Fiche 1 MOYEN ÂGE Les Chansons de geste La littérature courtoise
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Fiche 1 MOYEN ÂGE Les Chansons de geste La littérature courtoise
Fiche 1 MOYEN ÂGE Les Chansons de geste Du XIe au XIIIe, l’époque fleurit, au début de notre littérature, sous la forme des chansons de geste (latin gesta : exploits guerriers). Au nombre d’une centaine, elles font revivre des personnages et des évènements du VIIIe et du IXe siècle, considérablement grandis et embellis. Aux rudes barons, amateurs de prouesses, imbus de l’honneur féodal et exaltés par la foi, les poètes ou trouvères présentaient les exploits des héros carolingiens à qui ils prêtaient les caractères, les mœurs, les armures des seigneurs et des croisés du XIIe siècle : CHARLEMAGNE était pour eux le soldat de Dieu, et ses compagnons devenaient des chevaliers comme eux, des croisés en lutte contre les infidèles. Les principales chansons de geste sont groupées en cycles. Par exemple la GESTE DU ROI, dominée par la personnalité de Charlemagne : La Chanson de Roland (début du XIIe siècle), Le Couronnement de Louis (XIIe) ; ou encore la GESTE DE GARIN DE MONGLANE, qui retrace les luttes contre les Sarrasins dans le Midi de la France, et dont le héros est Guillaume d’Orange. Les chansons de geste étaient récitées par les jongleurs dans les châteaux, sur les places et sur les champs de foire ; mises en prose vers la fin du Moyen Age, elles devinrent des romans. La littérature courtoise Dans la deuxième moitié du XIIe siècle, les mœurs de la noblesse s’adoucissent et une vie mondaine se crée. À cette société plus polie s’adressent désormais des œuvres courtoises, c’est-à-dire écrites pour un public « de cour ». Elles se situent d’ordinaire dans un cadre luxueux et sont surtout consacrées à des aventures d’amour. Ce n’est plus pour le service de Dieu ou de leur suzerain que les chevaliers accomplissent leurs exploits, mais pour plaire à leur « dame » ; aux vertus héroïques ils joignent maintenant la délicatesse de l’homme de cour, et leur passion les expose souvent à de rudes épreuves : ainsi notre littérature s’enrichit de fines analyses de sentiments. Cette inspiration plus raffinée s’est d’abord traduite dans le Midi par la charmante poésie des troubadours. Elle a gagné ensuite le Nord de la France et l’Angleterre, sous l’impulsion d’Aliénor d’Aquitaine, devenue reine d’Angleterre en 1154. C’est à la cour de cette reine que vécurent MARIE DE FRANCE, surtout connue par ses Lais, et THOMAS d’ANGLETERRE, l’un des poètes qui ont chanté la célèbre histoire de Tristan et Iseut. C’est d’Angleterre également que nous vinrent les légendes celtiques comme celle du roi Arthur et des chevaliers de la Table Ronde. 1 Elles sont à la source des romans bretons dont les plus célèbres sont ceux de CHRÉTIEN DE TROYES (XIIe siècle) : Lancelot ou le Chevalier à la Charrette Yvain ou le Chevalier au Lion ou le Conte du Graal. La Littérature bourgeoise Dès le XIIe siècle, la bourgeoisie, dont l’influence va croissant, a sa littérature particulière, narrative et satirique. ! Le Roman de Renart se compose de 27 branches ou récits indépendants. D’abord essentiellement comiques (fin du XIIe s.), ces récits deviennent satiriques dans les branches rédigées au XIIIe siècle et dans les « suites » écrites à la fin du XIIIe siècle et au début du XIVe. L’ensemble forme une masse de 100 000 vers. Le héros central est le goupil, surnommé RENART, dont le nom supplantera le terme de goupil. Le public bourgeois et populaire, eécrasé par les nobles, se plaisait à voir le rusée Renart triompher des puissants comme Noble le lion, Ysengrin le loup et Brun l’ours. ! Les Fabliaux sont de courts récits en octosyllabes datant du XIIIe siècle et XIXe. Ce sont des « contes à rire », d’un comique assez lourd, qui nous peignent avec une précision pittoresque et une verve malicieuse les mœurs des bourgeois et des paysans : Estula, Le Vilain Mire, Le dit des perdrix. Chronique et Histoire Les premières œuvres rédigées en prose française furent des récits historiques ou chroniques, relatant des évènements auxquels les auteurs avaient eux-mêmes participé. Ainsi GEOFFROI DE VILLEHARDOUIN raconte la Conquête de Constantinople pendant la IVe Croisade (1198-1204). Puis Jean sire de Joinville retrace la vie édifiante de son maître, le roi Saint Louis, et l’histoire de la VIIe Croisade, en Égypte (1248-1254). Pendant la guerre de Cent Ans, Jean FROISSART (1337-après 1400) célèbre dans ses Chroniques les hauts faits chevaleresques des combattants ; il nous offre le reflet de la haute société, féodale et courtoise, de son temps. Philippe de COMMYNES (1447 ?- 1511) n’est plus un simple chroniqueur. Ses Mémoires, qui portent sur les règnes de Louis XI et de Charles VIII, jettent les bases de l’histoire telle que nous la concevons aujourd’hui. 2 La poésie lyrique Au Moyen Age, on peut parler de lyrisme au sens strict du terme : il s’agit en effet d’une poésie chantée ; jongleurs et ménestrels, trouvères dans le Nord et troubadours dans le Midi s’accompagnent sur la vielle ou le luth. 1. Lyrisme aristocratique et lyrisme bourgeois. Lorsque le lyrisme naît, vers le milieu du XIIe siècle, son inspiration est d’abord courtoise et aristocratique. Les plus grands seigneurs ne dédaignent pas de rivaliser avec leurs protégés, poètes de profession. Au XIIIe siècle, l’esprit bourgeois se manifeste à son tour chez des poètes comme RUTEBEUF, qui unissent le réalisme satirique au lyrisme personnel de confidences plaisantes ou mélancoliques. L’opposition entre esprit courtois et esprit bourgeois se manifeste encore dans un long poème allégorique du XIIIe siècle : le Roman de la Rose. 2. De Machaut à Charles d’Orléans. Au XIVe siècle, Guillaume de Machaut fixe des genres nouveaux : lais et virelais, chants royaux, rondeaux et ballades. Il a pour disciple EUSTACHE DESCHAMPS (1346-1406). CHRISTINE DE PISAN (1364-1430) exprime avec une grâce touchante sa douleur à la mort de son mari ou sa joie de voir la France délivrée par Jeanne d’Arc. CHARLES D’ORLÉANS (1394-1465), petit-fils de Charles V et père du futur Louis XII, renoue avec la tradition des grands seigneurs poètes. Longtemps captif en Angleterre, il mène ensuite, dans son château de Blois, la vie d’un mécène aimable et généreux. Il chante l’amour, la fraîcheur du printemps, la tristesse de l’exil, la perte d’un être cher, et s’exprime volontiers sous la forme pudique et raffinée de l’allégorie, en un symbolisme rêveur. 3. Villon. Le plus grand poète du Moyen Age, FRANÇOIS VILLON (1431après 1462), fut un mauvais sujet. « Escholier » paresseux, il va jusqu’au vol et au meurtre ; il est même condamné à mort, mais la sentence est annulée. À partir de cette date (janvier 1463) nous perdons sa trace. Villon laissait trois recueils : le Lais (Legs), le Testament, et des Poésies diverses qui contiennent son chef-d’œuvre, la Ballade des Pendus. Sa poésie est une longue confidence, tantôt gouailleuse, tantôt pathétique. En dépit de ses fautes, Villon a gardé une étonnante fraîcheur de sentiments : tendresse filiale, piété confiante. Sans parler de son art, c’est sa sincérité totale qui nous bouleverse lorsqu’il regrette le temps de sa jeunesse, si mal employée, ou exprime sa hantise de la mort. 3 Le Théâtre 1. Le drame religieux. Les premières représentations furent des intermèdes illustrant, dans l’église puis sur le parvis, les mystères de la foi ou la vie des saints. Peu à peu ces scènes s’étoffèrent, et elles furent finalement interprétées par des professionnels, les Confrères de la Passion. Le Jeu d’Adam (XIIe s) a pour sujet la chute d’Adam et d’Eve et l’annonce de la rédemption. On distingue ensuite deux catégories de drames religieux : a) les Miracles, épisodes de la vie des saints, comme le Miracle de Théophile, par RUTEBEUF (XIIIe s.) ; b) les Mystères, qui représentent généralement la Passion du Christ. Les deux principales versions du Mystère de la Passion sont celles d’ARNOUL GRÉBAN (vers 1450) et de JEAN MICHEL (1486). 2. Le théâtre comique. Notre premier auteur comique fut ADAM DE LA HALLE (dit Adam Le Bossu, 2ème moitié du XIIIe s) à qui nous devons le Jeu de la Feuillée et le Jeu de Robin et Marion. Au XVe siècle, le théâtre comique se subdivise en soties (« folies ») satiriques, moralités, sermons joyeux et farces. Seule la farce se perpétuera après le Moyen Age ; elle donne déjà, vers 1460-1465, un chef-d’œuvre : Maître Pierre Pathelin, où triomphent la verve populaire et le bon sens réaliste. 4 Fiche 2 XVIe SIÈCLE Le XVIe siècle rompt avec la littérature et la pensée du Moyen Age ; dans le domaine religieux, l’esprit de libre examen entraîne la naissance du protestantisme. C’est l’époque de la RENAISSANCE et de la RÉFORME. Il est moins optimiste que Rabelais. Dans ses Essais (1580- 1588), après avoir soumis toutes choses à l’épreuve du doute, il élabore une sagesse et un art de vivre à la mesure de l’homme. Il nous donne l’exemple de la pensée libre, d’une indépendance jalousement préservée, et nous laisse ce beau précepte : « faire bien l’homme et dûment ». La Renaissance La Réforme On assiste à un magnifique épanouissement des lettres et des arts, sous l’influence de l’Italie, et à l’imitation de l’antiquité gréco-latine ; le mouvement est favorisé par François Ier. Appétit de savoir, ardente soif de vivre, confiance dans l’homme et la nature, en réaction contre l’ascétisme du Moyen Age : tels sont les principaux traits qui caractérisent l’esprit de la Renaissance. a) Le renouveau poétique RONSARD (1524-1585), DU BELLAY ( 1522-1560) et les poètes de la PLÉIADE rejettent les genres du Moyen Age et empruntent le sonnet à l’Italie, l’ode, l’élégie, l’épître à l’antiquité. Ils veulent enrichir la langue, l’art et l’inspiration, et donnent l’essor au lyrisme personnel. Du Bellay, « exilé » à Rome, chante ses Regrets ; Ronsard célèbre la nature, l’amour et la vie qu’il faut « cueillir », avant la vieillesse et la mort. Au temps de la Réforme, la littérature devient ardemment militante. Dans ses Discours, RONSARD déplore les divisions de sa patrie, proclame sa foi catholique et combat les protestants. Dans les Tragiques, AGRIPPA D’AUBIGNÉ (1552-1630), d’ailleurs disciple de Ronsard en poésie, tonne contre le parti catholique ; ce soldat mystique, qui sait dépasser parfois l’invective et la satire, donne à la France une véritable épopée. Quant à MONTAIGNE, le triste spectacle des guerres de Religion renforce sa tendance au scepticisme et son amour de la liberté. b) L’humanisme Les premiers humanistes furent des érudits qui firent connaître les grandes œuvres de l’antiquité. Puis l’humanisme devint la quête d’une sagesse purement humaine, au contact de la pensée antique : Rabelais et Montaigne sont les deux grands humanistes français du XVIe siècle. ! RABELAIS (1494-1533 ?). Médecin, François Rabelais sait que les malades guérissent mieux lorsqu’ils sont gais : aussi nous communiquet-il sa sagesse par le rire. Conteur plein de verve, il narre les aventures bouffonnes de trois générations de géants : Grandgousier, Gargantua et Pantagruel. Pour découvrir, sous ce déluge de mots et de plaisanteries, la pensée secrète, souvent profonde et hardie, il faut, dit-il, « rompre l’os et sucer la substantifique moelle ». ! MONTAIGNE (1533-1592). Le premier enthousiasme de la Renaissance est passé : Montaigne ne demande plus à son lecteur d’être un puits de science, mais d’avoir la tête bien faite plutôt que bien pleine ; 5 6 Fiche 3 XVIIe SIÈCLE Le XVIIème siècle est marqué par l’épanouissement du CLASSICISME ; mais on ne saurait le figer dans une immobilité majestueuse. L’admirable équilibre classique n’a pas été conquis sans luttes, et il se trouve menacé dès avant 1700. L’évolution. Pendant la première moitié du siècle, notre littérature semble chercher sa voie. On aime alors les contrastes violents, les images hardies, la subtilité et le romanesque : c’est le goût « baroque », qui aboutira à deux extrêmes, la préciosité et le burlesque. Cependant Malherbe, puis Corneille s’orientent vers un idéal plus sobre et plus soucieux de vérité humaine, tandis que le philosophe Descartes affirme les droits souverains de la raison. Après Corneille, qui était encore un précurseur, une première génération d’écrivains classiques groupe Pascal, Bossuet, La Fontaine et Molière. Puis Racine porte la tragédie à la perfection, et Boileau codifie les règles de l’art classique. À la fin du siècle, la raison critique, étendant son domaine, aborde les questions sociales, politiques et religieuses : c’est là le signe d’un esprit nouveau. L’idéal classique. Il présente un double aspect, littéraire et moral. Nos classiques s’inspirent des écrivains de l’antiquité gréco-latine, qui ont poussé l’art tout près de la perfection ; mais cette perfection se définit par le naturel, le respect de la raison et de la vérité, qui sont aussi des vertus morales, propres à « l’honnête homme ». Celui-ci se caractérise par la distinction de ses manières, la qualité de son bon esprit et de son cœur ; il respecte ses semblables et se tient à sa place ; la réserve et la modestie lui interdisent d’étaler ses sentiments et ses connaissances. La littérature classique vise donc à l’impersonnalité : sous l’individu elle cherche l’homme universel ; elle proscrit le pédantisme et l’affectation ; enfin, elle soumet l’expression à la pensée, la rime à la raison, par une subordination comparable à la hiérarchie sociale qu’elle accepte. Précieux et burlesque LA PRÉCIOSITÉ est, au début du siècle, un phénomène social. Les salons, comme celui de Mme de Rambouillet, s’efforcent d’introduire dans la vie et le langage plus de politesse et de bienséance. Les précieux s’entretiennent de psychologie amoureuse, discutent littérature, écrivent eux-mêmes des lettres et des poèmes de forme soignée, de tour piquant et ingénieux. Ils se passionnent pour des ouvrages interminables : L’Astrée (1607-1624) d’Honoré d’URFÉ, roman pastoral qui compte 5 000 pages pleines d’aventures, 7 d’intrigues, de duels, de batailles, d’évasions ; ou encore les romans de Mlle de SCUDÉRY : Le grand Cyrus (10 vol. 1649-1653) et Clélie (10 vol., 16541661) où se trouve la célèbre Carte de Tendre. Molière et Boileau ont raillé les excès de la précocité devenue ridicule dans les salons bourgeois : le désir de se singulariser conduisait à des sentiments affectés et à un jargon incompréhensible. Mais, quand ils ont évité ces excès, les salons ont eu une influence favorable : ils ont combattu le pédantisme, adouci les mœurs et contribué à créer l’idéal de « l’honnête homme » ; par leur goût de l’analyse nuancée, ils ont orienté le public et les auteurs vers une littérature essentiellement psychologique ; ils ont répandu le culte de la perfection formelle, et la langue classique leur doit en partie sa précision et sa pureté. Le roman précieux lui-même donne naissance avec Mme de LA FAYETTE à un admirable roman d’analyse : La Princesse de Clèves (1678). LE BURLESQUE traduit la réaction bourgeoise et populaire contre le raffinement précieux. C’est une sorte de « préciosité retournée » par parti pris de vulgarité, qui s’accompagne de réalisme chez SCARRON ou FURETIÈRE, et de fantaisie chez CYRANO de BERGERAC. Dans Le Lutrin (1674), BOILEAU donnera le chef-d’œuvre d’un « burlesque nouveau » où le comique résulte du contraste entre la familiarité du sujet et la gravité héroïque du ton. Le Lyrisme Après le jaillissement du XVIe siècle, la source du lyrisme personnel paraît se tarir au XVIIème siècle. MALHERBE (1555-1628) prépare l’avènement du classicisme. Il a épuré la langue en luttant contre les provincialismes, les archaïsmes, les mots pédants : il a discipliné la technique poétique en proscrivant le hiatus, les chevilles, les rimes faciles, et en exigeant la régularité et l’harmonie du vers. Pour lui le poète n’est pas un inspiré qui chante ses émotions : c’est un « ouvrier en vers » dont le labeur doit aboutir à une forme impeccable. Aussi son lyrisme est-il impersonnel : il célèbre surtout les rois, les grands, les évènements contemporains ; mais sa poésie trop formelle manque de sensibilité et de chaleur. Des poètes ont défendu contre lui les droits de l’inspiration et de la fantaisie : Mathurin RÉGNIER, auteur de Satires morales et littéraires ; Théophile de VIAU, dont le lyrisme évoque la fraîcheur et le mystère de la nature ; et surtout SAINT-AMANT, poète burlesque de la bonne chère et de la vie de bohême, qui chante aussi l’exotisme, les ruines, les paysages tourmentés ou fantastiques. 8 La grande époque classique, vers 1660, consacre la prééminence d’une littérature sociale écrite pour les « honnêtes gens » qui répugnent à l’étalage du « moi » ; c’est le triomphe d’un art conscient, fondé sur la raison, l’observation objective de l’homme et l’imitation des Anciens. Ce climat est peu favorable au lyrisme : paradoxalement, l’inspiration personnelle n’apparaîtrait guère que dans la prose (Sermons de Bossuet, Lettres de Mme de Sévigné) si elle n’avait pas trouvé refuge chez un indépendant comme LA FONTAINE (1621-1695). L’auteur des Fables intervient volontiers dans ses récits qui deviennent parfois le prétexte de confidences discrètes ou élégiaques. C’est chez La Fontaine qu’on trouverait, entre la Renaissance et le Romantisme, les plus beaux vers inspirés par la nature, l’amitié, la rêverie et l’amour de la solitude. La Tragédie Genre antique transplanté en France au XVIe siècle, la tragédie atteint son apogée au XVIIème avec deux génies qui la traitent de façon fort différente : Corneille et Racine. CORNEILLE (1606-1684), Pierre Corneille écrit d’abord des comédies d’intrigue. Puis il donne, en 1637, son premier chef d’œuvre tragique, Le Cid. Le sujet, qu’il emprunte à la littérature espagnole, convient admirablement à ses tendances romanesques, à son idéal héroïque. Le Cid remporte un très vif succès ; pourtant, sensible aux critiques de l’Académie Française, Corneille compose ensuite des pièces plus sévères et plus conformes aux règles héritées des Anciens : Horace et Cinna (1640-1641), tragédies romaines, puis Polyeucte (1642), tragédie chrétienne. Polyeucte marque le sommet de sa carrière. Corneille écrira encore des pièces remarquables, comme Nicomède (1651), et jusqu’au bout il aura de beaux accents, héroïques et tendres (Suréna, 1674) ; mais il ne retrouvera plus la puissance de ses grandes années. Corneille choisit en général des sujets historiques qui comportent une action illustre, extraordinaire, parfois même compliquée, et mettent en jeu des passions nobles et de grands intérêts d’État : ses tragédies sont donc héroïques et politiques. Mais ce qui les caractérise avant tout, c’est la nature du conflit et l’âme du héros : Rodrigue est déchiré entre son amour pour Chimène et sa « gloire » c’est-à-dire son honneur et le devoir de venger son père ; Polyeucte entre son amour pour Pauline et sa foi qui l’appelle au martyre. Le héros choisit, sans défaillance, la voie la plus noble et la plus difficile, méritant ainsi notre admiration. Mais on ne peut dire que l'amour soit vaincu : il s’incline devant l’honneur et, loin d’être humilié, sort lui-même grandi de cette douloureuse épreuve. 9 Ainsi Corneille peint, avec une poésie mâle et éloquente, les actions d’êtres nobles, courageux et libres, qui forgent eux-mêmes leur destin. RACINE (1639-1699), Dès sa troisième tragédie, Andromaque (1667), Jean Racine s’affirme comme le rival de Corneille, Il donne ensuite une comédie, Les Plaideurs (1668), puis cinq tragédies en six ans : Britannicus (1669), Bérénice (1670), Bajazet (1672), Mithridate (1673), Iphigénie (1674). En 1677, après l’échec de Phèdre, provoqué par une cabale, il devient historiographe du roi et renonce au théâtre. Pourtant, à la demande de Mme de Maintenon, il écrira encore, pour les demoiselles de Saint-Cyr, deux pièces bibliques, Esther (1689) et Athalie (1691). Moins vaste, moins variée que celle de Corneille, l’œuvre de Racine est en revanche toujours égale à elle-même : elle ne connaît pas de défaillances. Contrairement à Corneille, RACINE préfère aux intrigues compliquées des sujets très simples, plus conformes à la vraisemblance : selon lui, « toute l’invention consiste à faire quelque chose de rien » (Préface de Bérénice, 1670). Ainsi l’action de Bérénice se résume en quelques mots : « Titus renvoya la reine Bérénice, malgré lui, malgré elle ». Ses tragédies commencent au moment où les passions, arrivant à leur paroxysme, vont faire éclater la crise. Car son théâtre est dominé par les passions, surtout par la passion amoureuse. Les héros raciniens aiment sans être aimés ; torturés par la jalousie, ils provoquent la perte de celui qui les repousse, et le suivent aussitôt dans la mort. Ils sont dominés par la fatalité de la passion, interprétation moderne de la fatalité antique. Le monde racinien est donc sombre et cruel, mais il est éclairé par une poésie admirable; tantôt tendre tantôt épique, toujours noble et harmonieuse, même lorsqu’elle traduit les cris déchirants de la passion. La Comédie Avant Molière, le genre comique est assez pauvrement représenté : farces grossières jouées par Turlupin, Jodelet ou Tabarin; pièces italiennes de la commedia dell’arte, où Scaramouche et Trivelin improvisaient sur un simple canevas. Pourtant Pierre CORNEILLE, à ses débuts, écrit des comédies plus fines où des personnages plus vrais que ceux de la farce évoluent parfois dans un décor réel : La Galerie du Palais, La Suivante, La Place Royale, L’Illusion Comique et plus tard Le Menteur. MOLIERE (1622-1673) a élevé la comédie au même rang que la tragédie. C’est par la farce des Précieuses ridicules (1659) qu’il a débuté à Paris, et ii reviendra volontiers à ce genre dont les procédés faciles font rire un large public (Le Médecin malgré lui). Ses grandes comédies contiennent encore des scènes bouffonnes : L’École des Femmes (1662), Dom Juan (1665), Le Misanthrope (1666), L’Avare (1668), Tartuffe (1669), Le Bourgeois Gentilhomme (1670), Les Femmes Savantes (1672), Le Malade imaginaire (1673). 10 Il a l’art d’utiliser ou de transposer les procédés irrésistibles de la farce pour nous révéler le ridicule de ses héros qui sont souvent des maniaques comme Harpagon, Orgon ou M. Jourdain. LE GÉNIE DE MOLIÈRE consiste en effet : 1) à peindre « d’après nature », dans leur complexité et leurs contradictions, des personnages aussi vrais que ceux des grandes tragédies, des personnages qui, sans cesser d’appartenir à leur époque sont des types universels ; nous reconnaissons encore autour de nous des Harpagons, des Tartuffes, des M. Jourdain; 2) à maintenir cette peinture, qui pourrait être assez sombre, dans un climat franchement comique; 3) à nous présenter ces personnages dans le cadre de la société contemporaine et à esquisser du même coup « le portrait du siècle »; 4) à insérer adroitement des thèses morales dans la trame de ses comédies; sans s’imposer au spectateur ses idées, sur la préciosité, l’hypocrisie, l’éducation des filles, le mariage se dégagent naturellement du jeu des caractères et du dénouement de l’intrigue. Unissant à une invention comique inépuisable la peinture des caractères, la satire des mœurs et les leçons du moraliste, Molière a su faire rire tous les publics, depuis le parterre jusqu’aux spectateurs les plus difficiles. BOSSUET (1627-1704) est le plus grand prédicateur du XVIIème. Ses Oraisons funèbres comme ses Sermons nous montrent avec une éloquence majestueuse et poétique le néant des plaisirs, de l'orgueil et de la gloire, et nous invitent à aspirer uniquement à la félicité éternelle dans le sein de Dieu. LA ROCHEFOUCAULD (1613-1680) ramène nos actions, nos vices et même la plupart de nos vertus à un principe commun, l’amour-propre. Dans ses Maximes (1664), il décèle les ruses et les subterfuges de ce sentiment égoïste, habile à se déguiser pour nous conduire à notre insu. LA BRUYERE (1645-1696) est à la fois un moraliste, un critique littéraire et un satirique. Il aborde, avec Les Caractères où les Moeurs de ce siècle (1688), la critique sociale et même politique. Les défauts des hommes qu'il raille dans un style incisif et brillant sont souvent liés à l'injustice des privilèges que confère la naissance ou l'argent : les riches sont sans pitié, et, si « le peuple n'a guère d’esprit, « les grands n'ont point d'âme ». Les moralistes Tous les grands écrivains du XVII siècle peuvent être considérés comme des moralistes, car la littérature classique dans son ensemble est une vaste enquête sur l’homme. Pourtant certains d'entre eux méritent plus particulièrement ce titre : ceux qui se sont consacrés à l’analyse du cœur et de l’esprit, des défauts, des passions, des caractères et des moeurs de leurs semblables, et qui ont tiré de cette analyse un enseignement moral direct. Pascal et Bossuet, en apprenant aux hommes à se connaître, veulent les conduire à Dieu et au salut par la foi et la pratique des vertus chrétiennes. La Rochefoucauld considère lui-même l'humanité « dans cet état déplorable de la nature corrompue par le péché » ; cependant c'est surtout un moraliste laïque. Quant à La Bruyère, il oriente ses réflexions dans le sens de la critique sociale. PASCAL (1615-1661) dénonce dans les Provinciales certains relâchements de la morale chrétienne. Dans les Pensées, il entreprend une Apologie de la religion chrétienne fondée sur une analyse admirable de la misère de l'homme, qui laisse pourtant apparaître des traces de sa grandeur primitive. 11 12 Fiche 4 XVIIIe SIÈCLE Le principe d'autorité avait dominé tout le XVIIème siècle et favorisé la naissance d’œuvres littéraires composées d'après des règles strictes. Mais, la monarchie s'affaiblissant, des tendances nouvelles sapent les bases mêmes du régime, de la religion, de la société et aboutissent à un renouvellement des idées et des conceptions artistiques. De plus, l'art devient cosmopolite. La cour n'est plus le centre de la vie littéraire après 1715; on discute dans les cafés et dans les clubs. Les Salons de Madame de Lambert, de Tencin, du Deffand et de Mme Geoffrin permettent aux écrivains de se rencontrer. L'art et la science y rejoignent la littérature : Voltaire expose en vers le système de Newton, Buffon écrit son Histoire naturelle, Diderot consacre aux sciences la majeure partie de L’Encyclopédie que Rousseau compose un opéra... On peut distinguer en ce siècle deux grandes périodes : au cours de la première marque la fin du classicisme, on raisonne sur la politique et la religion; la seconde voit le triomphe de la sensibilité sur la raison et annonce le romantisme. Première période MARIVAUX, (1688-1763) écrit, surtout pour les artistes du Théâtre italien, des comédies d'un genre nouveau, où il traite des rapports sociaux du féminisme; mais le plus souvent, prenant l 'amour comme principal ressort de ses pièces, il guette la naissance de ce sentiment et analyse minutieusement dans le cœur de ses jeunes héros le conflit de l’amour et de l'amour-propre (Le Jeu de l’amour et du hasard, 1730; Les Fausses Confidences, 1737) L’ABBÉ PRÉVOST donne à la France son second roman psychologique (après La Princesse de Clèves de Mme de La Fayette) : l’Histoire du Chevalier Des Grieux et de Manon Lescaut (1731). Deux écrivains dominent ce premier demi-siècle : Montesquieu et Voltaire. MONTESQUIEU (1689-1755) fut .d'abord magistrat. Voulant critiquer les mœurs de ses contemporains, il prit pour héros deux Persans, Usbek et Rica : les lettres qu’ils échangent en visitant la France, celles qu'ils écrivent à leurs amis ou reçoivent d'eux, constituent Les Lettres persanes (1721). Par le procédé du dépaysement, que reprendra Voltaire, et par la satire des institutions les mieux établies, ces Lettres donnent le ton à tout le XVIIIe siècle. Avec L’Esprit des Lois (174I), Montesquieu crée la science politique : son étude va répandre l'idée que le régime politique dépend moins de la Providence ou du hasard que de conditions complexes ou entrent le climat, la géographie, l'esprit général d’un peuple; sa haine du despotisme, son admiration pour la constitution anglaise inspireront La Déclaration des Droits de l'Homme et du citoyen en 1789. 13 VOLTAIRE (1694-1778) a mené une vie très active, et souvent à l’étranger. Exilé en Angleterre (1726-1729), puis, après un bref séjour en France, à Cirey en Lorraine chez la Marquise du Châtelet (1734-1744), il vivra à Berlin quelque temps auprès de Frédéric II (1750-1753) avant de se retirer près de Genève, aux Délices (1755-1760) puis à Ferney (1760-1778). Il a excellé dans tous les genres : la poésie (La Henriade, 1728 ; Le Mondain, 1736), la tragédie (Zaïre, 1732), l’histoire (Le Siècle de Louis XIV, 1751 ; L’Essai sur les mœurs, 1756). Passionné pour les idées nouvelles, il a défendu la cause de la liberté dans Les Lettres philosophiques (1734), Le Traité sur la tolérance (1764), Le Dictionnaire philosophique (1764). Il a rédigé de nombreux libelles en faveur des victimes de l’intolérance et du fanatisme, comme Calas et Sirven. C’est à cette partie de son œuvre qu’on peut rattacher ses Romans et Contes, écrits pour répandre ses idées par le recours à l’ironie : Zadig (1747), Babouc (1748), Micromégas (1752), Candide (1759), L’Ingénu (1767). Ces contes, considérés à l’époque comme des amusettes, constituent la partie la plus vivante de son œuvre avec sa Correspondance. Plus de dix mille lettres adressées à des rois, des princes, des écrivains, des amis le relient à toute l’Europe : il est le « roi Voltaire » et tient à Ferney une véritable cour. De là, il lutte contre les abus de la société contemporaine, plutôt que contre le régime royal ; par sa générosité il aide les malheureux et assure le succès de nobles entreprises. Deuxième période La sensibilité prend une place prépondérante dans le second demi-siècle, grâce à Diderot et à Rousseau. DIDEROT (1713-1784) a assumé presque à lui seul la charge de L’Encyclopédie, vaste ouvrage comprenant 28 volumes, dont 11 de planches et publié de 1751 à 1766 avec la collaboration de savants et des écrivains de l’époque, en particulier D’ALEMBERT. Recueil des connaissances techniques de l’époque, L’Encyclopédie permet surtout à ses auteurs d’attaquer les préjugés et de combattre principalement la religion considérée par les philosophes comme un obstacle au progrès. Mais Diderot est d’abord un émotif et sa sensibilité s’étale dans ses autres œuvres ; ses drames bourgeois, ses romans et dialogues (Le Neveu de Rameau, Jacques le fataliste), surtout ses Salons, premier ouvrage critique d’art où l’émotion éprouvée devant un tableau devient le principal critère du Beau. Diderot ne compose guère ; il obéit à son inspiration, à sa verve, et aime mieux traduire ses sentiments que de les analyser logiquement. 14 JEAN-JACQUES ROUSSEAU (1712-1778) est né à Genève d’un père horloger. Protestant, il se convertit au catholicisme et, mise è part une halte chez Mme de Warens à Annecy et aux Charmettes (près de Chambéry), il erre, de 1728 à 1743, à travers la Suisse, le Piémont, la France, tour à tour maître de musique, laquais, précepteur, secrétaire d’ambassade. Venu s'établir à Paris, il rencontre Diderot et se fait connaître par un opéra, Le Devin du Village, par deux Discours, l'un sur les Sciences et les Arts (1750), l’autre sur L’Inégalité (1755), où il se déclare l’ennemi de la société et du progrès. Il abjure le catholicisme. Dans sa retraite de Montmorency (prés de Paris), il écrit La Nouvelle Héloïse, roman par lettres (1761), Emile (1762) où il prône l’éducation naturelle et les méthodes actives, Le Contrat social (1762) où il expose ses idées politiques. En lutte à l’hostilité des dévots et des Encyclopédistes, Jean-Jacques se sent alors traqué, et, après avoir vainement tenté de s’établir en Suisse et en Angleterre, il se réfugie à Ermenonville pour y rédiger deux ouvrages autobiographiques. Les Confessions (publiées en 1782 et 1789) et les Rêveries du Promeneur solitaire (publiées en 1782) dont la prose musicale s’harmonise avec les mouvements de l’âme. Bien différent de Voltaire, Rousseau déteste foncièrement une société où règne l'inégalité entra les hommes et qu'ont pourrie le luxe et les arts; tout son amour va à la nature où il retrouve le sentiment de Dieu et où s’épanouit sa sensibilité. Voltaire était le dernier représentant du classicisme, Rousseau annonce un monde nouveau : le romantisme. ANDRÉ CHENIER, né à Constantinople en 1761, guillotiné en 1794, sans libérer totalement la langue poétique des contraintes qui avaient paralysé ses prédécesseurs chante ses amours avec sensibilité dans les Élégies ; s'inspirant de la plastique et de la littérature grecques, il écrit les Bucoliques, dont les vers harmonieux, publiés en 1819, raviront la première génération romantique. C’est à un aventurier de génie, PIERRE CARON DE BEAUMARCHAIS (17321799), qu’il appartenait de conclure. La gaieté endiablée qui anime Le Barbier de Séville (1775) et Le Mariage de Figaro, dont l'intrigue fait penser aux farces de Molière et la sensibilité à Marivaux, nous rappelle qu’on goûta en ce siècle la joie de vivre. Beaumarchais dut son succès à la franchise de sa satire politique et sociale. Dans Le Mariage, Figaro, valet frondeur et cynique, mais sympathique comme un gavroche parisien, triomphe du grand seigneur; les applaudissements qui, en 1784, saluèrent la pièce longtemps interdite sont révélateurs ; cinq ans plus tard commencera la Révolution. 15 Fiche 5 XIXe SIÈCLE Le Romantisme De 1800 à 1813 se développent, surtout grâce à l’influence de Chateaubriand, les tendances qui aboutiront au romantisme. Le romantisme est moins une doctrine littéraire qu'un état de la sensibilité qui s’est manifesté dans première moitié du XIXème. Les tendances romantiques : goût de la confession personnelle, de la solitude, un esprit de révolte et, d’une façon plus générale, prédominance de la sensibilité sur la raison, se trouvent dés le XVIIIème siècle chez Rousseau. Ces tendances ont été favorisées, après 1815, par les circonstances historiques, le déséquilibre que la chute de l’Empire provoqua dans l'âme de la jeunesse (le mal du siècle) et par l'influence des littératures étrangères, surtout anglaise et allemande. Elles se sont développées en un courant complexe, caractérisé par le retour à la religion, la découverte de notre littérature du Moyen Age et le goût de la couleur locale, lié au sentiment de la diversité géographique et historique. Le mouvement romantique s’est prolongé jusqu'aux environs de 1 8 5 0 et a subi l’influence des événements de 1830 et 1848. CHATEAUBRIAND (1761-1848) est né à Saint-Malo. Son adolescence est marquée par; le séjour au Château de Combourg et l’exaltation de la vie en pleine nature (1784-1786). En 1791 il s'embarque pour les États-Unis où lui sera révélé le spectacle grandiose dé la nature américaine. Mais il rentre précipitamment pour faire campagne contre la Révolution dans l’armée des émigrés. Blessé su siège de Thionville, il vivra misérablement à Londres (1793) jusqu’au moment où il pourra rentrer en France (1800). Il devient brusquement célèbre en publiant Atala (1801), René (1802), la Génie du Christianisme (1802). Devenu hostile à l'empire après l’exécution du duc d'Enghien, il voyage en Orient pour se documenter en vue de rédiger l’épopée en prose des Martyrs (1809). La monarchie rétablie fait de lui un ministre, un ambassadeur, mais il tombe en disgrâce (1814) et se joint un temps à l’opposition libérale, quitte à affirmer en 1830 son attachement à la cause de Charles X détrôné. Il consacre sa vieillesse à la rédaction des Mémoires d’outre-tombe qui, aux yeux de la postérité, constituent son œuvre la plus durable. Il a exercé sur les romantiques une très vive influence par sa mélancolie et son pessimisme, son imagination, son sentiment de la nature, sa tendance à la confidence directe et au lyrisme personnel. LAMARTINE est né à Mâcon en 1790. Après des triomphes littéraires et politiques, sa vieillesse a été attristée par la gène; il est mort en 1869. Les Méditations poétiques (1820), premier chef-d’œuvre de la poésie personnelle, sont surtout inspirées par le thème de l’amour malheureux. Dans les Harmonies 16 LAMARTINE est né à Mâcon en 1790. Après des triomphes littéraires et politiques, sa vieillesse a été attristée par la gêne; il est mort en 1869. Les Méditations poétiques (1S20), premier chef-d'œuvre de la poésie personnelle, sont surtout inspirées par le thème de l'amour malheureux. Dans les Harmonies poétiques et religieuses (1820) les préoccupations religieuses prennent la première place. Les événements de 1830 font naître chez Lamartine des réflexions politiques et sociales qui inspirent les Recueilements (1839). L'inspiration humanitaire et l’inspiration religieuse se trouvaient déjà mêlées dans un long poème moral Jocelyn (1836). Lamartine a aussi composé des romans autobiographiques : Raphaël (1849), Graziella (1849). VIGNY (1797-1860). Né à Loches; Alfred de Vigny déçu par la carrière des armes, puis par la politique et se retira dans une hautaine solitude pour se consacrer entièrement à la littérature. Ses premiers vers, Les Poèmes (1822), sont partiellement repris dans les Poèmes antiques et modernes (1826 et 1837). Le recueil des Destinées, publié après sa mort (1863) contient les œuvres les plus personnelles, celles où s’exprime la philosophie de l’auteur, son pessimisme, sa fière attitude devant le mal et son espoir dans le triomphe final de l'esprit. Il a également écrit un roman Cinq Mars (1826), et connut son plus grand succès avec un drame, Chatterton. (1835). $es autres œuvres traitent de problèmes qui l’ont toujours préoccupé et le génie méconnu ( S t e l l o , 1 8 3 2 ) et la condition du soldat (Servitude et grandeur militaires, 1833). HUGO, Né à Besançon en 1802, mort à Paris en 1885;.Victor Hugo domine le romantisme par l’ampleur et la variété de son œuvre; en poésie comme en .prose, il a triomphé dans tom les genres, reflété tous les goûts, tous les courants d’idées, les romantiques furent d’abord catholiques et monarchistes ; il l’a; été dans les premières Odes (1822); le goût du Moyen Age apparaît dans les Odes et Ballades (1826), le philhellénisme dans Les Orientales (1829). Avec le drame d’Hernani (1830) dont la première représentation fut une bataille qui consacrera la victoire du romantisme, Hugo fait triompher les idées nouvelles sur le théâtre; parmi d’autres drames d’une valeur inégale, il donnera encore son chef d’œuvre, Ruy Blas (1838). Considéré comme le chef incontesté des romantiques; il publie Notre-Dame de Paris (1831) roman historique qui ressuscite le Vieux Paris du Moyen-Âge. Sa poésie lyrique, surtout pittoresque dans ses débuts, devient plus intime dans les Feuilles d’Automne (1831), Les chants du crépuscule (1835) qui reflètent les opinions bonapartistes, Les Voix intérieures (1837), Les Rayons et les Ombres (1840) 17 Très affecté par la mort tragique de sa fille Léopoldine (1843), le poète se tourne vers la politique, devient pair de France (1845), puis député (1848). Le coup d’État de décembre 18 j 1 oblige Hugo à quitter la France. C’est en exil, à Guernesey, qu’il écrira contre Napoléon III les poèmes satiriques des Châtiments (1853) et surtout ses chefs-d’œuvre lyriques : Les Contemplations (1856) et épiques : La Légende des Siècles (1859, complétée en 1877 et 1883). De la même période date un grand roman, Les Misérables (1862). Rentré en France après la chute de l’empire, Hugo publie encore un recueil consacré à la fantaisie, Les chansons des Rues et des Bois (1865), des poésies intimes, L’Art d'être grand-père (1877), et plusieurs recueils d’inspiration philosophique. À la fin de sa vie, il deviendra le type légendaire du patriarche souriant et barbu, du républicain, de l’écrivain populaire aimé des foules. Musset est né à Paris en 1810 et mort en 1857. Si sa carrière fut courte, il obtint tout jeune de brillants succès. Dans ses Contes d’Espagne et d’Italie (en vers; 1830) se manifestent une verve et une fantaisie qui devaient s’épanouir dans ses Contes et surtout dans ses Comédies et Proverbes. Musset a raillé parfois les excès d’un romantisme de convention, mais par la sincérité de son lyrisme ii reste romantique dans ses œuvres poétiques les plus importantes ; Les Nuits (1835-1837), Souvenir (1841), écho de sa liaison malheureuse avec George Sand. Vers le réalisme dans le roman Le romantisme se manifeste, en prose, sous les divers aspects du roman d’analyse, surtout autobiographique et du roman historique. Les événements de 1830 favorisent l’éclosion du roman populaire à tendance sociale et humanitaire. En même temps se dessine l’évolution qui conduira au réalisme, puis, vers la fin du siècle, au naturalisme. L’évolution vers le réalisme pittoresque et psychologique est surtout marquée par STENDHAL, MERIMEE et BALZAC. STENDHAL (1783-1842), romantique par la psychologie de ses personnages épris d’héroïsme, est réaliste par le goût de l’analyse exacte et la sobriété du style. Ses deux œuvres essentielles sont Le Rouge et le Noir (1830) et La Chartreuse de Parme (1839). MERIMEE (1803-1870), dont l’art n’est pas sans affinités avec celui de Stendhal, a écrit un roman historique : Chronique du règne de Charles IX (1829) et des nouvelles dont les plus célèbres sont Colomba (1840) et Carmen (1845). BALZAC (1799-1850), par l’ampleur de son œuvre, la diversité des personnages mis en scène et la vigueur de ses analyses, est le maître du roman. Réunissant ses ouvrages sous un titre général La Comédie humaine, il a composé une véritable histoire de la société de son temps. Parmi ses nombreux romans, nous citerons Eugénie Grandet (1833), Le Lys dans la vallée (1835), Le Père Goriot (1835), César Birotteau (1837), Illusions Perdues (1837-1843), Le Cousin Pons (1845), La. Cousine Bette (1847). 18 Le Parnasse Vers 1850 apparaissent, dans le Romantisme, principalement avec THEOPHILE GAUTIER, dont le chef-d’œuvre s’intitule Émaux et Camées (1851), des tendances qui vont donner à la poésie une orientation nouvelle. Au lyrisme sentimental succède une poésie descriptive : le poète, se défendant de préoccupations philosophiques ou morales (doctrine de l’art pour l'art), recherche surtout la perfection de la forme; dans l’évocation des civilisations anciennes, il exige, plus qu’une vague couleur locale, la précision érudite. Ces tendances, sans avoir jamais constitué un véritable programme, se retrouvent dans l’œuvre de… LECONTE DE LISLE : les Poèmes antiques (1851), les Poèmes barbares (1861) offrent, à côté de développements philosophiques, des descriptions de paysages et d’animaux qui doivent leur célébrité à une plastique impeccable, il fut reconnu pour maître par les poètes dits PARNASSIENS, du nom de leur revue, Le Parnasse contemporain parmi eux, THEODORE DE BANVILLE et JOSE-MARIA DE HEREDIA qui a présenté dans les Trophées (1895) un raccourci de l’histoire des civilisations. Baudelaire et le symbolisme CHARLES BAUDELAIRE (1811-1867) a connu une existence désordonnée et malheureuse, et c’est seulement après sa mort qu’on a rendu justice à son génie. Le recueil des Fleurs du Mal (1857) occupe en effet une place éminente dans la poésie du XIX siècle. Loin de s’abandonner comme les romantiques à des effusions faciles, il a le culte de la perfection formelle, et ses poèmes sont brefs et travaillés comme ceux des Parnassiens. Toutefois sa conception de l’œuvre poétique est plus large, plus féconde. Selon lui le poète a pour mission de transfigurer le réel, d’en dégager la beauté, d’extraire les « fleurs » du « mal »; la poésie est avant tout un art de suggestion, une « sorcellerie évocatoire » : par le jeu des images et des symboles, par les correspondances secrètes qu’il découvre entre la nature et l’âme humaine, par la magie du rythme et la musique du vers, l’artiste parviendra à nous communiquer ses émotions les plus subtiles, à atteindre l’inconnaissable, i suggérer l’inexprimable. Aussi l’œuvre de BAUDELAIRE, si originale par son inspiration et ses moyens d’expression, a-t-elle exercé une grande influence sur le symbolisme et la poésie moderne. Pendant la seconde moitié du XIX siècle, une réaction se produit en effet contre la poésie parnassienne et contre le réalisme ou le naturalisme : à ce nouveau courant, caractérisé par l’idéalisme poétique et le sens du mystère, on donne le nom de symbolisme. Persuadés que le mystère règne en nous et autour de nous, les symbolistes considèrent la poésie comme un moyen de connaissance. Pour atteindre l’âme des choses ou les profondeurs du subconscient, ils ont recours à l’allusion, à la suggestion de la musique et du symbole. La poésie devient fluide, incantatoire, et elle rivalise parfois avec la mystique. 19 PAUL VERLAINE (1844-1896) fut d’abord le poète mélancolique des Poèmes Saturniens (1866) et l’artiste raffiné des Fêtes galantes (1869). Très vite il s’adonne à la boisson et, après un mariage malheureux, il se lie avec Rimbaud; il le blesse d’un coup de feu (Bruxelles, 1870) et est alors condamné à deux ans de prison. Pendant son incarcération il retrouve la foi et compose les poèmes de Sagesse (publiés en 1881) où domine l’inspiration mystique. Sa vie se termine dans une douloureuse déchéance, physique et morale. ARTHUR RIMBAUD (1854-1891) révèle un génie précoce. Adolescent, il écrit des poèmes remarquables par leurs images hardies (Bateau ivre), par les correspondances entre sons et couleurs (Voyelles) et par une foi vibrante dans l’aventure poétique, qui permet d’atteindre l'inconnu. Il tente de traduire ses hallucinations dans les poèmes en prose des Illuminations. Brusquement, à l’âge d’homme, il cesse d’écrire et se consacre à un comptoir commercial en Afrique. STEPHANE MALLARME (1841-1898), d’abord disciple de Baudelaire, affirma bientôt son originalité. Sa poésie devient de plus en plus difficile, pour rebuter les profanes, mais aussi par nécessité, la poésie étant, selon lui, d’essence mystérieuse et insaisissable. JULES LAFORGUE, (1860-1887) est né à Montevideo. Ses principales œuvres nées furent connues qu’après sa mort : L’Imitation de Notre-Dame la Lune, Derniers Vers, Les Sanglots de la Terre. Ironiste souvent amer, il cache sous la fantaisie et la naïveté voulue, un extrême raffinement de la sensibilité. Réalistes et Naturalistes Vers le milieu du siècle, le roman tend à une observation de plus en plus précise des faits : le réalisme est représenté par FLAUBERT et MAUPASSANT. Puis, avec le progrès des sciences expérimentales et la médecine, des romanciers veulent utiliser les méthodes scientifiques : ce sont ceux de l’école naturaliste dont le plus représentatif est ZOLA. GUSTAVE FLAUBERT (1811-1880) manifeste son goût de l’exactitude dans le roman d’analyse par un effort constant vers "objectivité (Madame Bovary, 1856; Une Éducation sentimentale 1869). Il pousse son information rigoureuse jusqu’au scrupule dans le roman historique (Salammbô, 1862), et même dans le roman satirique (Bouvard et Pécuchet, 1881). ÉMILE ZOLA (1840-1902) a écrit une longue série de romans, qui constituent « l’histoire naturelle et sociale d’une famille sous le Second Empire ». Parmi les plus célèbres, citons L’Assommoir (1877), Germinal (1885), Au bonheur des dames (1883), L’Argent (1891). 20 Fiche 6 XXe SIÈCLE La poésie Héritière du symbolisme, elle est caractérisée par la libération de la forme : alors que certains restent fidèles à la versification classique, d’autres usent du vers libéré, ou même du verset, à l'imitation de la Bible. Quant à l’inspiration, elle est tantôt romantique, tantôt symbolique, tantôt surréaliste. Le surréalisme, né vers 1920, s’efforce d’atteindre, au-delà de la conscience claire, le subconscient; ses recherches ouvrent à la poésie des perspectives nouvelles. Voici les poètes du XXème siècle cités dans ce recueil. Avec FRANCIS JAMMES (1868-1938), le symbolisme se nuance de fraîcheur et de simplicité. Sa poésie, intime et rustique, est même volontairement naïve, familière et en apparence prosaïque; mais elle traduit des émotions sincères et fait naître en nous de charmantes rêveries (De L’Angélus de l’aube à L’Angélus du soir, 1898; Le Deuil des Primevères, 1900; Géorgiques chrétiennes, 1912). CHARLES PEGUY, né à Orléans (1873-1914), a composé de longs poèmes d’inspiration patriotique et chrétienne, consacrés à Jeanne d’Arc, à sainte Geneviève, à Notre Dame, enfin à Ève. Il s’est plu à exalter l'Espérance (Le Porche du Mystère de la deuxième vertu). Tissant ses poèmes comme des « tapisseries », tirant de la répétition des effets d’art, maniant tour à tour le vers libre et l’alexandrin, il a tenté de créer une poésie populaire. PAUL CLAUDEL (1868-1955) est un de nos plus grands poètes chrétiens. Caractérisé par une profusion d’images qui s’enchaînent et se pénètrent mutuellement, son lyrisme s’exprime dans un rythme très personnel : le « verset » de prose poétique, moulé sur l’idée ou la sensation à suggérer et porté par le souffle d’une large inspiration * (Cinq Grandes Odes, 1910). PAUL VALERY (1871-1945) a gardé du symbolisme et surtout de Mallarmé le goût d’une poésie difficile et aussi d’une forme travaillée et impeccable. Le poète de Charmes (1922) a essayé de réaliser la fusion intime de la pensée et de la forme et d’atteindre à la poésie pure, alliant la richesse des images à la musicalité des mots et des rythmes. Son œuvre en prose s’impose par k vigueur de la pensée. la densité et la pureté de là forme, dans Eupalinos* et Variété*. GUILLAUME APOLLINAIRE (1880-1918) s’est associé aux mouvements qui cherchaient à renouveler la poésie et la peinture au début du XXème siècle : il annonce le surréalisme. Dans sa poésie {Alcools *41915), idées, images et sensations se succèdent souvent sans lien logique; pourtant ses meilleurs poèmes sont ceux où ces dissonances se fondent en impressions mélancoliques. JULES SUPERVIELLE (1884-1960), né à Montevideo, unit de la façon la plus séduisante l’attrait de l'humour au charme du rêve. Il embrasse dans une sympathie universelle les êtres et les choses * (Gravitations, 1915 ; Les Amis inconnus, 1934; Arbres; Ciel et Terre, 1939-1945), prêtant à la nature une âme et des sentiments mystérieux sans doute mais intelligibles aux poètes, ou évoquant avec fraîcheur la création de l’Univers (La Fable du Monde, 1938). 21 PAUL ÉLUARD (1895-1952) est, avec ARAGON, le plus célèbre des poètes qui, autour d’André Breton, ont constitué le groupe surréaliste. Dans cette période, il publie Capitale de la douleur (1926) et L Amour La Poésie (1929). Son originalité poétique s’affirme ensuite, conciliant le mystère et la simplicité, et marquée par le libre enchaînement des images. La guerre, la résistance, l’engagent plus nettement dans la voie du lyrisme inspiré par les circonstances (Poésie et Vérité, 1942-1943; Au Rendez-vous allemand, 1944). JACQUES PREVERT (1900-1977), d'abord lié au surréalisme, nous introduit dans un univers de liberté et de fantaisie * où le poète se livre aux mille jeux du langage et où les choses et les êtres se présentent avec naturel sous les formes les plus inattendues (Paroles, 1946; Spectacle, 1951). RENE CHAR (1907-1988), associé lui aussi au surréalisme, exprime, en une langue poétique d’accès parfois difficile, des sentiments qui, par leur universalité; rejoignent le romantisme (Le Poème pulvérisé, 1947; Commune présence, 1964). Le théâtre sans prétendre citer tous les auteurs dramatiques de premier plan (comment oublier CLAUDEL OU MONTHERLANT) nous avons voulu présenter quelques aspects représentatifs du théâtre au XXème siècle. JULES ROMAINS (1885-1972) 1 connu au théâtre un large succès avant de devenir un romancier illustre (cf. p. 348). Animées d’une verve satirique très efficace, ses comédies sont de grandes farces dans la tradition moliéresque : Knock * (1923), Donogoo (1930). JEAN GIRAUDOUX (1882-1944) a dominé l’entre-deux guerres par son théâtre caractérise par la diversité des sujets, la fantaisie spirituelle * et « précieuse », même pour exprimer le tragique de l’homme aux prises avec la fatalité. Ses principales pièces sont Amphitryon (1929), Intermezzo (1933), La guerre de Troie n aura pas lieu (1935), Électre (1937), La Folle de Chaillot (1945). MARCEL PAGNOL (1895-1974) a obtenu un véritable triomphe populaire avec Topaze (1928), puis la trilogie de Marius, Fanny et César (1928-1931) dont le comique un peu facile est relevé par l’évocation de la vie marseillaise. Il a publié des souvenirs d’enfance pleins de verve et d’humour : La Gloire de mon père (1957), Le Château de ma mère (1961), Le Temps des secrets (1961). 22 JEAN ANOUILH (1910-1987) est l’un des auteurs dramatiques les plus féconds de notre époque. Il a donné des chefs d’œuvre dans tous les registres dramatiques : pièces roses (Le Bal des Voleurs, 1938), pièces noires (Le voyageur sans bagages, 1937; La Sauvage, 1938; Antigone, 1944), pièces brillantes (La Répétition, 1950), pièces grinçantes (Pauvre Bitos, 1956), pièces costumées (L'Alouette, 1933’. Becket, 1959). En dépit d’une fantaisie et d’un comique souvent irrésistibles, son théâtre est l’œuvre d’un satirique amer et pessimiste. JEAN-PAUL SARTRE (1905-1980), philosophe, romancier, essayiste, est aussi un auteur dramatique de talent. Théoricien de l’engagement en littérature, il a porté sur la scène ses prises de position morales et philosophiques dans Les Mouches (1945), Huis Clos (1944), Les Mains sales (1948). EUGENE IONESCO (né en 1912), d’origine roumaine, est l’un des auteurs les plus représentatifs du « nouveau théâtre ». Il prône le « spectacle total » où l’on exploite toutes les ressources offertes par le décor, l’éclairage, la musique; il fonde son théâtre sur la parodie (La cantatrice chauve, 1949), la psychanalyse (Les Chaises, 1951), le fantastique (Rhinocéros, i960). Son originaire se manifeste, lorsqu’il aborde un thème classique dans Le Roi se meurt (1962). Le roman Depuis la fin du XIXème, le genre littéraire par excellence est le roman, cadre infiniment souple et prêt à accueillir toutes les sources d’inspiration : autobiographie, analyse psychologique, peinture des milieux sociaux, reconstitutions historiques, anticipations, thèses philosophiques, aventures et reportages. Voici quelques romanciers cités dans ce recueil. MARCEL PROUST (1871-1922) a laissé quinze volumes sous un titre collectif : A la recherche du temps perdu (1913-1928). Il a constaté que le passé reste enseveli au fond de nous-mêmes, et ne demande qu’à revenir à fleur de conscience, chaque fois qu’une sensation actuelle réveille le souvenir d’autres sensations éprouvées autrefois. Il s’efforce donc de ressusciter, dans leurs nuances et leur complexité, les impressions de son passé, et c’est l’expérience de toute une vie qui vient enrichir la trame de ses romans. ANDRE GIDE (1869-1951) a écrit des œuvres pour la plupart autobiographiques où il exprime, avec une exigeante sincérité, les inquiétudes de son âme complexe et son désir de goûter librement toutes les joies de la terre : Les Nourritures terrestres (1897), La Porte étroite (1909), La Symphonie pastorale (1914). COLETTE (1873-1954) a connu une enfance heureuse à la campagne, puis une vie sentimentale inquiète, avant d'aboutir à une calme vieillesse. Ce sont les souvenirs, directs ou transposés, de cette expérience si diverse qui inspirent ses nombreux romans. 23 Son style très pur et riche d’images traduit les sensations avec, toute leur précision, quand elle évoque son enfance, le charme de la nature*, l’âme des bêtes : Dialogues de bêtes (1904), Les Vrilles de la vigne (1908), La Paix avec les bêtes (1916), La Maison de Claudine (1922), Sido (1930). JULES ROMAINS (1885-1972), auteur comique à succès, occupe comme romancier une place de premier pian : les 27 volumes de la série des Hommes de bonne volonté sont une large fresque de la société française de 1908 à 1933; l’auteur y mène de front l’histoire individuelle d’une foule de personnages qui souvent ne se connaissent pas : on assiste ainsi à l’évolution de toute une société, en relation avec les grands événements contemporains. En dépit de circonstances parfois tragiques, l’auteur traduit sa confiance dans la « bonne volonté » qui conduira les hommes vers un destin plus heureux. SAINT-EXUPERY (1900-1944), pilote de ligne, puis pilote de guerre, disparut héroïquement en Méditerranée. Ses livres les plus célèbres, Vol de nuit (1931), Terre des hommes (1939), Pilote de guerre (1940), inspirés directement de ses souvenirs, ont tout l’attrait de l’aventure et nous élèvent l’âme, par le sens de la grandeur et la noblesse d’un idéal fraternel. Il laisse encore un charmant récit, Le Petit Prince (1943) et un ouvrage plus philosophique, Citadelle (1948). MAXENCE VAN DER MEERSCH (1907-1955), prix Goncourt avec l’Empreinte du Dieu (1936), s’inscrit dans la tradition du roman naturaliste par son style et par ses études de mœurs et de milieux (milieux ouvriers : Quand les sirènes te taisent; milieux médicaux : Corps et âmes). Mais il s’attache aussi, avec une sympathie souvent douloureuse, à l’âme de ses personnages. JEAN GIONO, né et mort à Manosque (1895-1970), est reste fidèle à la vallée de la Durance et au monde rustique qu’il décrit avec saveur dans Regain (1930), Le Grand Troupeau (1931), Que ma joie demeure (1935), Les Vraies Richesses (1936); volontiers lyrique, il trouve même des accents épiques dans batailles dans la montagne (1937). Il a enfin renouvelé son inspiration dans un roman plein d’action : Le Hussard sur le toit (1951). ANDRE MALRAUX (1901-1976) dépeint l’homme moderne dans l’aventure et dans l’action révolutionnaire. Ses premiers romans lui sont dictés par un séjour en Extrême-Orient : La Condition humaine (1933) retrace les épisodes de la révolution chinoise (1923-1917). L'Espoir (1938) est une bouleversante évocation de la révolution espagnole de 1936 à 1938, qu’il a vécue du côté républicain; enfin, il s’inspire de ses souvenirs dans Les Noyers de l’Altenburg (1943) et les Antémémoires (1967); " ALBERT CAMUS (1913-1969), né en Algérie, s’est fait le défenseur des déshérités et des victimes de la lutte pour la liberté. Sa philosophie de l’absurde s’exprime dans L’Étranger (1942); elle se teintera dans La Peste (1947) d’un humanisme moderne qui place au premier plan le souci de la dignité humaine. Son style sobre n’exclut pas l’humour, surtout sensible dans La Chute (1956). 24