Premier casting pour la Manufacture

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Premier casting pour la Manufacture
DIMANCHE 9
NOVEMBRE 2003
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Haute école de
théâ tre · Premier
casting pour la
Manufacture
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La Manufacture est situ ée dans les locaux d'une ancienne usine de taille de pierres précieuses qui a
abrité une école professionelle. KEYSTONE
Premier casting pour la Manufacture
HAUTE ÉCOLE DE THÉÂTRE · Quinze élèves comédiens ont investi une
ancienne usine située entre Prilly et Lausanne. Après trois ans de travail
intensif, ils obtiendront un diplôme convoité. Reportage à trois semaines
de l'inauguration officielle.
ST ÉPHANE GOBBO
Ce n'est que dans trois ans que les premières pierres pr écieuses vont sortir de
la Manufacture.» Accoudé à une vieille table en bois trouv ée, comme le reste
de l'ameublement hétéroclite du foyer, lors d'un récent tour des brocantes
bourguignonnes, le Français Yves Beaunesne, directeur de cette Manufacture,
a l'air heureux. Car même si elles vont mettre trois ans à être façonnées, ces
pierres sont loin d'être brutes. Choisies pour leurs qualités intrinsèques, elles
réunissent en effet toutes les conditions pour devenir de beaux diamants qui
pourraient bien un jour briller dans le plus beau des écrins: une scène de
théâtre. Car ces «pierres pr écieuses», ce sont les quinze élèves qui forment la
première volée de la Haute Ecole de théâ tre de Suisse romande (HETSR), qui
a ouvert ses portes à Lausanne le 22 septembre dernier. Une haute école
créée au niveau romand et qui est destin ée à remplacer les sections d'art
dramatique des Conservatoires de Genève et Lausanne. Si la métaphore
utilisée par Yves Beaunesne semble de prime abord prétentieuse, elle n'est
finalement pas si gratuite que cela. L'institution qu'il dirige, qui sera
officiellement inaugurée le 28 novembre prochain, est en effet située dans les
locaux d'une ancienne usine de taille de pierres précieuses, construite au
milieu des années 20 et située à proximité de la patinoire de Malley. En
approchant des lieux, ais ément rep érables par leur couleur orange-ocre, c'est
d'ailleurs l'architecture du b âtiment, massive, qui commence par interpeller.
En cette fin de matinée, tout est bien calme. En passant du premier étage de
la Manufacture, qui abrite les bureaux, au rez, on se demande d'ailleurs bien
où se trouvent les élèves. «Ils suivent un cours d'expression vocale dans la
salle blanche», informe alors Ingrid Walther, responsable des relations
extérieures. La salle blanche? Pas le droit d'y aller. A la HETSR, on garde les
élèves à l'abri des regards. La Manufacture n'a rien à cacher, excepté les
cours qui s'y déroulent... On n'est pas à la Star Academy.
UNE PIÈCE EN CRÉATION
Si la salle blanche reste désespérément close, il est par contre possible de
visiter les autres pièces. En pénétrant tour à tour dans l'atelier de menuiserie
où sont stockés et restaurés des décors, dans les loges et dans la salle noire,
deuxième endroit accueillant les cours techniques (voix, danse...) et les
ateliers d'interprétation, on a alors enfin l'impression d'être dans une école de
théâtre. Impression renforcée, apr ès être descendu d'un étage encore, en
découvrant la salle de spectacle. Modulable à l'envi, elle accueillera
notamment en création la pièce que les élèves monteront l'année prochaine
sous la houlette du metteur en scène genevois Omar Porras, du Teatro
Malandro. Est-ce à dire qu'elle ne sera d'ici l à que peu utilisée? «Pas du tout»,
rétorque Ingrid Walther. «Hier soir encore, les élèves y étaient avec Laurent
Laffargue. Ils ont travaillé très tard.» Et de préciser que la salle accueille
également deux lundis par mois des rencontres, ouvertes au public, qui
permettent aux élèves de dialoguer avec des personnalités du monde du
théâtre.
Ce n'est finalement que durant la pause de midi, lorsqu'ils pique-niquent dans
le foyer, qu'il est possible de croiser les apprentis comédiens, douze Romands
et trois Français, huit filles et sept gar çons âgés de 19 à 26 ans. Parmi
lesquels une Fribourgeoise, Selvi Purro, sélectionnée comme les autres parmi
plus de trois cents dossiers. Le pique-nique est frugal car les élèves ont peu
de moyens. Si les frais d'écolage sont modestes, 1000 francs par année, le
rythme de travail soutenu ne leur laisse en effet guère le temps de trouver un
petit job. Au programme: un peu plus de sept heures de cours par jour, sans
compter les «heures sups», et une sortie de groupe le vendredi soir, suivie
d'une discussion le samedi matin. Et c'est comme ça durant les trois années
que dure le cursus! «Pour l'instant, on n'est pas encore fatigués», affirme
Bastien. «On est encore dans l'euphorie du d ébut.» Ses camarades le
confirment. Ils vivent un rêve. Ils ont non seulement réussi à intégrer une haute
école d'art dramatique, certains après des années d'effort, mais ils ont aussi
l'honneur d'inaugurer la Manufacture. Au passage, la plupart ont le temps de
souligner qu'ils ne ressentent aucun esprit de compétition. Ils sont soudés et,
comme chacun débarque avec ses expériences, ils ne peuvent que s'enrichir
mutuellement. L'année prochaine, lorsque une deuxième volée investira les
lieux - la HETSR a été conçue pour accueillir trente élèves, raison pour
laquelle le concours d'admission sera lancé deux ann ées sur trois - ils
espèrent également pouvoir prodiguer de précieux conseils aux nouveaux
arrivants.
SGo
Deux lundis par mois, la Manufacture (rue Grand-Pré 5, Lausanne) organise
des rencontres ouvertes au public. 10 nov: Joël Jouanneau (metteur en
scène). 21 nov: enregistrement de l'émission d'Espace 2 Zone critique . 1er
déc: Massimo Schuster (marionnettiste). Entrée libre.
Un cursus en forme de relation
sentimentale
A la Manufacture, l'ambiance semble détendue, mais studieuse. En tout cas
durant la pause de midi. Alors que les quinze élèves cassent la croûte, le
directeur Yves Beaunesne et la responsable des relations extérieures Ingrid
Walther se partagent en effet un pique-nique à la table voisine. Certains
étudiants en profitent pour aller échanger quelques impressions, glaner un
conseil. Mais très vite, à peine leur repas englouti, ils sortent de leur poche
une édition bilingue du Songe d'une nuit d'été de Shakespeare. Histoire de
répéter la scène au programme de l'après-midi. «On est studieux parce que le
directeur est là», glisse en souriant Maude, la benjamine, encore tout à sa
surprise d'avoir atterri ici à peine le collège terminé. Alors que le silence
remplace le brouhaha, Yves Beaunesne prend alors le temps d'évoquer son
travail. «Je suis émerveillé», confie celui qui est également metteur en scène
et était, avant d'entrer en fonction à Lausanne, intermittent du spectacle.
«J'essaie pour l'instant de ne pas faire trop de projets pour les élèves, mais je
ne peux m'empêcher d'admirer ce qu'ils font. Je ne sais par contre pas
combien de temps cela va durer. Il va y avoir trois temps, comme dans toute
relation sentimentale. Nous vivons le temps de la passion, puis viendra celui
du désenchantement, de la découverte des faiblesses, qui laissera ensuite la
place à l'amour. Enfin je l'espère.» Car comme il l'affirme, rien n'est acquis. Un
élève peut à tout moment être renvoyé chez lui si les profs estiment qu'il n'est
pas à la hauteur. SGo