Fiche 1 MOYEN ÂGE Les Chansons de geste La littérature courtoise

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Fiche 1 MOYEN ÂGE Les Chansons de geste La littérature courtoise
Fiche 1
MOYEN ÂGE
Les Chansons de geste
Du XIe au XIIIe, l’époque fleurit, au début de notre littérature, sous la forme des
chansons de geste (latin gesta : exploits guerriers). Au nombre d’une centaine,
elles font revivre des personnages et des évènements du VIIIe et du IXe siècle,
considérablement grandis et embellis. Aux rudes barons, amateurs de
prouesses, imbus de l’honneur féodal et exaltés par la foi, les poètes ou
trouvères présentaient les exploits des héros carolingiens à qui ils prêtaient les
caractères, les mœurs, les armures des seigneurs et des croisés du XIIe siècle :
CHARLEMAGNE était pour eux le soldat de Dieu, et ses compagnons
devenaient des chevaliers comme eux, des croisés en lutte contre les infidèles.
Les principales chansons de geste sont groupées en cycles. Par exemple la
GESTE DU ROI, dominée par la personnalité de Charlemagne : La Chanson de
Roland (début du XIIe siècle), Le Couronnement de Louis (XIIe) ; ou encore la
GESTE DE GARIN DE MONGLANE, qui retrace les luttes contre les Sarrasins
dans le Midi de la France, et dont le héros est Guillaume d’Orange.
Les chansons de geste étaient récitées par les jongleurs dans les châteaux, sur
les places et sur les champs de foire ; mises en prose vers la fin du Moyen Age,
elles devinrent des romans.
La littérature courtoise
Dans la deuxième moitié du XIIe siècle, les mœurs de la noblesse
s’adoucissent et une vie mondaine se crée. À cette société plus polie
s’adressent désormais des œuvres courtoises, c’est-à-dire écrites pour un
public « de cour ». Elles se situent d’ordinaire dans un cadre luxueux et sont
surtout consacrées à des aventures d’amour. Ce n’est plus pour le service de
Dieu ou de leur suzerain que les chevaliers accomplissent leurs exploits, mais
pour plaire à leur « dame » ; aux vertus héroïques ils joignent maintenant la
délicatesse de l’homme de cour, et leur passion les expose souvent à de rudes
épreuves : ainsi notre littérature s’enrichit de fines analyses de sentiments.
Cette inspiration plus raffinée s’est d’abord traduite dans le Midi par la
charmante poésie des troubadours. Elle a gagné ensuite le Nord de la France
et l’Angleterre, sous l’impulsion d’Aliénor d’Aquitaine, devenue reine d’Angleterre
en 1154. C’est à la cour de cette reine que vécurent MARIE DE FRANCE,
surtout connue par ses Lais, et THOMAS d’ANGLETERRE, l’un des poètes qui
ont chanté la célèbre histoire de Tristan et Iseut.
C’est d’Angleterre également que nous vinrent les légendes celtiques
comme celle du roi Arthur et des chevaliers de la Table Ronde.
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Elles sont à la source des romans bretons dont les plus célèbres sont
ceux de CHRÉTIEN DE TROYES (XIIe siècle) : Lancelot ou le
Chevalier à la Charrette Yvain ou le Chevalier au Lion ou le Conte
du Graal.
La Littérature bourgeoise
Dès le XIIe siècle, la bourgeoisie, dont l’influence va croissant, a sa
littérature particulière, narrative et satirique.
! Le Roman de Renart se compose de 27 branches ou récits
indépendants. D’abord essentiellement comiques (fin du XIIe s.), ces
récits deviennent satiriques dans les branches rédigées au XIIIe siècle
et dans les « suites » écrites à la fin du XIIIe siècle et au début du XIVe.
L’ensemble forme une masse de 100 000 vers.
Le héros central est le goupil, surnommé RENART, dont le nom
supplantera le terme de goupil. Le public bourgeois et populaire, eécrasé
par les nobles, se plaisait à voir le rusée Renart triompher des puissants
comme Noble le lion, Ysengrin le loup et Brun l’ours.
! Les Fabliaux sont de courts récits en octosyllabes datant du XIIIe siècle
et XIXe. Ce sont des « contes à rire », d’un comique assez lourd, qui
nous peignent avec une précision pittoresque et une verve malicieuse les
mœurs des bourgeois et des paysans : Estula, Le Vilain Mire, Le dit
des perdrix.
Chronique et Histoire
Les premières œuvres rédigées en prose française furent des récits
historiques ou chroniques, relatant des évènements auxquels les
auteurs avaient eux-mêmes participé. Ainsi GEOFFROI DE
VILLEHARDOUIN raconte la Conquête de Constantinople pendant la
IVe Croisade (1198-1204). Puis Jean sire de Joinville retrace la vie
édifiante de son maître, le roi Saint Louis, et l’histoire de la VIIe
Croisade, en Égypte (1248-1254).
Pendant la guerre de Cent Ans, Jean FROISSART (1337-après 1400)
célèbre dans ses Chroniques les hauts faits chevaleresques des
combattants ; il nous offre le reflet de la haute société, féodale et
courtoise, de son temps.
Philippe de COMMYNES (1447 ?- 1511) n’est plus un simple
chroniqueur. Ses Mémoires, qui portent sur les règnes de Louis XI et de
Charles VIII, jettent les bases de l’histoire telle que nous la concevons
aujourd’hui.
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La poésie lyrique
Au Moyen Age, on peut parler de lyrisme au sens strict du terme : il s’agit en
effet d’une poésie chantée ; jongleurs et ménestrels, trouvères dans le Nord et
troubadours dans le Midi s’accompagnent sur la vielle ou le luth.
1. Lyrisme aristocratique et lyrisme bourgeois. Lorsque le lyrisme naît,
vers le milieu du XIIe siècle, son inspiration est d’abord courtoise et
aristocratique. Les plus grands seigneurs ne dédaignent pas de rivaliser
avec leurs protégés, poètes de profession. Au XIIIe siècle, l’esprit
bourgeois se manifeste à son tour chez des poètes comme RUTEBEUF,
qui unissent le réalisme satirique au lyrisme personnel de confidences
plaisantes ou mélancoliques. L’opposition entre esprit courtois et esprit
bourgeois se manifeste encore dans un long poème allégorique du XIIIe
siècle : le Roman de la Rose.
2. De Machaut à Charles d’Orléans. Au XIVe siècle, Guillaume de
Machaut fixe des genres nouveaux : lais et virelais, chants royaux,
rondeaux et ballades. Il a pour disciple EUSTACHE DESCHAMPS
(1346-1406).
CHRISTINE DE PISAN (1364-1430) exprime avec une grâce touchante
sa douleur à la mort de son mari ou sa joie de voir la France délivrée par
Jeanne d’Arc.
CHARLES D’ORLÉANS (1394-1465), petit-fils de Charles V et père du
futur Louis XII, renoue avec la tradition des grands seigneurs poètes.
Longtemps captif en Angleterre, il mène ensuite, dans son château de
Blois, la vie d’un mécène aimable et généreux. Il chante l’amour, la
fraîcheur du printemps, la tristesse de l’exil, la perte d’un être cher, et
s’exprime volontiers sous la forme pudique et raffinée de l’allégorie, en
un symbolisme rêveur.
3. Villon. Le plus grand poète du Moyen Age, FRANÇOIS VILLON (1431après 1462), fut un mauvais sujet. « Escholier » paresseux, il va
jusqu’au vol et au meurtre ; il est même condamné à mort, mais la
sentence est annulée. À partir de cette date (janvier 1463) nous perdons
sa trace. Villon laissait trois recueils : le Lais (Legs), le Testament, et
des Poésies diverses qui contiennent son chef-d’œuvre, la Ballade des
Pendus. Sa poésie est une longue confidence, tantôt gouailleuse, tantôt
pathétique. En dépit de ses fautes, Villon a gardé une étonnante
fraîcheur de sentiments : tendresse filiale, piété confiante. Sans parler de
son art, c’est sa sincérité totale qui nous bouleverse lorsqu’il regrette le
temps de sa jeunesse, si mal employée, ou exprime sa hantise de la
mort.
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Le Théâtre
1. Le drame religieux. Les premières représentations furent des
intermèdes illustrant, dans l’église puis sur le parvis, les mystères de
la foi ou la vie des saints. Peu à peu ces scènes s’étoffèrent, et elles
furent finalement interprétées par des professionnels, les Confrères
de la Passion. Le Jeu d’Adam (XIIe s) a pour sujet la chute d’Adam
et d’Eve et l’annonce de la rédemption.
On distingue ensuite deux catégories de drames religieux :
a) les Miracles, épisodes de la vie des saints, comme le Miracle de
Théophile, par RUTEBEUF (XIIIe s.) ;
b) les Mystères, qui représentent généralement la Passion du
Christ. Les deux principales versions du Mystère de la Passion
sont celles d’ARNOUL GRÉBAN (vers 1450) et de JEAN
MICHEL (1486).
2. Le théâtre comique. Notre premier auteur comique fut ADAM DE
LA HALLE (dit Adam Le Bossu, 2ème moitié du XIIIe s) à qui nous
devons le Jeu de la Feuillée et le Jeu de Robin et Marion.
Au XVe siècle, le théâtre comique se subdivise en soties (« folies »)
satiriques, moralités, sermons joyeux et farces. Seule la farce se
perpétuera après le Moyen Age ; elle donne déjà, vers 1460-1465, un
chef-d’œuvre : Maître Pierre Pathelin, où triomphent la verve
populaire et le bon sens réaliste.
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Fiche 2
XVIe SIÈCLE
Le XVIe siècle rompt avec la littérature et la pensée du Moyen Age ; dans le
domaine religieux, l’esprit de libre examen entraîne la naissance du
protestantisme. C’est l’époque de la RENAISSANCE et de la RÉFORME.
Il est moins optimiste que Rabelais. Dans ses Essais (1580- 1588), après
avoir soumis toutes choses à l’épreuve du doute, il élabore une sagesse et
un art de vivre à la mesure de l’homme. Il nous donne l’exemple de la
pensée libre, d’une indépendance jalousement préservée, et nous laisse
ce beau précepte : « faire bien l’homme et dûment ».
La Renaissance
La Réforme
On assiste à un magnifique épanouissement des lettres et des arts, sous
l’influence de l’Italie, et à l’imitation de l’antiquité gréco-latine ; le mouvement
est favorisé par François Ier. Appétit de savoir, ardente soif de vivre,
confiance dans l’homme et la nature, en réaction contre l’ascétisme du
Moyen Age : tels sont les principaux traits qui caractérisent l’esprit de la
Renaissance.
a) Le renouveau poétique
RONSARD (1524-1585), DU BELLAY ( 1522-1560) et les poètes de la
PLÉIADE rejettent les genres du Moyen Age et empruntent le sonnet à
l’Italie, l’ode, l’élégie, l’épître à l’antiquité. Ils veulent enrichir la langue,
l’art et l’inspiration, et donnent l’essor au lyrisme personnel. Du Bellay,
« exilé » à Rome, chante ses Regrets ; Ronsard célèbre la nature,
l’amour et la vie qu’il faut « cueillir », avant la vieillesse et la mort.
Au temps de la Réforme, la littérature devient ardemment militante. Dans
ses Discours, RONSARD déplore les divisions de sa patrie, proclame sa foi
catholique et combat les protestants. Dans les Tragiques, AGRIPPA
D’AUBIGNÉ (1552-1630), d’ailleurs disciple de Ronsard en poésie, tonne
contre le parti catholique ; ce soldat mystique, qui sait dépasser parfois
l’invective et la satire, donne à la France une véritable épopée. Quant à
MONTAIGNE, le triste spectacle des guerres de Religion renforce sa
tendance au scepticisme et son amour de la liberté.
b) L’humanisme
Les premiers humanistes furent des érudits qui firent connaître les
grandes œuvres de l’antiquité. Puis l’humanisme devint la quête d’une
sagesse purement humaine, au contact de la pensée antique :
Rabelais et Montaigne sont les deux grands humanistes français du XVIe
siècle.
! RABELAIS (1494-1533 ?). Médecin, François Rabelais sait que les
malades guérissent mieux lorsqu’ils sont gais : aussi nous communiquet-il sa sagesse par le rire. Conteur plein de verve, il narre les aventures
bouffonnes de trois générations de géants : Grandgousier, Gargantua et
Pantagruel. Pour découvrir, sous ce déluge de mots et de plaisanteries,
la pensée secrète, souvent profonde et hardie, il faut, dit-il, « rompre l’os
et sucer la substantifique moelle ».
! MONTAIGNE (1533-1592). Le premier enthousiasme de la Renaissance
est passé : Montaigne ne demande plus à son lecteur d’être un puits
de science, mais d’avoir la tête bien faite plutôt que bien pleine ;
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Fiche 3
XVIIe SIÈCLE
Le XVIIème siècle est marqué par l’épanouissement du CLASSICISME ; mais
on ne saurait le figer dans une immobilité majestueuse. L’admirable équilibre
classique n’a pas été conquis sans luttes, et il se trouve menacé dès avant
1700.
L’évolution. Pendant la première moitié du siècle, notre littérature semble
chercher sa voie. On aime alors les contrastes violents, les images hardies, la
subtilité et le romanesque : c’est le goût « baroque », qui aboutira à deux
extrêmes, la préciosité et le burlesque. Cependant Malherbe, puis Corneille
s’orientent vers un idéal plus sobre et plus soucieux de vérité humaine,
tandis que le philosophe Descartes affirme les droits souverains de la raison.
Après Corneille, qui était encore un précurseur, une première génération
d’écrivains classiques groupe Pascal, Bossuet, La Fontaine et Molière.
Puis Racine porte la tragédie à la perfection, et Boileau codifie les règles de
l’art classique. À la fin du siècle, la raison critique, étendant son domaine,
aborde les questions sociales, politiques et religieuses : c’est là le signe d’un
esprit nouveau.
L’idéal classique. Il présente un double aspect, littéraire et moral. Nos
classiques s’inspirent des écrivains de l’antiquité gréco-latine, qui ont poussé
l’art tout près de la perfection ; mais cette perfection se définit par le naturel,
le respect de la raison et de la vérité, qui sont aussi des vertus morales,
propres à « l’honnête homme ». Celui-ci se caractérise par la distinction de
ses manières, la qualité de son bon esprit et de son cœur ; il respecte ses
semblables et se tient à sa place ; la réserve et la modestie lui interdisent
d’étaler ses sentiments et ses connaissances. La littérature classique vise
donc à l’impersonnalité : sous l’individu elle cherche l’homme universel ; elle
proscrit le pédantisme et l’affectation ; enfin, elle soumet l’expression à la
pensée, la rime à la raison, par une subordination comparable à la hiérarchie
sociale qu’elle accepte.
Précieux et burlesque
LA PRÉCIOSITÉ est, au début du siècle, un phénomène social. Les salons,
comme celui de Mme de Rambouillet, s’efforcent d’introduire dans la vie et le
langage plus de politesse et de bienséance. Les précieux s’entretiennent de
psychologie amoureuse, discutent littérature, écrivent eux-mêmes des lettres
et des poèmes de forme soignée, de tour piquant et ingénieux. Ils se
passionnent pour des ouvrages interminables : L’Astrée (1607-1624)
d’Honoré d’URFÉ, roman pastoral qui compte 5 000 pages pleines
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d’intrigues, de duels, de batailles, d’évasions ; ou encore les romans de Mlle
de SCUDÉRY : Le grand Cyrus (10 vol. 1649-1653) et Clélie (10 vol., 16541661) où se trouve la célèbre Carte de Tendre.
Molière et Boileau ont raillé les excès de la précocité devenue ridicule dans
les salons bourgeois : le désir de se singulariser conduisait à des sentiments
affectés et à un jargon incompréhensible. Mais, quand ils ont évité ces excès,
les salons ont eu une influence favorable : ils ont combattu le pédantisme,
adouci les mœurs et contribué à créer l’idéal de « l’honnête homme » ; par
leur goût de l’analyse nuancée, ils ont orienté le public et les auteurs vers une
littérature essentiellement psychologique ; ils ont répandu le culte de la
perfection formelle, et la langue classique leur doit en partie sa précision et
sa pureté. Le roman précieux lui-même donne naissance avec Mme de LA
FAYETTE à un admirable roman d’analyse : La Princesse de Clèves
(1678).
LE BURLESQUE traduit la réaction bourgeoise et populaire contre le
raffinement précieux. C’est une sorte de « préciosité retournée » par parti
pris de vulgarité, qui s’accompagne de réalisme chez SCARRON ou
FURETIÈRE, et de fantaisie chez CYRANO de BERGERAC. Dans Le Lutrin
(1674), BOILEAU donnera le chef-d’œuvre d’un « burlesque nouveau » où le
comique résulte du contraste entre la familiarité du sujet et la gravité
héroïque du ton.
Le Lyrisme
Après le jaillissement du XVIe siècle, la source du lyrisme personnel paraît se
tarir au XVIIème siècle.
MALHERBE (1555-1628) prépare l’avènement du classicisme. Il a épuré la
langue en luttant contre les provincialismes, les archaïsmes, les mots
pédants : il a discipliné la technique poétique en proscrivant le hiatus, les
chevilles, les rimes faciles, et en exigeant la régularité et l’harmonie du vers.
Pour lui le poète n’est pas un inspiré qui chante ses émotions : c’est un
« ouvrier en vers » dont le labeur doit aboutir à une forme impeccable. Aussi
son lyrisme est-il impersonnel : il célèbre surtout les rois, les grands, les
évènements contemporains ; mais sa poésie trop formelle manque de
sensibilité et de chaleur.
Des poètes ont défendu contre lui les droits de l’inspiration et de la fantaisie :
Mathurin RÉGNIER, auteur de Satires morales et littéraires ; Théophile de
VIAU, dont le lyrisme évoque la fraîcheur et le mystère de la nature ; et
surtout SAINT-AMANT, poète burlesque de la bonne chère et de la vie de
bohême, qui chante aussi l’exotisme, les ruines, les paysages tourmentés ou
fantastiques.
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La grande époque classique, vers 1660, consacre la
prééminence d’une littérature sociale écrite pour les « honnêtes gens »
qui répugnent à l’étalage du « moi » ; c’est le triomphe d’un art conscient,
fondé sur la raison, l’observation objective de l’homme et l’imitation des
Anciens. Ce climat est peu favorable au lyrisme : paradoxalement,
l’inspiration personnelle n’apparaîtrait guère que dans la prose (Sermons de
Bossuet, Lettres de Mme de Sévigné) si elle n’avait pas trouvé refuge chez un
indépendant comme LA FONTAINE (1621-1695). L’auteur des Fables
intervient volontiers dans ses récits qui deviennent parfois le prétexte de
confidences discrètes ou élégiaques. C’est chez La Fontaine qu’on
trouverait, entre la Renaissance et le Romantisme, les plus beaux vers
inspirés par la nature, l’amitié, la rêverie et l’amour de la solitude.
La Tragédie
Genre antique transplanté en France au XVIe siècle, la tragédie atteint son
apogée au XVIIème avec deux génies qui la traitent de façon fort différente :
Corneille et Racine.
CORNEILLE (1606-1684), Pierre Corneille écrit d’abord des comédies
d’intrigue. Puis il donne, en 1637, son premier chef d’œuvre tragique, Le Cid.
Le sujet, qu’il emprunte à la littérature espagnole, convient admirablement à
ses tendances romanesques, à son idéal héroïque. Le Cid remporte un très
vif succès ; pourtant, sensible aux critiques de l’Académie Française,
Corneille compose ensuite des pièces plus sévères et plus conformes aux
règles héritées des Anciens : Horace et Cinna (1640-1641), tragédies
romaines, puis Polyeucte (1642), tragédie chrétienne. Polyeucte marque le
sommet de sa carrière. Corneille écrira encore des pièces remarquables,
comme Nicomède (1651), et jusqu’au bout il aura de beaux accents,
héroïques et tendres (Suréna, 1674) ; mais il ne retrouvera plus la puissance
de ses grandes années.
Corneille choisit en général des sujets historiques qui comportent une action
illustre, extraordinaire, parfois même compliquée, et mettent en jeu des
passions nobles et de grands intérêts d’État : ses tragédies sont donc
héroïques et politiques. Mais ce qui les caractérise avant tout, c’est la nature
du conflit et l’âme du héros : Rodrigue est déchiré entre son amour pour
Chimène et sa « gloire » c’est-à-dire son honneur et le devoir de venger son
père ; Polyeucte entre son amour pour Pauline et sa foi qui l’appelle au
martyre. Le héros choisit, sans défaillance, la voie la plus noble et la plus
difficile, méritant ainsi notre admiration. Mais on ne peut dire que l'amour soit
vaincu : il s’incline devant l’honneur et, loin d’être humilié, sort lui-même
grandi de cette douloureuse épreuve.
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Ainsi Corneille peint, avec une poésie mâle et éloquente, les actions d’êtres
nobles, courageux et libres, qui forgent eux-mêmes leur destin.
RACINE (1639-1699), Dès sa troisième tragédie, Andromaque (1667), Jean
Racine s’affirme comme le rival de Corneille, Il donne ensuite une comédie,
Les Plaideurs (1668), puis cinq tragédies en six ans : Britannicus (1669),
Bérénice (1670), Bajazet (1672), Mithridate (1673), Iphigénie (1674). En 1677,
après l’échec de Phèdre, provoqué par une cabale, il devient historiographe du
roi et renonce au théâtre. Pourtant, à la demande de Mme de Maintenon, il
écrira encore, pour les demoiselles de Saint-Cyr, deux pièces bibliques,
Esther (1689) et Athalie (1691). Moins vaste, moins variée que celle de
Corneille, l’œuvre de Racine est en revanche toujours égale à elle-même : elle
ne connaît pas de défaillances.
Contrairement à Corneille, RACINE préfère aux intrigues compliquées des
sujets très simples, plus conformes à la vraisemblance : selon lui, « toute
l’invention consiste à faire quelque chose de rien » (Préface de Bérénice, 1670).
Ainsi l’action de Bérénice se résume en quelques mots : « Titus renvoya la
reine Bérénice, malgré lui, malgré elle ». Ses tragédies commencent au
moment où les passions, arrivant à leur paroxysme, vont faire éclater la crise.
Car son théâtre est dominé par les passions, surtout par la passion
amoureuse. Les héros raciniens aiment sans être aimés ; torturés par la
jalousie, ils provoquent la perte de celui qui les repousse, et le suivent aussitôt
dans la mort. Ils sont dominés par la fatalité de la passion, interprétation
moderne de la fatalité antique.
Le monde racinien est donc sombre et cruel, mais il est éclairé par une
poésie admirable; tantôt tendre tantôt épique, toujours noble et harmonieuse,
même lorsqu’elle traduit les cris déchirants de la passion.
La Comédie
Avant Molière, le genre comique est assez pauvrement représenté : farces
grossières jouées par Turlupin, Jodelet ou Tabarin; pièces italiennes de la
commedia dell’arte, où Scaramouche et Trivelin improvisaient sur un simple
canevas. Pourtant Pierre CORNEILLE, à ses débuts, écrit des comédies plus
fines où des personnages plus vrais que ceux de la farce évoluent parfois
dans un décor réel : La Galerie du Palais, La Suivante, La Place Royale,
L’Illusion Comique et plus tard Le Menteur.
MOLIERE (1622-1673) a élevé la comédie au même rang que la tragédie. C’est
par la farce des Précieuses ridicules (1659) qu’il a débuté à Paris, et ii
reviendra volontiers à ce genre dont les procédés faciles font rire un large
public (Le Médecin malgré lui). Ses grandes comédies contiennent encore des
scènes bouffonnes : L’École des Femmes (1662), Dom Juan (1665), Le
Misanthrope (1666), L’Avare (1668), Tartuffe (1669), Le Bourgeois
Gentilhomme (1670), Les Femmes Savantes (1672), Le Malade imaginaire
(1673).
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Il a l’art d’utiliser ou de transposer les procédés irrésistibles de la farce
pour nous révéler le ridicule de ses héros qui sont souvent des maniaques
comme Harpagon, Orgon ou M. Jourdain.
LE GÉNIE DE MOLIÈRE consiste en effet :
1) à peindre « d’après nature », dans leur complexité et leurs contradictions,
des personnages aussi vrais que ceux des grandes tragédies, des
personnages qui, sans cesser d’appartenir à leur époque sont des types
universels ; nous reconnaissons encore autour de nous des Harpagons, des
Tartuffes, des M. Jourdain;
2) à maintenir cette peinture, qui pourrait être assez sombre, dans un climat
franchement comique;
3) à nous présenter ces personnages dans le cadre de la société
contemporaine et à esquisser du même coup « le portrait du siècle »;
4) à insérer adroitement des thèses morales dans la trame de ses comédies;
sans s’imposer au spectateur ses idées, sur la préciosité, l’hypocrisie,
l’éducation des filles, le mariage se dégagent naturellement du jeu des
caractères et du dénouement de l’intrigue. Unissant à une invention comique
inépuisable la peinture des caractères, la satire des mœurs et les leçons du
moraliste, Molière a su faire rire tous les publics, depuis le parterre jusqu’aux
spectateurs les plus difficiles.
BOSSUET (1627-1704) est le plus grand prédicateur du XVIIème. Ses Oraisons
funèbres comme ses Sermons nous montrent avec une éloquence
majestueuse et poétique le néant des plaisirs, de l'orgueil et de la gloire, et
nous invitent à aspirer uniquement à la félicité éternelle dans le sein de Dieu.
LA ROCHEFOUCAULD (1613-1680) ramène nos actions, nos vices et
même la plupart de nos vertus à un principe commun, l’amour-propre. Dans
ses Maximes (1664), il décèle les ruses et les subterfuges de ce sentiment
égoïste, habile à se déguiser pour nous conduire à notre insu.
LA BRUYERE (1645-1696) est à la fois un moraliste, un critique littéraire et
un satirique. Il aborde, avec Les Caractères où les Moeurs de ce siècle (1688),
la critique sociale et même politique. Les défauts des hommes qu'il raille dans
un style incisif et brillant sont souvent liés à l'injustice des privilèges que
confère la naissance ou l'argent : les riches sont sans pitié, et, si « le peuple
n'a guère d’esprit, « les grands n'ont point d'âme ».
Les moralistes
Tous les grands écrivains du XVII siècle peuvent être considérés comme des
moralistes, car la littérature classique dans son ensemble est une vaste
enquête sur l’homme. Pourtant certains d'entre eux méritent plus
particulièrement ce titre : ceux qui se sont consacrés à l’analyse du cœur et de
l’esprit, des défauts, des passions, des caractères et des moeurs de leurs
semblables, et qui ont tiré de cette analyse un enseignement moral direct.
Pascal et Bossuet, en apprenant aux hommes à se connaître, veulent les
conduire à Dieu et au salut par la foi et la pratique des vertus chrétiennes. La
Rochefoucauld considère lui-même l'humanité « dans cet état déplorable de
la nature corrompue par le péché » ; cependant c'est surtout un moraliste
laïque. Quant à La Bruyère, il oriente ses réflexions dans le sens de la critique
sociale.
PASCAL (1615-1661) dénonce dans les Provinciales certains relâchements
de la morale chrétienne. Dans les Pensées, il entreprend une Apologie de la
religion chrétienne fondée sur une analyse admirable de la misère de l'homme,
qui laisse pourtant apparaître des traces de sa grandeur primitive.
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Fiche 4
XVIIIe SIÈCLE
Le principe d'autorité avait dominé tout le XVIIème siècle et favorisé la
naissance d’œuvres littéraires composées d'après des règles strictes. Mais, la
monarchie s'affaiblissant, des tendances nouvelles sapent les bases mêmes du
régime, de la religion, de la société et aboutissent à un renouvellement des
idées et des conceptions artistiques. De plus, l'art devient cosmopolite.
La cour n'est plus le centre de la vie littéraire après 1715; on discute dans les
cafés et dans les clubs. Les Salons de Madame de Lambert, de Tencin, du
Deffand et de Mme Geoffrin permettent aux écrivains de se rencontrer. L'art et la
science y rejoignent la littérature : Voltaire expose en vers le système de
Newton, Buffon écrit son Histoire naturelle, Diderot consacre aux sciences la
majeure partie de L’Encyclopédie que Rousseau compose un opéra...
On peut distinguer en ce siècle deux grandes périodes : au cours de la
première marque la fin du classicisme, on raisonne sur la politique et la religion;
la seconde voit le triomphe de la sensibilité sur la raison et annonce le
romantisme.
Première période
MARIVAUX, (1688-1763) écrit, surtout pour les artistes du Théâtre italien, des
comédies d'un genre nouveau, où il traite des rapports sociaux du féminisme;
mais le plus souvent, prenant l 'amour comme principal ressort de ses pièces, il
guette la naissance de ce sentiment et analyse minutieusement dans le cœur de
ses jeunes héros le conflit de l’amour et de l'amour-propre (Le Jeu de l’amour
et du hasard, 1730; Les Fausses Confidences, 1737)
L’ABBÉ PRÉVOST donne à la France son second roman psychologique
(après La Princesse de Clèves de Mme de La Fayette) : l’Histoire du Chevalier Des
Grieux et de Manon Lescaut (1731).
Deux écrivains dominent ce premier demi-siècle : Montesquieu et Voltaire.
MONTESQUIEU (1689-1755) fut .d'abord magistrat. Voulant critiquer les
mœurs de ses contemporains, il prit pour héros deux Persans, Usbek et Rica :
les lettres qu’ils échangent en visitant la France, celles qu'ils écrivent à leurs
amis ou reçoivent d'eux, constituent Les Lettres persanes (1721). Par le
procédé du dépaysement, que reprendra Voltaire, et par la satire des
institutions les mieux établies, ces Lettres donnent le ton à tout le XVIIIe siècle.
Avec L’Esprit des Lois (174I), Montesquieu crée la science politique : son
étude va répandre l'idée que le régime politique dépend moins de la Providence
ou du hasard que de conditions complexes ou entrent le climat, la géographie,
l'esprit général d’un peuple; sa haine du despotisme, son admiration pour la
constitution anglaise inspireront La Déclaration des Droits de l'Homme et du
citoyen en 1789.
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VOLTAIRE (1694-1778) a mené une vie très active, et souvent à l’étranger.
Exilé en Angleterre (1726-1729), puis, après un bref séjour en France, à Cirey
en Lorraine chez la Marquise du Châtelet (1734-1744), il vivra à Berlin quelque
temps auprès de Frédéric II (1750-1753) avant de se retirer près de Genève,
aux Délices (1755-1760) puis à Ferney (1760-1778).
Il a excellé dans tous les genres : la poésie (La Henriade, 1728 ; Le Mondain,
1736), la tragédie (Zaïre, 1732), l’histoire (Le Siècle de Louis XIV, 1751 ;
L’Essai sur les mœurs, 1756).
Passionné pour les idées nouvelles, il a défendu la cause de la liberté dans Les
Lettres philosophiques (1734), Le Traité sur la tolérance (1764), Le
Dictionnaire philosophique (1764). Il a rédigé de nombreux libelles en faveur
des victimes de l’intolérance et du fanatisme, comme Calas et Sirven.
C’est à cette partie de son œuvre qu’on peut rattacher ses Romans et
Contes, écrits pour répandre ses idées par le recours à l’ironie : Zadig (1747),
Babouc (1748), Micromégas (1752), Candide (1759), L’Ingénu (1767). Ces
contes, considérés à l’époque comme des amusettes, constituent la partie la
plus vivante de son œuvre avec sa Correspondance. Plus de dix mille lettres
adressées à des rois, des princes, des écrivains, des amis le relient à toute
l’Europe : il est le « roi Voltaire » et tient à Ferney une véritable cour. De là, il
lutte contre les abus de la société contemporaine, plutôt que contre le régime
royal ; par sa générosité il aide les malheureux et assure le succès de nobles
entreprises.
Deuxième période
La sensibilité prend une place prépondérante dans le second demi-siècle, grâce
à Diderot et à Rousseau.
DIDEROT (1713-1784) a assumé presque à lui seul la charge de
L’Encyclopédie, vaste ouvrage comprenant 28 volumes, dont 11 de planches
et publié de 1751 à 1766 avec la collaboration de savants et des écrivains de
l’époque, en particulier D’ALEMBERT. Recueil des connaissances techniques
de l’époque, L’Encyclopédie permet surtout à ses auteurs d’attaquer les
préjugés et de combattre principalement la religion considérée par les
philosophes comme un obstacle au progrès. Mais Diderot est d’abord un émotif
et sa sensibilité s’étale dans ses autres œuvres ; ses drames bourgeois, ses
romans et dialogues (Le Neveu de Rameau, Jacques le fataliste), surtout ses
Salons, premier ouvrage critique d’art où l’émotion éprouvée devant un tableau
devient le principal critère du Beau. Diderot ne compose guère ; il obéit à son
inspiration, à sa verve, et aime mieux traduire ses sentiments que de les
analyser logiquement.
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JEAN-JACQUES ROUSSEAU (1712-1778) est né à Genève d’un père
horloger. Protestant, il se convertit au catholicisme et, mise è part une halte chez
Mme de Warens à Annecy et aux Charmettes (près de Chambéry), il erre, de
1728 à 1743, à travers la Suisse, le Piémont, la France, tour à tour maître de
musique, laquais, précepteur, secrétaire d’ambassade. Venu s'établir à Paris, il
rencontre Diderot et se fait connaître par un opéra, Le Devin du Village, par deux
Discours, l'un sur les Sciences et les Arts (1750), l’autre sur L’Inégalité (1755), où
il se déclare l’ennemi de la société et du progrès. Il abjure le catholicisme. Dans
sa retraite de Montmorency (prés de Paris), il écrit La Nouvelle Héloïse, roman
par lettres (1761), Emile (1762) où il prône l’éducation naturelle et les méthodes
actives, Le Contrat social (1762) où il expose ses idées politiques. En lutte à
l’hostilité des dévots et des Encyclopédistes, Jean-Jacques se sent alors traqué,
et, après avoir vainement tenté de s’établir en Suisse et en Angleterre, il se
réfugie à Ermenonville pour y rédiger deux ouvrages autobiographiques. Les
Confessions (publiées en 1782 et 1789) et les Rêveries du Promeneur solitaire
(publiées en 1782) dont la prose musicale s’harmonise avec les mouvements de
l’âme.
Bien différent de Voltaire, Rousseau déteste foncièrement une société où
règne l'inégalité entra les hommes et qu'ont pourrie le luxe et les arts; tout son
amour va à la nature où il retrouve le sentiment de Dieu et où s’épanouit sa
sensibilité. Voltaire était le dernier représentant du classicisme, Rousseau
annonce un monde nouveau : le romantisme.
ANDRÉ CHENIER, né à Constantinople en 1761, guillotiné en 1794, sans
libérer totalement la langue poétique des contraintes qui avaient paralysé ses
prédécesseurs chante ses amours avec sensibilité dans les Élégies ; s'inspirant
de la plastique et de la littérature grecques, il écrit les Bucoliques, dont les vers
harmonieux, publiés en 1819, raviront la première génération romantique.
C’est à un aventurier de génie, PIERRE CARON DE BEAUMARCHAIS (17321799), qu’il appartenait de conclure. La gaieté endiablée qui anime Le Barbier de
Séville (1775) et Le Mariage de Figaro, dont l'intrigue fait penser aux farces de
Molière et la sensibilité à Marivaux, nous rappelle qu’on goûta en ce siècle la
joie de vivre. Beaumarchais dut son succès à la franchise de sa satire politique
et sociale. Dans Le Mariage, Figaro, valet frondeur et cynique, mais sympathique
comme un gavroche parisien, triomphe du grand seigneur; les
applaudissements qui, en 1784, saluèrent la pièce longtemps interdite sont
révélateurs ; cinq ans plus tard commencera la Révolution.
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Fiche 5
XIXe SIÈCLE
Le Romantisme
De 1800 à 1813 se développent, surtout grâce à l’influence de Chateaubriand,
les tendances qui aboutiront au romantisme.
Le romantisme est moins une doctrine littéraire qu'un état de la sensibilité qui
s’est manifesté dans première moitié du XIXème. Les tendances romantiques :
goût de la confession personnelle, de la solitude, un esprit de révolte et, d’une
façon plus générale, prédominance de la sensibilité sur la raison, se trouvent
dés le XVIIIème siècle chez Rousseau. Ces tendances ont été favorisées, après
1815, par les circonstances historiques, le déséquilibre que la chute de
l’Empire provoqua dans l'âme de la jeunesse (le mal du siècle) et par
l'influence des littératures étrangères, surtout anglaise et allemande. Elles se
sont développées en un courant complexe, caractérisé par le retour à la
religion, la découverte de notre littérature du Moyen Age et le goût de la couleur
locale, lié au sentiment de la diversité géographique et historique. Le
mouvement romantique s’est prolongé jusqu'aux environs de 1 8 5 0 et a subi
l’influence des événements de 1830 et 1848.
CHATEAUBRIAND (1761-1848) est né à Saint-Malo. Son adolescence est
marquée par; le séjour au Château de Combourg et l’exaltation de la vie en
pleine nature (1784-1786). En 1791 il s'embarque pour les États-Unis où lui
sera révélé le spectacle grandiose dé la nature américaine. Mais il rentre
précipitamment pour faire campagne contre la Révolution dans l’armée des
émigrés. Blessé su siège de Thionville, il vivra misérablement à Londres (1793)
jusqu’au moment où il pourra rentrer en France (1800). Il devient brusquement
célèbre en publiant Atala (1801), René (1802), la Génie du Christianisme (1802).
Devenu hostile à l'empire après l’exécution du duc d'Enghien, il voyage en
Orient pour se documenter en vue de rédiger l’épopée en prose des Martyrs
(1809). La monarchie rétablie fait de lui un ministre, un ambassadeur, mais il
tombe en disgrâce (1814) et se joint un temps à l’opposition libérale, quitte à
affirmer en 1830 son attachement à la cause de Charles X détrôné.
Il consacre sa vieillesse à la rédaction des Mémoires d’outre-tombe qui, aux yeux
de la postérité, constituent son œuvre la plus durable.
Il a exercé sur les romantiques une très vive influence par sa mélancolie et son
pessimisme, son imagination, son sentiment de la nature, sa tendance à la
confidence directe et au lyrisme personnel.
LAMARTINE est né à Mâcon en 1790. Après des triomphes littéraires et
politiques, sa vieillesse a été attristée par la gène; il est mort en 1869. Les
Méditations poétiques (1820), premier chef-d’œuvre de la poésie personnelle, sont
surtout inspirées par le thème de l’amour malheureux. Dans les Harmonies
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LAMARTINE est né à Mâcon en 1790. Après des triomphes littéraires et
politiques, sa vieillesse a été attristée par la gêne; il est mort en 1869. Les
Méditations poétiques (1S20), premier chef-d'œuvre de la poésie personnelle,
sont surtout inspirées par le thème de l'amour malheureux. Dans les
Harmonies poétiques et religieuses (1820) les préoccupations religieuses
prennent la première place. Les événements de 1830 font naître chez
Lamartine des réflexions politiques et sociales qui inspirent les Recueilements
(1839). L'inspiration humanitaire et l’inspiration religieuse se trouvaient déjà
mêlées dans un long poème moral Jocelyn (1836). Lamartine a aussi
composé des romans autobiographiques : Raphaël (1849), Graziella (1849).
VIGNY (1797-1860). Né à Loches; Alfred de Vigny déçu par la carrière des
armes, puis par la politique et se retira dans une hautaine solitude pour se
consacrer entièrement à la littérature. Ses premiers vers, Les Poèmes
(1822), sont partiellement repris dans les Poèmes antiques et modernes
(1826 et 1837).
Le recueil des Destinées, publié après sa mort (1863) contient les œuvres les
plus personnelles, celles où s’exprime la philosophie de l’auteur, son
pessimisme, sa fière attitude devant le mal et son espoir dans le triomphe
final de l'esprit. Il a également écrit un roman Cinq Mars (1826), et connut son
plus grand succès avec un drame, Chatterton. (1835). $es autres œuvres
traitent de problèmes qui l’ont toujours préoccupé et le génie méconnu
( S t e l l o , 1 8 3 2 ) et la condition du soldat (Servitude et grandeur militaires,
1833).
HUGO, Né à Besançon en 1802, mort à Paris en 1885;.Victor Hugo domine
le romantisme par l’ampleur et la variété de son œuvre; en poésie comme en
.prose, il a triomphé dans tom les genres, reflété tous les goûts, tous les
courants d’idées, les romantiques furent d’abord catholiques et monarchistes ;
il l’a; été dans les premières Odes (1822); le goût du Moyen Age apparaît dans
les Odes et Ballades (1826), le philhellénisme dans Les Orientales (1829).
Avec le drame d’Hernani (1830) dont la première représentation fut une bataille
qui consacrera la victoire du romantisme, Hugo fait triompher les idées
nouvelles sur le théâtre; parmi d’autres drames d’une valeur inégale, il
donnera encore son chef d’œuvre, Ruy Blas (1838). Considéré comme le chef
incontesté des romantiques; il publie Notre-Dame de Paris (1831) roman
historique qui ressuscite le Vieux Paris du Moyen-Âge. Sa poésie lyrique,
surtout pittoresque dans ses débuts, devient plus intime dans les Feuilles
d’Automne (1831), Les chants du crépuscule (1835) qui reflètent les opinions
bonapartistes, Les Voix intérieures (1837), Les Rayons et les Ombres (1840)
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Très affecté par la mort tragique de sa fille Léopoldine (1843), le poète se
tourne vers la politique, devient pair de France (1845), puis député
(1848). Le coup d’État de décembre 18 j 1 oblige Hugo à quitter la France. C’est
en exil, à Guernesey, qu’il écrira contre Napoléon III les poèmes satiriques des
Châtiments (1853) et surtout ses chefs-d’œuvre lyriques : Les Contemplations
(1856) et épiques : La Légende des Siècles (1859, complétée en 1877 et 1883).
De la même période date un grand roman, Les Misérables (1862). Rentré en
France après la chute de l’empire, Hugo publie encore un recueil consacré à la
fantaisie, Les chansons des Rues et des Bois (1865), des poésies intimes, L’Art
d'être grand-père (1877), et plusieurs recueils d’inspiration philosophique. À la fin
de sa vie, il deviendra le type légendaire du patriarche souriant et barbu, du
républicain, de l’écrivain populaire aimé des foules.
Musset est né à Paris en 1810 et mort en 1857. Si sa carrière fut courte, il
obtint tout jeune de brillants succès. Dans ses Contes d’Espagne et d’Italie (en
vers; 1830) se manifestent une verve et une fantaisie qui devaient s’épanouir
dans ses Contes et surtout dans ses Comédies et Proverbes. Musset a raillé
parfois les excès d’un romantisme de convention, mais par la sincérité de son
lyrisme ii reste romantique dans ses œuvres poétiques les plus importantes ;
Les Nuits (1835-1837), Souvenir (1841), écho de sa liaison malheureuse avec
George Sand.
Vers le réalisme dans le roman
Le romantisme se manifeste, en prose, sous les divers aspects du roman
d’analyse, surtout autobiographique et du roman historique. Les événements de
1830 favorisent l’éclosion du roman populaire à tendance sociale et
humanitaire. En même temps se dessine l’évolution qui conduira au réalisme,
puis, vers la fin du siècle, au naturalisme. L’évolution vers le réalisme pittoresque
et psychologique est surtout marquée par STENDHAL, MERIMEE et BALZAC.
STENDHAL (1783-1842), romantique par la psychologie de ses personnages
épris d’héroïsme, est réaliste par le goût de l’analyse exacte et la sobriété du
style. Ses deux œuvres essentielles sont Le Rouge et le Noir (1830) et La
Chartreuse de Parme (1839).
MERIMEE (1803-1870), dont l’art n’est pas sans affinités avec celui de Stendhal, a écrit un roman historique : Chronique du règne de Charles IX (1829) et des
nouvelles dont les plus célèbres sont Colomba (1840) et Carmen (1845).
BALZAC (1799-1850), par l’ampleur de son œuvre, la diversité des personnages mis en scène et la vigueur de ses analyses, est le maître du roman.
Réunissant ses ouvrages sous un titre général La Comédie humaine, il a composé une véritable histoire de la société de son temps. Parmi ses nombreux
romans, nous citerons Eugénie Grandet (1833), Le Lys dans la vallée (1835), Le
Père Goriot (1835), César Birotteau (1837), Illusions Perdues (1837-1843), Le Cousin
Pons (1845), La. Cousine Bette (1847).
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Le Parnasse
Vers 1850 apparaissent, dans le Romantisme, principalement avec THEOPHILE
GAUTIER, dont le chef-d’œuvre s’intitule Émaux et Camées (1851), des tendances
qui vont donner à la poésie une orientation nouvelle. Au lyrisme sentimental
succède une poésie descriptive : le poète, se défendant de préoccupations
philosophiques ou morales (doctrine de l’art pour l'art), recherche surtout la
perfection de la forme; dans l’évocation des civilisations anciennes, il exige, plus
qu’une vague couleur locale, la précision érudite. Ces tendances, sans avoir
jamais constitué un véritable programme, se retrouvent dans l’œuvre de…
LECONTE DE LISLE : les Poèmes antiques (1851), les Poèmes barbares (1861)
offrent, à côté de développements philosophiques, des descriptions de
paysages et d’animaux qui doivent leur célébrité à une plastique impeccable, il
fut reconnu pour maître par les poètes dits PARNASSIENS, du nom de leur revue,
Le Parnasse contemporain parmi eux, THEODORE DE BANVILLE et JOSE-MARIA DE
HEREDIA qui a présenté dans les Trophées (1895) un raccourci de l’histoire des
civilisations.
Baudelaire et le symbolisme
CHARLES BAUDELAIRE (1811-1867) a connu une existence désordonnée et
malheureuse, et c’est seulement après sa mort qu’on a rendu justice à son
génie. Le recueil des Fleurs du Mal (1857) occupe en effet une place éminente
dans la poésie du XIX siècle. Loin de s’abandonner comme les romantiques à
des effusions faciles, il a le culte de la perfection formelle, et ses poèmes sont
brefs et travaillés comme ceux des Parnassiens. Toutefois sa conception de
l’œuvre poétique est plus large, plus féconde. Selon lui le poète a pour mission
de transfigurer le réel, d’en dégager la beauté, d’extraire les « fleurs » du « mal
»; la poésie est avant tout un art de suggestion, une « sorcellerie évocatoire » :
par le jeu des images et des symboles, par les correspondances secrètes qu’il
découvre entre la nature et l’âme humaine, par la magie du rythme et la
musique du vers, l’artiste parviendra à nous communiquer ses émotions les plus
subtiles, à atteindre l’inconnaissable, i suggérer l’inexprimable. Aussi l’œuvre de
BAUDELAIRE, si originale par son inspiration et ses moyens d’expression, a-t-elle
exercé une grande influence sur le symbolisme et la poésie moderne.
Pendant la seconde moitié du XIX siècle, une réaction se produit en effet
contre la poésie parnassienne et contre le réalisme ou le naturalisme : à ce
nouveau courant, caractérisé par l’idéalisme poétique et le sens du mystère, on
donne le nom de symbolisme. Persuadés que le mystère règne en nous et
autour de nous, les symbolistes considèrent la poésie comme un moyen de
connaissance. Pour atteindre l’âme des choses ou les profondeurs du
subconscient, ils ont recours à l’allusion, à la suggestion de la musique et du
symbole. La poésie devient fluide, incantatoire, et elle rivalise parfois avec la
mystique.
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PAUL VERLAINE (1844-1896) fut d’abord le poète mélancolique des
Poèmes Saturniens (1866) et l’artiste raffiné des Fêtes galantes (1869).
Très vite il s’adonne à la boisson et, après un mariage malheureux, il se lie avec
Rimbaud; il le blesse d’un coup de feu (Bruxelles, 1870) et est alors condamné
à deux ans de prison. Pendant son incarcération il retrouve la foi et compose les
poèmes de Sagesse (publiés en 1881) où domine l’inspiration mystique. Sa vie
se termine dans une douloureuse déchéance, physique et morale.
ARTHUR RIMBAUD (1854-1891) révèle un génie précoce. Adolescent, il écrit
des poèmes remarquables par leurs images hardies (Bateau ivre), par les
correspondances entre sons et couleurs (Voyelles) et par une foi vibrante dans
l’aventure poétique, qui permet d’atteindre l'inconnu. Il tente de traduire ses
hallucinations dans les poèmes en prose des Illuminations. Brusquement, à l’âge
d’homme, il cesse d’écrire et se consacre à un comptoir commercial en Afrique.
STEPHANE MALLARME (1841-1898), d’abord disciple de Baudelaire, affirma
bientôt son originalité. Sa poésie devient de plus en plus difficile, pour rebuter
les profanes, mais aussi par nécessité, la poésie étant, selon lui, d’essence
mystérieuse et insaisissable.
JULES LAFORGUE, (1860-1887) est né à Montevideo. Ses principales œuvres
nées furent connues qu’après sa mort : L’Imitation de Notre-Dame la Lune, Derniers
Vers, Les Sanglots de la Terre. Ironiste souvent amer, il cache sous la fantaisie et
la naïveté voulue, un extrême raffinement de la sensibilité.
Réalistes et Naturalistes
Vers le milieu du siècle, le roman tend à une observation de plus en plus
précise des faits : le réalisme est représenté par FLAUBERT et MAUPASSANT. Puis,
avec le progrès des sciences expérimentales et la médecine, des romanciers
veulent utiliser les méthodes scientifiques : ce sont ceux de l’école naturaliste
dont le plus représentatif est ZOLA.
GUSTAVE FLAUBERT (1811-1880) manifeste son goût de l’exactitude dans le
roman d’analyse par un effort constant vers "objectivité (Madame Bovary, 1856;
Une Éducation sentimentale 1869). Il pousse son information rigoureuse jusqu’au
scrupule dans le roman historique (Salammbô, 1862), et même dans le roman
satirique (Bouvard et Pécuchet, 1881).
ÉMILE ZOLA (1840-1902) a écrit une longue série de romans, qui constituent «
l’histoire naturelle et sociale d’une famille sous le Second Empire ». Parmi les
plus célèbres, citons L’Assommoir (1877), Germinal (1885), Au bonheur des dames
(1883), L’Argent (1891).
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Fiche 6
XXe SIÈCLE
La poésie Héritière du symbolisme, elle est caractérisée par la libération de la
forme : alors que certains restent fidèles à la versification classique, d’autres usent
du vers libéré, ou même du verset, à l'imitation de la Bible. Quant à l’inspiration,
elle est tantôt romantique, tantôt symbolique, tantôt surréaliste. Le surréalisme,
né vers 1920, s’efforce d’atteindre, au-delà de la conscience claire, le
subconscient; ses recherches ouvrent à la poésie des perspectives nouvelles.
Voici les poètes du XXème siècle cités dans ce recueil.
Avec FRANCIS JAMMES (1868-1938), le symbolisme se nuance de fraîcheur et
de simplicité. Sa poésie, intime et rustique, est même volontairement naïve,
familière et en apparence prosaïque; mais elle traduit des émotions sincères et
fait naître en nous de charmantes rêveries (De L’Angélus de l’aube à L’Angélus du
soir, 1898; Le Deuil des Primevères, 1900; Géorgiques chrétiennes, 1912).
CHARLES PEGUY, né à Orléans (1873-1914), a composé de longs poèmes
d’inspiration patriotique et chrétienne, consacrés à Jeanne d’Arc, à sainte
Geneviève, à Notre Dame, enfin à Ève. Il s’est plu à exalter l'Espérance (Le
Porche du Mystère de la deuxième vertu). Tissant ses poèmes comme des «
tapisseries », tirant de la répétition des effets d’art, maniant tour à tour le vers
libre et l’alexandrin, il a tenté de créer une poésie populaire.
PAUL CLAUDEL (1868-1955) est un de nos plus grands poètes chrétiens.
Caractérisé par une profusion d’images qui s’enchaînent et se pénètrent
mutuellement, son lyrisme s’exprime dans un rythme très personnel : le « verset
» de prose poétique, moulé sur l’idée ou la sensation à suggérer et porté par le
souffle d’une large inspiration * (Cinq Grandes Odes, 1910).
PAUL VALERY (1871-1945) a gardé du symbolisme et surtout de Mallarmé le
goût d’une poésie difficile et aussi d’une forme travaillée et impeccable. Le
poète de Charmes (1922) a essayé de réaliser la fusion intime de la pensée et de
la forme et d’atteindre à la poésie pure, alliant la richesse des images à la
musicalité des mots et des rythmes. Son œuvre en prose s’impose par k
vigueur de la pensée. la densité et la pureté de là forme, dans Eupalinos* et
Variété*.
GUILLAUME APOLLINAIRE (1880-1918) s’est associé aux mouvements qui
cherchaient à renouveler la poésie et la peinture au début du XXème siècle : il
annonce le surréalisme. Dans sa poésie {Alcools *41915), idées, images et
sensations se succèdent souvent sans lien logique; pourtant ses meilleurs
poèmes sont ceux où ces dissonances se fondent en impressions
mélancoliques.
JULES SUPERVIELLE (1884-1960), né à Montevideo, unit de la façon la plus
séduisante l’attrait de l'humour au charme du rêve. Il embrasse dans une sympathie universelle les êtres et les choses * (Gravitations, 1915 ; Les Amis
inconnus, 1934; Arbres; Ciel et Terre, 1939-1945), prêtant à la nature une âme
et des sentiments mystérieux sans doute mais intelligibles aux poètes, ou
évoquant avec fraîcheur la création de l’Univers (La Fable du Monde, 1938).
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PAUL ÉLUARD (1895-1952) est, avec ARAGON, le plus célèbre des poètes qui,
autour d’André Breton, ont constitué le groupe surréaliste. Dans cette période, il
publie Capitale de la douleur (1926) et L Amour La Poésie (1929). Son originalité
poétique s’affirme ensuite, conciliant le mystère et la simplicité, et marquée par
le libre enchaînement des images. La guerre, la résistance, l’engagent plus
nettement dans la voie du lyrisme inspiré par les circonstances (Poésie et Vérité,
1942-1943; Au Rendez-vous allemand, 1944).
JACQUES PREVERT (1900-1977), d'abord lié au surréalisme, nous introduit
dans un univers de liberté et de fantaisie * où le poète se livre aux mille jeux du
langage et où les choses et les êtres se présentent avec naturel sous les
formes les plus inattendues (Paroles, 1946; Spectacle, 1951).
RENE CHAR (1907-1988), associé lui aussi au surréalisme, exprime, en une
langue poétique d’accès parfois difficile, des sentiments qui, par leur universalité; rejoignent le romantisme (Le Poème pulvérisé, 1947; Commune présence,
1964).
Le théâtre sans prétendre citer tous les auteurs dramatiques de premier plan
(comment oublier CLAUDEL OU MONTHERLANT) nous avons voulu présenter
quelques aspects représentatifs du théâtre au XXème siècle.
JULES ROMAINS (1885-1972) 1 connu au théâtre un large succès avant de
devenir un romancier illustre (cf. p. 348). Animées d’une verve satirique très
efficace, ses comédies sont de grandes farces dans la tradition moliéresque :
Knock * (1923), Donogoo (1930).
JEAN GIRAUDOUX (1882-1944) a dominé l’entre-deux guerres par son théâtre
caractérise par la diversité des sujets, la fantaisie spirituelle * et « précieuse »,
même pour exprimer le tragique de l’homme aux prises avec la fatalité. Ses
principales pièces sont Amphitryon (1929), Intermezzo (1933), La guerre de Troie n
aura pas lieu (1935), Électre (1937), La Folle de Chaillot (1945).
MARCEL PAGNOL (1895-1974) a obtenu un véritable triomphe populaire avec
Topaze (1928), puis la trilogie de Marius, Fanny et César (1928-1931) dont le
comique un peu facile est relevé par l’évocation de la vie marseillaise. Il a publié
des souvenirs d’enfance pleins de verve et d’humour : La Gloire de mon père
(1957), Le Château de ma mère (1961), Le Temps des secrets (1961).
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JEAN ANOUILH (1910-1987) est l’un des auteurs dramatiques les plus
féconds de notre époque. Il a donné des chefs d’œuvre dans tous les
registres dramatiques : pièces roses (Le Bal des Voleurs, 1938), pièces noires
(Le voyageur sans bagages, 1937; La Sauvage, 1938; Antigone, 1944), pièces
brillantes (La Répétition, 1950), pièces grinçantes (Pauvre Bitos, 1956), pièces
costumées (L'Alouette, 1933’. Becket, 1959). En dépit d’une fantaisie et d’un
comique souvent irrésistibles, son théâtre est l’œuvre d’un satirique amer et
pessimiste.
JEAN-PAUL SARTRE (1905-1980), philosophe, romancier, essayiste, est
aussi un auteur dramatique de talent. Théoricien de l’engagement en littérature,
il a porté sur la scène ses prises de position morales et philosophiques dans
Les Mouches (1945), Huis Clos (1944), Les Mains sales (1948).
EUGENE IONESCO (né en 1912), d’origine roumaine, est l’un des auteurs les
plus représentatifs du « nouveau théâtre ». Il prône le « spectacle total » où l’on
exploite toutes les ressources offertes par le décor, l’éclairage, la musique; il
fonde son théâtre sur la parodie (La cantatrice chauve, 1949), la psychanalyse
(Les Chaises, 1951), le fantastique (Rhinocéros, i960). Son originaire se manifeste, lorsqu’il aborde un thème classique dans Le Roi se meurt (1962).
Le roman
Depuis la fin du XIXème, le genre littéraire par excellence est le roman, cadre
infiniment souple et prêt à accueillir toutes les sources d’inspiration :
autobiographie, analyse psychologique, peinture des milieux sociaux,
reconstitutions historiques, anticipations, thèses philosophiques, aventures et
reportages. Voici quelques romanciers cités dans ce recueil.
MARCEL PROUST (1871-1922) a laissé quinze volumes sous un titre collectif : A
la recherche du temps perdu (1913-1928). Il a constaté que le passé reste
enseveli au fond de nous-mêmes, et ne demande qu’à revenir à fleur de conscience, chaque fois qu’une sensation actuelle réveille le souvenir d’autres
sensations éprouvées autrefois. Il s’efforce donc de ressusciter, dans leurs
nuances et leur complexité, les impressions de son passé, et c’est l’expérience
de toute une vie qui vient enrichir la trame de ses romans.
ANDRE GIDE (1869-1951) a écrit des œuvres pour la plupart autobiographiques où il exprime, avec une exigeante sincérité, les inquiétudes de son âme
complexe et son désir de goûter librement toutes les joies de la terre : Les
Nourritures terrestres (1897), La Porte étroite (1909), La Symphonie pastorale
(1914).
COLETTE (1873-1954) a connu une enfance heureuse à la campagne, puis
une vie sentimentale inquiète, avant d'aboutir à une calme vieillesse. Ce sont
les souvenirs, directs ou transposés, de cette expérience si diverse qui inspirent
ses nombreux romans.
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Son style très pur et riche d’images traduit les sensations avec, toute leur
précision, quand elle évoque son enfance, le charme de la nature*, l’âme des
bêtes : Dialogues de bêtes (1904), Les Vrilles de la vigne (1908), La Paix avec les
bêtes (1916), La Maison de Claudine (1922), Sido (1930).
JULES ROMAINS (1885-1972), auteur comique à succès, occupe comme
romancier une place de premier pian : les 27 volumes de la série des Hommes
de bonne volonté sont une large fresque de la société française de 1908 à
1933; l’auteur y mène de front l’histoire individuelle d’une foule de personnages
qui souvent ne se connaissent pas : on assiste ainsi à l’évolution de toute une
société, en relation avec les grands événements contemporains. En dépit de
circonstances parfois tragiques, l’auteur traduit sa confiance dans la « bonne
volonté » qui conduira les hommes vers un destin plus heureux.
SAINT-EXUPERY (1900-1944), pilote de ligne, puis pilote de guerre, disparut
héroïquement en Méditerranée. Ses livres les plus célèbres, Vol de nuit (1931),
Terre des hommes (1939), Pilote de guerre (1940), inspirés directement de ses
souvenirs, ont tout l’attrait de l’aventure et nous élèvent l’âme, par le sens de la
grandeur et la noblesse d’un idéal fraternel. Il laisse encore un charmant récit,
Le Petit Prince (1943) et un ouvrage plus philosophique, Citadelle (1948).
MAXENCE VAN DER MEERSCH (1907-1955), prix Goncourt avec l’Empreinte du
Dieu (1936), s’inscrit dans la tradition du roman naturaliste par son style et par
ses études de mœurs et de milieux (milieux ouvriers : Quand les sirènes te
taisent; milieux médicaux : Corps et âmes). Mais il s’attache aussi, avec une
sympathie souvent douloureuse, à l’âme de ses personnages.
JEAN GIONO, né et mort à Manosque (1895-1970), est reste fidèle à la vallée
de la Durance et au monde rustique qu’il décrit avec saveur dans Regain
(1930), Le Grand Troupeau (1931), Que ma joie demeure (1935), Les Vraies
Richesses (1936); volontiers lyrique, il trouve même des accents épiques dans
batailles dans la montagne (1937). Il a enfin renouvelé son inspiration dans un
roman plein d’action : Le Hussard sur le toit (1951).
ANDRE MALRAUX (1901-1976) dépeint l’homme moderne dans l’aventure et
dans l’action révolutionnaire. Ses premiers romans lui sont dictés par un séjour
en Extrême-Orient : La Condition humaine (1933) retrace les épisodes de la
révolution chinoise (1923-1917). L'Espoir (1938) est une bouleversante
évocation de la révolution espagnole de 1936 à 1938, qu’il a vécue du côté
républicain; enfin, il s’inspire de ses souvenirs dans Les Noyers de l’Altenburg
(1943) et les Antémémoires (1967);
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ALBERT CAMUS (1913-1969), né en Algérie, s’est fait le défenseur des
déshérités et des victimes de la lutte pour la liberté. Sa philosophie de l’absurde
s’exprime dans L’Étranger (1942); elle se teintera dans La Peste (1947) d’un
humanisme moderne qui place au premier plan le souci de la dignité humaine.
Son style sobre n’exclut pas l’humour, surtout sensible dans La Chute (1956).
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