12) Communication Nuria Segués
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12) Communication Nuria Segués
Paysages frontaliers et relations transfrontalières en Andorre Nuria SEGUÉS DAINA, Centre de Recherche Sociologique de l’Andorre [email protected] Cette communication a pour objectif celle de présenter une photographie de la situation actuelle par rapport aux échanges dans les zones frontalières de l’Andorre, ainsi que la perception de la qualité du paysage des résidents andorrans. Pour cela, dans un premier temps, un retour sur les concepts de frontière, de paysage, de qualité du paysage sont nécessaires pour contextualiser le sujet traité. Par la suite, j’exposerai les résultats du questionnaire réalisé le premier semestre de l’année 2015 par le Centre de Recherche Sociologique. 1. Conceptualisation La frontière représente la ligne conventionnelle délimitant un territoire politique. Les frontières peuvent être délimitées physiquement (par des murs, des douanes) néanmoins, cette limite est intangible, et se construit par un accord entre les États impliqués (ex : Union Européenne). Ce qui faut souligner c’est les ré-significations attribuées au concept de frontière depuis la création des États-nations, où celle-ci prend un sens essentiellement politique. Par la suite, avec les processus de globalisation la notion de frontière se modifie, celle-ci commence à faire allusion aux zones frontalières ou bien régions frontalières où l’on tient en compte une diversité de segments territoriaux. Cette permutation conduit à une perméabilité des frontières (entre certains territoires ayant signé quelques conventions – U.E. par exemple. Les frontières restent tout de même imperméables en dehors de ces conventions. Elles ont même était renforcés pour les pays n’appartenant pas à ces espaces de libre circulation), et jouent un rôle de transition et de pont dans la connexion des États. Dans le monde des flux de la globalisation, le contact entre États favorise une montée des mobilités et la création de nouveaux réseaux. Ainsi, les frontières nationales qui étaient des anciens espaces de division et de séparation s’ouvrent à l’horizon et reflètent actuellement des zones d’intégration et de développement. L’Andorre, pays entre deux frontières, comme d’autres petits états européens (sans faire partie de l’UE ni de l’Espace Schengen), vie de cette condition. Cela implique que sa logique interne soit étroitement liée aux pays voisins. La frontière entre l’Andorre et la France, ainsi qu’avec l’Espagne, met en relation les trois états, la frontière fait partie de la quotidienneté, cependant la zone frontalière est caractérisée par la perception d’une frontière palpable à cause de la présence physique de la douane : un contrôle explicite dont l’objectif est de protéger, mais aussi de laisser circuler tout en filtrant. Ceci dit, cette ligne frontalière joue quand même un rôle de par sa perméabilité, et les échanges entre les pays sont évidents. Il existe des conventions qui rendent agile une circulation de biens et de services entre les pays signataires de cette convention, comme par exemple la convention trilatérale relative à l’entrée, la circulation, le séjour et l’établissement des nationaux espagnols, français et portugais en Andorre. Cette situation où l’Andorre vie de la frontière altère la notion de frontière et le sens qui lui est attribué, ce qui conditionne directement les échanges dans ces zones. Nous allons voir à travers les dynamiques de passage par une frontière ou par l’autre comment une même frontière acquiert des significations de nature différente donnant lieu à des pratiques distinctes. En Andorre la frontière fait partie du quotidien, et elle possède une valeur stratégique et structurelle, ce qui implique que sa logique interne soit étroitement liée aux pays voisins. C’est pour cela que beaucoup d’échanges sont fréquents et indispensables vis-à-vis du fait que l’Andorre est un tout petit pays. Le paysage selon la Convention Européenne de paysage, c’est une partie du territoire telle que perçue par les populations, dont le caractère résulte de l’action de facteurs naturels et/ou humains et de leurs interrelations. Si l’on introduit l’aspect sociologique, le paysage fait référence aux constructions sociales dérivées d’une représentation sociale. Le paysage n’est donc pas une réalité objective. Le regard et la subjectivité donnent lieu à la notion de paysage. La qualité du paysage est l’ ensemble de caractéristiques visuelles et émotionnelles qui qualifient la beauté d’un paysage. Elle fait référence aux préférences de la population par rapport au paysage en contact, soit en le préservant ou au contraire par l’intervention et moyennant l’aménagement du paysage, l’harmonie, la tranquillité, etc. Cette qualité du paysage peut être estimée en fonction de l’environnement. Dans une zone frontalière, la perception de la qualité du paysage peut être différente et peut produire une dissonance entre espaces. Dans ce cas, la coopération frontalière joue un rôle très important, car elle peut engendrait une continuité paysagère ou bien au contraire une discontinuité territoriale. Dans le premier cas, la linéarité est conséquence de l’absence d’altération dans les éléments naturels ou anthropiques qui constituent un paysage. En revanche, la discontinuité territoriale se caractérise avec la présence de changements radicaux sur la végétation, l’architecture, l’orographie, les montagnes, l’esthétique des paysages entre autres. Cette fragmentation paysagère est perçue principalement dans des espaces et territoires délimités par des éléments tangibles comme le relief, la montagne, les rivières, mais aussi des éléments produits de l’activité humaine, les murs par exemple. Ainsi donc une frontière qui sépare et ferme l’accès tend à reproduire cette discontinuité, contrairement à l’ouverture et à la mise en relation d’un espace qui donne lieu à des échanges et des mobilités. 2. Résultats du sondage sur les échanges dans les zones frontalières de l’Andorre et la perception de la qualité du paysage. • Échanges et dynamiques entre l’Andorre et les pays voisins L’Andorre étant un pays de petites dimensions se dirige souvent vers les pays du nord et du sud pour une grande diversité de raisons. Tableau 1 : Fréquences de déplacements en pourcentages par les deux frontières en 2015 Aucune fois la dernière année Moins de 5 fois par année Entre 10 et 5 fois par année Entre 1 et 3 fois par mois Chaque semaine Chaque jour ou presque chaque jour 59,5 3,2 28,2 5,1 5,5 1,4 0,4 0% 21,8 24,3 36,3 13,2 1,2 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80% 90% 100% Franco-andorrane Hispano-andorrane Source : Observatori, Centre de Recerca Sociològica d’Andorra – année 2015 Plus de la moitié des personnes interrogées ne se sont pas déplacées en France au cours de cette dernière année (59’5%) alors que seulement un 3% disent ne pas s’être déplacé vers l’Espagne. On observe une nette différence entre les fréquences de déplacements d’un côté et de l’autre. Les personnes qui traversent la frontière hispano-andorrane chaque semaine représentent un 13% devant un 1’4% qui traverse la frontière franco-andorrane. Près d’un tiers des enquêtés (36%) se déplacent en Espagne entre 1 et 3 fois par mois, tandis que seulement un 5% le fait vers le nord. De plus, les différences de mobilités entre les deux territoires s’expliquent par des facteurs liés à l’orographie, du côté nord, un accès qui est un port de montagne situé à 2.000 mètres, ainsi que la composition démographique et l’importance du collectif espagnol en Andorre (26% d’espagnols pour un 5% de français). Cela produit un lien direct avec l’Espagne pour une raison familiale et culturelle. Raisons de traverser la frontière en 2015 Franco-andorrane Total Loisir Visite famille / amis Tourisme Travail Autres Achats Sport Fréquence Pourcentages 288 100 102 35,3 88 32 84 29,0 51 17,8 31 8,3 28 9,7 13 4,5 Hispano-andorrane Total Visite famille / amis Loisir Achats Tourisme Travail Autres Sport NRP Fréquences Pourcentages 688 369 333 241 232 94 77 32 1 100 53,6 48,4 35,0 33,7 13,7 11,2 4,6 0,1 Source : Observatori, Centre de Recerca Sociològica d’Andorra – année 2015 Les principales raisons de déplacement sont le loisir, la visite de famille et amis du côté francoandorran, et de l’autre c’est la visite de famille suivi du loisir, ainsi que les achats. Une partie des résidents de l’Andorre se déplace souvent vers la Seu d’Urgell, département frontalier espagnol, pour faire le marché le week-end. D’autre côté nous identifions des mobilités dans le sens inverse, de l’Ariège vers le Pas de la Case. Le mouvement par raison de travail est pratiqué par les travailleurs frontaliers qui se déplacent chaque jour vers le Pas de la Case, sont la plupart d’entre eux d’origine française et portugaise, ils ont donc vécu préalablement un procès migratoire, et postérieurement ont acquis le statut de frontalier. Cependant, le nombre de frontalier dans cette zone franco-andorrane est de 50, contrairement dans la zone hispano-andorrane, entre la Seu d’Urgell et l’Andorre où le taux de frontaliers atteint les 1.400. Cette faible mobilité entre l’Ariège et l’Andorre s’explique principalement par les conditions de travail en Andorre (salaires, horaires de travail). Le mouvement touristique par raison commerciale conforme une des mobilités les plus importantes en densité et fréquence de la France vers l’Andorre. Les chiffres de touristes qui ne dorment pas au sein du territoire s’élevaient à 2.914.427 en 2014. Cependant, à travers les échanges frontaliers entre l’Andorre et la zone frontalière de l’Art Urgell avec les relations entre le Pas de la Case et l’Ariège on constate que la perception de la frontière ainsi que l’usage qui en est fait restent très différents. La frontière hispano-andorrane est tout simplement un passage douanier, la perméabilité de la frontière donne une importante fluidité à certains mouvements. Contrairement à la frontière franco-andorrane qui pour certains usagers est loin d’être perçue comme perméable. • Perception sur la qualité des paysages frontaliers Lorsque nous parlons de la zone frontalière franco-andorrane nous faisons référence à la zone située entre le Port d'Envalira et l'Hospitalet-près de l'Andorre. Pour la zone hispano-andorrane c’est la zone située entre le village de Sant Julià de Lòria et La Seu d’Urgell. La perception du paysage fait référence à l’appréciation visuelle d’un territoire. Pourtant, cette perception de l’individu correspond à une réalité entièrement subjective. Ceci dit, la perception du paysage frontalier est étroitement liée à la perception de la frontière, et à la conscience d’existence de celle-ci. Tableau 2 : Moyenne sur la qualité paysagère des éléments qui suivent (2015) : 8 7 6 5 4 3 2 1 0 6,78 6,92 7,55 7,27 6,24 6,76 6,35 6,19 5,55 5,41 5,48 5,32 6,06 6,09 Franco-andorrane Hispano-andorrane Végétation Vallées, montagnes, orographie Architecture Infrastructures traditionnelle destinées à l’activité commerciale et économique Circulation Urbanisation Accès douaniers des sols Source: Enquête sur la perception de la qualité du paysage – CRES Dans la frontière franco-andorrane les éléments naturels sont mieux noter alors que dans les éléments anthropiques la perception est moins bonne que dans la frontière du sud. Tableau 3 : Comparaison entre résidents et non-résidents à la frontière franco-andorrane en 2015 10,0 8,0 6,0 4,0 2,0 0,0 6,6 8,0 7,7 8,2 6,5 6,3 4,7 5,9 5,1 4,1 4,1 6,4 Residents Végétation Vallées, montagnes Architecture traditionelle Infrastructures destinées à l'activité commerciale Urbanisation des sols Non residents Accès douaniers Source: Enquête sur la perception de la qualité du paysage – CRES Les résidents sont beaucoup plus critiques vis à vis des aspects de la qualité du paysage. Surtout sur les éléments produits de l’activité humaine, anthropique. Tableau 4 : Comparaison entre résidents et non-résidents à la frontière hispano-andorrane en 2015 8,0 6,0 4,0 2,0 0,0 6,0 6,7 6,7 7,2 5,7 6,4 4,8 5,6 5,0 5,6 4,4 5,2 Residents Végétation Vallées, montagnes Architecture traditionelle Infrastructures destinées à l'activité commerciale Urbanisation des Accès douaniers sols Non residents Dans la zone hispano-andorrane nous observons d’un côté que les résidents et non-résidents sont plus proches dans leur note et perception. Et d’autre côté les non-résidents semblent Être plus critique. Ces résultats nous permettent de souligner les différences entre perception des personnes qui habitent et qui sont immergées dans un territoire et ceux qui s’y rendent de temps en temps. Tableau 5 : Éléments représentatifs et symboliques dans les zones frontalières Franco-andorrane Fréquences Pourcentages Hispano-andorrane Fréquences Total Pourcentages 711 100 Total 711 100 Panneau de bienvenue 95 13,3 Les montagnes, le paysage 127 17,9 Douane, police 87 12,3 Le village du Pas de la Casa 48 6,8 La vallée, le paysage Les pistes de ski 46 6,5 La vierge (statue) 32 4,5 Douane 37 5,2 Panneau de Naturlandia 28 4 Le tunnel d'Envalira 21 3 Le drapeau de l'Andorre 24 3,4 3 14,7 Le port d'Envalira 19 2,7 Grand Supermarché 22 La route 19 2,6 La route 22 3,2 8 1,1 les embouteillages 18 2,5 23 3,4 Autres Le drapeau de l'Andorre Autres Ne sait pas/ne répond pas 384 54 Ne sait pas / ne répond pas 56 7,8 247 34,8 Tableau 6 : Éléments qui dégradent les zones frontalières Franco-andorrane Fréquences Pourcentages Hispano-andorrane Total 711 100 Pas de la Casa 60 8,5 Rien 58 8,1 La route 38 5,4 Sensation d'abandon 36 5 La construction 32 4,5 Douane 26 3,6 Embouteillages, pollution 25 3,6 Quelques bâtiments 26 3,7 En hiver la route n'est pas accessible 11 1,5 401 56,4 29 4,1 Ne sait pas/ne répond pas Autres Fréquences Pourcentages Total 711 100 Rien 112 15,8 79 11,1 62 8,7 47 6,6 Douane 41 5,7 Bâtiment de la douane espagnole 36 5,1 33 4,6 23 3,3 231 32,5 74 10,5 Embouteillages, pollution Grands bâtiments, hangars Centres commerciaux Sensation d’abandon Panneaux publicitaires Ne sait pas/ne répond pas Autres Le pourcentage de personnes qui ne répondent pas s’élève à plus de la moitié dans le cas de la frontière franco-andorrane. Cela s’explique probablement parce qu’ils n’ont ps un imaginaire sur les éléments symboliques. Néanmoins les éléments représentatifs sont les montagnes suivies du village. Dans le cas hispano-andorran, l’absence de réponses diminue et un 13% perçoit comme élément symbolique le panneau de bienvenue en Andorre suivie de la douane. Pour une partie des enquêtés, l’élément qui dégrade dans la zone franco-andorrane est paradoxalement le village, suivie de la réponse rien où un 8% ne considère l’existence d’éléments dégradant. Sur la zone frontalière hispano-andorrane un 16% estime qu’il n’y a pas d’éléments, et un 11% fait référence aux embouteillages ainsi que les grands bâtiments. Ainsi donc, nous pouvons conclure, que pour une partie des enquêtés résidents il est difficile d’identifier des éléments symboliques des zones frontalières. Une hypothèse pourrait être que les résidents n’ont pas conscience de l’espace frontalier, étant un espace réduit en distance, pour eux, ce n’est pas quelque chose d’identitaire et donc ils n’y reconnaissent pas d’éléments caractéristiques. Il s’agit tout simplement d’un lieu de passage. Cela se doit peut être à un manque de conscience et de reconnaissance de l’espace frontalier. Principalement au fait que le pays est petit et la tendance à rentrer et sortir du territoire est très normalisé et intégré.