Enfance La vision du tout jeune enfant - Stem

Transcription

Enfance La vision du tout jeune enfant - Stem
Enfance
http://necplus.eu/ENF
Additional services for Enfance:
Email alerts: Click here
Subscriptions: Click here
Commercial reprints: Click here
Terms of use : Click here
La vision du tout jeune enfant
François Vital-Durand
Enfance / Volume 2014 / Issue 01 / March 2014, pp 19 - 40
DOI: 10.4074/S0013754514001037, Published online: 31 March 2014
Link to this article: http://necplus.eu/abstract_S0013754514001037
How to cite this article:
François Vital-Durand (2014). La vision du tout jeune enfant. Enfance, 2014, pp 19-40
doi:10.4074/S0013754514001037
Request Permissions : Click here
Downloaded from http://necplus.eu/ENF, IP address: 212.198.49.232 on 08 Oct 2014
La vision du tout jeune enfant
François VITAL-DURAND*
RÉSUMÉ
Par rapport à une perspective historique, les dernières décennies ont transformé
l’approche du nourrisson. La méthode du regard préférentiel a permis de mesurer
avec précision les capacités visuelles et visuo-cognitives dès les premiers jours
de vie. Les données anatomiques, accompagnées des progrès médicaux ont
transformé l’approche familiale et sociale de l’enfant. Les études de laboratoire
ont permis de mesurer l’acuité, le champ visuel, la vision stéréoscopique,
l’accommodation, la sensibilité au contraste et aux couleurs, la motricité oculaire,
bref, tout ce qui a permis une utilisation clinique de plus en plus répandue. Le
devenir des enfants atteints d’un défaut visuel en a été considérablement amélioré.
MOTS-CLÉS : DÉVELOPPEMENT VISUEL, CAPACITÉS VISUELLES, DÉVELOPPEMENT
COGNITIF, DÉFICIT VISUEL.
SUMMARY
Compared to an historical perspective, the last decades have drastically changed
our view about newborns and toddlers. The preferential looking technique has
revealed visual and visuo-cognitive developmental steps from birth. Anatomical
data and medical achievement have renewed family and social care of the
child. Laboratory studies measure visual resolution, visual field, stereoscopy,
accommodation, contrast and color sensitivity, ocular motricity, all together
leading to new clinical assessment and care. The future of visually deficient infants
has been drastically improved.
KEY-WORDS: VISUAL DEVELOPMENT, INFANT VISION, COGNITIVE DEVELOPMENT, VISUAL
DEFICIT.
*Correspondance : Stem cell and Brain Research Institute, INSERM U846, 18 Avenue Doyen
Lépine, 69500 Bron, France et Université de Lyon, Université Lyon I, 69003, Lyon, France.
Email : [email protected]
nfance n◦ 1/2014 | pp. 19-40
20
François VITAL-DURAND
INTRODUCTION
Quelques anecdotes historiques ont pour but de montrer la prise de conscience
progressive du rôle de la vision dès les premiers jours de vie. Au cours
des dernières décennies, les approches scientifiques se sont développées selon
deux paradigmes parallèles, l’approche médicale visant à prévenir ou limiter
les pathologies et leurs conséquences et l’approche psychologique visant à
comprendre la participation de la vision dans l’élaboration des conduites. C’est
la première de ces approches qui sera privilégiée ici.
Anecdotes historiques
L’idée a longtemps prévalu que le nouveau-né ne voyait rien, et pourtant ! Les
artistes et les parents savent depuis longtemps que les nouveau-nés fixent et
regardent dès la naissance. Il existe de merveilleux témoignages des capacités
de fixation réciproque entre la mère et son nourrisson. Un bel exemple est
disponible sur internet, une illustration de la Bible Maciejowski, commandée par
Louis IX (Saint Louis) au XIIIe siècle1 . Anna, maîtresse d’Anelka, est stérile,
et risque donc de perdre son statut. Neuf mois après une nuit d’imploration
au Temple elle accouche de Samuel. Le peintre du XIIIe siècle représente le
regard complice des partenaires, comme si le nourrisson pensait que sa mère
avait désormais décroché un contrat à durée indéterminée. La mère et l’enfant
se regardent intensément, démontrant que le peintre savait que le bébé Samuel
pouvait voir sa mère. Quelques rares peintres ultérieurs montrent l’enfant Jésus
regardant sa mère, mais la plupart du temps Marie regarde ailleurs comme si elle
pressentait le destin de son fils unique2 .
Au Moyen âge beaucoup de documents dépeignent les soins attentifs des
parents pour leur nouveau-né malgré le taux de mortalité élevé (Riché &
Alexandre-Bidon, 1994). De nombreux textes détaillent les soins hygiéniques,
éducatifs et ludiques prodigués au nouveau-né mais les témoignages sur les
relations mère-enfant sont très rares. Par exemple, Loys Guyon, 1615, dans
son traité Le miroir de la Beauté et santé corporelle explique : « l’enfant doncques estant
entré en la vallée de misère de ce monde, on lui coupera le nombril un pouce près
du ventre. . . lequel on oindra jusqu’à sa chute d’huile de rosat et de beurre déssalé
mellez ensemble : puis sera lavé en eau ferrée et vin blanc médiocrement chaud.
Et après avoir été essuyé. . . sera frotté tout son corps d’eau de vie rectifiée. . .
Ces choses feront que l’enfant sera plus fort et vigoureux tant qu’il vivra. . . »
(p 908-909). Des pages sur l’allaitement et les soins aux tétins, mais pas un mot
sur le comportement précoce. Dès l’âge de la parole en revanche, pléthore de
soins pour assurer l’épanouissement de l’enfant.
1 http://www.themorgan.org/collections/swf/pageEnlarge.asp?id=237, panneau en bas à droite.
2 Francisco de Zurbaran, La sainte famille, 1659.
La vision du tout jeune enfant
Au XVIIIe siècle, l’enfant est surtout présent dans la littérature quand il s’agit
d’assurer la descendance dynastique des princes (Le vœu de Louis XIII qui,
désespéré d’engendrer un héritier, confie la France à Marie. Le futur Louis XIV
naîtra l’année suivante).
Les données sur le comportement aux âges précoces sont parcellaires.
Jean-Jacques Rousseau, qui a abandonné les cinq enfants qu’il a eus de sa lingère,
écrit son fameux traité L’Émile ou de l’Éducation (1762) dans lequel il considère
surtout l’enfant à partir de « l’âge de raison » vers 7 ans. Pourtant son opéra
Le devin de village comporte un bel air au sujet d’un enfant, une rare exception
dans l’art opératique. Il inaugure un champ qui inspirera de nombreux émules
quoiqu’il régnât une étonnante ambiguïté sur le sujet. Madame de Genlis, qui
écrit des traités d’Éducation pour assurer sa subsistance après la Révolution,
ne mentionne ses deux enfants qu’à deux reprises dans ses mémoires en dix
volumes (Mémoires inédits de Madame la comtesse de Genlis sur le XVIIIe
siècle et la révolution française, Paris, Ladvocat libraire, 1825). Dans l’opéra de
Cherubini (1797) Médée tue ses enfants dans sa hargne, les considérant comme
une arme contre son ennemi. La seule référence à la vision que je connaisse dans
la littérature du dix-huitième siècle est celle de Georges Louis Leclerc, comte de
Buffon (Histoire des animaux, œuvres complètes de Buffon, Paris Pourat frères éditeurs,
1863, Vol 8, p 373) qui consacre quelques lignes sur le sujet « les yeux des enfants
se portent toujours du côté le plus éclairé de l’endroit qu’ils habitent ». L’attention
portée au comportement du nourrisson, particulièrement dans la sphère visuelle,
est récente.
L’histoire moderne
Les décennies qui suivent la deuxième guerre mondiale sont émaillées d’une
production considérable de travaux concernant le nourrisson dans tous les
domaines de la médecine néonatale et pédiatrique, de la psychologie et de la
recherche fondamentale. Dans le domaine de la vision, Zazzo est peut-être le
premier à fournir la démonstration des capacités visuelles néonatales à travers
l’observation de l’imitation néonatale en 1945. « le jour où, jouant avec mon
fils, je me suis amusé à lui tirer la langue. À mon grand étonnement le bébé
me tira la langue à son tour. Puis il s’arrêta. Je recommençai, il recommence ».
Cette observation jeta le trouble dans les théories de l’époque et s’inscrivit
bientôt dans un vaste champ de recherche. Par une étude systématique avec 25
nouveau-nés il retrouve les résultats de l’observation anecdotique (Zazzo, 1957)
Ces résultats seront confirmés presque 25 ans plus tard (Meltzoff & Moore,
1983). L’expérience largement reproduite a donné lieu à quelques contestations à
propos d’autres mimiques (Anisfeld, Turkewitz, Rose, et al., 2001) (voir Hurley,
2005, pour une revue). Le débat et les recherches continuent sur ce sujet
coruscant sur le terrain du cognitif (Soussignan, Courtial, Canet, Danon-Apter, &
Nadel, 2011). Concernant les capacités visuelles, l’imitation néonatale démontre
sans ambiguïté que l’enfant peut identifier et reproduire une mimique. L’imitation
nfance n◦ 1/2014
21
22
François VITAL-DURAND
révèle deux choses : l’enfant regarde pour apprendre au sujet des adultes et
les scientifiques évaluent l’organisation et le fonctionnement cérébral (Meltzoff
& Decety, 2003). Ces données ont suscité une floraison de travaux sur le
développement visuo-cognitif qui débordent du cadre choisi pour cette revue.
Citons par exemple les travaux fondateurs de Piaget (Piaget, 1947), de Vurpillot
(1972) de Slater et Lewis (2007) et il faudrait en citer bien d’autres décrivant le rôle
de la vision dans le développement sensorimoteur (Streri, 1991) et son incidence
sur les modalités d’éducation spécialisée des enfants porteurs de handicaps
(Bullinger, 2004).
Ces premières données ont conduit à une exploration systématique de la
structure du système visuel et de ses fonctions qui sont exposées maintenant :
les études classiques sur le développement de l’œil, de ses propriétés optiques,
de la rétine et du cortex visuel avant de passer au développement de la fonction,
c’est-à-dire du regard, de l’acuité, de la stéréoscopie, du champ visuel etc. pour
finir avec les considérations cliniques.
Le développement du bulbe oculaire et du cortex visuel
La nomenclature moderne a remplacé le terme de globe par celui de bulbe
oculaire. À la naissance, son diamètre est de 16,5 mm pour atteindre 25 mm
vers 4-5 ans. Cette croissance peu importante ne peut contribuer que de façon
marginale à l’amélioration de l’acuité, à l’élargissement du champ visuel et aux
autres fonctions visuelles.
Les milieux optiques sont clairs, même si la transmission lumineuse vers
la rétine s’améliorera quelque peu avec l’âge. Un changement plus significatif
concerne la puissance optique du bulbe qui dépend de sa forme globale et
de sa croissance. La plupart des enfants naissent avec un défaut de réfraction
(amétropie), en l’occurrence une hypermétropie de deux dioptries (œil trop
court) et un astigmatisme (œil ovoïde plutôt que sphérique). Cela n’altère pas les
capacités fonctionnelles qui sont limitées par d’autres facteurs envisagés plus loin.
Le fait remarquable est un processus actif d’émmétropisation, c’est-à-dire
d’ajustement vers la normale qui modifie progressivement la croissance
respective des éléments optiques de l’œil chez la plupart des yeux, pour
atteindre l’emmétropie entre 5 et 7 ans. Une étude de population montre
que la distribution des mesures, très étalées après la naissance, se resserre
peu à peu autour de la normale (Mayer, Hansen, Moore, Kim, & Fulton,
2001). Quelques enfants naissent myopes, moins de 1 %, et davantage avec
une hypermétropie excessive ou une réfraction différente dans les deux yeux
(anisométropie). Malheureusement, l’anisométropie, la myopie, l’hypermétropie
excessive et l’astigmatisme hors norme tendent à augmenter avec l’âge et font
des porteurs des victimes désignées de l’amblyopie et du strabisme s’ils ne sont
pas pris en charge avant l’âge d’un an (Deng & Gwiazda, 2012). À partir de l’âge
scolaire, la myopie devient le défaut de réfraction le plus fréquent, qui progressera
au-delà de l’âge adulte, favorisé par le travail rapproché. Certaines populations
La vision du tout jeune enfant
sont particulièrement atteintes (Saw, Katz, Schein, Chew, & Chan, 1996), le cas
le plus spectaculaire étant représenté par les chinois Han du nord du pays (Sun,
Zhou, Zhao, Lian, Zhu, et al., 2012).
Le développement des aires visuelles ne peut être traité ici. On peut se référer
à une publication antérieure (Vital-Durand, 2010).
LES CAPACITÉS VISUELLES DU NOURRISSON
La technique du regard préférentiel.
L’étude expérimentale de la vision de l’enfant a pris un essor considérable
à partir de l’observation de Fantz (Fantz, Ordy, & Udelf, 1962), qui prouve
que le nourrisson préfère regarder un motif plutôt qu’un autre présenté sur
une surface homogène. Cette assertion fonde les méthodes contemporaines de
l’étude de la vision infantile. Teller de Washington University exploite la méthode
pour élaborer un protocole psychophysique rigoureux, connu sous le vocable
de forced-choice preferential looking regard préférentiel à choix forcé, parfois traduit
maladroitement par « préférence visuelle » (Pouliquen, 2002) : l’expérimentateur
doit choisir si l’enfant regarde vers la gauche ou la droite quand il est exposé
à un stimulus présenté d’un côté d’une surface. Peu importe le critère retenu
pour faire son choix, car, on le montrera plus tard, cela varie avec les individus
et l’âge. Teller explore les diverses capacités visuelles (Brown & Teller, 1989) et la
méthode connaît un succès foudroyant traduit par de nombreuses études comme,
par exemple, celles de Held et son équipe au MIT (Held, Birch, & Gwiazda, 1980),
ou de Atkinson, Braddick et leur équipe en Grande Bretagne (Atkinson, 1984), et
ensuite dans de nombreux laboratoires, y compris en France.
La plupart de ces avancées sont décrites dans le gros volume Early Visual
Development, Normal and Abnormal, édité par Simons (1993). Les recherches firent
le tour de ce qu’il était possible de mesurer avant de s’orienter vers des analyses
épidémiologiques visant à déterminer les populations à risque de trouble visuel et
la nature des prises en charge adaptées, en France par exemple par la création de
Camsp spécialisés dans la déficience visuelle.
Pour revenir à la méthode, si l’enfant regarde systématiquement le motif
qu’on lui présente, c’est que le stimulus est au-dessus du seuil de perception.
En d’autres termes, qu’il est suffisamment contrasté et composé de fréquences
spatiales incluses dans son spectre de perception. L’expérimentateur fait varier
chaque paramètre dont il détermine le seuil. Et cela peut être appliqué à la couleur,
à la luminance, au mouvement, etc. Les premiers expérimentateurs étaient
très attentifs aux biais expérimentaux possibles. Ils utilisaient des présentations
aléatoires pour déterminer le seuil. En outre, les observations étaient réalisées
par deux expérimentateurs dont les données étaient confrontées pour évaluer
l’accord entre observateurs (Brown & Lindsey, 2009).
Le débat s’ensuivit pour affiner la méthode en termes d’efficacité. Le simple
regard préférentiel ou son association avec le choix forcé : faut-il déterminer si et
nfance n◦ 1/2014
23
24
François VITAL-DURAND
combien de temps l’enfant a fixé à droite ou à gauche ou doit-on se contenter de
choisir si le stimulus est à droite ou à gauche selon des critères adaptés à l’âge et au
caractère de chaque enfant. On se débarrasse alors de l’accord entre observateurs
et on juge le niveau de bonnes réponses obtenues pour chaque valeur du stimulus.
Cette méthode a prévalu.
Il fallut des années pour s’assurer de la fiabilité de la méthode. L’enfant
répond-il de façon optimale ou ne s’intéresse-t-il qu’aux stimulus saillants3 ?
On essaya de renforcer la réponse de l’enfant avec une récompense, de type
apparition d’une poupée ou d’un nounours quand la réponse était bonne (Birch &
Hale, 1989). Cette lourde méthode ne modifia pas les résultats obtenus et fut vite
abandonnée. Abramov, Hainline, Turkel, Lemerise, Smith, et al. mirent en œuvre
la psychophysique du vaisseau spatial Rocket-ship psychophysics sur de jeunes enfants
en les mettant dans une situation de science-fiction (Abramov, et al., 1984). La
situation de conquête spatiale n’améliora pas leurs performances. La conclusion
est que la détection du stimulus constitue un renforcement suffisant pour que
l’enfant participe avec un bon niveau de coopération.
La procédure des Cartes d’acuité.
La procédure du regard préférentiel présente l’avantage que l’adulte qui pratique
le test ne peut pas biaiser et ne peut pas conclure que l’enfant a vu le stimulus
infraliminaire. Mais cela pose le problème de la durée de la session à cause de
la capacité attentionnelle de l’enfant. D’où l’évolution de la méthode maintenant
utilisée en clinique (Vital-Durand, 1996b).
Les cartes d’acuité sont des panneaux cartonnés de 50 cm de long et 25 de
large, imprimés sur une de leur moitié de rayures circulaires concentriques. Ces
rayures ont un profil de luminance sinusoïdal atténué sur les bords et la luminance
moyenne est égale à celle du fond. Il n’y a donc pas de contour. Un petit orifice
pratiqué au milieu de la carte permet à l’observateur d’observer le regard de
l’enfant. Les cartes sont présentées en ordre ascendant de fréquence spatiale.
On commence donc avec un stimulus très facile à détecter puis on diminue
progressivement la visibilité jusqu’au moment où le regard devient erratique. La
dernière carte qui suscite le regard plusieurs fois de suite détermine le seuil.
On commence l’examen en condition binoculaire et il se poursuit en condition
monoculaire. Dans cette dernière condition, on peut observer que l’enfant
répond moins bien, sa coopération étant altérée par le cache qu’il porte sur un œil.
En clinique, l’usage le plus important des cartes d’acuité est de déterminer si
l’enfant a une capacité visuelle ou pas, si faible soit elle et à quel niveau. Autrement
dit, y a-t-il une capacité visuelle qui doit faire l’objet d’une éducation spécialisée,
ou, dans les cas moins extrêmes, y a-t-il une limitation de l’acuité que l’examen de
3 Le décret de 1989 relatif à la réforme de l’orthographe recommande de ne plus mettre les mots
d’origine étrangère au pluriel de leur langue d’origine mais de les adapter au français, ainsi, des
stimulus, des fovéas, des thalamus, etc.
La vision du tout jeune enfant
la réfraction permettrait de corriger ? Enfin, dans les cas d’amblyopie, le suivi de
l’évolution de l’acuité permet d’ajuster le traitement occlusif et de conforter les
parents dans l’observance de la prescription pour récupérer l’amblyopie. Dans les
cas les plus courants on détermine si l’acuité est équilibrée et à un niveau normal.
Aujourd’hui, la mesure de l’acuité d’un enfant préverbal par les cartes d’acuité
ne prend pas plus de cinq minutes à une personne entraînée, davantage bien sûr
dans les cas difficiles (Gwiazda, Brill, Mohindra, & Held, 1980). Cela a permis une
large diffusion de la méthode, à l’hôpital comme en milieu libéral (Vital-Durand,
1996a) pour déterminer le niveau d’acuité (Qiu, Li, & Yan, 2011). On examinera
plus tard les conséquences à en tirer.
L’acuité (résolution spatiale)
L’acuité est mesurée dès les premiers jours ainsi que sa progression (Brown &
Yamamoto, 1986). Dans les études initiales de Teller les cartes étaient présentées
dans un ordre aléatoire à une distance fixe de l’enfant et le visage du porteur était
masqué par un écran pour s’assurer qu’il n’incite pas le regard du nourrisson.
Dans ces conditions, l’acuité d’un enfant de 3 mois était de 1/10 et augmentait
jusque vers 6 mois (2/10) puis faisait une pause jusqu’à un an avant d’augmenter
à nouveau.
Cette pause du développement de l’acuité était troublante. Certains firent
l’hypothèse que l’acuité initiale était assurée par des structures visuelles
sous-corticales, comme le colliculus supérieur. Vers un an d’âge, le cortex prenait
le relais. Il s’agissait en fait d’un artefact produit par les cartes d’acuité de
Teller dont les intervalles étaient irréguliers, aucune carte ne correspondant à
l’intervalle entre 6 mois et un an. Il suffisait de varier la distance de présentation
pour montrer que le développement est parfaitement linéaire (Vital-Durand,
1992). Cela supposait de s’affranchir de la crainte que le porteur de l’enfant
n’oriente celui-ci, même inconsciemment. Ainsi l’enfant atteint 4/10 vers un an
et près de 10/10 vers 3 ans. Mais il s’agit d’une acuité de résolution, l’acuité
morphoscopique ou de reconnaissance de la forme n’atteint 10/10 que vers 5
ans et culmine vers 8-10 ans (Drover, et al., 2008).
L’acuité Vernier
L’acuité Vernier est la capacité de distinguer l’alignement de deux traits. Cette
acuité dépasse aisément 10/10 et appartient donc au registre des hyperacuités.
Elle repose sur la mise en œuvre de nombreux photorécepteurs d’une zone
rétinienne étendue, de l’ordre de 8◦ . Le traitement du signal permet de percevoir
un déplacement inférieur au diamètre d’un seul cône rétinien, même fovéal. Cette
acuité est d’apparition très précoce. Des enfants de 2 à 9 mois ont été testés avec
un motif vernier en mouvement et ensuite avec la méthode du regard préférentiel.
Il en ressort que l’acuité vernier est même supérieure à l’acuité de résolution dès
3 mois d’âge (Shimojo, Birch, Gwiazda, & Held, 1984).
nfance n◦ 1/2014
25
26
François VITAL-DURAND
Le champ visuel
L’orientation du regard a aussi été utilisée pour mesurer l’étendue du champ
visuel (Mohn & Van Hof-Van Duin, 1986 ; Schwartz, Dobson, Sandstrom, &
van Hof-van Duin, 1987). L’observateur adulte est derrière un écran percé d’un
œilleton et l’assistant introduit très lentement une cible à partir de la périphérie le
long de 8 axes. L’étude initiale répétait la stimulation des centaines de fois pour
obtenir, au cours de multiples sessions, une statistique fiable. Le champ visuel
s’étend de quelque 20◦ de chaque côté du point de fixation vers un mois d’âge
pour atteindre une étendue proche de celle de l’adulte vers un an (Mayer, Fulton,
& Cummings, 1988). Notons cependant que dans la vie courante, l’utilisation
du champ visuel résulte d’un apprentissage qui s’étend sur toute l’existence en
fonction des taches.
La stéréoscopie
Elle permet la perception des objets en trois dimensions et leur position dans
l’espace à partir de plusieurs indices. Le principal est la disparité binoculaire,
c’est-à-dire l’exploitation de la différence de point de vue des images perçues
par chaque œil puisqu’ils sont séparés de 6 à 7 cm. La différence est traduite en
profondeur par le mécanisme perceptif. Ce phénomène est exploité en clinique,
et en art, en utilisant des stéréogrammes de points aléatoires, maintenant appelés
randots, abréviation de Random Dot Stereograms. Ces motifs ne peuvent pas être
perçus de façon monoculaire. La perception des motifs requiert la stéréoscopie
qui est assurée par le cortex visuel (Cumming & DeAngelis, 2001). Seules les
cellules binoculaires de l’aire V1 (ou 17) peuvent différencier les images de chaque
œil.
Les études initiales chez l’enfant utilisaient l’électroencéphalographie pour
mettre en évidence la différence des réponses à une stimulation plane ou 3D
(Braddick, Atkinson, Julesz, Kropfl, Bodis-Wollner, et al., 1980). On observe dès
le deuxième mois une modulation de la réponse à la disparité rétinienne.
Peu après, la méthode du regard préférentiel permettait d’observer une
orientation systématique du regard vers le stimulus 3D à partir du 4e mois (Birch,
Gwiazda, & Held, 1982). De façon curieuse, les filles précédaient les garçons
d’une semaine ! La stéréoscopie progresse rapidement et asymptote vers les
valeurs adultes entre 10 et 12 ans (Romano, Romano, & Puklin, 1975).
Le facteur limitant de la stéréoscopie chez l’enfant est la conséquence
probable de leur faible sensibilité au contraste (Brown & Lindsey, 2009). La
maturation de la stéréoscopie est dépendante de la stimulation visuelle comme
le montre une étude récente qui présente à des enfants nés prématurément des
randots dynamiques et mesure la latence des Potentiels Évoqués Visuels (PEV)
à des stimulus à inversion de motif (pattern reversal stimuli) (Jando, Miko-Barath,
Marko, Hollody, Torok, et al., 2012). Les enfants nés deux mois prématurément
présentent une vision binoculaire 4 mois après leur naissance (4,07 mois),
c’est-à-dire après le même intervalle de temps après la naissance que les enfants
La vision du tout jeune enfant
nés à terme (3,78 mois), la légère différence n’étant pas significative. Donc, en
dépit de l’immaturité des voies visuelles, bien démontrée par la latence augmentée
des PEV, ces données montrent que le cortex visuel est remarquablement équipé
pour traiter les signaux visuels dès la naissance, fut-elle prématurée.
Un test destiné à la clinique a été proposé par Lang qui permet de mettre
en évidence la stéréoscopie à partir de 7-8 mois (Lang, 1983). C’est le test de
Lang ou de Bébé Vision Tropique (Vital-Durand & Ayzac, 1996). Un randot est
présenté sur un support rigide de format carte postale. Il est imprimé sous un
réseau ligné, c’est-à-dire qu’il n’y a pas d’indices monoculaires. L’enfant pointe
sur le motif qu’il perçoit. Le test est contraint par la coopération de l’enfant qui
peut refuser de pointer et par le contrôle de son geste de pointer qui dépend de la
perception de son corps propre sense of self, faisant allusion à la notion de schéma
corporel (Yonas, Cleaves, & Pettersen, 1978). De cette prise de conscience et de
contrôle de son corps dépend sa capacité à traduire une perception par un acte
visuellement guidé.
L’accommodation
On a longtemps écrit que l’accommodation était pauvre ou absente chez le très
jeune enfant. Mais à quoi servirait l’accommodation chez un enfant de deux
mois dont l’acuité est inférieure à 1/10e ? Il est maintenant bien établi que
l’accommodation et la convergence sont limitées jusque vers le 3e mois, mais dès
cet âge ces fonctions s’améliorent très vite (Hayes, Cohen, Rouse, & De Land,
1998 ; Haynes, White, & Held, 1965). Sans doute, il reste difficile de déterminer
quel est le facteur limitant à cet âge : est-ce plutôt l’acuité, dépendante de
l’agglomération des segments externes de cônes dans la fovéa, l’accommodation
ou la convergence ? Plusieurs études pointent que l’acuité devrait permettre
une meilleure réponse que ne le permettrait l’accommodation (Sokol, Jones,
& Nadler, 1983 ; Sokol, Moskowitz, & Paul, 1983). La plupart du temps les
enfants sont mesurés à courte distance (Gwiazda, Brill, Mohindra, & Held,
1980), mais une belle étude a présenté le stimulus à une distance de 20 pieds
(6 mètres) à des enfants de 1,5 mois à 9 mois (Cornell & McDonnell, 1986). Elle
montre que l’acuité angulaire, rapportée à la fréquence spatiale présentée dans un
degré d’angle visuel, est identique quelle que soit la distance. L’acuité est donc
indépendante de la distance : l’accommodation n’est pas un facteur limitant de
l’acuité chez le nourrisson.
Une mesure directe de l’accommodation sur une population âgée de 2 mois
à un an confirme que les enfants accommodent à la distance, au moins pour les
sujets emmétropes, les myopes et les hypermétropes excessifs manifestant des
styles accommodatifs variés (Hainline, Riddell, Grose-Fifer, & Abramov, 1992).
Alors d’où vient l’idée que les enfants ne regardent pas les objets distants ?
Trois raisons à cela. La première est que les objets lointains ne projettent qu’une
petite image sur la rétine et ne sont donc pas saillants. Ensuite, l’objet lointain
doit être isolé de son environnement, c’est le problème de la ségrégation de la
nfance n◦ 1/2014
27
28
François VITAL-DURAND
forme du fond, autant cognitif que perceptif. Enfin, l’enfant s’intéresse à l’objet
qu’il peut attraper, c’est la notion d’espace haptique ou de préhension. Dès le 4e
mois l’enfant utilise la stéréoscopie pour évaluer la distance, un élément important
pour susciter son attention (Kavsek, Yonas, & Granrud, 2012 ; Yonas, Pettersen,
& Granrud, 1982).
Sensibilité au contraste
La sensibilité au contraste est médiocre chez le jeune enfant mais s’améliore
rapidement avec l’âge (Atkinson, Braddick, & Moar, 1977 ; Brown, 1997 ; Norcia,
Tyler, & Hamer, 1990). Comme pour la plupart des autres paramètres de la vision,
des valeurs élevées sont observées vers 3 à 5 ans pour se rapprocher des valeurs
adultes vers 7 ans, quoique certains auteurs placent l’asymptote vers l’adolescence
(Gwiazda, Bauer, Thorn, & Held, 1997 ; Leat, Yadav, & Irving, 2009).
Mais cette médiocre sensibilité au contraste a-t-elle un impact sur le
comportement ? Si le niveau de sensibilité au contraste d’un enfant de 3
mois serait handicapant pour un adulte, il ne constitue pas un facteur limitant
de la perception à ce jeune âge, au même titre que les autres incapacités
affectant le langage, la marche, les mouvements indépendants des doigts etc. Son
environnement ne requiert pas qu’il distingue des nuances de contraste.
La perception des couleurs
Les études par Potentiels Évoqués Visuels démontrent que les signaux
chromatiques sont discernables dès 2 mois dans le cortex visuel primaire
(Dobson, 1976). De larges revues sur la littérature psychophysique de
l’émergence de la vision des couleurs sont résumées ici.
La difficulté à ce jeune âge est d’égaliser la luminance relative du stimulus
chromatique à la référence achromatique pour s’assurer que la réponse n’est
pas due au contraste. Notre étude (Knoblauch, Vital-Durand, & Barbur, 2001)
met en œuvre un stimulus déjà utilisé (Barbur, Birch, & Harlow, 1993) dont le
bruit achromatique est modulé temporellement aussi bien que spatialement. La
technique du regard préférentiel expose l’enfant à un bruit de luminance aléatoire
qui a pour but de masquer un artefact possible de luminance qui pourrait résulter
d’une différence individuelle de sensibilité et ou d’une variation de celle-ci à la
luminance liée à l’âge (Bieber, Kaplan, Rosier, & Werner, 1997 ; Bieber, Volbrecht,
& Werner, 1995). Les résultats montrent que dès le troisième mois on obtient une
orientation systématique du regard vers le stimulus coloré et ceci dans les trois
directions de l’espace chromatique, donc sans préférence pour une teinte ou une
autre. La sensibilité augmente linéairement jusque vers 4 à 6 ans et asymptote vers
l’adolescence. D’autres observations comportementales montrent que l’enfant
distingue un jouet sur la base de sa couleur dès le quatrième mois (Franklin,
Pilling, & Davies, 2005).
La vision du tout jeune enfant
Le problème s’est encore posé de savoir si l’enfant coopérait de façon
optimale à ce genre d’épreuve. Même testés dans des conditions de jeu vidéo
pour optimiser leur coopération, les enfants de 6 ans restent un peu moins
sensibles aux couleurs que les adultes (Abramov, Hainline, Turkel, Lemerise,
Smith, et al., 1984). L’amélioration des performances se poursuit donc jusque
vers l’adolescence et décline modestement avec l’avancée en âge (Knoblauch,
Vital-Durand, & Barbur, 2001). Ainsi, le développement de la sensibilité aux
couleurs suit le même décours que celui de la sensibilité au contraste, suggérant
qu’ils dépendent des mêmes facteurs rétiniens.
La motilité oculaire
Un nouveau-né peut aisément suivre du regard un objet saillant déplacé
lentement, très lentement, en face de ses yeux, pourvu qu’il ne soit pas ébloui par
le niveau d’éclairage ambiant généralement élevé dans les chambres d’hôpitaux.
Le nouveau-né est photophobique et le restera plusieurs mois. On utilise un
stylo-lampe comme stimulus pour déclencher une réponse coordonnée des yeux
et de la tête.
L’exécution de saccades et de la poursuite lisse s’observe au bout de quelques
semaines et s’affine rapidement ensuite. Les saccades deviennent précises vers le
deuxième mois et ressemblent à celles de l’adulte dès le 7e mois. Si on suscite
une saccade de grande amplitude, l’enfant peut tourner la difficulté en effectuant
plusieurs petites saccades successives, mais on peut observer des saccades de près
de 40◦ , pas forcément très précises (hypométriques) (Harris, Jacobs, Shawkat, &
Taylor, 1993). Cependant, la latence de la saccade est lente à maturer, jusqu’audelà de 7 à 10 ans (Yang, Bucci, & Kapoula, 2002). La saccade est le plus précoce
et le plus fréquent de tous les gestes puisque l’on en exécute près de 100 000 par
jour sans pour autant ressentir une fatigue notable des muscles extra-oculaires
en fin de journée. Plusieurs paramètres de la saccade peuvent être affectés par
des troubles neurologiques, particulièrement le strabisme (Tychsen & Lisberger,
1986 ; Kapoula, Bucci, Eggert, & Garraud, 1997).
On observe des épisodes de poursuite lisse vers 3 semaines, mais ils restent
imparfaits jusque vers le 5e mois (Aslin, 1981). Dès cet âge, le gain de la poursuite,
la quantité de déplacement des yeux par rapport à celui de la cible atteint 0,8.
L’asymptote n’est pas encore atteinte à 18 mois. Les résultats sont affectés par
la vélocité et la taille du stimulus (Pieh, Proudlock, & Gottlob, 2012). Dès 6
mois et au-delà, les rattrapages ou surcharges saccadiques deviennent un signe
diagnostic car ils accompagnent un déficit de la vision binoculaire stéréoscopique
survenu avant la fin de la période sensible de cette fonction que l’on situe autour
de 18 mois, peut-être même plus tôt. Cela concerne l’enfant strabique ou atteint
de lésion du lobe temporal ou frontal (Heide, Kurzidim, & Kömpf, 1996). La
programmation neuronale de la poursuite lisse est plus complexe que celle des
saccades et donc plus encline à être déficitaire.
nfance n◦ 1/2014
29
30
François VITAL-DURAND
Enfin, les mouvements de vergence accommodative sont très précoces (Aslin
& Dumais, 1980) et deviennent presque adultes vers le 4e mois (Slater & Findlay,
1975 ; Tondel & Candy, 2008). La capacité d’accommodation convergence si
puissante qu’elle inquiète parfois quand on voit un enfant converger sur un objet
à quelques centimètres de ses yeux. Il reste cependant dans la gamme de ses
possibilités physiologiques qui vont bientôt diminuer avec l’âge. Signalons enfin
que la convergence est affectée par le niveau de vigilance, ce qui fait dire que
l’enfant louche jusque vers 3 mois, ce qui est faux, mais il est surtout vrai qu’il ne
fixe pas en permanence.
Le nystagmus optocinétique (NOC)
C’est un mouvement stéréotypé des yeux, observé quand ils sont exposés à un
stimulus de grande dimension déplacé lentement et régulièrement. Il consiste en
une alternance de mouvements de poursuite dans la direction du déplacement
du stimulus et de saccades de retour dans la direction opposée. La composante
saccadique est balistique, c’est-à-dire qu’elle ne peut plus être modifiée en
direction ou vélocité après avoir été initiée. Son pic de vélocité peut atteindre
400deg/sec2 chez l’adulte. Dans la vie quotidienne, la composante lisse stabilise la
perception de l’environnement sur la rétine, comme quand on regarde le paysage
par la vitre du train. Au laboratoire, le NOC est utilisé pour mesurer les capacités
du sujet de tout âge.
En condition binoculaire, le NOC est observé au bout de quelques semaines
et il peut servir à mettre en évidence un reste visuel chez un nourrisson qui ne
répond pas aux cartes d’acuité (Van Hof, Van Duin, & Mohn, 1983). Dans ce cas,
la vélocité ne doit pas excéder 10deg/sec2 . Comme avec les cartes d’acuité, une
réponse, si ténue soit-elle, indique que l’enfant voit quelque chose.
En clinique, le NOC permet d’évaluer la maturation des voies optiques. Il
est surtout pratiqué en condition monoculaire. Pendant les premiers mois de la
vie, le NOC est asymétrique en condition monoculaire. La réponse n’est obtenue
que pour un stimulus se déplaçant de la périphérie vers le centre, c’est-à-dire
dans la direction temporonasale. Une stimulation dans la direction opposée
ne déclenchera une réponse qu’à partir de 4 ou 5 mois et la réponse devient
symétrique après un an (Atkinson, 1979 ; Naegele & Held, 1982).
Cette asymétrie précoce de la réponse résulte du fait que le signal issu de
la rétine dans chaque direction de stimulation ne suit pas le même parcours
neurologique. Explication. Chez les animaux à yeux latéraux, comme le lapin
par exemple qui n’a qu’un tout petit champ de vision binoculaire au-dessus de
la tête, le stimulus temporonasal codé par la rétine est directement transmis
aux noyaux du tractus optique et au noyau dorsal terminal du tractus optique
accessoire, une voie courte. Chez les animaux plus évolués et chez l’homme,
avec la frontalisation des yeux et l’expansion corticale de la représentation du
champ visuel binoculaire, la réponse à un stimulus nasotemporal emprunte la
voie corticale qui assure la vision binoculaire, l’aire V1. De cette aire corticale,
La vision du tout jeune enfant
une projection transmet le signal vers le tractus optique et sa suite (Distler
& Hoffmann, 1993). La maturation de cette voie corticale est retardée par
rapport à celle de la voie plus directe, sous-corticale, de la réponse à un
stimulus temporonasal. Ce passage obligé par le cortex qui assure la vision
binoculaire explique pourquoi, chez les personnes atteintes de déficit de la
vision binoculaire, le plus souvent par strabisme précoce, le NOC monoculaire
reste asymétrique par défaillance de la réponse à la stimulation monoculaire
nasotemporale. En clinique, l’asymétrie du NOC monoculaire permet donc de
déterminer si le strabisme est intervenu avant ou après la maturation de la
fonction binoculaire.
La coordination visuomotrice
Le contrôle de la position des yeux peut être observé dès la naissance, même
chez l’enfant né prématurément. Le premier comportement oculomoteur est la
fixation, bientôt suivi par les mouvements lents de poursuite. On peut observer
cette poursuite dès la naissance, sous réserve de se placer dans un environnement
faiblement éclairé et de déplacer le stimulus très lentement.
La fixation se développe avec la concentration des segments externes des
cônes qui se groupent pour former la fovéa. Pendant les premiers mois, la fixation
reste imprécise, car la fovéa se forme progressivement au cours des premières
années (Thorn, Gwiazda, Cruz, Bauer, & Held, 1994). C’est important en clinique
car il est difficile de diagnostiquer un strabisme à petit angle avant 7-8 mois, l’âge
auquel la fixation devient précise (Harris, Jacobs, Shawkat & Taylor. 1993).
Avec la maturation, les mouvements oculaires deviennent de plus en plus
précis et guident la main avec une précision accrue (Bloch & Carchon, 1992). Dès
le 4e mois l’enfant déplace sa main devant ses yeux, se met à attraper et oppose le
pouce et l’index pour former la pince manuelle, une étape cruciale qui le distingue
du grand singe qui ne franchit pas cette étape. Les mouvements indépendants des
doigts apparaîtront plus tard, le pointage vers 8 mois.
Une autre étape significative intervient vers le 8e mois, le transfert
d’intentionnalité. L’expérimentateur demande à l’enfant « regarde maman » en
pointant vers le visage de celle-ci. L’enfant comprend la commande et ne regarde
pas le bout du doigt pointeur mais le visage maternel. Ce comportement est un
bon indice du développement psychomoteur, son absence peut faire suspecter un
autisme précoce.
Considérations cliniques
En principe l’enfant est examiné par l’obstétricien ou la sage-femme qui note
si les yeux apparaissent normaux et recherche le point ou nuage blanc qui
indiquerait une cataracte congénitale. Il reste beaucoup à faire dans ce domaine
pour répondre à la bonne volonté des mayeuteurs (Sarda, et al., 2013). Ensuite,
le pédiatre ou généraliste en charge de l’enfant doit suivre l’évolution de son
comportement visuel. L’étape du deuxième mois est cruciale, avec l’apparition du
nfance n◦ 1/2014
31
32
François VITAL-DURAND
sourire social et de l’échange visuel intense et soutenu comme on l’a indiqué avec
Samuel dans l’introduction historique. L’absence de ce comportement d’échange,
a fortiori un nystagmus ou une errance du regard, justifie un recours rapide au
spécialiste. Si l’enfant doit être pris en charge, il n’est jamais trop tôt, ne fut-ce
que pour soutenir les parents. On peut équiper un enfant myope de lunettes dès
le 4e mois, et avant de lentilles, si nécessaire.
L’examen du comportement visuel de l’enfant devient aisé et précis vers 8 à 9
mois. Il permet d’évaluer rapidement l’acuité, la stéréoscopie, la motilité oculaire,
le champ visuel et de pratiquer la panoplie de l’examen orthoptique. L’examen de
la vision stéréoscopique ne prend pas plus de deux minutes. Un résultat positif
indique qu’il n’y a pas d’amblyopie ni de strabisme. L’évaluation de la réfraction,
qui recherche l’hypermétropie excessive, la myopie ou l’astigmatisme est de plus
en plus accessible avec des instruments conviviaux. Le défaut de réfraction, qui ne
donne pas de signe, est le principal facteur de risque d’amblyopie et de strabisme
et il peut aisément être corrigé par la paire de lunettes (Leat, 2011). Donc,
l’examen orthoptique précoce avec réfraction devrait être largement pratiqué.
L’âge idéal pour cet examen se situe vers 9 mois, pour 3 raisons. D’abord
l’enfant de cet âge est très coopérant. Ce ne sera plus le cas après un an, quand
l’enfant manifeste la conscience de sa personne et la crainte de l’étranger (Rochat,
1995). Deuxièmement, l’enfant de 9 mois ou moins accepte facilement le port
de la lunette, qui « rentre dans son corps » avec les couches, les vêtements
et le chapeau. Sous réserve que la paire de lunettes choisie soit adaptée à sa
morphologie faciale plutôt qu’aux desiderata des parents.
Enfin, le 9e mois se situe au milieu de la période sensible du développement
des fonctions visuelles (Vital-Durand & Ayzac, 1996). Si l’occlusion d’un œil est
prescrite pour récupérer une amblyopie, l’efficacité du traitement est maximale,
donc sa durée est réduite et l’enfant l’accepte facilement, d’autant que l’amblyopie
étant encore modérée, l’occlusion ne constitue pas une gêne fonctionnelle
importante. Les observations indiquent que le traitement précoce est plus efficace
et mieux accepté. Le débat actuel porte sur les meilleurs moyens de dépistage
ou de surveillance (Cole, Beck, Moke, Celano, Drews, et al., 2001 ; Williams,
Northstone, Harrad, Sparrow, & Harvey, 2002).
Du point de vue de la Santé Publique, il est important de convaincre les
parents et les pédiatres qu’un dépistage précoce, un traitement approprié et une
correction optique sont tout bénéfice. Surtout avant le fin de la première année ;
car au cours des deux suivantes l’enfant se prête moins bien à l’examen, c’est
l’âge du « non ». Ensuite, dès 3 ans, l’examen redevient aisé et le traitement reste
possible, quoique plus lourd. À 5 ans, la récupération restera partielle et risque
d’être instable.
L’amblyopie ou œil paresseux
Les deux yeux sont en compétition pour contrôler les territoires corticaux visuels,
les fameuses « colonnes ou feuillets » de dominance oculaire. Vienne un œil à subir
La vision du tout jeune enfant
une avanie, de type strabisme, myopie ou hypermétropie excessive, le cerveau
supprime l’accès de l’œil pénalisé au cortex visuel. Le cas le plus fréquent est
l’hypermétropie excessive. Ce phénomène s’observe pendant toute la période
sensible, des premiers mois jusque vers 5-7ans. Il ne donne le plus souvent pas
de signe, sauf le strabisme, mais celui-ci peut être « à petit angle », donc non
détectable en dehors d’un examen par un spécialiste. L’amblyopie est évitée par
le port précoce de lunettes, et se récupère par une occlusion de l’œil sain destinée
à rétablir la connexion de l’œil amblyope. L’amblyopie a beaucoup régressé depuis
la généralisation des examens précoces.
Le déficit visuel d’origine centrale
Les soins précoces délivrés à l’enfant né très prématurément, en dessous de
800 grammes, ont conduit à une augmentation de la prévalence des déficits
visuels accompagnant souvent des séquelles neurologiques. Outre la rétinopathie
des prématurés (Bossi & Koerner, 1995), les hémorragies néo- ou périnatales
provoquent une variété de lésions cérébrales, une forme commune étant la
leucomalacie périventriculaire. Ces enfants présentent des troubles de l’attention
visuelle, des stratégies de l’exploration visuelle et une restriction des empans
visuels attentionnels. L’acuité et la réfraction peuvent être normales mais les
capacités cognitives sont affectées. Ils n’investissent pas leur attention sur le
stimulus, au point de paraître aveugles (Cioni, et al., 1997). Ils doivent être
diagnostiqués précocement (Lehman, 2012 ; van Genderen, Dekker, Pilon, &
Bals, 2012) et leurs capacités visuelles évaluées précisément pour déterminer le
type d’éducation spécialisée dont ils doivent bénéficier (Atkinson & Braddick,
2012 ; Guzzetta Fazzi, et al., 2001). Leur futur dépend de façon critique de cette
évaluation qui permettra de stimuler ce qui est épargné des capacités visuelles
(Cioni, D’Acunto, & Guzzetta, 2011 ; Hyvarinen, Walthes, Freitag, & Petz, 2012),
et pour activer les processus de plasticité dont le système est capable les premières
années, comme le montre un nombre croissant de travaux à l’échelle moléculaire
(Guzzetta, et al., 2010).
L’attention visuelle
Les jeunes enfants collectent de l’information dans leur environnement mais
la dynamique de ce comportement est mal connue. Les scientifiques se sont
longtemps cantonnés dans l’exploration des paramètres mesurables comme
le regard et l’attention. Avec l’utilisation d’une variété de Potentiels Évoqués
Visuels (PEV), les PEV stationnaires (steady-state visual evoked potentials (SSVEPs)),
(Robertson, Watamura, & Wilbourn, 2012) on observe que la séquence des points
de fixation en condition libre reflète un biais qui tend à dégager la fixation de
cibles précédentes, qui accompagne une redirection de l’attention et déclenche
une fixation vers un point nouveau. Cela revient à une exploration efficace de
l’environnement sans qu’il s’agisse d’un plan déterminé d’exploration en temps
réel.
nfance n◦ 1/2014
33
34
François VITAL-DURAND
L’électro-oculographie est désormais répandue en laboratoire pour décrire
l’évolution des stratégies oculaires mais cette technique n’a pas investi la clinique.
Une publication récente décèle les prémices d’une évolution de type autistique
dès le 2e mois à partir de l’évitement du regard (Jones & Klin, 2013).
Et que penser des écrans qui envahissent la vie quotidienne ?
L’exposition prolongée aux écrans a suscité récemment une inquiétude, quel que
soit le type d’écran, télévision, ordinateurs et toutes les consoles de jeux ou de
communication.
Jusqu’ici, il n’y a pas dans la littérature internationale d’indications spécifiques
de la dangerosité de ces écrans pour le système visuel. En revanche, il apparaît que
l’utilisation de ces nouvelles formes de stimulation favorise certaines catégories
d’attention visuelle, de perception du mouvement et des stratégies de recherche
visuelle et de coordination oculomanuelle. Des jeux vidéos ont même été
prescrits comme adjuvant de la thérapie par occlusion de l’amblyopie (Bau,
Rose, Pollack, Spoerl, & Pillunat, 2012 ; Kampf, Shamshinova, Kaschtschenko,
Mascolus, Pillunat, et al., 2008). La littérature rapporte quelques cas d’asthénopie
qui pourraient être dus à la 3D. Dans ces cas, l’asthénopie transitoire peut révéler
une hétérophorie (difficulté de convergence) mais celle-ci n’est pas provoquée par
la 3D. Alors que les paramètres de la 3D sont conformes aux capacités adaptatives
de la plupart des sujets, ces capacités varient avec les individus. Ceux qui ne
supportent pas la 3D devraient donc s’en abstenir, mais il n’a pas été constaté
de conséquence délétère durable à une exposition à la 3D.
Alors faut-il priver les enfants de 3D ? La réponse n’est pas claire, en l’absence
de données. On peut faire l’hypothèse qu’une exposition précoce à la 3D
favoriserait le processus d’accommodation/convergence nécessaire à la fusion
des images de chaque œil. Par précaution, certaines compagnies recommandent
de ne pas exposer les enfants de mois de 6-7 ans (Howarth, 2011).
Un argument plus inquiétant concerne le contenu et la durée d’exposition
aux jeux vidéo qui seraient plus délétères que l’exposition à l’écran. En effet,
plus l’enfant passe du temps devant son écran moins il pratique des activités
physiques et sociales et vit dans un monde virtuel où la violence est banalisée. De
très nombreuses données ont été collectées qui mettent en évidence le désastre
d’une exposition aux écrans de plus d’une heure par jour, le plus souvent sans
contrôle parental (Desmurget, 2011).
CONCLUSION
La plupart des connaissances sur le développement visuel de l’enfant ne datent
que de quelques décades et ces découvertes ont conduit à des applications
cliniques, maintenant assez bien généralisées.
La considération de santé publique consiste à informer le mieux possible les
pédiatres et généralistes, mais aussi les acteurs de crèche et les parents pour qu’ils
repèrent les anomalies du regard. Le dépistage consisterait à examiner tous les
35
La vision du tout jeune enfant
enfants à des âges précis, une entreprise titanesque vouée à l’échec car trop peu
productive. Mais quel serait le meilleur programme à mettre en œuvre ? Les
programmes nationaux varient largement. Ils incluent tous les professionnels
qui entourent l’enfant, pédiatres et généralistes, orthoptistes au premier plan,
optométristes dans les pays où ils sont reconnus, ophtalmologistes évidemment,
mais aussi les autres professionnels qui prennent soin de l’enfant.
On ne peut que faire le vœu que la surveillance et la prise en charge des
défauts de vision de l’enfant deviennent organisés et disponibles à tous puisque
les moyens existent et ne représentent pas des coûts élevés (Pai, et al., 2012).
RÉFÉRENCES
Abramov, I., Hainline, L., Turkel, J., Lemerise, E., Smith, H., Gordon, J., et al. (1984).
Rocket-ship psychophysics. Invest Ophthal Vis Sci, 25, 1307-1315.
Anisfeld, M., Turkewitz, G., Rose, S. A., et al., E. (2001). No compelling evidence that
newborns imitate oral gestures. Infancy, 2(1), 11-122.
Aslin, R. N. (1981). Development of smooth pursuit in human infants. In D. F.
Fischer, R. A. Monty & J. W. Senders (Eds.), Eye movements: cognition and visual
perception. (pp. 31-51). Hillsdale, NJ: Erlbaum.
Aslin, R. N., & Dumais, S. T. (1980). Binocular vision in infants: a review and a
theoretical framework. Advances in child development and behavior., 15, 53-94.
Atkinson, J. (1979). Development of optokinetic nystagmus in the human infant and
monkey infant: an analogue to development in kittens. In R. D. Freeman (Ed.),
Developmental Neurobiology of vision (pp. 277-287). New York: Plenum Press.
Atkinson, J. (1984). Human visual development over the first 6 months of life. A
review and a hypothesis. Hum Neurobiol, 3(2), 61-74.
Atkinson, J., & Braddick, O. (2012). Visual attention in the first years: typical
development and developmental disorders. Dev Med Child Neurol, 54(7), 589-595.
doi: 10.1111/j.1469-8749.2012.04294.x
Atkinson, J., Braddick, O., & Moar, K. (1977). Development of contrast sensitivity
over the first three months of life in the human infant. Vision Res, 17, 1037-1044.
Banks, M. S., & Benett, P. J. (1988). Optical and photoreceptors immaturities limit
the spatial and chromatic vision of human neonates. J Optical Soc. of America, 5,
2059-2079.
Barbur, J. L., Birch, J., & Harlow, A. J. (1993). Colour vision testing using
spatiotemporal luminance masking. In B. Drum (Ed.), Colour vision deficiencies XI,
(pp. 417-426.).
Bau, V., Rose, K., Pollack, K., Spoerl, E., & Pillunat, L. E. (2012). [Effectivity of an
occlusion-supporting PC-based visual training programme by horizontal drifting
sinus gratings in children with amblyopia]. Klin Monbl Augenheilkd, 229(10), 979986. doi: 10.1055/s-0032-1315308
Bieber, M. L., Kaplan, P. S., Rosier, E., & Werner, J. S. (1997). Sensitizing properties
of spectral lights in 4-month-old human infants. Dev Psychobiol, 30(4), 275-281.
Bieber, M. L., Volbrecht, V. J., & Werner, J. S. (1995). Spectral efficiency measured by
heterochromatic flicker photometry is similar in human infants and adults. Vision
Res, 35(10), 1385-1392. doi: 0042-6989(95)98718-O [pii]
nfance n◦ 1/2014
36
François VITAL-DURAND
Birch, E., Gwiazda, J., & Held, R. (1982). Stereoacuity development for crossed and
uncrossed disparities in human infants. Vision Research, 22, 507-513.
Birch, E. E., & Hale, L. A. (1989). Operant assessment of stereoacuity. Clin. Vision
Sci., 4, 295-300.
Bloch, H., & Carchon, I. (1992). On the onset of eye-head coordination in infants.
Behav Brain Res, 49(1), 85-90.
Bossi, E., & Koerner, F. (1995). Retinopathy of prematurity. Intensive Care med, 21,
241-246.
Braddick, O., Atkinson, J., Julesz, B., Kropfl, W., Bodis-Wollner, I., & Raab, E. (1980).
Cortical binocularity in infants. Nature, 288, 363-365.
Brown, A. M. (1990). Development of visual sensitivity to light and color vision in
human infants: a critical review. Vision Res, 30(8), 1159-1188.
Brown, A. M. (1997). Vernier acuity in human infants: rapid emergence shown in a
longitudinal study. Optom Vis Sci, 74, 732-740.
Brown, A. M., & Lindsey, D. T. (2009). Contrast insensitivity: the critical immaturity
in infant visual performance. Optom Vis Sci, 86(6), 572-576.
Brown, A. M., & Teller, D. Y. (1989). Chromatic opponency in 3 month-old human
infants. Vision Res, 29, 37-45.
Brown, A. M., & Yamamoto, M. (1986). Visual acuity in newborn and preterm
infants measured with grating acuity cards. Am J Ophthalmol, 102(2), 245-253.
Bullinger, A. (2004). Le développement sensorimoteur de l’enfant et ses avatars: Erès.
Cioni, G., D’Acunto, G., & Guzzetta, A. (2011). Perinatal brain damage in children:
neuroplasticity, early intervention, and molecular mechanisms of recovery. Prog
Brain Res, 189, 139-154. doi: B978-0-444-53884-0.00022-1 [pii]10.1016/B978-0444-53884-0.00022-1
Cioni, G., Fazzi, B., Coluccini, M., Bartalena, L., Boldrini, A., & van Hof-van Duin,
J. (1997). Cerebral visual impairment in preterm infants with periventricular
leukomalacia. Pediatr Neurol, 17(4), 331-338.
Cole, S. R., Beck, R. W., Moke, P. S., Celano, M. P., Drews, C. D., Repka, M. X., et al.
(2001). The Amblyopia Treatment Index. J AAPOS, 5(4), 250-254. doi: S1091
8531(01)47276-4 [pii] 10.1067/mpa.2001.117097
Cornell, E. H., & McDonnell, P. M. (1986). Infants’ acuity at twenty feet. Invest
Ophthalmol Vis Sci, 27(9), 1417-1420.
Cumming, B. G., & DeAngelis, G. C. (2001). The physiology of stereopsis. Annu Rev
Neurosci, 24, 203-238. doi: 10.1146/annurev.neuro.24.1.203 24/1/203 [pii]
Deng, L., & Gwiazda, J. E. (2012). Anisometropia in children from infancy to
15 years. Invest Ophthalmol Vis Sci, 53(7), 3782-3787. doi: iovs.11-8727 [pii]
10.1167/iovs.11-8727
Desmurget, M. (2011). TV Lobotomie, la vérité scientifique sur les effets de la télévision. Paris
: Max Milo.
Distler, C., & Hoffmann, K. P. (1993). Visual receptive field properties in kitten
pretectal nucleus of the optic tract and dorsal terminal nucleus of the accessory
optic tract. J Neurophysiol, 70(2), 814-827.
Dobson, V. (1976). Spectral sensitivity of the 2-month infant as measured
by the visually evoked cortical potential. Vision Res, 16(4), 367-374. doi:
0042-6989(76)90198-X [pii]
La vision du tout jeune enfant
Drover, J. R., Felius, J., Cheng, C. S., Morale, S. E., Wyatt, L., & Birch, E.
E. (2008). Normative pediatric visual acuity using single surrounded HOTV
optotypes on the Electronic Visual Acuity Tester following the Amblyopia
Treatment Study protocol. J Aapos, 12(2), 145-149. doi: S1091-8531(07)00494-6
[pii] 10.1016/j.jaapos.2007.08.014
Fantz, R. L., Ordy, J. M., & Udelf, M. S. (1962). Maturation of pattern vision in infants
during the first six months. J Comp Physiol Psychol, 55, 907-917.
Franklin, A., Pilling, M., & Davies, I. (2005). The nature of infant color
categorization: evidence from eye movements on a target detection task. J Exp
Child Psychol, 91(3), 227-248.
Guzzetta, A., D’Acunto, G., Rose, S., Tinelli, F., Boyd, R., & Cioni, G. (2010).
Plasticity of the visual system after early brain damage. Dev Med Child Neurol,
52(10), 891-900. doi: DMCN3710 [pii]10.1111/j.1469-8749.2010.03710.x
Guzzetta, A., Fazzi, B., Mercuri, E., Bertuccelli, B., Canapicchi, R., van Hof-van
Duin, J., et al. (2001). Visual function in children with hemiplegia in the first years
of life. Dev Med Child Neurol, 43(5), 321-329.
Gwiazda, J., Bauer, J., Thorn, F., & Held, R. (1997). Development of spatial contrast
sensitivity from infancy to adulthood: psychophysical data. Optom Vis Sci, 74(10),
785-789.
Gwiazda, J., Brill, S., Mohindra, I., & Held, R. (1980). Preferential looking acuity
in infants from two to fifty-eight weeks of age. Am J Optom Physiol Opt, 57(7),
428-432.
Hainline, L., Riddell, P., Grose-Fifer, J., & Abramov, I. (1992). Development of
accommodation and convergence in infancy. Behav Brain Res, 49(1), 33-50.
Harris, C. M., Jacobs, M., Shawkat, F., & Taylor, D. (1993). The development of
saccadic accuracy in the first seven months. Clin Vis Sci, 8, 85-96.
Hayes, G. J., Cohen, B. E., Rouse, M. W., & De Land, P. N. (1998). Normative values
for the nearpoint of convergence of elementary schoolchildren. Optom Vis Sci, 75,
506-512.
Haynes, H., White, B. L., & Held, R. (1965). Visual Accommodation in Human
Infants. Science, 148(3669), 528-530.
Heide, W., Kurzidim, K., & Kömpf, D. (1996). Deficits of smooth pursuit eye
movements after frontal and parietal lesions. Brain, 119, 1951-1969.
Held, R., Birch, E., & Gwiazda, J. (1980). Stereoacuity of human infants. Proc Natl
Acad Sci USA, 77(9), 5572-5574.
Howarth, P. A. (2011). Potential hazards of viewing 3-D stereoscopic television,
cinema and computer games: a review. Ophthalmic Physiol Opt, 31(2), 111-122.
Hyvarinen, L., Walthes, R., Freitag, C., & Petz, V. (2012). Profile of visual functioning
as a bridge between education and medicine in the assessment of impaired vision.
Strabismus, 20(2), 63-68. doi: 10.3109/09273972.2012.680235
Jando, G., Miko-Barath, E., Marko, K., Hollody, K., Torok, B., & Kovacs, I. (2012).
Early-onset binocularity in preterm infants reveals experience-dependent visual
development in humans. Proc Natl Acad Sci USA, 109(27), 11049-11052. doi:
1203096109 [pii]10.1073/pnas.1203096109
Jones, W., & Klin, A. (2013). Attention to eyes is present but in decline in
2-6-month-old infants later diagnosed with autism. Nature, 504(7480), 427-431.
doi: nature12715 [pii]10.1038/nature12715
nfance n◦ 1/2014
37
38
François VITAL-DURAND
Kampf, U., Shamshinova, A., Kaschtschenko, T., Mascolus, W., Pillunat, L., & Haase,
W. (2008). Long-term application of computer-based pleoptics in home therapy:
selected results of a prospective multicenter study. Strabismus, 16(4), 149-158. doi:
906848636 [pii]10.1080/09273970802451125
Kapoula, Z., Bucci, M. P., Eggert, T., & Garraud, L. (1997). Impairment of the
binocular coordination of saccades in strabismus. Vision Res, 37, 2757-2766.
Kavsek, M., Yonas, A., & Granrud, C. E. (2012). Infants’ sensitivity to pictorial depth
cues: a review and meta-analysis of looking studies. Infant Behav Dev, 35(1), 109128. doi: S0163-6383(11)00087-7 [pii]10.1016/j.infbeh.2011.08.003
Knoblauch, K., Vital-Durand, F., & Barbur, J. L. (2001). Variation of chromatic sensitivity across the life span. Vision Res, 41(1), 23-36. doi: S0042-6989(00)00205-4
[pii]
Lang, J. (1983). A new stereostest. J Paediat Ophthalmol and Strab., 20, 72-74.
Leat, S. J. (2011). To prescribe or not to prescribe? Guidelines for spectacle
prescribing in infants and children. Clin Exp Optom, 94(6), 514-527. doi:
10.1111/j.1444-0938.2011.00600.x
Leat, S. J., Yadav, N. K., & Irving, E. L. (2009). Development of visual acuity and
contrast sensititvity in children. J Optom., 2, 19-26.
Lehman, S. S. (2012). Cortical impairment in children: identification, evaluation and
diagnosis. Curr Opin Ophthalmol, 23(5), 383-387.
Mayer, D. L., Fulton, A. B., & Cummings, M. F. (1988). Visual fields of infants
assessed with a new perimetric technique. Invest Ophthalmol Vis Sci, 29, 452-459.
Mayer, D. L., Hansen, R. M., Moore, B. D., Kim, S., & Fulton, A. B. (2001).
Cycloplegic refractions in healthy children aged 1 through 48 months. Arch
Ophthalmol, 119(11), 1625-1628.
Meltzoff, A. N., & Decety, J. (2003). What imitation tells us about social cognition: a
rapprochement between developmental psychology and cognitive neuroscience.
Philos Trans R Soc Lond B Biol Sci, 358(1431), 491-500. doi: 10.1098/rstb.2002.1261
Meltzoff, A. N., & Moore, M. K. (1983). Newborn infants imitate adult facial
gestures. Child Dev, 54(3), 702-709.
Mohn, G., & Van Hof-Van Duin, J. (1986). Development of the binocular and
monocular visual fields of human infants during the first year of life. Clin Vis
Sci, 1, 51-64.
Naegele, J. R., & Held, R. (1982). The postnatal development of monocular
optokinetic nystagmus in infants. Vision Res, 22, 341-346.
Norcia, A. M., Tyler, C. W., & Hamer, R. D. (1990). Development of contrast
sensitivity in the human infant. Vision Res, 30, 1475-1486.
Pai, A. S., Rose, K. A., Samarawickrama, C., Fotedar, R., Burlutsky, G., Varma, R.,
et al. (2012). Testability of refraction, stereopsis, and other ocular measures in
preschool children: the Sydney Paediatric Eye Disease Study. J AAPOS, 16(2),
185-192. doi: S1091-8531(12)00094-8 [pii]10.1016/j.jaapos.2011.09.017
Piaget, J. (1947). La psychologie de l’intelligence. Paris : A. Colin.
Pieh, C., Proudlock, F., & Gottlob, I. (2012). Smooth pursuit in infants:
maturation and the influence of stimulation. Br J Ophthalmol, 96(1), 73-77. doi:
bjo.2010.191726 [pii] 10.1136/bjo.2010.191726
Pouliquen, Y. (Ed.) (2002) Dictionnaire d’ophtalmologie. Paris : Éditions CILF.
La vision du tout jeune enfant
Qiu, Y., Li, X. Q., & Yan, X. M. (2011). [Evaluation of grating visual acuity
development in normal infants]. Zhonghua Yan Ke Za Zhi, 47(11), 995-1000.
Riché, P., & Alexandre-Bidon, D. (1994). L’enfance au Moyen-Age. Paris : Seuil Bibliothèque nationale de France.
Robertson, S. S., Watamura, S. E., & Wilbourn, M. P. (2012). Attentional dynamics
of infant visual foraging. Proc Natl Acad Sci USA, 109(28), 11460-11464. doi:
1203482109 [pii]10.1073/pnas.1203482109
Rochat, P. (Ed.). (1995). The self in infancy, Theory and research. Amsterdam: Elsevier.
Romano, P. E., Romano, J. A., & Puklin, J. E. (1975). Stereoacuity development in
children with normal binocular single vision. Am J Ophthalmol, 79(6), 966-971.
Sarda, M., Nezzar, H., Mejean-Lapaire, A., Parayre, I., Poumeyrol, D., & Leymarie,
M. C. (2013). Pratiques professionnelles des sages-femmes du dépistage précoce
des troubles visuels chez les nouveau-nés. La Revue Sage-Femme, 12(1), 6-11.
Saw, S. M., Katz, J., Schein, O. D., Chew, S. J., & Chan, T. K. (1996). Epidemiology of
myopia. Epidemiol Rev, 18(2), 175-187.
Schwartz, T. L., Dobson, V., Sandstrom, D. J., & van Hof-van Duin, J. (1987). Kinetic
perimetry assessment of binocular visual field shape and size in young infants.
Vision Res, 27(12), 2163-2175. doi: 0042-6989(87)90130-1 [pii]
Shimojo, S., Birch, E. E., Gwiazda, J., & Held, R. (1984). Development of vernier
acuity in infants. Vision Res, 24(7), 721-728. doi: 0042-6989(84)90213-X [pii]
Simons, K. (Ed.). (1993). Early visual development, normal and abnormal. New York:
Oxford University Press.
Slater, A., & Lewis, M. (Eds.). (2007). Introduction to Infant Development. Oxford: OUP.
Slater, A. M., & Findlay, J. M. (1975). Binocular fixation in the newborn baby. J Exp
Child Psychol, 20(2), 248-273. doi: 0022-0965(75)90102-2 [pii]
Sokol, S., Jones, K., & Nadler, D. (1983). Comparison of the spatial response properties of the human retina and cortex as measured by simultaneously recorded
pattern ERGs and VEPs. Vision Res, 23(7), 723-727. doi: 0042-6989(83)90214-6
[pii]
Sokol, S., Moskowitz, A., & Paul, A. (1983). Evoked potential estimates of visual
accommodation in infants. Vision Res, 23(9), 851-860. doi: 0042-6989(83)90052-4
[pii]
Soussignan, R., Courtial, A., Canet, P., Danon-Apter, G., & Nadel, J. (2011). Human
newborns match tongue protrusion of disembodied human and robotic mouths.
Dev Sci, 14(2), 385-394.
Streri, A. (1991). Voir, atteindre, toucher: les relations entre la vision et le toucher chez le bébé.
Paris: PUF, « Le Psychologue ».
Sun, J., Zhou, J., Zhao, P., Lian, J., Zhu, H., Zhou, Y., et al. (2012). High
prevalence of myopia and high myopia in 5060 Chinese university students in
Shanghai. Invest Ophthalmol Vis Sci, 53(12), 7504-7509. doi: iovs.11-8343 [pii]
10.1167/iovs.11-8343
Teller, D. Y., & Bornstein, M. H. (Eds.). (1987). Infant color vision and color perception. In
Handbook of infant perception. (Vol. 1). Orlando, FL: Academic Press.
Thorn, F., Gwiazda, J., Cruz, A. A., Bauer, J. A., & Held, R. (1994). The development
of eye alignment, convergence, and sensory binocularity in young infants. Invest
Ophthalmol Vis Sci, 35(2), 544-553.
nfance n◦ 1/2014
39
40
François VITAL-DURAND
Tondel, G. M., & Candy, T. R. (2008). Accommodation and vergence latencies
in human infants. Vision Res, 48(4), 564-576. doi: S0042-6989(07)00542-1 [pii]
10.1016/j.visres.2007.11.016
Tychsen, L., & Lisberger, S. G. (1986). Maldevelopment of visual motion processing
in humans who had strabismus with onset in infancy. J Neurosci, 6(9), 2495-2508.
van Genderen, M., Dekker, M., Pilon, F., & Bals, I. (2012). Diagnosing cerebral visual
impairment in children with good visual acuity. Strabismus, 20(2), 78-83.
Van Hof-Van Duin, J., & Mohn, G. (1983). Optokinetic and spontaneous nystagmus
in children with neurological disorders. Behavioural Brain Research, 10, 163-175.
Vital-Durand, F. (1992). Acuity card procedures and the linearity of grating
resolution development during the first year of human infants. Behav Brain Res,
49(1), 99-106.
Vital-Durand, F. (1996a). An acuity cards cookbook. Strabismus, 4(2), 89-97. doi:
10.3109/09273979609055044
Vital-Durand, F. (1996b). An acuity cards cookbook. Strabismus, 4, 89-97.
Vital-Durand, F. (2010). Le développement du système visuel. In C. Kovarski (Ed.),
Les anomalies de la vision chez l’enfant et l’adolescent. (pp. 71-78). Paris : Lavoisier.
Vital-Durand, F., & Ayzac, L. (1996). Tackling amblyopia in human infants. Eye
(Lond), 10 (Pt 2), 239-244. doi: 10.1038/eye.1996.52
Vurpillot, E. (1972). Les perceptions du nourrisson: PUF.
Williams, C., Northstone, K., Harrad, R. A., Sparrow, J. M., & Harvey, I. (2002).
Amblyopia treatment outcomes after screening before or at age 3 years: follow
up from randomised trial. BMJ, 324(7353), 1549.
Yang, Q., Bucci, M. P., & Kapoula, Z. (2002). The latency of saccades, vergence,
and combined eye movements in children and in adults. Invest Ophthalmol Vis Sci,
43(9), 2939-2949.
Yonas, A., Cleaves, W. T., & Pettersen, L. (1978). Development of sensitivity to
pictorial depth. Science, 200(4337), 77-79.
Yonas, A., Pettersen, L., & Granrud, C. E. (1982). Infants’ sensitivity to familiar size
as information for distance. Child Dev, 53(5), 1285-1290.

Documents pareils

MEMOIRE POUR L`OBTENTION DU DIPLOME DE MEDECINE

MEMOIRE POUR L`OBTENTION DU DIPLOME DE MEDECINE travail, qu’il s’agisse d’évaluer l’aptitude et de surveiller la vision pour un poste à haute charge visuelle, de mettre en évidence des anomalies qui pourraient compromettre la sécurité du salarié...

Plus en détail