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Evidence-based medicine
Condylomes acuminés : quel traitement privilégier
en première intention ?
Ce qu’il faut retenir
Le traitement de première intention des
lésions anogénitales condylomateuses ne
doit plus être chirurgical : l’imiquimod en
Niveau de preuve
L
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es condylomes acuminés anogénitaux (ou verrues vénériennes ou crêtes de coq) soucient autant les personnes
qui s’en plaignent que les praticiens qui les prennent en charge.
Les sources d’inquiétude sont nombreuses au premier rang desquelles l’ampleur endémique du phénomène, l’oncogénicité des
papillomavirus qui en sont responsables, la fréquence élevée des
récidives et l’absence de thérapeutique antivirale spécifiquement
active. En matière de condylomatose anogénitale, le constat épidémiologique est alarmant. Durant l’année 1999, 7 224 cas de
maladies sexuellement transmises ont fait l’objet d’une déclaration au sein des registres PMSI des filières de soins à la fois
publiques et libérales. Dans 90 % des cas, il s’agissait de condylomes anogénitaux. À titre comparatif, les infections gonococciques et herpétiques ne représentaient à elles deux qu’un peu
plus de 5 % des maladies déclarées dans le même temps. La responsabilité des papillomavirus dans la genèse des pathologies
tumorales malignes est majeure au point qu’on doit considérer
aujourd’hui que cette infection est une condition quasi nécessaire
au développement des carcinomes épidermoïdes du col utérin et
du canal anal.
Le traitement conventionnel des lésions condylomateuses anogénitales repose en première intention sur la destruction physique des
éléments visibles. Les moyens thérapeutiques dans le domaine
sont aussi diversifiés que mal validés (résection, électrocoagula-
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application topique à 5 % en est actuellement le traitement le mieux validé.
tion, photocoagulation, cryodestruction, chémodestruction). Pour
le traitement de ces lésions, en France et pour l’année 1999,
8 343 gestes chirurgicaux ont été déclarés : ces données thérapeutiques sont probablement sous-estimées parce que les codes
GMH ne correspondent pas toujours de façon précise à l’affection
traitée (traitement des tumeurs bénignes du canal anal : L445 est
trop vague et mal ciblée). On dispose pourtant aujourd’hui de
données scientifiques disponibles qui doivent nous inviter à modifier cette approche thérapeutique.
LES FAITS
L’infection virale ne siège pas exclusivement au sein des lésions
condylomateuses : la destruction physique des lésions s’accompagne habituellement d’une récidive dans plus d’un tiers des cas
au terme des six premiers mois de suivi. Les alternatives thérapeutiques qui peuvent stimuler la réponse immunologique locale
et participer à l’éviction virale apparaissent les outils thérapeutiques les plus séduisants. L’imiquimod (Aldara® 5 %) en application locale induit des modifications franches de la réponse
immune en augmentant la production locale d’interférons alpha
et gamma, de 2,5’ oligoadenylate synthétase, de TNFα, d’interleukine 12, de CD4 et CD8 (1). On dispose actuellement de huit
essais contrôlés randomisés contrôlés dont six contre placebo :
la méthodologie des essais est dans l’ensemble rigoureuse et
l’évaluation se fait en intention de traiter après une période thérapeutique qui varie de 4 à 16 semaines. L’ensemble de ces essais
souligne un bénéfice thérapeutique en faveur de l’imiquimod. La
disparition des lésions est observée dans 35 à 85 % des cas après
La lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 1 - vol. VII - janvier-février 2004
proctologie
imiquimod, contre 6 à 11 % après placebo. Une meilleure réponse
semble observée chez les femmes (72 versus 33 % chez l’homme)
(2, 3). Il est vraisemblable que les malades coinfestés par le VIH ont
une moins bonne réponse (4). Dans un essai contrôlé randomisé
(n = 90), la proportion de malades guéris au terme de 16 semaines
de traitement local n’était pas différente de celle observée sous
placebo (11 versus 6 %), alors que la proportion de malades répondeurs (diminution de la surface lésionnelle de 50 % et plus) était
plus élevée (38 versus 14 %). Ces résultats sont néanmoins assez
modestes par rapport aux réponses observées chez les personnes
non infectées par le VIH (4). La posologie et le rythme d’administration sont 5 % et trois applications par semaine respectivement.
Il n’y a pas de bénéfice à augmenter le rythme des administrations (3). Les effets secondaires de type érythème ou lésions érosives sont fréquents (15 à 41 %) et semblent être dose-dépendants.
Ils siègent le plus souvent sur ou autour des zones condylomateuses.
LES INTERROGATIONS
L’efficacité limitée de cette thérapeutique chez certains malades
(notamment ceux qui sont coinfectés par le VIH) doit inciter à
rechercher d’autres alternatives : les antiviraux de type Cidofovir,
immunomodulateurs de type interféron alpha en application
locale, utilisés seuls ou associés à un geste de destruction physique,
apportent d’excellents résultats dans deux essais contrôlés récents
(5, 6).
Le bénéfice thérapeutique le plus sensible de l’imiquimod pourrait résider, par son mode d’action, dans l’efficacité à éradiquer
l’infection virale. En d’autres termes, c’est surtout par la proportion de guérisons définitives, d’éradications virales et de récidives
que ce traitement pourrait s’imposer de façon radicale. Les données
publiées manquent encore pour répondre à ces questions.
Enfin, une stratégie vaccinale prometteuse devrait pouvoir
répondre à l’ensemble de ces objectifs de façon en définitive plus
rationnelle (7).
R
É F É R E N C E S
1. Arany I, Tyring SK, Stanley MA et al. Enhancement of the innate and cellular
immune response in patients with genital warts treated with topical imiquimod
cream 5 %. Antiviral Res 1999 ; 43 : 55-63.
2. Sauder DN, Skinner RB, Fox TL, Owens ML. Topical imiquimod 5 % cream as
an effective treatment for external genital and perianal warts in different patient
populations. Sex Transm Dis 2003 ; 30 : 124-8.
3. Fife KH, Ferenczy A, Douglas JM Jr et al. HPV Study Group Treatment of
external genital warts in men using 5 % imiquimod cream applied three times a
week, once daily, twice daily, or three times a day. Sex Transm Dis 2001 ; 28 :
226-31.
4. Gilson RJ, Shupack JL, Friedman-Kien AE et al. A randomized, controlled,
safety study using imiquimod for the topical treatment of anogenital warts in HIVinfected patients. AIDS 1999 ; 13 : 2397-404.
5. Orlando G, Fasolo MM, Beretta R et al. Combined surgery and cidofovir is an
effective treatment for genital warts in HIV-infected patients. AIDS 2002 ; 16 :
447-50.
6. Syed TA, Ahmadpour OA. Human leukocyte derived interferon-alpha in a hydrophilic gel for the treatment of intravaginal warts in women : a placebo-controlled,
double-blind study. Int J STD AIDS 1998 ; 9 : 769-72.
7. Thompson HS, Davies ML, Holding FP et al. Phase I safety and antigenicity
of TA-GW : a recombinant HPV6 L2E7 vaccine for the treatment of genital warts.
Vaccine 1999 ; 17 : 40-9.
La lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 1 - vol. VII - janvier-février 2004
Autres ? uestions non résolues
! Peut-on utiliser sans risque l’application
topique d’imiquimod dans le canal anal ?
! Combien de temps faut-il traiter avant
de conclure à une efficacité insuffisante
de l’imiquimod ?
! Peut-on envisager un traitement local
d’entretien chez les malades qui récidivent
et à quel rythme ?
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