Elina Duni Quartet Matanë Malit

Transcription

Elina Duni Quartet Matanë Malit
Elina Duni Quartet
Matanë Malit
Elina Duni: voix
Colin Vallon: piano
Patrice Moret: contrebasse
Norbert Pfammatter: batterie
ECM 2277
Avec “Matanë Malit” (“Au-delà de la montagne“), son premier album pour ECM, Elina Duni
signe un vibrant hommage à son pays natal lʼAlbanie, jetant un regard original sur ses
racines culturelles à partir des territoires idiomatiques de lʼimprovisation libre dans
lesquels elle sʼest aujourdʼhui engagée. Cʼest en effet son expérience dans le champ du
jazz le plus contemporain qui sous-tend son exploration amoureuse des chansons
folkloriques des Balkans — la chanteuse apportant ici un soin tout particulier aux
atmosphères, à la définition du son, à lʼémergence sensuelle des structures, à la portée
des mots... “Il sʼagit avant tout pour moi de servir la chanson par lʼinterprétation“, résume telle, “à la fois de la sauver de lʼoubli et de la réinventer.“
Duni nʼavait que 10 ans quand elle a quitté lʼAlbanie en 1992 et ce nʼest quʼaprès être
passée par le détour de la musique classique, du blues et des standards de jazz quʼelle a
finalement su retrouver le chemin de ces chansons ancestrales. Cʼest Colin Vallon, avec
qui elle étudiait à la Hochschule der Künste de Berne, qui lʼincita à chanter en Albanais
lorsquʼils décidèrent de commencer une collaboration en duo en 2004.
“Je suis tombée amoureuse de ces vieilles chansons et jʼai découvert que non seulement
jʼétais capable de les chanter en les vivant de lʼintérieur de façon très intense mais que
dans ces interprétations cʼétait vraiment ma voix que lʼon entendait et quʼelle ne sʼétait
peut-être jamais exprimée jusquʼalors avec un tel naturel. Cʼest un peu comme si jʼavais
été en attente de ce répertoire pour me révéler.“ Née à Tirana, Duni nʼavait eu que très
peu lʼoccasion dʼentrer en contact avec la musique populaire de son pays durant son
enfance. Le répertoire folklorique, récupéré par lʼétat, était devenu à cette époque une
sorte de matériau dʼagit-prop servant de propagande à lʼidéologie communiste et les
parents de Duni, comme la plupart des intellectuels et des artistes du pays, sʼétaient
insensiblement éloignés de ces racines.
Peu à peu Elina a dépassé ces restrictions dʼordre idéologiques et sʼengageant toujours
plus loin dans lʼexploration minutieuse de lʼhistoire troublée de son pays, a découvert de
nombreuses chansons dʼune rare beauté et dʼune vraie puissance émotionnelle. Issues
des traditions ancestrales de sa région natale ou composées par des membres de la vaste
diaspora albanaise disséminée dans le monde entier, les chansons réunies dans “Matanë
Malit” parlent dʻamants malheureux, de héros, de travailleurs, de bergers, dʼexilés, de
désespoir et de résistance... Chants traditionnels arrangés par Elina Duni et musique
nouvelle émanant directement dans ses formes de la tradition sʼentremêlent ici de façon
inextricable.
Au cours des dernières années, Elina a fait évoluer son quartet dans le sens de toujours
plus de cohésion organique et de diversité dʼapproches artistiques. Dans ce nouveau
disque les musiciens semblent littéralement pénétrer à lʼintérieur des textes. “Nous nous
sommes concentrés sur lʼénergie dont cette poésie a besoin en essayant de traduire son
essence à travers notre musique. Pour moi toute musique improvisée relève de lʼesprit du
jazz. Nous ne nous sentons jamais obligés de jouer une chanson deux fois de la même
manière.“
Colin Vallon, qui a souvent cité des chanteurs parmi ses influences les plus décisives,
semble ici faire sonner son piano comme une seconde voix répondant à celle de la
chanteuse. Le contrebassiste Patrice Moret, qui fait partie à la fois au quartet dʼElina et du
trio de Colin, laisse entrevoir dans ces plages toute son intelligence musicale dans sa
façon de choisir les notes et démontre lʼétendue de sa sensibilité dans son entente quasi
télépathique avec le batteur Norbert Pfammatter. Duni a parfaitement conscience de la
qualité de sa formation et reconnaît aisément que la magie de la musique réside en
grande partie dans lʼinteraction dont font montre les membres de lʼorchestre. “Je nʼai
jamais voulu être une chanteuse accompagnée par un trio. Depuis le début je donne
beaucoup de place aux musiciens pour quʼils sʼexpriment, improvisent et expérimentent
avec ma voix. Je ne suis quʼune instrumentiste parmi les autres. Au fil du temps nous
avons acquis une compréhension mutuelle qui nous permet dʼaller partout où nous le
désirons...“
Après deux albums pour Meta Records – "Baresha" et "Lume Lume" (parus en 2008 et
2010) “Matanë Malit” permet au quartet dʼatteindre un nouveau palier dans lʼélaboration de
son travail. Ce nouvel album a été produit par Manfred Eicher aux Studios La Buissonne,
près dʼAvignon, en février 2012.
ELINA DUNI
La voix dʼElina Duni naît de lʼécrit. Ce ne
sont pas seulement ces deux
générations dʼécrivains qui rôdent audessus de sa tête. Un grand-père au
chapeau de feutre, déclaré malade
mental par un dictateur qui voulait le faire
taire. Une mère qui a choisi le lointain, la
confession de lieux disparus, le roman
parce que la fiction précède toujours le
réel et lʼentérine. Elina Duni avait depuis
sa naissance des mots encombrants qui
devaient vriller en souffles. Elle est
devenue chanteuse pour en dire
davantage que ce que sa langue, un
albanais volé au rêve, contient.
Au départ, quand elle sʼest mise à
enregistrer, Elina avait tout au fond dʼelle
une impatience que ses interlocuteurs ne
pouvaient ignorer. Affleuraient déjà le
silence imposé, lʼexil qui mine, des
mémoires conscientes et enfouies dʼun
pays quʼelle avait quitté. Elle a publié
deux albums, Baresha, et puis Lume
Lume, des airs de mariage et dʼinfortune,
des traditions conquises sur
lʼoppresseur, la poésie qui sʼimmisce,
mauvaise herbe dans les failles dʼun régime ubuesque. Ce qui frappait, déjà, cʼétait sa
justesse.
Une voix tendue comme un fil à linge. Elle savait précisément, malgré lʼémotion, à quoi lui
servirait ce chant. A redessiner, parcelle par parcelle, ce pays manquant ; de la même
manière que, dans une nouvelle de Borges, un cartographe de précision retrace la Chine
grandeur nature.
Elina Duni revient aujourdʼhui avec Matanë Malit, « de lʼautre-côté de la montagne ». Le
pays où elle vit depuis longtemps, cette Suisse du bout et du centre du monde, se cache
derrière une armée de pics neigeux qui protègent et éloignent. Il y a, dans ce titre,
lʼhommage au voyage, la nostalgie des fuites et de ce quʼon a laissé. « Sous lʼenveloppe
de plastique, le citronnier se fit nébuleux comme dans une semi-inconscience », écrit
Ismail Kadare dans Le Concert. Elina Duni met entre elle et ses origines un voile
translucide, une distance de conte. Elle chante dans cette langue, celle de son enfance ;
une langue si ancienne et dense quʼon ne se résolut à lʼécrire quʼau XIXe siècle. Elina
crochète une origine à partir de traces.
LʼAlbanie, pour elle, ce sont les chants de partisan de son grand-père, la grande histoire
rimée des guerres ratées, les mélopées dʼeau fraîche de la diva Vaçe Zela, des joies
intimes dans le brasier des autorités. LʼAlbanie nʼa connu Elina quʼenfant. Alors, dans sa
voix de femme, presque maternante, Elina laisse poindre des pirouettes de comptine. Elle
chante « nous nous aimons depuis un an et demi, petite fille, et personne ne le sait »,
avec une grâce tragique dʼamoureuse sans destinataire. Elle rameute des bravoures
ottomanes, les ruelles gamines, lʼobsession du départ, des protest songs bannies par les
communistes pour leurs odeurs jazz. Elina Duni pense autant à ceux qui sont restés
quʼaux diasporas pour lesquelles les berceaux sont des souches.
Il faudrait parler des bergers, des prisons, du fascisme italien, des migrations grecques et
de ces paroles dʼIsmail Kadare dans le morceau « Kristal » ; elles traitent dʼune mémoire
qui se meurt jour après jour et dʼun mausolée de verre. Mais Elina est dʼabord musique.
Elle capture dʼune seule respiration. Lorsquʼelle abandonne son ventre pour des hauteurs
qui font frissonner. Une fragilité sûre qui fait penser à Jeanne Lee en des brumes
orientales. Une famille de voix qui ne sʼabandonne pas au vibrato mais au mot dit. Une
rigueur de moyens qui nʼexclut jamais la sensualité. Elina a choisi autour dʼelle une
batterie de mains nues, Norbert Pfammatter, une contrebasse à lʼarchet caressant, Patrice
Moret.
Et puis un pianiste, Colin Vallon. Il surgit à lʼinstant précis où la musique exige des racines,
des frottements, la transe ralentie dʼune ritournelle qui dissone. Cette album vous frappe
parce quʼon croit lʼavoir compris en une minute dʼair mesuré et de volutes balkaniques. Il
vous frappe parce quʼil sʼamuse à contredire lʼimpression première, celle dʼun ethno-jazz
des profondeurs. Et il vous frappe encore parce quʼElina, jamais, nʼoublie de quoi elle
parle. Sa voix est un pont suspendu sur des échos qui ne sʼéteindront pas.
Arnaud Robert
Traduction des paroles en anglais
1) Ka një mot / For a year
Music & lyrics: Muharrem Gurra
This is a song from Tirana, central Albania.
Ka një mot e gjysëm viti
që u deshëm moj gocë e vogël
njeri s’e diti.
For a year and a half
we have loved each other little girl
and no one knew it.
Asnjeri nuk e diti
përveç teje moj gocë e vogël
edhe shpirtit.
No one knew it
only you little girl
and my soul.
Përveç teje edhe shpirtit
qysh atë ditë kur ta vuna unazën
te gishti.
Only you little girl and my soul
until the day I put a ring
on your finger.
2) Kjani trima / Cry brave ones
Trad. arr. Elina Duni
This song can be found in different versions. From
the Alvanitas, the Albanians of today’s Northern
Greece; and from the Arbëresh, Albanians living in
Southern Italy. This is an Alvanitas version, which
probably relates to the Suliot hero Marko Boçari who,
together with the Greeks, fought against the Ottoman
Empire in the 19th century.
Kjani trima, kjani gjithë me lotë
se iku djavi ç’hë na bënej dritë.
Shkova ga dera jote s’kish njeri
shkova ga udha e krojt e nuk të pash’.
Cry brave ones, cry all your tears
the sun that enlightened us is gone.
I went by your home, you were not there.
I went to the well, but I didn’t see you.
Kërkova gjitoní për gjitoní
e mosnjeri më tha se ti ku je.
Një mnjegul e zëzë më vu në si
më thajti gujntë e më ngrifti dejt.
I searched the whole neighbourhood
nobody could tell me where you were.
A dark mist came to my eyes
my knees got weak, my blood ran cold.
Një herëzë m’u ngrova në shtëpi
si zog i varfër ç’hë jam pa folje.
Kjani trima, kjani gjithë me lotë
Se iku djavi, ç’hë na bënej dritë.
I went home to warm my soul
but I felt like a homeless bird.
Cry brave ones, cry all your tears
the sun that enlightened us is gone.
3) Kur të kujtosh / When you remember
Music: Elina Duni / Lyrics: Bessa Myftiu
Dhe kur të kujtosh shtëpinë e vjetër
miqtë e humbur
dhe miqtë e vdekur,
kur të kujtosh pyjet e gjelbër
dhe rrugët, rrugicat e fëminisë,
ndërmend do më sjellësh dhe mua
të huaj, të huaj, të huaj,
si një statujë që i theve krahun
egërsisht duke e përqafuar!
And when you remember the old house,
the friends we’ve lost
and those who are gone.
The green forests
and our childhood streets.
You will remember me too
like a stranger.
Like a statue whose arm you broke
in a wild embrace.
4) Vajzë e valëve / Girl of the waves
Music & lyrics Neço Muko
This song is from the Himara region, Southern
Albania, and refers to the emigration culture, when
men used to marry and then leave the country.
Vajzë e valëve
zemra më s’ja mban.
E mbi një gur anës së detit
qan e zeza, qan e mjera, qan e zeza qan.
Girl of the waves
her heart can’t bear it anymore.
On a rock by the sea,
she weeps, poor girl, she weeps.
Pret atë që pret
dhe një dhembje ndjen.
Gjithë bota venë e vijnë
por ai nuk vjen, e mjera, por ai nuk vjen.
Waiting for the one
while pain tears her apart.
All come and go
only he doesn’t appear.
Ju të bukur zogj
tek ju kam një shpresë.
Ju që shkoni det e male
dua t’ju pyes, e mjera, dua t’ju pyes.
“Beautiful birds
my only hope lies in you.
You who fly over land and sea
please listen to my plea.”
Mos e patë ju
rron apo nuk rron?
Ndonjë lajm a ndonjë letër
vallë a më kujton, e mjera, vallë a më kujton?
“Did you see him
is he dead or alive
is he writing a letter
does he still remember me?”
5) Unë ty moj / Me and you
Trad. arr. Elina Duni Quartet
This love song is from the Elbasan region, central
Albania.
Unë ty moj të kam dashtë ije
prej së vogli, si fëmijë.
I have been in love with you
since I was a little child.
S’të vjen keq ije
me më lanë ije.
E të marrësh
hajde moj tjetër njeri.
Don’t you have
any mercy?
How could you leave me
and marry another man?
Sytë e mi moj po t’shikjojnë ije,
qajnë e rrjedhin si burim.
My eyes are looking at you
while they cry and flow like a stream.
Ah moj zemër ije
qysh durove ije ?
Digju digju
hajde ti o shpirti im.
Oh you heart of mine
How could you stand it?
Burn my soul,
burn.
6) Erë pranverore / Spring Breeze
Music: Tish Daia / Lyrics: Llazar Siliqi
This song was written in 1962, for the 1st Albanian
National Festival, where it was sung by the great
Albanian singer Vaçe Zela. Because of its lyrics and
its jazzy sound, it was judged subversive by the
communist regime. Thus, the song was criticized and
forbidden after it was sung on the festival’s first night.
Kur agon më qesh fytyra
n’zemër m’len dashunia.
Me gëzu më grish natyra
çel pranverë si përherë.
When the sun rises there's a smile on my face
in my heart love is born.
Nature invites me to be cheerful,
as spring is blooming, as always.
Fluturon fluturon
në qiellin plot hare.
O erë pranverore
Ku jeta vlon fluturon
ku rriten pallate madhështore
që ngrihen per ne.
It flies, it flies
in the joyful sky.
There is a spring breeze everywhere.
Where life is pulsing
where new and grand buildings
spring up for us.
Në bulevardet u lulëzun mimozat
u lulëzun mimozat plot aromë.
Dashnorët presin tuj këndu pranverën
tuj këndu pranvera ne na fton,
Na fton, na fton plot hare.
Down the boulevards,
under the mimosa trees
while they sing, lovers are waiting for spring to come.
And as it comes,
spring calls us to rejoice.
7) Çelo Mezani
Trad. arr. Elina Duni Quartet
This song refers to local Southern Albanian hero
Çelo Mezani.
Mu te pusi i Sulejmanit
pusi e Çelo Mezanit
Kur na ra me artinë e parë
Çelua na ktheu surranë.
At the well of Sulejmani
the well of Çelo Mezani.
When they shot him once
Çelo turned his face down.
Kur na ra me artinë e dytë
Çelua gremisi sytë
Kur na ra me artinë e tretë
Çelua u vra me të vërtetë.
When they shot him twice
Çelo closed his eyes.
At the last shot
Çelo died for real.
Vanë nënës e ja thanë
se Çelon e kanë vrarë
Mos ma thoni këtë fjalë
se Çelon e kam të gjallë.
When they went to his mother
and told her he was gone
she couldn’t believe it,
no she couldn’t believe it.
8) Ra kambana / The bells are ringing
Trad. arr. Elina Duni Quartet
Here is a famous song from the Alvanitas, the
Albanians living in today’s Northern Greece.
Ra kamba, ra kambana e papandisë
gru vajzo të vesh në klishë.
The bells are ringing
get up little girl and go to church.
Ra kamba, ra kambana dy tri herë
gru vajzo të vesh çemperë.
The bells are ringing
get up little girl and put on your veil.
Eja nani katanani
ç’ është mëma ga postani.
Come here little girl
as your mother is by the well.
Eja të, eja të të puth një herë
nani çë kam pirë verë.
9) Çobankat / The shepherdesses
Trad. arr. Elina Duni Quartet
Come here little girl
I have been drinking wine and I want to kiss you.
This old Southern Albanian song is about the
shepherdesses who want to break free from tradition
and find their own way of living. During the
communist regime, the lyrics were changed and the
“progressive shepherdesses” were transformed into
“brave sheperdhesses” who would bring food and
sew socks for the partisans fighting the fascists in the
mountains.
Çobankat moj që shkojnë zallit dhe moj çobankat
për inat moj të çobanbashit dhe moj çobankat.
The shepherdesses walk on the pebbles
to anger the shepherd chief.
O, rri, rri, o moj të mjerat
sa lezet ju kanë balukeprerat,
O moj të mjerat, balukeprerat.
Poor women
How beautiful they are
with their fringes.
Çobankat moj që shkojnë drenicës dhe moj çobankat The shepherdesses walk under the dogwood trees
për inat moj të dhaskalicës dhe moj çobankat.
to anger the schoolmistress.
O, rri, rri, o moj të mjerat
sa lezet ju kanë kalemqarkat,
O moj të mjerat, balukeprerat.
Poor women
How beautiful they are
with combs in their hair.
Çobankat moj që shkojnë malit dhe moj çobankat
për inat moj të dhaskalit dhe moj çobankat.
The shepherdesses walk to the mountain
to anger the schoolteacher.
O, rri, rri, gratë e Oçishtit
shtatë a tetë unaza rreth pas gishtit,
O moj të mjerat, balukeprerat.
The women of Oçisht
they have seven to eight rings on their fingers.
Poor women, how beautiful they are with their
fringes.
10) Kristal
Music: Elina Duni / Lyrics: Ismail Kadare
Ka kohë që s’shihemi dhe ndjej
Si të harroj unë dal’ngadal,
Si vdes tek unë kujtimi yt
Si vdesin flokët dhe gjithçka.
It’s been a long time since we saw each other
and I feel I am forgetting you.
Your memory dies in me day by day
and so does your hair and everything.
Tani kërkoj unë posht’ e lart
Një vend ku ty të të lëshoj.
Një strofë a notë a një brilant
Ku të të lë, të puth të shkoj.
Now I’m looking then and there
for a place to drop you.
A verse, a note or a diamond
then I shall kiss you and depart.
Në s’të pranoftë asnjë varr,
Asnjë mermer a morg-kristal,
Mos duhet vallë prap’ të të mbart
Gjysmë të vdekur, gjysmë të gjallë?
If no grave will welcome you
no marble or crystal sepulchre.
Will I have to carry you with me
half-dead and half-alive?
Në s’gjetsha hon ku të të hedh
Të gjej një fushë a një lujnajë
Ku butësisht porsi polen
Gjithkund, gjithkund të të shpërndaj.
If I can’t find a chasm to throw you away
then I’ll look for a lawn or a field,
Where softly, like pollen
I will spread you.
Të të mashtroj ndoshta kështu
Dhe të të puth e t’ik pa kthim
Dhe nuk do dimë as ne, askush
Harrim ish ky a s’ish harrim ?
11) U rrit vasha / The girl has grown up
Trad. arr. Elina Duni Quartet
Then I’ll trick you into an embrace
and go away irrevocably.
And neither of us will know
if that was forgetting or not.
A wedding song from Kosovo.
Hej u rrit vasha o n’hije t’plepit
Of aman aman bilbilat po këndojnë.
Hej o shkoi nuse rrethit t’qytetit
Of aman aman bilbilat po këndojnë.
The girl has grown up
under the birch tree.
And she is getting married in the city.
and the birds sing.
Hej u rrit vasha o n’hije t’manit
Of aman aman bilbilat po këndojnë.
Hej o shkoi nuse rrethit t’Gjilanit
Of aman aman bilbilat po këndojnë.
The girl has grown up
under the mulberry tree.
And she is getting married in Gjilan.
and the birds sing.
Hej u rrit vasha o n’at’ malësie
Of aman aman bilbilat po këndojnë.
Hej o ju rrit shtati o si selvie
Of aman aman bilbilat po këndojnë.
The girl has grown up
in our mountains.
Her body is tall like a cypress
and the birds sing.
12) Mine Peza
Trad. arr. Elina Duni Quartet
Ku e kam vajzën, ku e kam djalin?
M’i kanë mbyll në burg të zi.
Farefisin m’a kanë tretur
larg në ishuj n’Itali.
Oh ju morët shpresën time, mos m’i çoni n’Itali.
Jo ata nuk kanë ba krime
për atdhe s’deshën robëni.
Të shkatërrojmë prangat mizore
hidhet nëna si rrufe.
Mitrolozi n’dorë tradhëtare
rrëzoi nënën përmbi dhe.
This song was probably written in Tirana around
1938-40, during the time when fascist Italy occupied
Albania. It was inspired by the true story of a woman
named Mine Peza.
Where is my daughter, where is my son?
They have been
locked up in prison,
far away in Italy.
You took away all my hope
they didn’t commit any crime
but only fought for the freedom of their homeland.
Let’s cast off the chains of this cruel occupation
cries the mother.
But the gun in the hand of the treacherous soldier
shoots the mother dead.