La Famille - Médiathèques de Strasbourg

Transcription

La Famille - Médiathèques de Strasbourg
La Famille
Illustrations originales
de
Joanna Boillat, Julie Colombet, Claudine Desmarteau, Dorothée
Duntze, Marion Duval, Ilya Green, Emile Jadoul, Doris Lauer,
Albert Lemant, Marie Michel, Laurent Moreau, Morgan Navarro,
Delphine Perret, John A. Rowe, Marcelino Truong
Guide de visite
Médiathèque André Malraux de Strasbourg
- Centre de l’Illustration –
2015
©Laurent Moreau
Guide réalisé par Anne Bubert – Strasbourg – 2015
La Famille
La famille d’aujourd’hui ? Une famille bouleversée dans sa hiérarchie, individualiste, centrée
sur l’enfant, avec l’affectivité comme moteur essentiel !
Quand Talleyrand (1754-1838) note au sujet de ses jeunes années que « la mode des soins
paternels n’était pas encore arrivée », souhaite-t-il une évolution des mentalités de la société ?
Dans la seconde moitié du XVIIIème siècle, en effet, le modèle centré sur l’autorité
incontestée du père de famille entre en crise. L’enfant acquiert toujours plus de place, et avec
lui naît la littérature pour la jeunesse.
Héritiers de trois siècles de bouleversement, les artistes exposés ici dessinent, chacun à sa
manière, les liens au sein de la tribu familiale.
Texte de Jacob et Wilhelm Grimm
Illustration par Marcello Truong
Blanche-Neige
Tourbillon, 2002
Blanche-Neige dans les bras de sa
mère.
©Marcelino Truong - Tourbillon
Choisir d’évoquer un enfant unique
permet une économie de personnages
pour une plus grande efficacité du
récit.
Mais dans des albums dont le thème aujourd’hui est essentiellement le doute ou l’affirmation
de l’amour entre parents et enfants, la charge émotionnelle ajoute à l’importance du jeune
héros au sein de la famille.
L’intérêt de l’enfant
Texte de Jacob et Wilhelm Grimm
Illustrations Dorothée Duntze
Les souliers usés par la danse
Nord-Sud, 1995
« Elles dormaient ensemble dans une vaste
salle où leurs lits étaient rangés, les uns à
côté des autres, et le soir, quand elles étaient
couchées, le roi en fermait lui-même la porte
à clé » (Grimm)
©Dorothée Duntze – Nord-Sud
Figure centrale de la famille, le père autoritaire décide du sort de ses enfants : enfermement
sous clé, mariage imposé….
Depuis les frères Grimm, l’image du père a bien changé.
Texte Hans Christian Andersen
Illustrations Joanna Boillat
Les cygnes sauvages
Gautier-Languereau, 2005
« Bien loin d’ici, là où s’envolent les
hirondelles quand nous sommes en hiver,
habitait un roi qui avait onze fils et une fille,
Elisa. » (Andersen)
©Joanna Boillat – Gautier-Languereau
S’il s’absente dès les premières lignes des contes, comme c’est souvent le cas (Blanche-Neige,
Cendrillon, La Gardeuse d’oie..), le père trouve une place exceptionnelle dans cette
illustration de Joanna Boillat, qui le montre protecteur, aimant et présent.
Vers le père-mère ?
Emile Jadoul
Les Mains de Papa
Pastel, 2012
Le père et la mère, autour de ce ventre,
participent ensemble de la gestation de
l’enfant.
Les mains, qui espèrent, doutent,
accueillent et guident, osent dire
aujourd’hui les états d’âme du père.
©Emile Jadoul – Ecole des loisirs
Augustin de Saint-Aubin
Gravure par Sergent et Gautier l’aîné
L’Heureux ménage
Vers 1793
Les hommes n’ont pas attendu d’entrer dans les
salles de naissance pour s’intéresser aux
grossesses de leurs épouses. Déjà aux
XVIIIème et XIXème siècles, leurs écrits les
montrent attentifs et prévenants pendant la
grossesse, en particulier quand existent des
liens affectifs étroits dans le couple.
Doris Lauer
Juliette et son papa
Lito, 2007
La confusion entre autorité et violence a
désarçonné la figure paternelle.
Le Papa de Juliette bricole, instruit et fait
des crêpes, tendre et responsable, complice
des jeux et des bêtises…quand Maman
s’absente.
Le père cherche sa place, dans une rivalité
souriante entre parents aimants.
©Doris Lauer - Lito
L’arbre-refuge
Marion Duval
Le piano
Didier jeunesse, 2012
« Ce n’était pas grand-chose,
mais c’était beau ! »
©Marion Duval – Didier jeunesse
Un père « doit montrer l’exemple ». Mais a-t-il le droit de fléchir ?
Très présent dans les images de cet album, le père désempare pourtant le cercle familial, car il
est dépressif, suite à la mort de sa mère.
L’évocation de cette carence du père lui confère une juste humanité.
La joie de sa guérison projette cette famille dans la lumière du jardin, au pied solide de
l’arbre.
Laurent Moreau
L’enfant dans la tempête
Rouergue, 2009
« Une voix s’élève. Et puis une autre.
Elles crient très fort. »
Mais à la demande de l’enfant, « le vent
s’est apaisé… »
Dans le petit univers domestique coupé du
reste du monde, la tempête menace de
rompre l’équilibre familial.
« A hauteur d’enfant » : le poids pesant du
désordre.
L’arbre généalogique rassure en rappelant
l’ordre familial ancestral.
©Laurent Moreau - Rouergue
L’arbre-refuge
©Ilya Green – Rue du Monde
Texte Stéphane Servant
Illustrations Ilya green
Ti Poucet
Rue du monde, 2009
Au début de cet album, l’arrivée de l’ogre remplit les pages d’images de ramures et de
buissons. L’enfant, abandonné par ses parents, court dans la forêt, sur le chemin de la
résilience.
La fin du livre le montre adulte, au pied de l’arbre, dans sa nouvelle famille.
Dans la littérature de jeunesse, l’enfant chassé du nid recrée un nid.
Si la récompense du conte traditionnel est un mariage riche et heureux, la seule morale
aujourd’hui est l’affirmation de l’amour entre parents et enfants.
L’arbre-refuge
©Morgan Navarro - Gallimard
Morgan Navarro
Skateboard et vahinés
Gallimard, 2005
L’enfant sanglote par peur du divorce.
Rassuré, le voici perché sur les branches d’une forêt inattendue, venue de nulle part dans cet
album par ailleurs dépourvu d’arbres.
Une allusion discrète à l’arbre généalogique, indéracinable ?
Les copains remplacent la famille : évocation de l’entrée dans la vie sociale.
L’arbre, une vision de soi
©John A. Rowe – Nord-Sud
Texte de Linard Bardill
Illustrations de John A. Rowe
La Vie est une fête
Nord-Sud, 2004
« …quand les invités furent partis, les frères et sœurs [du hamster] Hamlet discutèrent entre
eux, puis l’appelèrent.
« Dans notre famille, dit Sophie, tout le monde porte un surnom, et il est juste que tu en aies
un aussi. Dorénavant, nous t’appellerons donc Hamlet le bienheureux. »
Chaque nouvelle naissance implique une renégociation des places et des territoires respectifs
au sein de la fratrie.
Au terme d’une aventure festive, le hamster trouve sa place dans un « arbre généalogique »
fantaisiste, mais qui le valorise : il se trouve au sommet de la pyramide.
Pourquoi cette préséance ? Généralement les contes montrent le « petit dernier » réussir ce
que ses frères et sœurs n’ont pu réaliser. Dans la tradition du Petit Poucet, la fable met
l’accent sur le benjamin.
L’arbre, une vision de soi
Julie Colombet
C’est l’histoire d’un arbre
A. Chanel, 2009
Dans cet arbre-famille, l’artiste exprime sa
vision personnelle de sa parenté : un couple
unique de grands-parents comme ascendants
des père et mère, une petite sœur sur une
branche à part et deux âges pour Maman,
Léa et Julie.
Le récit en demi-teinte de Julie Colombet
contraste avec le discours souvent plus
optimiste des albums déclinant l’arbre
généalogique de la famille.
©Julie Colombet – Ed. Anna Chanel
L’arbre généalogique
Complexe et joyeux, le livre pour enfants énumère volontiers les membres de la tribu, parfois
recomposée : d’arbre généalogique, il se transforme en album de famille. L’énumération des
parents s’y réduit souvent à la plus simple expression : prénom, qualité et statut socioprofessionnel. L’enfant s’assure de son identité en organisant son univers familier.
Avec la rupture de mai 68, « l’album pour enfants éprouve le vif désir d’interpeller le lecteur,
voire de le provoquer ». L’album ose raconter, lui qui veut « exprimer visiblement la
psychologie des personnages, sans rien occulter de leurs conflits relationnels ni de leurs
tensions inconscientes » (livres d’images, livres illustrés 1945-1995, in Livres d’enfance,
livres de France / Claude-Anne Parmegiani)
La famille « informelle », ou plutôt « sous toutes ses formes » (L’Heure des parents /
Christian Bruel), recomposée ((Ma super famille / Gwendoline Raisson), homoparentale
(Marius /Latifa Alaoui M.), entre dans l’album, non sans polémiques : Jean a deux mamans
d’Ophélie Texier sera boycotté par certaines associations catholiques.
La désacralisation de la mère
Claudine Desmarteau
Maman était petite avant d’être grande
Seuil jeunesse, 1999
« Tu sais, quand elle avait ton âge, ta maman
finissait toujours son assiette »
En 1832, avec Les Aventures de Jean-Paul
Choppart de Louis Desnoyers, l’humour et
l’édification morale se rejoignent dans la
première nigauderie de l’histoire de la
littérature de jeunesse.
Mais là où la tradition moralisatrice aurait
puni le chenapan, Claudine Desmarteau fait
fi du respect dû aux parents, du savoir-vivre
et des bonnes manières, quitte à abattre le
bastion qu’est la figure maternelle. L’enfant
iconoclaste fait rire et ne cherche que cela.
©Claudine Desmarteau - Seuil
Claudine Desmarteau
Dictionnaire : Le petit rebelle
Seuil jeunesse, 2001
Loin de l’idéal, tout paternaliste, de la
« bonne mère », « ange en son foyer », la
femme concrète est montrée ici aux prises
avec les réalités de sa vie familiale : ce
réveil, ce doigt tendu sapent le langage de
l’effusion et de l’amour maternel
« forcément » toujours sublime.
©Claudine Desmarteau - Seuil
Les nouveaux Anciens
Claudine Desmarteau
Dictionnaire : Le petit rebelle
Seuil jeunesse, 2001
Prout !
En toute situation, les grands-parents sont les
complices bienveillants et indulgents de leurs
petits-enfants.
©Claudine Desmarteau - Seuil
Delphine Perret
Moi le loup et les vacances avec pépé
Thierry Magnier, 2010
Quand Pépé part en vacances avec son
petit-fils, il s’accommode très bien de l’ami
de ce dernier, le grand méchant loup.
La considération pour le « patriarche » a
laissé la place à l’affectueux « Pépé», dans
la droite lignée des « grands-parents
gâteaux » inventés par le XIXème siècle.
« L’Art d’être grand-père », écrit Victor
Hugo, qui remplace l’obéissance absolue
aux plus anciens par l’égalité entre les
membres d’une famille.
A l’aïeul proche de la mort, à la frêle vieille
femme d’antan, systématiquement assise
dans son fauteuil dans le cadre domestique,
l’iconographie actuelle préfère les images
de papy-boomers actifs, indépendants,
toujours verts et connectés au monde de
leurs petits-enfants.
©Delphine Perret – T. Magnier
Les rituels de la famille
Julie Colombet
C’est l’histoire d’un arbre
A. Chanel, 2009
©Julie Colombet – Ed. A. Chanel
L’album met en avant les rituels du
quotidien : la cérémonie du coucher à
laquelle participent pères et mères, le choix
des vêtements, symbole de l’humour tendre
des parents…
Rituels d’union qui confortent la famille
©Julie Colombet – Ed. A. Chanel