Les fondements biologiques de la différenciation

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Les fondements biologiques de la différenciation
#430 - «Les fondements biologiques de la différenciation psychologique des sexes: entre
science et idéologie»
Colloque sous l’égide de l’Institut de recherches et d’études féministes de l’UQAM (IREF) qui se
tiendra dans le cadre du Congrès de l’ACFAS à l’Université de Montréal le 12 mai 2010
Responsable : Louise Cossette
Programme
Mercredi le 12 mai 2010
Présidente : Louise Cossette, professeure au département de psychologie de l’UQAM et
membre à l’IREF
10h 00
Présentation du colloque
10h10
Catherine Vidal, neurobiologiste, Institut Pasteur, Paris : «Le cerveau a-t-il un
sexe ?»
11h 10 Discussion
12h 00
Dîner
13h 30
Line Chamberland, professeure au département de sexologie de l’UQAM et Sam
Talbot, candidate au doctorat en psychologie, UQAM : « La théorie de
l’inversion: quand la biologie des sexes et des orientations sexuelles ne font
qu’un»
14h 00
Sylvie Richard-Bessette, professeure de psychologie, Cégep André-Laurendeau :
«Les comportements sexuels des femmes et des hommes : sélection naturelle
ou sélection sociale?»
14h30
Chantal Maillé, professeure à l’Institut Simone de Beauvoir, Université
Concordia : «Malaises dans le genre, ou comment le féminisme, la biologie et les
hormones constituent un mélange explosif»
15h 00
Discussion
15h 50
Remerciements et conclusion
Résumés des présentations
Catherine Vidal, neurobiologiste, Institut Pasteur, Paris : «Le cerveau a-t-il un sexe ?»
Avec l'avancée des connaissances en neurosciences, on serait tenté de croire que les
idées reçues sur les différences biologiques entre les hommes et femmes ont été balayées. Or
médias et magazines continuent de nous abreuver de vieux clichés qui prétendent que les
femmes sont «naturellement» bavardes et incapables de lire une carte routière, alors que les
hommes seraient nés bons en maths et compétitifs. Ces discours laissent croire que nos
aptitudes et nos personnalités sont câblées dans des structures mentales immuables. Or les
progrès des recherches montrent le contraire : le cerveau, grâce à ses formidables propriétés de
«plasticité», fabrique sans cesse des nouveaux circuits de neurones en fonction de
l'apprentissage et de l'expérience vécue. Garçons et filles, éduqués différemment, peuvent
montrer des divergences de fonctionnement cérébral, mais cela ne signifie pas que ces
différences sont présentes dans le cerveau depuis la naissance, ni qu'elles y resteront ! L'objectif
de cette conférence est de donner à comprendre le rôle de la biologie mais aussi l'influence de
l'environnement social et culturel dans la construction de nos identités d'hommes et de
femmes.
Line Chamberland, professeure au département de sexologie de l’UQAM et Sam Talbot,
candidate au doctorat en psychologie, UQAM : « La théorie de l’inversion: quand la biologie des
sexes et des orientations sexuelles ne font qu’un»
Dans la recherche des facteurs influençant l’orientation sexuelle (souvent appelée
« recherche des causes de l’homosexualité »), deux grandes écoles s’opposent: l’essentialisme
et le constructivisme. La première explique l’homosexualité par une différence ontologique, le
plus souvent d’origine biologique, tandis que la seconde appréhende les catégories et les
identités autour de l’orientation sexuelle comme le produit historique de rapports sociaux,
culturels et politiques. Dans le cadre de cette présentation, nous nous penchons sur une des
théories dominantes de l’essentialisme, soit la théorie de l’inversion. Intimement liée à l’analyse
différentielle des sexes, cette théorie suggère qu’un individu homosexuel aurait en lui un
“morceau” de l’autre sexe (c.-à-d., cerveau, hormone, glande, gonade, gène, etc.). Nous
abordons brièvement l’origine historique du paradigme de l’inversion au 19e siècle et nous
identifions certains éléments qui peuvent expliquer sa longévité dans les représentations
populaires et scientifiques. Nous présentons aussi les liens étroits qui existent entre la recherche
des fondements biologiques des sexes et ceux de l’orientation sexuelle. Un exemple de
recherche basée sur la théorie de l’inversion, l’étude du cerveau des hommes gais de LeVay
publiée initialement en 1991, sera présenté. Cette étude illustre la résurgence contemporaine
de la recherche de marqueurs biologiques de l’homosexualité.
Sylvie Richard-Bessette, professeure de psychologie, Cégep André-Laurendeau et chargée de
cours aux départements de psychologie et de sexologie de l’UQAM: «Les comportements
sexuels des femmes et des hommes : sélection naturelle ou sélection sociale?»
Selon des recherches sur le choix du partenaire sexuel, les femmes hétérosexuelles
accorderaient une grande importance au statut social des hommes qui, de leur côté,
s’intéresseraient davantage à l’apparence physique des femmes. Les hommes entretiendraient
également des attitudes plus permissives à l’égard de la sexualité et pratiqueraient une sexualité
plus active que les femmes. Pour plusieurs chercheurs, ces résultats confirment les postulats de
la psychologie évolutionniste selon lesquels les comportements sexuels sont le produit de la
sélection naturelle. Le développement de stratégies sexuelles distinctes aurait permis aux
hommes et aux femmes de s’adapter aux contraintes biologiques liées à la reproduction. Ces
hypothèses sont non seulement populaires auprès des scientifiques mais elles trouvent aussi un
large écho dans les médias renforçant ainsi la croyance que la sexualité humaine est
essentiellement déterminée par les gènes. Une analyse critique des données empiriques sur la
sexualité des femmes et des hommes sera présentée. Nous aborderons également le rôle de
l’apprentissage dans la sexualité. Enfin, nous nous demanderons dans quelle mesure les théories
évolutionnistes contribuent à maintenir un double standard sexuel.
Chantal Maillé, professeure à l’Institut Simone de Beauvoir, Université Concordia : «Malaises
dans le genre, ou comment le féminisme, la biologie et les hormones constituent un mélange
explosif»
La question du genre se pose encore et toujours dans le projet du féminisme, hésitant
entre différentes propositions. Dans cette communication, nous proposons d’explorer deux
courants féministes d’interprétation du genre, soit défaire le genre (Butler), ou encore le
subvertir (Bourcier). Nous exposerons également les rapports problématiques entre féminisme
et biologie, qui se sont surtout manifestés par un refus en bloc de tout discours biologisant. Si
un certain discours cristallise les guerres de frontière entre les genres, d’autres problématiques,
comme la déconstruction du binôme genre/corps sexué, viennent troubler l’entreprise de
définition du genre. Quels sont les enjeux politiques de la différence des sexes? Et en quoi les
questions d’intersectionnalité entre genre, race, classe et autres marqueurs identitaires
viennent-elles apporter de nouvelles pistes à la réflexion sur genre et biologie?