la vie -Sans Téléph - Le Nouvel Observateur

Transcription

la vie -Sans Téléph - Le Nouvel Observateur
A R i s -S P
-
Suffi nouv
I album il part en tournée
Jean-Louis Aubert
la vie -Sans Téléph
Eimage de n'dleur naif , un peu baba un peu écolo
lui collait à la peau. Malaise. Alors l'ancien leader de
Téléphone a décidé de changer d'air...
st-ce à cause du manque d'oxygène ?
Des lumières blanches du lac salé de
Mendoza ? Des regards noirs et silencieux' des paysans boliviens de ce haut
plateau de la cordillère des Andes ?
D'où vient cette stupéfiante métamorphose? Fin
d'un cycle : Aubert, le chérubin rocker, poulbot à
l'allure « jaggérienne », est en pleine mutation. Il
y a quelques mois, il est parti enlolivie enregistrer un clip dans un désert salé. Il a grelotté. Il a
souffert du mal des montagnes. Il a peu dormi.
Mais à Jirira, à 4 300 mètres d'altitude, il a
touché le ciel. Et compris quelques vérités. Après
l'ouragan Téléphone des années 80, puis deux
albums solo, il avait besoin d'air. A 38 ans, il lui
fallait arracher une bonne fois pour toutes sa
vieille peau de chanteur pour lycéens. Briser son
image de râleur naïf, un peu baba un peu écolo,
jovial et humanitaire. Il en avait aussi assez de sa
réputation de rocker d'Etat, de barde officiel de la
gauche au pouvoir. Après sa mini-retraite boli116 /LE NOUVEL OBSERVATEUR
jean-Louis Aubert, fils de sous-préfet,
a une passion: la mécanique quantique.
Collectionneur de guitares,
il en possède une quarantaine. Il
parraine une expérience humanitaire
dans un petit village de Bolivie, Jirira.
,
Z4
vienne, il est revenu en France pour une série de
concerts et la promotion de son dernier album,
«H ». Une musique épurée, aérienne, simple et
efficace. Des textes toujours adolescents qui
racontent la fin des illusions collectives et autres
broutilles liées à la chute du mur de Berlin. «De
monde meilleur on ne parle plus / Tout juste
sauver celui-là, celui-là », chante Aubert. Il dit
aussi qu'il faut continuer à s'aimer, que l'homme
n'est pas foncièrement mauvais. Aubert est un
enthousiaste, un optimiste absolu. « Quand nous
avons décidé d'arrêter Téléphone, il fallait tout
remettre en question, dit-il. Nous avions vécu une
histoire collective formidable, et puis chacun est
rentré chez soi par lassitude. C'est un peu ce qui
se passe politiquement aujourd'hui. Nous vivons
une période de repli sur soi terrible. Mais une faut
pas se lamenter et il faut profiter de ça pour
avancer. »
Il y a vingt ans, à Paris, un jeune homme fils de
sous-préfet décide de partir traverser les EtatsUnis, sa guitare sous le bras, une Martin. Au
programme: faire la manche en chantant les tubes
de Crosby, des Stones. Jean-Louis Aubert est
contaminé par le rêve post-hippie des années 70.
Pendant plusieurs mois, il sillonne le pays profond, se fait dépouiller plusieurs fois, a de grosses
frayeurs, assiste au concert de Jefferson Airplane
au Winterland de San Francisco et finit, pour
vraiment plaire aux Yankees, par chanter «Plaisir
d'amour » sur la côte Ouest. « C'était une période
fabuleuse parce que nous n'avions peur de rien.
On se faisait braquer. On perdait tout et on
dormait bien quand même. Et en même temps ce
voyage m'a désintoxiqué de l'American dream.
En rentrant à Paris, j'ai commencé à chanter dans
des boums, dans des rallyes du 16' arrondissement. C'était plutôt rigolo, car il nous arrivait
parfois d'être obligés de porter le smoking pour
chanter du Mick Jagger J »
L'aventure Téléphone ne débute que quelques
années plus tard, en 1976. A cette époque, JeanLouis et deux copains décident de faire une
retraite dans une grotte d'Ibiza et de ne manger
que du riz et du miel. Entre deux séances
mystiques, il compose « Métro, c'est trop ».
Quelques semaines après, il retourne à Paris et
décroche un contrat dans un centre de handicapés
de la banlieue. Ce fut le premier succès d'un
groupe qui allait bientôt s'appeler Téléphone.
« Ce concert était fabuleux, se souvient Aubert.
Les infirmiers- étaient obligés de calmer les
malades. Ils sautaient partout, se sont mis à piller
le réfectoire. On chantait au milieu d'une forêt de
béquilles. C'est là qu'on a commencé à croire
qu'on pouvait être autre chose que des potes qui
tapent le boeuf. » Puis vinrent les tubes, la
mythologie Téléphone, les fan-clubs, les dangers
d'institutionnalisation. « Un jour, j'ai dit à Jack
_Lang que nous n'étions pas nationalisables. Nous
étions sollicités sans arrêt pour des meetings
politiques. Nous avions très peur. Aujourd'hui,
cette période est définitivement révolue, et c'est
tant mieux. » Maintenant, tout est plus simple. Quand il veut
composer, Aubert file dans le petit village de
Nonza, dans le cap Code, où il s'installe chez
Emile, le cantonnier, saxophoniste à ses heures.
« Là-bas dit-il, les vieux regardent encore les
enfants. ;Dans son exil corse, ce chanteur curieux
de tout se passionne pour la mécanique quantique, dévores la Danse des éléments » du physicien
Gary Zukov, et prophétise l'arrivée d'une nouvelle vague de spiritualité sur la terre. e Les
artistes sont des antennes, des postes de vigie.
Nous allons vivre une grande mutation, poursuit
Jean-Louis Aubert. Il faudra se méfier, car il y
aura beaucoup de charlatans, de toc. Il faudra
trier. » En attendant la grande vague de l'Esprit,
Aubert chante au Zénith. C'est du rock.
-.
SERGE RAFFY
Concerts : à Paris, au Zénith, k 2 avril. Strasbourg, 5 avril ; Lyon,8 avril ; Grenoble, 9 avril ;
Marseille 13 avril ; Toulouse, 15 avril. A
POlympicik 8 juin.
En CD: « H », Virgin.

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