LES QUATRAINS
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LES QUATRAINS
LES QUATRAINS de Dante Bertoni On a toujours à faire avec les questions fondamentales que l’on s’est toujours posées : c’est quoi la vie, vivre ? Pourquoi ? Et où sommes-nous en train d’aller ? Le quotidien et le système où l’on vit ne font que détourner l’attention de ces questions, car si l’on se demande cela on se demande aussi, en même temps, ce que nous sommes en train de faire, pourquoi et où... Autrement dit : pourquoi dois-je travailler, me fatiguer tout le temps pour gagner de l’argent qui ne suffit jamais, me fatiguer à connaître des gens, des femmes, des hommes, me reproduire, dormir, manger, etc., si je ne connais pas la cause et la finalité ? La question définitive est toujours là et toute notre vie consciente est une forme de l’oublier, une façon d’être de l’oubli. D’un certain point de vue, nous sommes arrivés maintenant à la spécialisation de cet oubli avec la télé et l’information généralisée d’Internet. Mais avec la culture aussi, les livres best-sellers, le marché des sentiments et des émotions les plus homologués et homologuants. Plus d’informations, plus de livres, plus d’images nous avons et moins d’informations réelles, de livres réels e d’images réelles il y a. Informations, livres et images de et sur ce qui nous intéresse vraiment, c’est-à-dire la réalité. Où est-elle, la réalité ? Est-ce réel ce que je fais toute la journée si la télé me redonne une image de la réalité – de ma réalité – sur le modèle de Big Brother, Sex in City, etc. Si la politique et les reality shows me disent tout le temps que c’est ça la réalité, ça et pas la mienne, celle que j’aurai envie d’expérimenter et que je ne peux pas réaliser ? Voilà la question, donc. Est-ce que je peux réaliser la réalité ? Et surtout : est-ce qu’il y a encore de la réalité ? Il est évident qu’il n’y a pas de réalité dans le système codifié de l’image e de la culture généralisée qui nous entoure et qui pénètre subtilement dans notre vie quotidienne. Les livres, les films, les émissions de la télé, la -1- musique de la radio, Internet : la perte d’identité et de la singularité, de l’individuation du sujet et donc, à la fin, de sa réalité. Car la réalité est devenue le simulacre de la réalité, un signe qui signifie seulement lui-même et donc autre chose par rapport à moi. Mais ce simulacre, cette signification du système n’est à la fin rien d’autre qu’une mascarade du pouvoir économique pour couvrir les lois laides et pourries de la raison et de l’unique réalité qu’il peut vivre : la vie du vampire qui se nourrit de notre sang. Il fond ses dents sur notre vie – sur notre réalité – et cette vie et cette réalité se font de plus en plus exsangues, on est tous presque anémiques. Ses dents s’appèlent « grand éditeur », « télévision », « fashion », « mode », « ventes », « star system », etc. Quoi faire, donc ? Moi, par exemple, je m’en fous… J’ai organisé ma vie selon des petites choses et surtout selon les choses qui ne servent à rien. La poésie, par exemple, on sait bien qu’elle ne vend pas et que c’est un suicide de la publier. Et voilà, donc, je publie de la poésie … Mais en plus je cherche de la pratiquer tous les jours, car si la poésie ne sert à rien, alors c’est l’une des armes les plus efficaces contre la codification et le système qui est en train de tuer ma réalité. Les avant-gardes disaient que la meilleure œuvre d’art c’est la vie. Breton disait que la poésie se fait dans les lits, comme l’amour. Et mon ami Ferlinghetti dit que la meilleure revanche est bien vivre. Il y a donc une raison pour parasiter les livres avec de la poésie, car la poésie est le parasite du vampire qui est en train de nous tuer : le parasitage poétique c’est reprendre notre sang et donner réalité à notre réalité. Tout le monde peut le faire : ça n’a pas besoin d’argent, pas besoin de publication. C’est une revanche et en même temps un acte poétique, individuel et réel qui est positif dans la mesure où il ne tue personne, il ne détruit rien et personne, il ne produit pas d’argent et il ne fait pas perdre de l’argent. Comment le faire ? c’est très simple. Vous allez sur notre site, RéÉvolution Poétique (www.reevolutionpoetique.com), et vous téléchargez le logo avec les poèmes qu’il y a – ou bien en les substituant avec les vôtres -2- – vous les imprimez et vous allez les mettre dans les best-sellers ou dans les livres que vous voulez. Simple ! Et efficace ! Il y a un autre acte que je pratique chaque jour et toujours pour les mêmes raisons. Un acte que je vous conseille vivement et que nous allons essayer ensemble ce soir. Et qui, à la fin, se connecte à la poésie parasite. C’est le concept séculaire du Quatrain, revu et corrigé, qui se base sur une idée que j’ai eu juste en arrivant ici à Bruxelles il y a quelques années. Nous avons tenu une soirée et il y avait plusieurs amis réévolutionnaires dont Alejandro Jodorowsky. L’idée – comme toujours lorsqu’il s’agit de la vrai réalité – est très simple : écrire quatre lignes, quatre vers, basés sur une logique précise. La première ligne affirme quelque chose et la seconde la continue, continue cette chose qui est affirmée dans la première ligne. La troisième ligne parle de tout autre chose et la quatrième doit résumer tout, les deux premières et la troisième. Une métaphore pour mieux l’expliquer est la suivante : la première ligne est l’enfance, la seconde est l’adolescence qui continue l’enfance, la troisième ligne est la jeunesse qui nie tout et fait ce qu’elle veut et la quatrième ligne est la maturité qui résume tout et amène à l’équilibre. Un exemple : (1) Un homme avait deux filles merveilleuses L’une avait dix-huit ans et l’autre vingt Un guerrier combat avec l’épée Mais ces demoiselles tuaient avec leurs yeux Essayez donc un Quatrain… (1) lors de la soirée de performance « La Passion de Don Quichotte », nous avons lu deux autres quatrains pour l’exemple. Et à la fin du 2ème quatrain, nous avons entamé un rituel panique et poétique de coupe des cheveux du « jeune poète » évoqué dans les textes (cfr Édito N°15 dans la rubrique « éditos » du site)… -3-