Le Portugal au XX siècle - Portail du Collège universitaire
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Collège universitaire de Sciences Po Etudes ibériques et latino-américaines, Campus de Poitiers Yves Léonard Cours Magistral Semestre Printemps 2009-2010 Le Portugal au XXe siècle Contemporary Portugal Résumé L’image d’un pays en marge de l’Europe n’a de valeur pour le Portugal que sur le plan de sa géographie. Pour tout le déroulement de son histoire récente, ce pays a reflété, parfois suivi, mais bien souvent aussi précédé l’histoire européenne du vingtième siècle, à travers ses expériences politiques, tourments et mythes coloniaux compris. En proclamant précocement une république – dès 1910 – dans une Europe à dominante monarchique, en participant courageusement à la Grande Guerre aux côtés de ses alliés Anglais et Français, en expérimentant une forme inédite de république présidentielle et plébiscitaire sous la dictature de Sidónio Pais (1917-1918), en vivant durant près d’un demi-siècle sous un régime d’une exceptionnelle dureté et longévité, placé entre l’inspiration du catholicisme social et le tropisme fasciste, dominé par un dictateur atypique, António de Oliveira Salazar, en procédant tardivement à une décolonisation longtemps présentée par le régime salazariste comme synonyme de décomposition et de disparition de la nation, en inaugurant enfin une nouvelle vague de démocratisation avec la Révolution des œillets du 25 avril 1974, aussi singulière que soudaine, le vingtième siècle portugais se révèle d’une exceptionnelle richesse. Présentation générale L’histoire du Portugal – celle d’un pays voisin, membre de l’Union européenne et dont la France a accueilli plusieurs centaines de milliers de ressortissants émigrés – reste pourtant relativement méconnue en France, où il est difficile d’appréhender le Portugal autrement que par le biais du tourisme, de la littérature, du fado ou du football, où il n’est pas encore habituel de considérer le vingtième siècle portugais comme un véritable objet d’études et de recherche, autonome et d’une grande fécondité, théâtre – au même titre que les XVe et XVIe siècles, « âge d’or » des Découvertes – d’une histoire singulière. Ce vingtième siècle portugais mérite pourtant mieux que d’être réduit à un réservoir d’exemples secondaires dans le cadre de recherches comparatives, voire simple appendice de l’Espagne, source d’illustrations plus ou moins exotiques. Il le mérite d’autant plus que, trente ans après la Révolution des œillets, l’historiographie de l’Etat nouveau salazariste s’est affirmée au Portugal non seulement comme l’un des secteurs les plus dynamiques de la recherche et de la production des sciences sociales, mais aussi comme l’une des thématiques les plus populaires auprès du grand public. Des travaux pionniers ont aussi été réalisés en France ces vingt dernières années, fruits d’une démarche quasi militante le plus souvent, relayée par quelques éditeurs « orpailleurs » qui ne peuvent exploiter de filons, mais sont condamnés à explorer inlassablement. Et si le vingtième siècle portugais ne commençait pas en 1910, avec la proclamation de la République, mais bien en 1890, avec la crise de l’ultimatum britannique ? Un ultimatum, symbole de renoncement – temporaire – au rêve impérial africain et de commencement de la fin pour la monarchie des Bragance. Le 11 janvier 1890, en forçant les autorités portugaises à renoncer à relier l’Angola au Mozambique, le gouvernement britannique rappelait non seulement à l’ordre son vieil allié, mais il donnait aussi un coup d’arrêt brutal à la constitution du troisième empire colonial portugais, africain, après l’empire des Indes au XVIe siècle et celui du Brésil au XVIIIe siècle. L’ultimatum, vécu par les élites portugaise à la fois comme une profonde humiliation nationale et comme un appel à une renaissance, éclaire de sa lumière spectrale un vingtième siècle portugais dominé par le rêve impérial, par la perpétuation de ce rêve séculaire de grandeur incarné dans la possession d’un vaste empire colonial. Ni la monarchie vacillante (1890-1910), ni la Première République (1910-1926), ni la longue nuit de la dictature salazariste ne renonceront à ce rêve infini. Il faudra attendre la Révolution des œillets, le 25 avril 1974, la décolonisation – le « retour des Caravelles » - et l’enracinement de la démocratie pour que le Portugal accepte d’être réduit géographiquement à une « bande de terre ourlée de mer », à cette « tête de l’Europe où la terre finit et la mer commence », selon la célèbre formule de Camões. Avec son ancrage européen, le Portugal inaugure une nouvelle phase de sa longue histoire. La politique étrangère du Portugal se nourrit d'une tradition à la fois maritime et atlantique et d'une modernité plus continentale et européenne. Réduit à son rectangle européen après la rétrocession de Macao en 1999 et l'indépendance du Timor-Oriental, mais fort de son ancrage et de son implication dans la sécurité du vieux continent dont témoigne l'envoi de contingents militaires en Bosnie (1996) puis au Kosovo (1999), le Portugal s'est ouvert à de nouveaux horizons en partant à la redécouverte de pays longtemps proches – pays africains de langue portugaise et Brésil, création en 1996 de la Communauté des pays de langue portugaise (CPLP) – et peut-être, avant tout, de luimême. Ne pas chausser trop vite "les pantoufles des retraités de l'histoire", selon l'heureuse formule d'Eduardo Lourenço dans Le labyrinthe de la Saudade, passe probablement par cette "découverte intérieure" dont l'écrivain Miguel Torga avait su si bien saisir toute l'importance, dès l'été 1974, dans son journal, En franchise intérieure : "Nous qui avons été les nomades du monde, devrons être dorénavant les sédentaires comparses d'une Europe où nous nous sommes toujours sentis à l'étroit et dans laquelle nous n'avons pas su nous accomplir. Partir, c'était notre façon de nous émanciper. Dorénavant, notre chemin ne sera plus celui de la recherche de vastes espaces où affirmer ce qui nous était refusé dès le berceau, mais celui d'une découverte intérieure ajournée depuis des siècles et des siècles". Le Portugal au XXe siècle Plan général du cours Séance n° 1 : La crise de l’Ultimatum (1890) et l’automne de la monarchie 1. La quête d’un nouveau Brésil « Talent de bien faire » La carte rose (a mapa cor-de-rosa) Redécouvrir les Découvertes 2. Le spectre de la décadence Un épilogue et un prologue La monarchie empêtrée Républicanisme et nationalisme Séance n° 2 : République parlementaire (1910-1926) et dictature militaire 1. Entre libéralisme et autoritarisme Un régime parlementaire Un régime instable La Grande Guerre et l’impossible Union sacrée 2. A bout de souffle Sidónio Pais et le mythe du sauveur providentiel Sur fond de violence et d’instabilité « Nettoyer les écuries d’Augias » 3. L’interrègne de la dictature militaire La « Révolution du 28 mai » Une dictature sans dictateur Séance n° 3 : Salazar et le salazarisme 1. La « longue marche » de Salazar vers le pouvoir (1928-1932) Salazar, le « magicien des finances » Tisser sa toile 2. « Faire vivre le Portugal habituellement » Le Portugal des horloges arrêtées Le Portugal bâillonné « Le Portugal n’est pas un petit pays » : « Feitiço do Império » 3. Le salazarisme, autoritarisme ou fascisme ? Singularité du salazarisme La querelle des historiens Séance n° 4 : Savoir durer 1. « Ne pas se laisser égarer par la perturbation générale » Quelle neutralité ? Le salut par la Guerre froide 2. Hors du monde et hors du temps « Le rideau de silence retombé sur le Portugal » « Orgueilleusement seuls » Séance n° 5 : La liberté couleur d’œillet 1. Caetano, l’évolution dans la continuité Succéder à Salazar Le mirage du « printemps marceliste » 2. Le fond de l’air est rouge « O 25 de Abril » Le processus révolutionnaire Séance n° 6 : Une démocratie européenne 1. La consolidation de la démocratie Des institutions démocratiques Vie politique : sur fond de bipolarisation et d’alternance 2. A la recherche du temps perdu Le choix de l’Europe En quête de nouveaux horizons Le Portugal au XXe siècle Contemporary Portugal Repères bibliographiques Ouvrages BIRMINGHAM, David, A Concise History of Portugal, Cambridge, Cambridge University Press, 2e édition 2003. COSTA PINTO, António, Salazar’s Dictatorship and European Fascism, New York, SSM, Columbia University Press, 1995. COSTA PINTO, António, The Blue Shirts. Portuguese Fascists and the New State, New York, SSM, Columbia University Press, 2000. COSTA PINTO, António (Ed.), Contemporary Portugal. Politics, Society and Culture, New York, SSM, Columbia University Press, 2004. Version portugaise : Portugal contemporâneo, Lisbonne, Dom Quixote, 2005. DULPHY, Anne & LÉONARD, Yves (dir.), De la dictature à la démocratie : voies ibériques, Bruxelles, PIE Peter Lang, 2003. GEORGEL, Jacques, Le salazarisme, histoire et bilan, Paris, Cujas, 1982. LABOURDETTE, Jean-François, Histoire du Portugal, Paris, Fayard, 2000. LÉGLISE-COSTA, Pierre, Le Portugal, collection Idées reçues, Le Cavalier Bleu Editions, 2007. LÉONARD, Yves, Le Portugal, vingt ans après la Révolution des œillets, Paris, La Documentation française, 1994. LÉONARD Yves, Salazarisme et fascisme, Paris, Editions Chandeigne, 2e édition 2003. LLOYD-JONES, Stewart & COSTA PINTO, António, The Last Empire. Thirty Years of Portuguese Decolonization, Bristol UK & Portland USA, Intellect, 2003. MACQUEEN, Norrie, The Decolonization of Portuguese Africa, Londres & New York, Longman, 1997. MAXWELL, Kenneth, The Making of Portuguese Democracy, Cambridge, Cambridge University Press, 1995. MENESES, Filipe de, Salazar – A Political Biography, New York, Enigma Books, novembre 2009. OLIVEIRA MARQUES, António Henrique, Histoire du Portugal et de son empire colonial, Paris, Karthala, 1998. ROSAS, Fernando, O Estado Novo, vol. 7 de História de Portugal, José Mattoso (dir.), Lisbonne, Estampa, 1994. RUDEL, Christian, La liberté couleur d'œillet. 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Análise Social, revue trimestrielle de l’Institut de sciences sociales (ICS) de l’Université de Lisbonne. História, revue mensuelle portugaise d’histoire. Lusotopie, (1er numéro en 1994), revue annuelle jusqu’en 2001, semestrielle depuis. Diffusion Karthala, Brill depuis 2005