Le Collier du Makoko

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Le Collier du Makoko
CULTURE
MADE IN
Gabon
Un long métrage qui fait la part belle à la
biodiversité exceptionnelle du Gabon va
bientôt sortir sur nos écrans. Le grand réalisateur
Henri-Joseph Koumba-Bididi et le producteur
Jeff Bongo y proposent un casting d’acteurs
français et gabonais talentueux.
L
e film intitulé Le Collier du Makoko (« le collier du roi ») est le
fruit d’une collaboration entre l’un des metteurs en scène les plus
appréciés du Gabon et l’un des fils de feu le président El Hadj Omar
Bongo Ondimba.
On y découvre le destin croisé d’une reine africaine qui cherche à
récupérer un collier sacré, d’un orphelin élevé par les lions et d’un
scientifique. Ajoutez à cela un cocktail d’acteurs internationaux,
d’effets spéciaux et des dialogues qui soulignent les cultures occidentales et africaines… et vous obtenez une épopée qui vous entraîne de la France au Gabon et
juxtapose le réchauffement climatique, un thème terriblement d’actualité, avec le
passé colonial. C’est tout ce que le magazine Gabon pourra vous révéler du Collier
du Makoko, afin de ne pas déflorer l’œuvre qui sortira d’ici la fin septembre. Son
titre fait référence au collier porté par les Makokos, les rois qui règnent encore
aujourd’hui sur le peuple téké du Gabon et des deux républiques du Congo.
La distribution rassemble Philippe Mory, le réalisateur que H.-J. KoumbaBididi n’hésite pas à qualifier de « maître du cinéma gabonais », l’acteur français Eriq Ebouaney, l’actrice française Hélène de Fougerolles, le jeune Yonas
Perou (qui a triomphé dans la comédie musicale Le Roi lion) et la chanteuse
gabonaise Patience Dabany, mère d’Ali Bongo Ondimba, le président actuel du
Gabon, et de Jeff Bongo, producteur du film.
Il aura fallu cinq ans pour monter le projet, adapté d’un scénario signé du
Français Robert Darène. Le financement a été long, mais avec un budget de
5 millions d’euros, c’est le film le plus ambitieux jamais réalisé au Gabon.
Filmé en France et au Gabon, le film explore les cultures africaines et occidentales.
H.-J. Koumba-Bididi revisite la relation entre ces deux cultures dans ce qu’il qualifie de « conte philosophique ». « On aimerait laisser le spectateur s’embarquer
dans une histoire de conte comme si c’était un enfant. Mais à l’intérieur, c’est
toute une réflexion que nous posons sans avoir l’air de le dire sur notre destin,
un regard sur qui nous Africains sommes aujourd’hui », explique-t-il. Il ajoute
que la notion d’identité culturelle est plus floue de nos jours. Une évolution qu’il
souhaitait montrer dans Le Collier du Makoko, après avoir vu le western La Flèche
brisée, le premier film, dit-il « où les Indiens n’étaient pas que des tueurs et les
Blancs pas que des occupants, où il y avait ce respect de la dignité humaine ».
Célèbre pour son premier film Les Couilles de l’éléphant (2001), une comédie
qui traite de politique au Gabon, Koumba-Bididi use d’humour pour aborder des
thèmes sérieux : « Je ne fais pas de l’art pour l’art. Pour moi, le divertissement
est une stratégie pour faire passer le message. Le but n’est pas le divertissement. Ce film est une histoire de retour aux sources, mais tout ça sur un ton qui
est enjoué, pas moralisateur. J’aime toujours les films qui sont pleins d’humour,
de bonhomie, de tendresse, où l’émotion passe. » L’autre problématique ➔
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Les Productions de l’Équateur
Quand le cinéma délivre un message
Sur le tournage
du film au Gabon.
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Vaila Finch
Patience Dabany, la mère du président Ali Bongo, incarne à la perfection
la petite-fille de la reine Ngalifourou Ngatsié. Dessous, de gauche à droite :
le célèbre acteur et réalisateur gabonais Philippe Mory fait partie du casting.
Hélène de Fougerolles apporte aux écrans gabonais une touche de glamour
à la française. Le réalisateur H.-J. Koumba-Bididi (à gauche) et le producteur
du film J. Bongo (au centre), sur le plateau avec Robert Darène (à droite),
auteur du scénario original, et le jeune Yonas Perou. Eriq Ebouaney, riche
d’une brillante carrière internationale, tient l’un des rôles principaux.
H.-J. Koumba-Bididi est l’un
des réalisateurs les plus réputés
du Gabon. Il travaille pour la
télévision comme pour le cinéma.
Né à Omboué en 1957, il étudie
à la prestigieuse École supérieure
d’études cinématographiques
(ESEC) de Paris avant de retourner
investir son énergie créatrice sur
les grands écrans gabonais.
Il dirige en 1985 le court
métrage Le Singe fou, qui reçoit
le prix de la Critique au Festival
du film de Carthage (Tunisie) et
le prix du Meilleur court métrage
au grand Festival panafricain
du cinéma et de la télévision de
Ouagadougou (Burkina Faso).
Sorti en 2011, son premier long
métrage intitulé Les Couilles de
l’éléphant fait l’ouverture de la
17e édition du FESPACO.
H.-J. Koumba-Bididi a
également écrit des scénarios pour
la TV et produit plusieurs séries,
dont Les Années école, mais aussi
réalisé des documentaires tels
qu’À l’aube du quatrième jour.
Mais il n’a pas œuvré que
derrière la caméra, puisqu’il a
également été directeur régional
de la télévision et de la radio de la
province du Haut-Ogooué (19881991), puis directeur adjoint de la
RTG (Radio télévision gabonaise)
de 1991 à 1994. Il a joué un rôle
important dans le paysage audiovisuel de son pays.
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Les Productions de l’Équateur
Henri-Joseph
Koumba-Bididi,
réalisateur
gabonais
à laquelle il s’attache – la nature – donne aussi sa modernité au film. « Aujourd’hui les
thèmes de la biodiversité, l’environnement, le réchauffement climatique, c’est tout l’enjeu
de l’avenir de l’homme sur la Terre », souligne-t-il. La diversité et la beauté spectaculaires
de la biodiversité gabonaise sont bien représentées dans le film, qui a été tourné dans la
forêt tropicale du pays, au parc national de la Lopé, dans les rues de Libreville et à bord de
trains et de bateaux. Trois lions ont participé au tournage. L’équipe de production a même
reconstitué le village où, dans les années 1880, le roi Makoko avait signé avec l’explorateur
colonial Pierre Savorgnan de Brazza le traité qui entérinait la création du Congo français.
Une affaire de famille
Ce n’est pas souvent qu’un film rassemble dans son équipe plusieurs membres d’une même
famille. Pourtant, les Bongo ont un lien fort avec Le Collier du Makoko, derrière et devant
la caméra. Patience Dabany joue en effet la petite-fille de la reine des Tékés Ngalifourou
Ngatsié, un personnage historique.
« Nous avons mis du temps pour en parler avec Jeff », sourit Koumba-Bididi. Le cinéaste
avait senti que Patience Dabany, artiste expérimentée qui parle français et téké, était idéale
pour le rôle. « Jeff nous a dit : “Vous êtes sûrs ? C’est ma mère !” Il lui en a parlé et elle a
accepté. » Musicienne réputée dans le monde entier, P. Dabany s’est appuyée sur sa propre
vie pour assurer l’authenticité des scènes de villages et choisir les musiques traditionnelles.
Quant à Jeff Bongo, ce film est le premier porté par sa compagnie Les Productions de
l’Équateur, qu’il a fondée avec Koumba-Bididi en 2006. Il le dédiera à feu son père, qui avait
soutenu le projet dès le départ. « Il a été convenu avec mon père de réaliser et financer ce film.
Il y a beaucoup cru, il nous a donné beaucoup d’idées et de conseils. J’ai grandi avec le cinéma.
Avec mes parents, tous les soirs on avait droit à un film à la maison – westerns, films chinois,
films américains et français, sur la préhistorique, aventure, films intellectuels », se souvient Jeff
Bongo. Le long métrage rendra également hommage à un autre grand réalisateur gabonais :
Charles Mensah, l’un des producteurs du Collier du Makoko, décédé le 3 juin 2011.
Mais dans la famille Bongo, il convient de ne pas oublier une autre personne qui a
contribué à cette réussite : le président Ali Bongo Ondimba lui-même. « Il nous a beaucoup conseillés, il pensait que le sujet était d’actualité. La nature est quelque chose qui le
passionne, relate Jeff Bongo. Quelque part, on s’est retrouvés sur ce film. »
Le grand défi pour Les Productions de l’Équateur est dorénavant de trouver un distributeur
pour l’Europe. Le film a suscité beaucoup d’intérêt au Marché du film de Cannes, le pendant
professionnel du Festival du même nom. Les Productions de l’Équateur ont également
d’autres projets en cours, mais J. Bongo et H.-J. Koumba-Bididi ne veulent pas en dire plus.
Pour l’instant, c’est sur l’affaire du Collier du Makoko qu’ils concentrent leur énergie… n
Plus de détails sur : www.lecollierdumakoko.com
Vaila Finch
Musée du Quai Branly, photo : Patrick Gries
La véritable histoire du collier du roi
Le collier royal du Makoko est devenu une sorte de mythe. Cette imposante parure
de bronze était un élément primordial de la tenue d’apparat des rois Makokos qui
régnaient sur le peuple téké, un groupe tribal réparti principalement sur la république
du Congo, et dans certaines zones de la République démocratique du Congo et du
Gabon. Tous les rois Makokos l’ont porté, et notamment l’un des plus célèbres, Ounko
Makoko Ile. C’est lui que l’explorateur Savorgnan de Brazza a convaincu de céder à
la France les terres tékés dans les années 1880. Le Makoko
Mbaa Indièlè fut le dernier roi à porter le collier avant
sa disparition en 1894. Ensuite, l’histoire du collier
s’est transmise de génération en génération chez
les Tékés, chacun se demandant où il pouvait
être et s’il existait encore.
Et il se trouve précisément au Musée
Copie du collier du Makoko,
des arts premiers du quai Branly de Paris,
créée en 1886 pour
parmi des pièces africaines, américaines et
Savorgnan de Brazza.
océaniques. Si l’original semble destiné à
rester en France, à la grande déception des
historiens de la république du Congo, une copie
du collier a été offerte en 2010 aux autorités du
pays par le musée en signe de bonne volonté.
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