Fiche pédagogique sur le film d`animation AMER BETON
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Fiche pédagogique sur le film d`animation AMER BETON
Fiche pédagogique sur le film d’animation AMER BETON de Michaël ARIAS (Japon – 2006 – 1h51) réalisé au Studio 4°C (prononcer studio yon doshi) ELEMENTS D'ANALYSE Du manga au film « Béton Amer » est la déformation de « Béton Armé » : l'inversion vient de l'auteur du manga1 original, MATSUMOTO Taiyo. Quand il était enfant, il prononçait « Tekkon Kinkunto » au lieu de « Tekkon Konkunto ». L'œuvre originale comporte trois tomes, et plusieurs récits enchevêtrés dont une partie seulement a été utilisée pour le film. Michaël ARIAS a porté ce projet pendant une dizaine d'années. Une ville La cité imaginaire de Trésorville est le cadre principal de l'histoire, mais aussi son enjeu majeur. Une cité à la fois ancienne et moderne, baroque et contrastée, caractérisée par de petites rues commerçantes populaires, et une démesure architecturale dont le développement inéluctable semble destiné à écraser toute dimension humaine. Michaël Arias a longuement voyagé, en particulier à travers l'Asie, pour rassembler la vaste iconographie à partir de laquelle ses collaborateurs ont pu construire de toutes pièces cette ville surprenante, à la fois belle, monstrueuse parfois, envoûtante le plus souvent. Trésorville se transforme au fil du récit, comme une entité dotée de sa volonté propre. Personnages - Kuro & Shiro La trame principale du scénario est construite autour du couple formé par deux enfants des rues : Noir (Kuro) et Blanc (Shiro). Noir est froid, pragmatique, bagarreur, voleur, et peu bavard. Blanc est innocent, chaleureux, souriant, expansif et rêveur. Ils constituent le clan des Chats, qui règne sans partage sur son petit quartier de la ville. Depuis plusieurs années, Noir s'occupe de Blanc comme d'un petit frère. Il veille sur lui, lui rapporte des « trésors », de la nourriture, l'emmène aux bains publics, et jouer sur les toits. Blanc paraît plus jeune, plein de candeur et de naïveté. Il regarde le monde et la vie comme un grand jeu. « Ici l'Agent Blanc, sur la planète Terre. C'est une planète très pacifique. Aujourd'hui j'ai bien gardé la paix dans la ville.» Blanc vit avec des rêves. Des rêves lumineux dans lesquels il n'y a ni ville ni violence, mais la beauté sereine des océans, des forêts et des fleurs. Il porte souvent des couvre-chefs à tête d'animaux, et un pendentif en forme de crâne. Ce sont des attributs chamaniques2, même si ces accessoires ressemblent à des jouets. Noir porte une cicatrice verticale sur l'oeil droit, et s'illustre à maintes reprises par sa violence extrême. Seule sa relation avec Blanc préserve sa part d'humanité. Il protège l'innocence et les rêves de Blanc. Il va découvrir au fil du récit à quel point il a besoin de ces rêves que lui-même n'arrive plus à avoir. - Le Grand-Père Il apparaît dans plusieurs scènes (en particulier celle du bain), et nous apporte de précieuses informations sur Noir et Blanc, et leur relation si particulière. Le grand-père dit de Blanc que « personne dans cette ville n'est aussi pur que lui. » Il révèle aussi à Noir que contrairement à ce qu'il s'imagine, c'est peut-être Blanc qui le protège. - Yakuzas En parallèle à l'histoire des Chats, on suit aussi le parcours de Suzuki (dit « le Rat »), vieux yakuza3 qui jette un regard nostalgique sur ce que Trésorville est devenue au fil des ans. Sarcastique, il répète à l'envi à ses collègues qui prétendent ne plus croire en rien, que « la seule chose dont on ait vraiment besoin, c'est d'amour. » Kimura son ancien élève, décide de changer de maître pour gagner argent, pouvoir et prestige. Il rejoint le Serpent, nouveau chef de la pègre locale prêt à tout pour imprimer sa marque sur la cité, en y faisant construire un immense complexe touristique. Le Serpent est totalement dénué d'émotion. Il contrôle trois tueurs redoutables envoyés chasser les Chats qui menacent ses projets. Onirisme, hallucinations, psychisme, Chamanisme... Dès le plan d'ouverture du film, on découvre le masque du Minotaure, mystérieuse créature qui vit tapie au fond des rêves de Noir, comme tenue à distance par la présence de Blanc aux côtés de Noir, mais prête à se réveiller. Cette bête intérieure, ce Minotaure, est la part obscure de Noir. Elle va l'appeler à lui quand il se trouvera au fond du désespoir. Noir vivra alors une expérience quasi-chamanique, qui évoque le célèbre « côté obscur de la Force » cher à Georges Lucas dans Star Wars (1977). Au long du film, nous sommes amenés à partager les visions de plusieurs personnages. Les plus marquantes sont celles de Blanc, par leur pureté, leur beauté, et leur proximité avec une nature préservée qui semble n'exister que dans le monde des rêves. Mais les conflits du scénario font intervenir d'autres visions : - celle de Suzuki, tournée vers le passé, qui pense que le développement n'est pas bon pour Trésorville. Il renoncera à continuer de vivre dans une ville qu'il ne reconnaît plus. Document rédigé par Gildas Jaffrennou – Copyright Association Collège au Cinéma 37 -Tours– Mars 2009 page 1/2 - la vision du Serpent, qui s'imagine pouvoir contrôler les gens comme on contrôle des outils. - et surtout celle de Noir, la plus complexe car tiraillée entre plusieurs directions contradictoires. Ce point permet de définir Noir comme le protagoniste4 du film. Certaines visions de Blanc laissent penser qu'il existe entre lui et Noir une sorte de connexion invisible, comme un « fil télépathique », qui lui permet par exemple de dessiner le Minotaure avant même qu'il ne se manifeste à Noir. Construction filmique La mise en scène d'Amer Béton se distingue par les liens très forts qui l'unissent à certains films en prise de vue réelle. Arias utilise ainsi le Jump-cut5, la vue subjective, des mouvements d'appareil (travelling verticaux et horizontaux, effets de déplacement à la grue) et même des effets de caméra portée. Son langage filmique, même s'il génère parfois une certaine confusion narrative, relève pleinement des codes de la prise de vue réelle. Il fait le choix dans ce film de renoncer aux codes d'une certaine forme d'animation, dite animation limitée, pour imposer à son équipe des codes proprement cinématographiques. Sur le plan plastique, le trait ne ressemble pas aux standards de l'animation japonaise. Si certains personnages sont très fidèles aux graphismes du manga, d'autres (les tueurs) ont été manifestement inspirés par un auteur français, dont MATSUMOTO reconnaît par ailleurs l'influence : Jean GIRAUD, alias Moebius. Les surprenantes capacités des personnages, qui escaladent des façades d'immeubles en quelques secondes et bondissent de toit en toit, sont inspirées par le Parkour, discipline sportive crée en France par David Belle, et qui a inspiré le film Yamakasi (Ariel ZEITOUN– 2001) que Michaël ARIAS a vu. La musique Elle a été composée par le groupe britannique Plaid, constitué d'Andy TURNER et Ed HANDLEY. (Site officiel : http://www.plaid.co.uk.) Selon Michaël ARIAS, elle amène une troisième dimension au film : celle de l'émotion. Fait rarissime, la composition et le mixage ont été effectués au fur et à mesure de la réalisation du film. PISTES PEDAGOGIQUES Violence Le film assume une certaine représentation de la violence, qui peut choquer. Michaël Arias se situe clairement dans des codes qui sont ceux du Japon, pays dans lequel le cinéma d'animation est considéré, depuis le début des années 1970 comme une forme d'expression ne s'adressant pas spécifiquement aux enfants mais à tous les types de publics. La violence montrée dans Amer Béton n'est jamais gratuite, ni même valorisée pour elle-même. Ainsi, elle mène Noir à de dangereuses limites, et le conduisent à affronter sa « bête intérieure », symbolisée par le Minotaure. Ce peut donc être une piste sur laquelle faire réfléchir des élèves de collège : Que voit-on comme scènes violentes ? Qui est violent et pourquoi ? Comment finissent les personnages les plus violents du film ? Le film est-il complaisant avec la violence en tant que telle ? Dans les bonus du DVD, Michaël ARIAS évoque les attentats au gaz Sarin du métro de Tokyo, mais aussi ceux de Londres à l'époque où il est allé y rencontrer les compositeurs de la musique du film. Toutes les villes sont-elles des creusets pour la violence ? Urbanisme Même s'il n'assume pas de discours prémonitoire ou futuriste, le film peut nous interroger sur le devenir des villes, en Europe comme en Asie. Comment évoluent les cités modernes ? Comment évoluent celles où vivent les élèves eux-mêmes ? Comment étaient-elles il y a 10 ans, 20 ans, 100 ans ? Comment seront-elles, dans 10 ans, 20 ans ou 100 ans ? Comment y vivra-t-on ? La violence y sera-telle inéluctable ? Enfants des rues Même si le phénomène n'existe pas en France (encore que...) on trouve dans les plus grandes métropoles du Monde, en Asie et en Amérique Latine, de nombreux enfants des rues. Qui sont-ils, comment en sont-ils arrivés là ? Ce thème peut faire l'objet d'un travail de recherche, dans le cadre d'un jumelage par exemple. Rêves et visions Blanc réagit très émotionnellement à tout ce qui l'entoure. La pluie, l'obscurité, le froid. Il traduit ce qu'il ressent par des jeux, des dessins, des objets qu'il collectionne. C'est un enfant qui a de vrais rêves, dans un monde ou chacun paraît plutôt mené par des désirs. Qu'en est-il des élèves ? Ils ont certainement eux aussi des désirs et des rêves... mais quels sont leurs rêves dans le monde actuel (s'ils en ont) ? Et pour aller plus loin, s'interroger sur nos modes de vie : Les rêves y ont-ils encore une place, et laquelle ? 1-manga : bande dessinée japonaise, dessinée la plupart du temps en noir et blanc. À ne pas confondre avec les films ou séries animées qui en sont parfois tirées. 2- chaman : dans les cultes animistes, c'est un intercesseur entre le monde des hommes et celui des esprits, en particulier les esprits de la nature. 3-yakuzas : membres de la pègre au Japon. Ils forment des organisations très structurées qui contrôlent encore aujourd'hui la plupart des activités nocturnes des grandes villes japonaises : Night-clubs, trafics, prostitution. Ils ont inspiré au fil des décennies tout un pan de la production cinématographique japonaise. 4-protagoniste : En dramaturgie, le protagoniste est le personnage qui vit le plus de conflits, externes ou internes. 5- Jump-cut : procédé de montage consistant à enchaîner en coupes franches des fragments d'un même plan, faisant apparaître des sautes dans la position des personnages présents, tandis que le décor reste identique. Il est utilisé pour marquer le passage du temps (ellipse temporelle). On en a un exemple au début du film lorsque Blanc attend Noir dans l'épave de voiture qui leur sert d'abri. Document rédigé par Gildas Jaffrennou – Copyright Association Collège au Cinéma 37 -Tours– Mars 2009 page 2/2