Non, la mort au volant n?est pas une fatalité

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Non, la mort au volant n?est pas une fatalité
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Non, la mort au volant n?est pas une fatalité
Khalil Karoui et Khalil Ferchiou: deux amis séparés à jamais.
Un jeune qui meurt sur la route est une plaie ouverte à jamais. Pour faire vivre sa mémoire, oeuvrons ensemble à sauver des milliers
d'autres vie.
Par Lotfi Benmosbah *
Le matin du 21 août dernier, je me suis réveillé sur une nouvelle tragique, celle du décès brutal du jeune Khalil fils ainé de Nabil
Karoui, le patron de Nessma TV et dirigeant de Nidaa Toues..
Comme bon nombre de Tunisiens, cette disparition m'a profondément peiné. Le décès d'une personne à la fleur de l'âge est choquant
parce que contre nature. On ressent toujours une forme de révolte face à une vie qui s'arrête alors qu'elle vient de commencer, un
projet qui se brise alors qu'il commençait à peine à se mettre en place. On le vit comme une injustice.
Le douloureux souvenir de l'instant tragique
En tant que père, j'ai été d'autant plus attristé que je prenais la mesure de la souffrance des parents, leur détresse et leur impuissance
devant une telle tragédie.
Comme tous ceux qui ont des enfants de la génération de Khalil, j'ai fini par considérer l'été comme une saison maudite. Nos jeunes
sont à l'âge de l'insouciance, l'âge où l'on croque la vie à pleines dents, l'âge où l'on croit que le monde nous appartient et que l'on est
immortel. Nos enfants adorent faire la fête. Pouvons-nous les en blâmer quand nous étions nous aussi à l'affût des soirées à leur âge?
Aujourd'hui, je réalise le soulagement de mes parents quand ils entendaient la clé tourner dans la serrure, annonçant mon retour.
Pour moi, seule l'ouverture de la porte aux aurores met fin à mes angoisses nocturnes quand mes enfants sont dehors.
Malgré la tristesse de la note sur laquelle l'été s'est achevé, la vie a repris son cours. En dépit de l'immense empathie ressentie à
l'égard des parents du jeune défunt, ce drame a petit-à-petit quitté mon esprit.
Ces derniers jours, deux lettres écrites par le jeune Khalil Ferchiou qui conduisait la voiture accidentée et l'autre écrite par Kenza, la
petite s?ur de Khalil Karoui, en réponse au jeune Ferchiou, ont ravivé en moi cet instant tragique.
A la lecture de ces deux lettres, j'ai envie de dire à Khalil Ferchiou combien je comprends ton désarroi et ta souffrance. Je
comprends également ta solitude, ce n'est pas facile pour un jeune de ton âge d'assumer pareil drame. Je suis sûr qu'en revivant sans
cesse, toutes les séquences de l'accident, tu as du finir par prendre conscience que, non, il n'y a pas de fatalité, il n'y a pas de destin
qui nous tombe dessus.
Je dis cela tout en sachant que cet accident aurait pu arriver à mon fils ou à n'importe quel autre jeune. Celui-ci aurait pu être le
chauffeur de la voiture ou la victime consentante qui a accepté de monter aux côtés du chauffeur.
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Kenza et ses parents sont inconsolables de la perte d'un être cher, mais ils peuvent faire vivre pour toujours la mémoire de Khalil.
Nous portons tous la responsabilité
Sur un plan plus large, malgré sa médiatisation, cet accident est loin d'être un cas isolé. En Tunisie, chaque année, près de 2000
personnes meurent à la suite d'accidents de la voie publique tandis que des milliers d'autres se retrouvent avec un handicap définitif.
Dans tous les cas de figure, ce sont toujours les jeunes qui payent le tribut le plus lourd.
C'est une situation dramatique inacceptable dont nous portons tous la responsabilité.
L'Etat en premier lieu, qui laisse les infrastructures routières se délabrer sans tenir compte du danger encourus par les citoyens, et qui
a établi des politiques préventives timides sans aucune évaluation de leur impact.
Quant aux politiques de sanctions, elles sont non seulement inadéquates, mais de plus une grande partie du corps chargé de les
appliquer ne semble même pas conscient de son rôle. C'est d'ailleurs ainsi que le contrevenant pense être puni pour son acte et non
pour les conséquences désastreuses que cet acte peut entraîner.
Nous parents ne sommes pas en reste. Nous sommes le premier exemple pour nos enfants. Pouvons-nous leur reprocher quoique ce
soit quand nous mêmes leur donnons souvent le mauvais exemple? Combien de fois nous sommes nous entêtés à prendre le volant
après une soirée bien arrosée? Combien de fois avons-nous conduit en excès de vitesse? Pour combien d'entre nous mettre la
ceinture de sécurité est-il devenu un geste automatique et combien l'ont-ils exigé de leurs enfants? Qui n'a jamais répondu au
téléphone voire écrit un texto tout en conduisant? Et tout cela bien sûr devant nos jeunes enfants. Comment dans ce cas,
pourrions-nous nous permettre de blâmer nos enfants en âge de conduire quand ils reproduisent nos schémas?
Sous d'autres cieux, un accident aussi médiatisé, aurait entraîné un choc psychologique avec prise de conscience de la gravité de la
situation. Cela aurait conduit à des lois plus adaptées et un changement de comportements de la part des citoyens. En Tunisie, passé
le moment de l'émotion, la vie a repris son cours et la mort a continué son travail de fauche.
Pour terminer, je dirais à Kenza que je ne peux que compatir à sa souffrance. Sa peine est immense. C'est une plaie ouverte qui ne se
refermera certainement jamais. Rien ne pourra lui rendre son grand frère tant aimé.
Cependant, aujourd'hui, Kenza et sa famille peuvent faire vivre à jamais sa mémoire en créant la Fondation «Khalil Karoui pour la
prévention routière». Il y a tant de choses à faire dans ce domaine que je suis convaincu des milliers de vie seront sauvées.
Et toute vie sauvée sera un hommage posthume à Khalil.
* Anesthésiste-réanimateur.
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