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FAIT CLINIQUE L’HYDRONEPHROSE GEANTE: A PROPOS DE 3 CAS ET REVUE DE LA LITTERATURE Yoro Diallo*, Aliou Amadou Dia**, Saint Charles Kouka*, Cyrille Ze Ondo***, Yaya Sow***, Boubacar Fall***, Babacar Diao***, Alain K. Ndoye***, Cheikna Sylla*, Baye A. Diagne*** (Thiès, Sénégal) *Département d’Urologie – UFR des Sciences de la Santé – Université de Thiès ** Département de Radiologie – UFR des Sciences de la Santé – Université de Thiès ***Service d’Urologie-Andrologie du CHU Aristide Le Dantec RESUME : Les auteurs rapportent 3 cas d’hydronéphrose géante, qui est une affection rare dont le tableau clinique est dominé par une masse déformant l’abdomen.Les patients étaient âgés respectivement de 31 ans, 10 ans et de 6 ans, et présentaient comme principal signe une masse abdominale. La fonction rénale était normale chez nos trois patients. L’uroscanner avait permis de poser le diagnostic chez les trois patients. Ils ont eu une néphrostomie de dérivation puis une néphrectomie. L’évolution été favorable et les suites ont été simples. L’intérêt de ce travail est d’étudierles aspects épidémiologiques, cliniques et thérapeutiques de l’hydronéphrose géante dans notre contexte. Mots-clés : hydronéphrose géante, déformation abdominale, uroscanner, néphrectomie. SUMMARY:The authors report 3 cases of giant hydronephrosis, which is rare disease whose clinical picture is dominated by a mass distorting the abdomen. The patients were aged respectively 31 years, 10 years and 6 years.Theypresented an abdominal mass as the main sign, and renal function was normal. CT scan allowed diagnosis in all cases. They had a nephrostomy bypass and nephrectomy. The evolution was favorable and the postoperative course was uneventful. The interest of this work is to study the epidemiological, clinical, radiological and therapeutical aspect of giant hydronephrosis.Keywords:giant hydronephrosis, abdominal deformity, CT scannephrectomy. Correspondance et tiré à part Docteur Yoro DIALLO : Maître-Assistant à l’UFR Sciences de la santé, Université de Thiès (Sénégal) BP. 967 Thiès. E-mail : [email protected] 86 J Afr Imag Méd 2014; (6), 1: 86-91 Y Diallo et al INTRODUCTION : L’hydronéphrose géante se définit comme une importante dilatation pyélocalicielle occupant ainsi une grande partie de la cavité abdominale ou une dilatation contenant plus de 1 litre d’urine et débordant la ligne médiane à la radiographie [1]. C’est une affection rare responsable d’une déformation importante de l’abdomen et d’une dégradation de la fonction rénale. Dans la majorité des cas, l’hydronéphrose entraine une distension extrême des différentes structures qu’il est prudent d’effectuer une plastie dans le cas de la chirurgie conservatrice ou d’une néphrectomie. L’imagerie joue un rôle prépondérant dans le diagnostic et le bilan pré-opératoire. L’intérêt de ce travail est d’étudier les aspects épidémiologiques, cliniques, radiographiques et thérapeutiques dans notre contexte et proposer une revue de la littérature. OBSERVATIONS Cas N°1 :il s’agissait d’une patiente de 31 ans, sans antécédents particuliers, reçu dans un tableau de masse abdominale indolore, de vomissements, d’amaigrissement non chiffré et de constipation évoluant depuis 8 ans environ, chez qui l’examen avait objectivé une asymétrie abdominale au dépend d’une volumineuse masse de l’hypochondre droit débordant la ligne médiane et atteignant le flanc homolatéral et la région péri-ombilicale. La biologie avait objectivé une bonne fonction rénale avec une créatininémie de 13 mg/l, un ECBU négatif, une CRP inférieure à 6 mg/l etune anémie avec un taux d’hémoglobine à 8 g/dl. L’échographie avait objectivé un volumineux rein droit multi-kystique avec une mauvaise différenciation cortico-médullaire. La tomodensitométrie abdomino-pelvienne avait permis de poser le diagnostic de d’hydronéphrose géante due à un syndrome de la jonction pyélo-urétérale en objectivant une volumineuse dilatation pyélocalicielle débordant la ligne médiane associée à un parenchyme aminci presque inexistant par endroit (figure 1). Une néphrectomie droite avait été effectuée,après correction de l’anémie et avait permis d’évacuer environ 6,3 litres d’urines limpides et stériles. Les suites post-opératoires ont été simples avec une bonne reprise du transit et une nette amélioration de l’état général. Cas N°2 : il s’agissait d’un enfant âgé de 10 ans, sans antécédents particuliers reçu pour masse abdominale douloureuse associée à une anorexie et un amaigrissement non chiffré. La masse évoluerait depuis l’âge de 3 ans augmentant progressivement de volume. L’examen physique avait objectivé une volumineuse masse occupant la fosse lombaire droite et atteignant l’épigastre, la région périombilicale et la fosse iliaque droite. La biologie avait objectivé une créatininémie légèrement élevée à 16 mg/L, une absence d’infection urinaire à l’ECBU et une anémie modérée avec un taux d’hémoglobine à 10 g/dl. L’échographie avait objectivé une volumineuse masse rénale droite hydrique et cloisonnée faisant évoquer un rein multikystique ou une hydronéphrose géante. Une urographie intra-veineuse avait objectivé une stase de produit de contraste dans les cavités pyélocalicielles atteignant la fosse iliaque droite(fig. 2). La tomodensitométrie avait confirmé le diagnostic en montrant une importante dilatation pyélocalicielle du rein droit avec parenchyme rénal aminci(fig. 3). Une néphrostomie droite avait été réalisée et avait permis d’évacuer environ 2, 74 litres d’urines stériles. Un traitement à base de fluoroquinolone et de fer avait été institué. Une pyéloplastie avait été réalisée 3 semaines plus tard. Les suites post-opératoires ont été 87 J Afr Imag Méd 2014; (6), 1: 86-91 Y Diallo et al marquées par une fistule cutanéo-pyélique cutanéo ayant persisté pendant trois semaines semaine avant sa fermeture spontanée. L’enfant avait été suivi pendant 1 an 8 mois ; l’évolution était marquée par une amélioration de la fonction rénale. Cas N°3:: Il s’agissait d’une fille âgée de 6 ans, adressée par la pédiatrie pour prise en charge d’une volumineuse umineuse masse abdominale indolore, associée à des vomissements et un retard de croissance. L’examen avait objectivé une masse lombo-abdominale abdominale gauche atteignant l’ombilic et la fosse iliaque gauche. On notait des plis de déshydratation et de dénutrition. La biologie avait objectivé une créatininémie à 11 mg/l,un taux d’hémoglobine à 11 g/dl, l’ECBU était négatif. L’échographie avait objectivé un rein multi-kystique multi gauche. La tomodensitométrie avait objectivé object une volumineuse hydronéphrose gauche due à un syndrome de la jonction pyélo-urétérale pyélo avec un parenchyme aminci et une hypertrophie compensatrice du rein droit (figure ( 4).Une néphrectomie gauche a été proposée et effectuée avec évacuation d’environ 5,04 5,0 litres d’urineslimpides. Les suites ont été marquées par des épisodes de diarrhées et nausées qui avaient disparu sous traitement symptomatique. R Fig 1:Tomodensitométrie Tomodensitométrie abdominale après balisage du tube digestif montrant une volumineuse hydronéphrose droite poly polycloisonnée se présentant l’aspect d’un rein multikystique (cas n°1). Fig2 : Aspect d’hydronéphrose géante droite atteignant la fosse iliaque il droite à l’urographie intra--veineuse avec une stase du produit de contraste au sein des cavités pyélocalicielles (cas n°2). 88 J Afr Imag Méd 2014; (6), 1: 86-91 Y Diallo et al . Fig 3 :Uroscanner montrant une hydronéphrose géante droite dépassant la ligne médiane et refoulant les anses digestives (cas n°2). DISCUSSION : ntité clinique L’hydronéphrose géante est une entité rare, depuis sa première description en 1746 par Ochsner [2], environ 200 cas d’hydronéphrose géante ont été décrits à travers le monde [3]. L’hydronéphrose géante réalise une dilatation importante en rapport avec un obstacle le plus souvent siégeant au niveau de la jonction pyélo-urétérale et parfois entrainant une destruction totale du parenchyme rénal [4]. Chez l’enfant, Crooks et al. définissent une hydronéphrose géante comme un volumineux rein dilaté qui occupe un hémi-abdomen, abdomen, qui atteint nt ou franchit la ligne médiane, et au moins 5 vertèbres en longueur [11]. Harper[1]avait estimé à 10% le taux de conservation de la fonction rénale du rein malade. L’appréciation du volume de l’hydronéphrose est variable allant de 1 litre d’urines à plusieurs eurs dizaines de litres.Tulp [5] avait retrouvé une hydronéphrose majeure historique de 32 litres,Vichwanath[6]avait décrit un cas contenant 15 litres d’urines. Dans notre travail, la quantité de liquides évacués variait de 2,74 à 6litres. Fig 4 : Uroscanner objectivant une hydronéphrose géante gauche cloisonné avec un index cortico-médullaire laminé et un refoulement des anses intestinales vers la droite (cas n°3). La principale cause reste les anomalies congénitales de la jonction pyélo-urétérale pyélo qui est retrouvée dans 80% des cas [3]. D’autres causes peuvent être retrouvées comme le croisement avec un vaisseau polaire inférieur, la lithiase iase obstructive, la fibrose rétropéritonéale [4] et le méga-uretère méga obstructif [11]. Il existe un phénomène mécanique de compression permanente du parenchyme rénal et de laminage due à la distension extrême des parois,à l’origine d’une dégradation progressive sive de la fonction rénale. Ceci expliquerait en partie le choix de la néphrectomie proposée d’emblée. Sur le plan clinique, la manifestation clinique habituelle est la volumineuse masse déformant l’abdomen accompagnée de sensation de pesanteur [6]. D’autres signes peuvent l’accompagner notamment des douleurs abdominales ou lombaires, de constipation, de dyspnée voired’une hématurie [5]. L’hydronéphrose géante peut également se présenter sous forme d’un syndrome occlusif dû à la compression des anses intestinales[12, 15,16]. 89 J Afr Imag Méd 2014; (6), 1: 86-91 Y Diallo et al Sur le plan imagerie, l’échographie abdominale est l’examen de première intention devant une symptomatologie de la fosse lombaire mais aussi dans la recherche d’un syndrome obstructif [14]. L’échographie est aussi un mode de découverte relativement fréquent d’une dilatation pyélocalicielle asymptomatique [14]. L’hydronéphrose, à l’échographie, se caractérise par la présence d’une importante dilatation anéchogène des cavités pyélocalicielles avec un uretère non dilaté. Une exploration du rein controlatéral est indispensable afin d’y rechercher une hydronéphrose bilatérale et/ou une hypertrophie compensatrice. En plus du diagnostic positif, l’exploration échographique peut orienter vers le diagnostic étiologique en montrant une lithiase urinaire enclavée dans la jonction pyélo-urétérale qui entraîne une image hyperéchogène avec cône d’ombre acoustique, un vaisseau polaire inférieur croisant la jonction pyélo-urétérale recherché en mode doppler couleur. L’urographie intraveineuse (UIV) a été longtemps l’examen de référence dans le diagnostic d’un syndrome obstructif fournissant des renseignements à la fois fonctionnels et anatomiques, avec une excellente résolution spatiale pour l’étude de la lumière de la voie excrétrice[14]. Mais ces renseignements peuvent être incomplets devant une mutité rénale sur une hydronéphrose géante. De nos jours, l’UIV est supplantée par l’uroscanner. La tomodensitométrie (uroscanner) reste l’examen de référence et permet montrer la dilatation des cavités rénales avec un rein dépassant le plus souvent la ligne médiane. L’uroscanner permet d’estimer le volume et évalue le retentissement fonctionnel rénal en étudiant la sécrétion, l’excrétion et l’épaisseur corticale. Il permet, en outre, de mettre en évidence sur les reconstructions MIP le « croisement vasculaire » sur la phase artérielle en montrant un vaisseau polaire croisant la jonction pyélourétérale, dans le contexte d’un syndrome de la jonction pyélo-urétérale. Il recherche les anomalies associées (malrotation rénale, rein « fer en cheval »)[8], dépiste les complications (lithiases, urinome, infection, destruction parenchymateuse) et enfin fait le bilan pré-opératoire[14]. Sur le plan thérapeutique, la destruction totale du parenchyme rénal et la rétention importante d’urine justifiel’indication de la néphrectomie par voie laparoscopique, ceci d’autant plus que le rein controlatéral fonctionne correctement [4,13]. Cependant, certains auteurs comme Minki [7, 9, 13], préconisent d’emblée une chirurgie conservatrice par unepyéloplastie ou une néphroplication et une antibiothérapie pour prévenir le risque infectieux.Il est plus judicieux d’effectuer une néphrostomie percutanée d’abord et de discuter une éventuelle néphrectomie ou une chirurgie conservatrice en fonction de récupération de la fonction rénale. CONCLUSION : L’hydronéphrose géante est une affection rare, de diagnostic aisé reposant sur l’imagerie notamment la tomodensitométrie. La fréquence des formes asymptomatiques fait que la consultation est motivée à un stade tardif de constitution majeure de l’hydronéphrose, d’où l’intérêt du diagnostic anténatal des syndromes de la jonction pyélourétérale qui constitue la principale étiologie et leur suivi après la naissance. 90 J Afr Imag Méd 2014; (6), 1: 86-91 Y Diallo et al REFERENCE : 1. Harper DJ, Shak SK, Baldwin DD, Moorhead JD. Laparoscopic nephrectomy for pediatric giant hydronephrosis. 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