’ils ne trouvent pas ou plus ailleurs, déscolarisés
ou encore victimes des privatisations de sociétés, « déflatés », chômeurs.
11 - Pour le Sénégal, voir les documents de la Mission économique française à Dakar et notamment
la lettre régionale n° 3 de mars 2003 ; pour la Zambie, voir TRANBERG HANSEN (2000) sur les mauvaises
performances des usines textiles locales attribuées à l’essor de la fripe.
12 - Le Messager, 22/12/2004.
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JOBNAME: No Job Name PAGE: 9 SESS: 24 OUTPUT: Wed Jun 18 10:14:15 2008
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Mort de la fripe en Afrique ou fin d’un cycle ?
1 – Des migrants devenus importateurs de fripes
L’essor de la revente de fripes au Sud a permis à des migrants de revenir au
pays et d’y développer une activité économique. Le Cap-Vert, la Côte d’Ivoire et le
Sénégal ont en commun des itinéraires d’hommes et de femmes désireux de
réinvestir dans leur lieu d’origine. Au Cap-Vert, d’anciens émigrés, pour l’essentiel originaires des îles de Brava et Fogo et rentrés de Boston à la fin des années
1980, ont débuté leur négoce, comme les autres, en vendant des bidons sur les
trottoirs des villes de l’archipel. Ce n’est que progressivement qu’ils ont ouvert
des locaux spécialisés dans la vente de fripes importées. En Côte-d’Ivoire, le
premier importateur signalé au début des années 2000 vivait entre l’Italie et
Abidjan. Au Sénégal, l’initiateur de la filière avait d’abord fait affaire dans le
négoce des pierres précieuses du côté de Kinshasa avant de reconfigurer, de
retour au pays, son activité commerciale.
Avec la fripe, ces migrants connectent des lieux de vie éloignés les uns des
autres. Plus que les autres catégories de personnes, les migrants internationaux
disposent d’opportunités sérieuses pour s’impliquer dans des filières commerciales dont les racines sont situées dans leur pays d’accueil et les marchés dans
leur pays d’origine. Ils sont notamment compétents pour recycler des produits
dont la première vie est achevée et dont la seconde est possible ailleurs, dans un
autre lieu de la planète. Le changement de lieu, de culture autoriserait plus
facilement un changement de valeur. Vêtements et linges de seconde main,
voitures et réfrigérateurs d’occasion, vieux ordinateurs, matériels médicaux obsolètes revivent dans les pays pauvres du globe, à l’initiative non exclusive des
migrants, hommes et femmes de plus en plus habitués, depuis la modernisation
des transports, à transcender les frontières nationales. Incontestablement, ces
opérateurs disposent d’un potentiel de maîtrise du marché, de ses évolutions
locales et des fournisseurs internationaux : ils ont développé des réseaux en
Europe ou aux États-Unis, où ils se sont rapprochés de collecteurs de fripes. Par
leurs allers et retours fréquents, ils repèrent les débouchés potentiels dans leur
pays d’origine et intègrent les conditions juridiques et administratives d’exercice
de l’activité. Ils possèdent des atouts que d’autres n’ont pas.
Par souci de diversification, la revente de fripes a aussi permis à des étrangers
ou à des nationaux d’origine étrangère, présents dans les pays d’Afrique de
l’Ouest, d’asseoir localement leur implantation et de conforter leurs positions
dans l’import-export, au moment même où elles se trouvaient fragilisées par le
contexte économique local. On pense en particulier aux Libanais qui, depuis
l’époque coloniale (LABAKI, 1993), dans un grand nombre de pays d’Afrique de
l’Ouest, ont joué le rôle d’intermédiaire pour les sociétés européennes de commerce, collectant l’arachide ou le café et le cacao jusque dans les zones les plus
reculées, et distribuant en échange des produits manufacturés dans de petites
boutiques. Ils ont vu leur monopole commercial menacé, surtout au Sénégal, par
la montée en puissance de commerçants autochtones. Leurs activités traditionnelles ont été fortement perturbées par l’arrivée de nouveaux acteurs performants, tels que les Sénégalais appartenant à la confrérie musulmane mouride,
installés au marché Sandaga de Dakar (EBIN, 1992). Ces derniers, anciennement
agriculteurs, s’appuient sur une même éthique, prônant les vertus du travail et de
la prière pour s’implanter dans les grandes villes et investir avec succès le créneau
de l’import-export.
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Sylvie BREDELOUP, Jérôme LOMBARD
Dakar : A.M., le principal importateur d’origine libanaise 13
Dans un entrepôt situé dans le quartier populaire de Fass, des ballots de fripes,
étiquetés par type de marchandises, s’amoncellent sur le sol. Au fond du hangar,
un bureau. Accrochées au mur, les photos de Serigne SALIOU MBACKÉ, le Khalife
général des Mourides ; sur la table, devant le patron, les feuilles hebdomadaires
de comptabilité s’entassent, à l’ancienne : tout est fait et écrit à la main, il n’y a pas
d’ordinateur.
A.M. a près de 70 ans. Son père s’est installé au Sénégal en 1936. Comme d’autres
Libanais, il est arrivé à Dakar en croyant qu’il débarquait aux États-Unis. A.M. a
exercé tous les métiers : chauffeur, pêcheur, transporteur, commerçant, etc. Il
devient boutiquier dans les années 1950, à la suite de son père. En 1960, il rachète
à crédit une droguerie à des Français. Outre un prêt bancaire, il obtient une aide
financière de son beau-frère résidant à Nouakchott en Mauritanie. Vingt ans plus
tard, il ouvre une société d’import-export de pièces automobiles qui devient le
numéro un du secteur au Sénégal. C’est seulement à partir de 1990 qu’A.M. se
lance dans le commerce de fripes importées, s’associant avec un autre Libanais de
Dakar. Il débute en tant qu’importateur « quotataire » : « Comme Libanais, il n’y
avait que nous, d’autres ont essayé mais n’ont pas tenu le coup ». Les débuts ont
été durs : « C’est vraiment une profession, la friperie. Je me suis trompé lors de
mes premières importations, par exemple le fournisseur m’avait envoyé 30 balles
de chemises Oxford White, je voulais même qu’il m’en mette plus, et pourtant les
chemises blanches n’ont pas du tout marché ici... ». À la libéralisation des importations en 1996, les fripiers sont une cinquantaine mais beaucoup ne tardent pas à
abandonner. C’est alors que les émigrés, notamment ceux en provenance d’Italie,
se positionnent sur le créneau et accaparent le secteur, renouvelant les conditions de l’offre. Le prix du ballot diminue, passant de 67 000 à 55 000 francs CFA,
et la fripe de second choix remplace peu à peu la « crème ». La filière se recompose et, en 2001, les grands importateurs ne sont plus que quatre. A.M. devient le
leader du marché. Il fait entrer alors, à cette époque, quatre containers de vingt
pieds chacun (dix tonnes) par mois et emploie six salariés.
Installé aux États-Unis, son principal fournisseur, un neveu, assure un premier
triage de la marchandise. Pour améliorer sa rentabilité, A.M. envisage en 2001 de
créer sa propre usine de triage à Dakar et importe à cette occasion les premières
machines de tri. Mais, ne pouvant s’appuyer sur des hommes de confiance pour
suivre l’énorme potentiel du marché africain, il ne concrétise ni son projet ni celui
qui consistait en une transformation des déchets de la fripe à usage de serpillières.
Son réseau de distribution s’étend à tout le pays et comprend une quarantaine de
demi-grossistes de Dakar et des villes de l’intérieur. A.M. exporte aussi dans les
pays voisins, en Guinée-Bissau, en Mauritanie (même si ces pays disposent de
plus en plus de leurs propres importateurs), en Gambie (où il possède un
entrepôt).
En janvier 2006, si A.M. demeure la figure dominante du secteur, son activité
connaît néanmoins un ralentissement notable. Il attribue cette régression à la fois
à la concurrence des vêtements neufs d’origine chinoise qui inondent le marché
et à l’entrée en compétition illégale des émigrés qui proposent des fripes de
moindre qualité. La météo est aussi incriminée et, dans les chaleurs de janvier, le
« lourd » (pulls, chemises, manteaux et autres anoraks) se vend mal. Les discours
très nostalgiques d’A.M. laissent à penser que ce dernier reste tourné vers le passé
et que l’avenir de sa société est compromis.
13 - Entretiens S. BAVA, S. BREDELOUP et J. LOMBARD, février et novembre 2001, janvier 2006.
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Mort de la fripe en Afrique ou fin d’un cycle ?
Les Libanais d’Abidjan ont investi le secteur de la fripe plus tardivement que
leurs parents de Dakar. Ils ont été devancés par des ressortissants d’Afrique
anglophone, nigérians, ghanéens, mais aussi par des Guinéens et des Nigériens,
qui avaient profité de l’absence des Ivoiriens sur le marché pour élargir leurs
réseaux transnationaux, jouant des frontières, notamment juridiques et monétaires, pour exporter leur savoir-faire dans un pays où le négoce de la fripe était
interdit par le gouvernement.
Entre Florence et Abidjan : parcours de Y.S., grossiste ivoirien 14
Après des études supérieures de commerce suivies en Italie et l’exercice de
divers emplois en tant qu’agent commercial, Y.S. est recruté – toujours dans
la péninsule – chez un exportateur de fripes. C’est dans cette société qu’il fait
ses armes, démarchant des clients et négociant des contrats dans les pays
africains (Nigeria, Ghana, Cameroun, Bénin, etc.) concernés par ce commerce. Depuis 1994, il a ouvert une entreprise d’importation de fripes dans la
capitale économique ivoirienne ainsi qu’une dizaine de succursales dans les
villes de l’intérieur, notamment à Bouaké, Daloa, San Pédro et Soubré, gérées
par des membres de sa famille élargie. Ses deux fournisseurs italiens exportent, par les ports de Gênes et de Livourne, la marchandise qui n’est pas
encore nettoyée ni désinfectée. En 2001, il réceptionne 360 tonnes de
deuxième choix au port d’Abidjan. Une grande partie des balles est redistribuée à partir de ses magasins disséminés dans le pays. Y.S. regrette l’époque
de la « quotation », lorsque les importateurs dont il faisait déjà partie n’étaient
qu’une quinzaine : Libanais, Ivoiriens, Nigérians et plus discrètement Ghanéens. « Avec le système des quotas, tout se passait bien, l’État pouvait
contrôler le circuit, je pouvais transporter jusqu’à 500 tonnes ». Depuis la
libéralisation, le nombre d’importateurs étrangers a augmenté avec l’entrée
en scène des Haoussa du Niger. « Depuis cette époque, en 1997 ou 1998, rien
ne marche. Les anglophones ne sont jamais en règle. Ils traversent le fleuve
avec des pirogues, ils passent par la brousse pour faire rentrer la marchandise
frauduleusement en Côte d’Ivoire. Et les Libanais, pour ne pas payer
d’impôts, changent de nom sur les papiers en faisant croire qu’ils ont abandonné la friperie ». La libéralisation ne s’est pas accompagnée d’une structuration de la profession et les plus grands importateurs déplorent de n’avoir
pu mettre en place un syndicat défendant leurs positions. Pour assurer ses
arrières, Y.S., pourtant considéré comme l’un des plus importants de la place,
a créé en Italie une entreprise de matériaux de construction ainsi qu’une
antenne à Abidjan. Si sa nationalité italienne lui a permis d’être ici et là-bas et
d’expérimenter au quotidien le transnationalisme dans une période troublée,
elle n’a pas suffi à assurer la pérennité de ses affaires.
Au Cap-Vert, le commerce de la fripe est porté par les émigrés installés aux
États-Unis, qui ont su profiter des réseaux de communication et de transport
développés entre les deux pays.
14 - Entretien S. BREDELOUP, 7 mars 2001.
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Sylvie BREDELOUP, Jérôme LOMBARD
Des bidons, toujours plus de bidons ou comment un couple
d’importateurs capverdiens s’internationalise 15
Dans les faubourgs en construction de Praia, en plein cœur d’un quartier
résidentiel de moyen standing, le hangar de L.A. et de son mari occupe toute
une parcelle. Les bidons ont disparu ; la fripe est rangée sur des cintres ou
entreposée à même le sol. Alors que son mari s’occupe de collecter les
vêtements usagés à Boston, aussi bien auprès de magasins spécialisés que
d’institutions caritatives, et à organiser la future expédition, L.A. reçoit dans
son bureau des clients, particuliers et demi-grossistes, qui vont revendre la
marchandise à Sucupira ou dans l’île de Santiago. Sitôt informé de l’arrivée
imminente à Praia du bateau transportant les bidons, le mari ou la femme, à
tour de rôle, quitte les États-Unis pour aller réceptionner la fripe et la mettre
en vente dans le hangar. Ce système expérimenté par le couple garantit la
commercialisation régulière des used clothes, selon une fréquence de quatre
voyages par an sur la seule compagnie maritime qui assure les rotations entre
les États-Unis et le Cap-Vert.
À l’exemple d’autres ressortissants de Fogo, l’île voisine, la famille de L.A. a
émigré depuis longtemps aux États-Unis, testant diverses possibilités d’insertion professionnelle après un premier détour par le Portugal, ancienne puissance colonisatrice. C’est en 1976 qu’elle ouvre un supermarché dans un
quartier populaire de Boston. Sept ans plus tard, alors que les braquages se
multiplient aux alentours, elle décide de fermer son magasin. Tandis que les
trois enfants s’intègrent dans le monde du travail américain, le couple, quant
à lui, mûrit une nouvelle stratégie économique qui lui permet de connecter
durablement les deux rives de l’Atlantique tout en consolidant son activité
d’import-export.
Toutefois, l’arrivée récente des commerçants chinois à Santiago pourrait
remettre en question la situation monopolistique de cette affaire familiale.
2 – La condition de détaillant de fripes
La fripe constitue une niche économique ; elle demande des compétences
limitées et des moyens financiers réduits et permet ainsi aux citadins les plus
précaires de compenser un déclassement ou de démarrer dans la vie active. Les
uns s’improvisent détaillants parce que rapidement déscolarisés, d’autres terminent à peine l’apprentissage d’un métier d’artisan (plombier, menuisier, couturier, mécanicien, etc.) qu’ils basculent dans le commerce des vêtements usagers.
D’autres encore, jeunes diplômés sans emploi, mères de famille en quête de
ressources complémentaires ou épouses de chômeurs, se saisissent de cette
opportunité. Aïssa, jeune Sénégalaise, se rend chaque samedi matin au grand
marché du Front de Terre, à Dakar, pour écouler sa fripe, des draps, des couvertures et des rideaux, de piètre qualité, provenant d’Italie et qu’elle a achetés en
une balle de 50 kg chez un grossiste de Colobane. En 2001, cela fait déjà dix ans
qu’elle exerce ce métier, mais seulement deux ans qu’elle intègre le marché du
15 - Entretien S. BREDELOUP et J. LOMBARD, 12 janvier 2006.
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Mort de la fripe en Afrique ou fin d’un cycle ?
Front de Terre dans sa tournée hebdomadaire. Dimanche, elle est installée à
Pikine, lundi aux Parcelles Assainies, mardi à Rufisque, jeudi à Gueule Tapée et
vendredi au boulevard Faidherbe (carte 1). Mercredi c’est jour de repos. Mais elle
se dit « fatiguée » de la fripe, « fatiguée » de sa difficulté à faire vivre ses quatre
enfants et son mari récemment licencié d’une usine de la place.
Carte 1 – Marchés de fripes dans l’agglomération urbaine de Dakar
N
Parcelles assainies
Guédiawaye
Pikine
Front de Terre
Rufisque
LÉGENDE
Gueule Tapée
Espaces bâtis et voiries
Boulevard Faidherbe
2 km
Limites communales
Marché hedomadaire
de fripes
Source : Fonds DTGC (Sénégal).
La fripe est aussi une source de revenus pour les migrants internationaux en
attente d’un nouveau départ. Pour reconstituer leur pécule, de jeunes Sénégalais,
en transit au Cap-Vert et dans l’attente d’un passage vers les îles Canaries,
retaillent la fripe aux abords du « marché aux bidons » de Sucupira. Dans la même
logique, des Nigérians font une halte à Abidjan dans l’espoir de « gagner le billet »
et de rejoindre la Grande-Bretagne ou les États-Unis. De l’ethnie Ibo, ressortissants principalement des États du sud-est du Nigeria (Imo et Abia), ces derniers
écoulent également des vêtements usagés à Marcory, où ils ont tissé des liens
avec des compatriotes nés en Côte d’Ivoire ou implantés de longue date. Certains
ont été exclus très vite du système scolaire, alors que d’autres sont diplômés de
l’enseignement technique ou supérieur. Jonas, âgé de 33 ans au moment de
l’enquête, explique qu’après avoir interrompu le lycée à Lagos il rejoint des
parents au Gabon en 1997. Il travaille comme aide familial dans la fripe sur le
marché de Gomboté à Libreville pendant une année. Puis il rentre à Lagos pour
préparer un nouveau départ, cette fois-ci vers la Côte d’Ivoire. C’est en juin 1998
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Sylvie BREDELOUP, Jérôme LOMBARD
qu’il s’installe au grand marché de Marcory à Abidjan. Il exerce son savoir-faire
dans la friperie pour un parent avant de prendre son indépendance en 2000.
En 2000, avant les fortes turbulences politiques, à Abidjan, les Nigérians (26 %
de l’échantillon interrogé) arrivaient sur le marché du détail en deuxième position derrière les nationaux (38 % de l’échantillon). À l’inverse, les Ghanéens, les
Togolais et, dans une moindre mesure, les Haoussas du Niger se sont pour partie
retirés des affaires depuis la multiplication des contrôles aux frontières et la
libéralisation des importations. Quant aux Ivoiriens, exhortés par leurs gouvernements successifs (BÉDIÉ, GUEÏ, GBAGBO) 16 à reprendre en main le commerce
local, secteur accaparé par les étrangers, ils sont de plus en plus nombreux à
intégrer dans leur parcours professionnel la vente de fripes. Parallèlement,
d’autres encore, aux itinéraires moins hasardeux et au capital social plus développé, ambitionnent de réussir dans ce secteur d’activité et de valoriser ainsi la
figure du commerçant ivoirien. C’est ainsi qu’Abel a délaissé son activité de
chauffeur de taxi en 1997 pour se lancer dans le commerce au détail de la fripe.
Dans un premier temps, il est parti s’approvisionner à Elubo, à plus de deux cents
kilomètres d’Abidjan, dans la première ville ghanéenne après la frontière. Mais les
rackets récurrents des policiers, gendarmes et douaniers ivoiriens, qui se sont
exacerbés depuis le premier coup d’État de décembre 1999, l’ont incité, au même
titre que ses compatriotes, à réceptionner la marchandise directement auprès des
grossistes ghanéens installés sur les marchés d’Abidjan, aussi bien à Yopougon
Kouté qu’à Adjamé (Shopping Abrogoua) et Treichville (carte 2). Abel, devenu
président de la corporation sur le marché de Marcory, incite les commerçants
ivoiriens à investir avec force et ambition le secteur : « On n’est plus là pour
stationner mais pour réussir dans le commerce comme Amadou DIALLO, qui est
un grand homme mais un étranger naturalisé » 17. Depuis 1996, une nouvelle
politique d’insertion des Ivoiriens dans le commerce est conduite, donnant lieu
régulièrement à des débordements. Plus radicalement encore, des jeunes ivoiriens désœuvrés regroupés notamment au sein de l’association Jeunesse ivoirienne debout (JID), créée à Abidjan à l’aube de la Deuxième république, ont
interpellé les nouvelles autorités et réclamé un accès prioritaire à l’emploi. Au
lendemain du putsch avorté des 7 et 8 janvier 2001, au cours duquel des ressortissants étrangers furent mis en cause par le gouvernement, les membres de JID
prirent d’assaut la zone industrielle de Koumassi ou encore se ruèrent sur les
locaux du Port autonome d’Abidjan et exigèrent une insertion rapide dans la vie
économique (BREDELOUP, 2002).
16 - « Il est anormal que notre commerce de gros et de détail soit retombé en grande partie entre
les mains étrangères [...] Les Ivoiriens seront aussi des commerçants » (voir le discours du Président
BÉDIÉ à l’occasion des 50 ans du PDCI, Fraternité Matin, 08/05/1996). En 2001, le gouvernement de la
Deuxième république entend faire du problème du chômage une de ses préoccupations essentielles
en vue d’amorcer sa politique de « refondation » de la Côte d’Ivoire. « Trouver des emplois aux
Ivoiriens, un point, un trait », annonce vigoureusement à cette occasion le Président L. GBAGBO
(Fraternité Matin, 19/01/2001).
17 - Entretien S. BREDELOUP, 3 mars 2001.
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Mort de la fripe en Afrique ou fin d’un cycle ?
Carte 2 – Les grands marchés de la fripe dans le district d’Abidjan
Anyama
Abobo
Lagune Aghien
Forêt du
Banco
Bingerville
LÉGENDE
Yopougon
Adjamé
Attecoubé
Cocody
Voie ferrée
Plateau
Marcory
Lagune Ebrié
Treichville
Principaux axes routiers
Lagune Ebrié
Grand marché de fripes
Koumassi
Ile Boulay
Port Bouët
Golfe de Guinée
4 km
Source : Fonds J.-F. Steck.
Tous ces opérateurs ont développé des parcours professionnels beaucoup
moins linéaires que la dynamique du commerce de fripes ne le laisse supposer.
Anciens émigrés, ils ont connu de multiples expériences commerciales, dans leur
pays ou à l’extérieur. Ils sont aussi d’origine étrangère tout en ayant la nationalité
locale ou vécu longtemps dans le pays d’accueil. Ils sont proches des pouvoirs en
place qui leur ont servi de caution pour développer l’activité ; ils ont parfois des
intérêts dans l’industrie textile locale ; comme ils peuvent avoir multiplié les
petits métiers sans jamais parvenir à accumuler un capital suffisant pour sortir de
la précarité. En d’autres termes, il n’y a pas un commerçant type, une catégorie
d’opérateurs homogène, mais des individus qui jouent des proximités et des
porosités entre les différentes activités commerciales, au gré des opportunités et
de la conjoncture.
III – QUAND « L’OCCASE » FAIT LA VILLE
Selon une stratégie qu’on pourrait qualifier de « paradoxale » au sens où
l’entend Y. BAREL, les collectivités locales, tout en stigmatisant la fripe dans
l’espace urbain, pointant le désordre et la pollution qu’elle génère, contribuent à
son développement dans la perspective d’accroître leurs ressources.
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Sylvie BREDELOUP, Jérôme LOMBARD
1 – Les territoires de la fripe
Les espaces de vente spécifiques ou marchés hebdomadaires, créés à l’initiative des commerçants et contrôlés par les autorités municipales ou coutumières
pour écouler les articles de friperie, connaissent un franc succès auprès d’une
clientèle appauvrie. De ces lieux publics la fripe déborde. À Praia, du pourtour du
marché Sucupira situé en contrebas, les bidons de fripes montent à l’assaut du
« Plateau », centre politique et économique du Cap-Vert, sans parvenir à y pénétrer. Les vendeuses essaiment le long des ruelles, empiétant sur les axes de
circulation. Dans les quartiers de Dakar ou d’Abidjan, en colonisant les surfaces
dévolues aux habitations, aux espaces et aux équipements publics, les fripiers
installés en masse sur les marchés hebdomadaires participent à la transformation
de l’environnement, créant des tensions avec les riverains et alimentant l’impression d’une insécurité, d’une insalubrité et d’un désordre croissants. À Dakar en
particulier, la plupart des routes goudronnées directement raccordées aux marchés sont devenues inaccessibles en voiture ; les écoles et les mosquées sont
ceinturées par le développement du commerce de détail, quand ces infrastructures ne sont pas elles-mêmes transformées en décharges sauvages.
Le territoire de la fripe se déforme au gré du temps contribuant à l’émergence de
nouveaux rythmes dans la ville. Le caractère hebdomadaire et donc discontinu de
l’activité commerciale marque d’une autre manière les temporalités dans l’espace
urbain. À l’heure de la fripe, quartier par quartier, jour après jour, la ville s’éveille
puis s’éteint, avec les ventes de vêtements et autres serviettes, chaussures et draps.
Dakar, avenue du Front de Terre 18
Le marché de fripes du Front de Terre a lieu tous les samedis et s’étire sur plus de
500 mètres. La rue est couverte d’attaches métalliques servant à encercler les ballots
de fripes. Les vendeurs sont installés de part et d’autre d’une allée centrale ; les clients
déambulent entre les rangées de commerçants qui, sous des parasols, sur des portants ou à même le sol, proposent les produits triés par catégories : des stands de
vêtements pour enfants alternent avec d’autres de sous-vêtements, de linge de maison, de chaussures et de sacs. S’y mêlent aussi quelques marchandes d’articles neufs –
pagnes africains, bijoux ou tongs. Les jeans, produit international, sont omniprésents.
Selon la rumeur, les fripes américaines inondent le marché ; pourtant, les marques
européennes de vêtements presque neufs semblent prédominer. Les prix sont attractifs : des chaussures italiennes en très beau cuir sont proposées à 2 000 francs CFA, les
« soutiens » (pour soutiens-gorge) à 500 francs CFA et beaucoup de vêtements comme
les « flottants » (shorts et maillots de sport) à 200 ou 300 francs CFA. Les vendeurs
achètent à des grossistes de Colobane, le principal marché de gros de la capitale. Les
bonnes pièces, comme les costumes, les chaussures et les chemises à manches
longues, partent tôt dans la matinée pour être écoulées sur d’autres marchés journaliers ou même dans les rues du centre-ville. Certains détaillants plient les habits,
parfois les repassent. Un crieur interpelle les passants : « [...] le verbe regarder, le
verbe demander, sans acheter, ça n’a pas de sens [...] ». Il y a beaucoup de monde,
parfois même des embouteillages dans l’allée. La clientèle est variée, jeunes, vieux,
hommes, femmes, et même quelques Européens ou Nord-américains qui ont le
sentiment de s’encanailler.
18 - Observations S. BAVA, S. BREDELOUP et J. LOMBARD, février et novembre 2001, janvier 2006.
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Mort de la fripe en Afrique ou fin d’un cycle ?
Selon les aménageurs en charge de l’avenir de ces cités qui reprennent à leur
compte le paradigme de la « ville globale », il n’y aurait point de salut en dehors de
la modernisation des infrastructures commerciales, laquelle suppose non seulement l’éradication en centre-ville des marchés urbains, structures dégradées,
sujettes aux incidents et peu rentables pour les communes, mais encore le
« nettoyage » systématique de l’espace public dans l’ensemble des agglomérations 19. Il s’agit de récupérer les trottoirs actuellement envahis par les commerçants ambulants pour les transformer en parkings payants ou en rue piétonne. La
ville (en se privatisant) redeviendrait donc le paradis des consommateurs aisés,
disposant d’une voiture individuelle et ayant les moyens de payer un stationnement. À l’heure de la rhétorique de la gouvernance urbaine, les modèles occidentaux en cours suggèrent une nécessaire « requalification » des centres-villes qui
passerait par la mise en ordre des équipements et la ré-affectation des fonctions
urbaines ; la revalorisation de l’image de la ville s’accompagnant d’une véritable
mise en scène.
Dans cette nouvelle configuration, la fripe, produit d’occasion par excellence,
n’a pas sa place précisément parce qu’elle contribue à la dévalorisation de la ville
rêvée par les planificateurs. L’occasion, c’est autant un objet de seconde main
dont « l’utilité communément reconnue serait amoindrie que la transaction ellemême et l’attitude opportuniste qui la rend possible » (SCIARDET, 2003, p. 11).
L’occasion caractérise non seulement l’objet, le contexte commercial mais aussi
les lieux et les temps de la transaction. Autrement dit, par un effet de glissement,
les espaces où se commercialise la fripe sont affectés de la même valeur dépréciative que celle qui est attribuée à l’objet. Rappelons qu’au XVIIe siècle, en France, la
fripe était synonyme de « petite chose sans valeur ». Du vêtement d’occasion,
usagé, dégradé, souillé et destiné pour l’essentiel à une population précarisée, il
est facile pour l’aménageur de glisser vers la ville d’occasion. Vêtements de
seconde main, ville de seconde zone, il n’y a qu’un pas que nombre de planificateurs mais aussi de citoyens franchissent sans hésiter. C’est ainsi que le maire du
Plateau d’Abidjan associe les recettes provenant des marchés traditionnels et
notamment du commerce de la fripe à une « source bordélique ». Plus largement,
la fripe serait un facteur de transmission des maladies en provenance de l’Occident et notamment du Sida, elle représenterait un danger pour la santé de ceux
qui la portent. L’Europe et les États-Unis déverseraient sur le continent africain
leurs déchets ou « produits poubelles », transformant du coup les consommateurs « en hommes sans qualité » et les cités qui accueillent ces marchandises en
espaces « dépotoirs ». Dans son travail sur la fripe en Zambie, K. TRANBERG HANSEN
cite les propos d’un chroniqueur de The Weekly Post : « Ne voyons-nous pas qu’il
n’y a qu’un ensemble de choses de seconde qualité autour de nous ? [...] Nous
nous sommes résignés à vivre notre vie de seconde qualité avec des choses de
seconde qualité depuis longtemps » (op. cit., p. 84).
Depuis la décentralisation et la nouvelle partition des responsabilités qui
l’accompagne, les autorités politiques ne se donnent pas véritablement les
moyens de changer de décor, de redorer à leur façon l’image de la cité africaine,
19 - Voir encore récemment les opérations de déguerpissement des trottoirs de Dakar qui ont été
suivies de réactions vives de la part des populations concernées : « Émeutes de Dakar : situons les
responsabilités », Walfadjri, 03/12/2007.
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dès lors qu’elles cautionnent les débordements et étalements dans l’espace municipal. Alors qu’elles favorisent explicitement la « cantinisation » et la privatisation
de l’espace public, moyen efficace d’affirmer leur légitimité (LOMBARD, 2006), on
peut se demander comment elles peuvent sérieusement promouvoir une ville
ordonnée.
2 – Quand la fripe profite aux autorités locales
À Dakar comme à Abidjan, l’augmentation des budgets municipaux dépend
dorénavant du nombre de commerçants imposables. Dans la capitale sénégalaise,
la lutte permanente pour accroître les revenus issus des taxes et droits sur les
marchés prend, depuis 1996, l’allure d’une guerre de patrimoine entre les mairies
d’arrondissement et la ville de Dakar. L’opposition entre les collectivités est
d’autant plus virulente que les responsabilités de chaque instance comme leurs
périmètres d’intervention ont été définis de manière trop imprécise. Du coup, la
gestion concomitante des marchés se révèle au quotidien catastrophique. « Les
mairies se nourrissent des marchés sans gérer les problèmes d’environnement »,
faisait remarquer un commerçant (BREDELOUP, 2005). La dilution des responsabilités a notamment généré, chaque jour de la semaine, la multiplication de ces
marchés de fripes dans différents quartiers. Or ces foires, au prétexte qu’elles
sont temporaires, ne bénéficient d’aucun aménagement de la part des collectivités territoriales. Au prétexte que les commerçants sont en situation précaire, ils
travaillent dans des conditions déplorables tout en étant largement ponctionnés
par des collecteurs plus ou moins légaux.
Dans la capitale ivoirienne, si les marchés hebdomadaires de la friperie sont
en pleine expansion, leur gestion est essentiellement le fait des autorités coutumières. Jouissant d’une extraterritorialité que leur confèrent certaines franchises
vis-à-vis des mairies, les Ebrié ont revendiqué, au seuil des années 1990, la
possibilité de recouvrir eux-mêmes les taxes sur les marchés pour, en retour,
entretenir leur patrimoine villageois. Ils estiment en effet que les autorités municipales ne jouent pas leur rôle de tutelle, n’utilisant pas les ressources fiscales au
service de leurs quartiers. En réaction, dans le village de Kouté sur la commune
de Yopougon, une vingtaine de jeunes – avec l’assentiment de leur chef coutumier – procèdent à la collecte des taxes du marché hebdomadaire. Cette énorme
foire aux fripes qui s’étend par-delà les limites villageoises accueille des centaines
de commerçants itinérants installés à Abidjan mais aussi au Ghana.
Sur le continent africain, pendant plusieurs décennies, non seulement la fripe
a permis aux plus pauvres de s’habiller à moindre frais, mais elle a aussi favorisé la
diffusion des normes occidentales. La fripe symbolise une modernité à la fois
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Mort de la fripe en Afrique ou fin d’un cycle ?
attractive et répulsive. Attractive au même titre que la « sape » 20, parce qu’elle
permet d’accéder, en différé, à la mode internationale ; répulsive parce qu’elle
renvoie à la dépendance récurrente des pays en développement vis-à-vis de
l’Occident. C’est précisément la labilité et l’ambiguïté de son statut qui contribuent à des redéfinitions permanentes de son usage et de sa valeur dans les
sociétés africaines.
C’est aussi parce que la fripe détient la faculté de connaître, dans sa vie,
plusieurs cycles qu’on ne peut préjuger de son évolution. Le même objet peut se
repositionner sur le marché de la consommation à différentes étapes de sa vie,
presque indéfiniment, depuis le moment où il ressort à nouveau attrayant parce
que réparé, transformé, quasi neuf, jusqu’à son plus extrême état d’usure. À ce
stade, dès lors que l’usage de l’objet change, sa mort est consommée. Autrement
dit, la fripe redevenue simple tissu peut mourir comme renaître dans une nouvelle vie à condition que la fibre soit retravaillée, découpée, reteinte pour repartir
dans les marchés du textile, du vêtement, du vintage 21, du papier ou de l’art.
Cette transformation radicale de la fripe en fibre induit un changement d’usage
qui s’accompagne d’une diminution ou d’une augmentation de sa valeur marchande. Juste retour des choses pourrait-on dire : le mot « fripe » provient du bas
latin faluppa ou fibre. Ce qu’on appelle le « lourd », à savoir les manteaux, cabans
et grosses vestes, n’intéresse pas grand monde en l’état. En Inde, on récupère ces
effets et, après les avoir effilochés, on retravaille la fibre pour fabriquer des tapis.
En Europe, l’effilochage est également pratiqué et la fibre utilisée dans l’industrie
automobile pour insonoriser les véhicules.
En Afrique, quel avenir réserve-t-on à la fripe ? Peut-elle être encore recyclée ?
Plusieurs scénarii semblent se profiler. La fripe de troisième voire celle de
deuxième choix, qui inonde le continent africain, a de fortes chances, à terme, de
basculer dans le cycle du chiffon. Quelques importateurs ont déjà envisagé cette
alternative de la « fripe-serpillière », qui ne saurait cependant les sortir de
l’impasse à laquelle semble voué le secteur du vêtement d’occasion. Est-ce plutôt
le temps de la brocante qui advient ? « La crème » devenue plus rare (et donc
précieuse) serait chinée par une clientèle aisée, locale ou expatriée. Alors que la
presse mentionne la présence de femmes « blondes » dans les marchés de fripes,
de leur côté, les guides et sites internet touristiques invitent leur clientèle, pour
entretenir le frisson de l’exotisme, à s’aventurer dans ces lieux habituellement
déconseillés en raison de l‘insécurité qui y règne. Cependant, l’expérience malheureuse tentée par des entrepreneurs ivoiriens pour ouvrir, en plein cœur
d’Abidjan, un « marché aux puces », façon européenne, est là pour tempérer
l’optimisme des promoteurs urbains. La valeur sentimentale qu’attribuent les
Européens aux objets d’occasion ou ayant appartenu aux générations passées, au
prétexte d’une nostalgie pour une période révolue, n’est pas transposable en
Afrique où le vieillissement d’un objet est davantage synonyme de détérioration
que de bonification. On serait tenté de dire : pourquoi s’habiller fripe quand on
peut s’habiller chic ! Si les chemises « de grand-mère » occidentales ont très peu
de chances de trouver une seconde vie en Afrique subsaharienne, la « fripe
neuve », au contraire, ce produit neuf mais vieilli prématurément pour lui donner
20 - Voir à ce propos les travaux de J.-D. GANDOULOU (1989) et de R. BAZENGUISSA (1992).
21 - Les vêtements sont alors « costumisés » pour être relancés dans la mode.
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l’apparence d’un vêtement usagé, pourrait connaître un bel avenir. Sali, délavé,
poncé, gratté, déchiqueté, teint ou passé au four, il est enfin griffé et numéroté
pour être vendu quasiment comme pièce unique new age. Cette transformation
donne au vêtement ainsi re-confectionné une telle valeur marchande que sa
consommation ne pourra concerner qu’une infime minorité de la clientèle citadine et branchée africaine, à supposer d’abord qu’elle soit séduite par cette
provocation marketing.
Face à la concurrence des habits fabriqués en Chine, le deuxième ou le
troisième choix de fripes qui s’adresse à la classe modeste n’a plus d’avenir en
tant que vêtement. L’apparition des produits et des opérateurs chinois dans le
commerce du prêt-à-porter semble indiquer le passage à un autre type de
consommation. Hier encore, entre les habits neufs de l’industrie locale et les
surplus américains ou européens, les consommateurs africains penchaient très
souvent vers les seconds, moins chers ; aujourd’hui, entre les habits neufs de
l’industrie chinoise et les surplus américains ou européens, ils se tournent vers
les premiers, moins onéreux. La fripe correspondait à l’envie de s’habiller avec
des produits durables, de qualité, tout en étant à la mode. Désormais, les « chinoiseries », ces copies en séries du prêt-à-porter mondialisé, habillent les individus
pour un instant (« un jour ou deux », disent les parents), le provisoire et l’ostentatoire ont la côte. Le vêtement chinois condamne à terme la fripe occidentale : si
le temps d’usage du premier est inférieur à celui de la fripe, son faible prix
satisfait, en revanche, des bourses de plus en plus réduites.
La fripe peut-elle renaître un jour en Afrique pour son usage premier, à savoir
un vêtement bon marché, solide ? On peut en douter. La qualité des vêtements se
dégradant, les volumes récupérés dans les pays riches pour la revente sous forme
de fripes ne cessent de diminuer. Les entreprises de recyclage européennes
ferment les unes après les autres, et les associations caritatives accumulent des
stocks qu’elles ne parviennent plus à revendre. En outre, si l’on en croit les
statistiques d’importations des douanes sénégalaises, il est possible que la fripe
provienne alors, et de plus en plus, d’Asie, de Chine précisément 22. À quel avenir
pourra prétendre la fripe chinoise ?
22 - Entre 2001 et 2005, les importations annuelles de fripes d’origine chinoise au Sénégal sont
passées de 8 à 63 tonnes.
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Mort de la fripe en Afrique ou fin d’un cycle ?
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