DELBERE

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DELBERE
TRIBUNAL
D E GRANDE
INSTANCE
DE PARIS
3ème
chambre
JUGEMENT
rendu le 15 Septembre 2004
lère section
NoMINUTE :
3
Assignation du :
16 Avril 2002
DEMANDERESSE
Socqté ALDEMAR AG
Baaqestrasse
8 CH 6301 Zug
COI~EEDERATIONHELVETIQUE
reprbsentée par Me Christian HOLLIER-LAROUSSE, avocat au barreau de
PARUS, vestiaire El219
INTERVENANTE VOLONTAIRE
Socifté C & A France
reprdsentée par Me Christian HOLLIER-LAROUSSE, avocat au barreau de
P W S , vestiaire El219
S.A. CHRISTIAN DIOR COUTURE
42 me Kleber
75016 PARIS
Expéditions
exécutoires
délivrées le :
repr+entée par Me Michel-Paul ESCANDE, avocat au barreau de PARIS,
vestihre G 493
COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DEBATS ET DU
DELBERE
Marie-Claude APELLE, Vice-Président
Mar~berite-MarieMARION. Vice-Président
Edoubrd LOOS, Vice-Président
GREgFIER LORS DES DEBATS : Annie VENARD-COMBES, Greffier,
GRE$FIER LORS DU PRONONCE : Caroline LARCHE, Greffier,
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3ème Chambre Ière Section
Jugement du 15 septembue 2004
A I'apdience du 24 Mars 2004 tenue publiquement devant Marguerite-Marie
MANION Vice-Président, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats,
a tenp seule l'audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a
rendq compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 786 du
Nouveau Code de Procédure Civile.
-
JUGEMENT
Pronancé en audience publique
Contmdictoire
en prqmier ressort
La Société ALDEMAR A.G., société de droit helvétique dont le
Siège pst a Baarestrasse, 8- CH-6301 ZUG (Confédération Helvétique), ciaprèsdésignée ALDEMAR, indique être une société créée par le GROUPE
C & 4 dans le but, notamment, de gérer l'ensemble des marques de celui-ci;
Elle précise être titulaire de plusieurs marques dont :
- l a marque communautaire nominative RODEO déposée le 1er avril 1996,
enregiptrée le 22 décembre 1997 et publiée le 15 mai 1998 sous le
n' 000)106252dans les classes 18,25 ("Vêtements, chaussures, chapellerie")
et 28;
-la marque communautaire nominative RODEO déposée le 03 avril 1998,
enregi trée le 18 janvier 1999 et publiée le 20 décembre 1999 sous le
n' 00$790154 dans les classes 3,9 (notamment "Appareils et instruments
scientifiques, géodésiques, électriques, p h o t o g r a p h i q u e s ,
ciném tographiques, optiques, de pesage, de mesurage, de signalisation
(balis ge), de contrôle (inspection), de secours (sauvetage) et
d'ensqignements; (...),14, 21, 22, 31, 36, 37et 39;
!
La Société C & A FRANCE (ci-après désignée C & A) estime avoir
acquis une notoriété dans le domaine des textiles et indique qu'elle exploite en
France les marques RODEO dont la Sté ALDEMAR est propriétaire; elle
précis$ qu'elle fait l'acquisition de ses articles par la Centrale d'Achats du
GROUPE C & A, la société de droit allemand C & A BUYiNG qui les livre
à la Stf C & A FRANCE laquelle commercialise ainsi dans ses magasins des
vêtemqnts et des lunettes sous la marque RODEO;
La Société CHRISTIAN DIOR COUTURE S.A., désignée, ciaprès PIOR ou Sté DIOR, commercialise depuis septembre 2000 un modèle
de lunqttes "CHRISTIAN D I O R dénommée "RODEO DRIVE";
***
La Sté ALDEMARdécouvrant cette commercialisation, obtenait une
ordonnance du Président du Tribunal de Grande Instance de Paris en date du
14 mars 2002 l'autorisant à faire pratiquer une saisie-contrefaçon laquelle était
effectuée le 02 avril suivant par Maître PEVERI-MARIONNEAU, huissier de
Justice à Paris (Ier) dans les locaux de la Sté DIOR, 30 avenue Montaigne à
Paris (VIIIème);
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Par courrier du 05 avril 2002, la Sté DIOR indiquait à ALDEMAR
que la,première commercialisation des lunettes litigieuses était de septembre
2000,254 paires de lunettes ayant été vendues dans ses points de vente ce qui
représentait un chiffre d'affaires de 42 776 euros, précisant qu'aucuncatalogue
ou brochure destiné au public n'avait été édité;
Contestant cette dernière information, ALDEMAR obtenait une
nouvelle ordonnance du Président du Tribunal de Grande Instance de Paris en
date du 25 avril 2002 l'autorisant à faire pratiquer une saisie-contrefaçon; en
exécution de cette ordonnance, une première saisie-contrefaçon était effectuée
le 07 mai suivant par Maître PEVERI-MARIONNEAU, huissier de Justice à
Paris (Ier) dans les locaux du magasin à l'enseigne "LES OPTICIENS
CONSEILS", 130, rue de Rivoli à Paris (Ier) et, une seconde, le même jour et
par le même huissier instrumentaire, dans les locaux du magasin à l'enseigne
"AFFLELOU" au 140 de la même rue de Rivoli; à l'occasion de ces
opérations, l'huissier saisissait en copies diverses brochures et catalogues
mentiqnnant les lunettes litigieuses;
Après avoir engagé la présente procédure, ALDEMAR faisait
procéder le 04 mars 2003 à un P. V. de constat d'achat d'un exemplaire des
lunettes litigieuses dans le magasin "GRAND OPTICAL", 41, boulevard du
Montparnasse à Paris (XIVème), par Maître LE MAREC, huissier de Justice
associé à Paris (Vlème);
Par exploit d'huissier du 16 avril 2002,la Société ALDEMAR A.G.,
société de droit helvétique dont le Siège est à Baarestrasse, 8- CH- 6301
ZUG (Confédération Helvétique) a fait assigner la Société CHRISTIAN
DIOR COUTURE S.A. devant le présent Tribunal;
L'affaire était enrôlée au Greffe sous le n' 02-06630;
Par exploit d'huissier du 12 mai 2002, la même Sté ALDEMAR
A.G. a fait assigner la même Sté CHRISTIAN DIOR COUTURE S.A.
devant le présent Tribunal;
L'affaire était enrôlée au Greffe sous le n' 02-08381;
Par ordonnance du 16 septembre 2002, le Juge de la Mise en Etat
procédait à la jonction de la seconde procédure avec la première;
Par conclusions déposées le 3 1 mars 2003 la Société C & A FRANCE
intervenait volontairement en demande;
***
Dans leurs dernières écritures, les sociétés ALDEMAR G.A et C &
A FRANCE demandent au Tribunal e i
1 ' - en application des dispositions des articles 328 et suivants du
N.C.P.C., de recevoir la Sté C & A FRANCE en son intervention volontaire;
2'- en application des dispositions des articles L 711-1 et suivants du
C.P.I., du Règlement (CE) na40/94du 20 décembre 1993, de l'article 1382 di1
Code Civil. du Décret nn20026216du 18février 2002,
- dire que la Sté ALDEMAR A.G. A la propriété exclusive de la
marque cominunautaire " R O D E 0 n' 000790 154 pour désigner, notamment,
les "appareils et instmments optiques";
LI
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- dire que la Sté ALDEMAR A.G. A la propriété exclusive de la
maque communautaire "RODEO" n' 000106252 pour désigner, notamment,
les "vêtements";
- dire que I'usage par la Sté CHRISTIAN DIOR COUTURE de la
dénomination "RODEO D R I V E pour des lunettes de soleil constitue la
contrefaçon de la marque communautaire "RODEO" no 000790154 en
application de I'article L 713-2 du C.P.I. et, en tout état de cause, en
appliçation de l'article L 713-3 du C.P.I.;
- dire que l'usage par la Sté CHRISTIAN DIOR COUTURE de la
dénomination "RODE0 DRIVE" pour des lunettes de soleil constitue la
contrefaçon de la marque communautaire "RODEO n" 000106252 en
application de I'article L 713-3 du C.P.I.;
- dire que I'usage par la Sté CHRISTIAN DIOR COUTURE de la
dénomination "RODE0 DRIVE" pour des lunettes de soleil constitue un acte
de copcurrence déloyale commis au préjudice de la Sté C & A FRANCE en
application de l'article 1382 du Code Civil;
- interdire à la Sté CHRISTIAN DIOR COUTURE I'usage de la
dénomination "RODEO", sous quelque forme et de quelque manière que ce se
soit, sous astreinte définitive de 1 000 euros par infraction constatée etparjour
de retard à compter de la signification du jugement à intervenir;
- En réparation
du préjudice subi, condamner la Sté
CHRISTIAN DIOR COUTURE à verser à la Sté ALDEMAR G.A. la somme
de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts;
- En réparation
du préjudice subi, condamner la Sté
CHRISTIAN DIOR COUTURE à verser à la Sté C & A FRANCE la somme
de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts, quitte à parfaire;
- autoriser la Sté ALDEMAR A.G. et la Sté C & A FRANCE, à faire
procéder à la publication du jugement à intervenir dans 3 journaux ou revues
de son choix, aux frais de la Sté CHRISTIAN DIOR COUTURE, le coût des
publications ne pouvant excéder la somme de 30 000 euros (HT) et ce au
besoin, en tant que complément de dommages et intérêts;
- ordonner l'exécutionprovisoire du jugement à intervenir, nonobstant
toute voie de recours et sans constitution de garantie, l'atteinte portée aux
droits privatifs de la requérante ne pouvant se perpétuer sans lui causer un
préjudice irréparable;
- condamner la Sté CHRISTIAN DIOR COUTURE à verser aux
requérantes la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du
N.C.P.C.;
- déclarer la Sté CHRlSTIAN DIOR COUTURE mal fondée en ses
demandes reconventionnelles, l'en débouter;
- condamner la Sté CHRISTIAN DIOR COUTURE en tous les
dépens, lesquels comprendront notamment les frais de saisies-contrefaçon
diligentées par Maître PEVERI-MARIONNEAU le 2 avril 2002 dans les
locaux de la Sté CHRISTIAN DIOR COUTURE et le 7 mai 2002 dans les
locaux des magasins à l'enseigne "LES OPTlCIENS CONSEIL", d'une part,
et "AFFLELOU", dont distraction au profit de Maître Christian HOLLIERLARQUSSE, avocat aux offres de droit, conformément aux dispositions de
I'article 699 du N.C.P.C.;
'
'
***
-
Dans ses dernières écritures, la Sté CHRISTIAN DIOR COUTURE
S.A. demande au Tribunal de :
- débouter les sociétés ALDEMAR et C & A France de l'ensemble de
leurs demandes;
- condamner in solidum les sociétés ALDEMAR et C & A France
à payer à la Sté CHRISTIAN DIOR COUTURE la somme de 20 000
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euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et atteinte à sa
répwtation,
- condamner in solidum les sociétés ALDEMAR et C & A France
à payer à La Sté CHRISTIAN DIOR COUTURE la somme de 10 000
euros au titre de l'article 700 du N C P.C ,
- condamner in solidum les sociétés ALDEMAR et C & A France
aux entiers dépens au profit de Maître ESCANDE, avocat, en
application de l'article 699 du N C P.C ,
***
La clôture de la procédure était prononcée le 02 décembre 2003;
Conformément à l'article 786 du Nouveau Code de procédure Civile,
l'affaire était plaidée à l'audience du 24 mars 2004 devant Mme MARION,
Vice-Président, qui en a rendu compte au Tribunal dans son délibéré, le
jugement étant rendu le 15 septembre 2004,
******
***
-
MOTIFS
Attendu qu'au vu de l'argumentaire développé par les parties, il y a
lieu d'examiner en premier lieu I'intervention volontaire de C & 4 puis la
contrefaçon et la concurrence déloyale alléguées, la demande
reconventionnelle, enfin les mesures réparatrices éventuelles;
IoEn ce qui concerne l'intervention volontaire
Attendu que selon l'article 325 du N.C.P.C., pour être recevable,
Vinteplention volontaire doit se rattacher aux prétentions des parties par un lien
suffisant;
Attendu qu'en l'espèce, ALDEMAR, titulaire des deux marques
communautaires RODEO, a consenti à C & A "le droit d'utiliser ces marques
sur Id temtoire français pour l'ensemble des classes internationales dans
lesquelles la protection a été demandée." (tout comme à C & A, BUYINGKG),
comme cela résulte de l'attestation établie le 10 février 2003 (pièce no 8,
demanderesses); que la preuve d'un simple usage n'est pas soumise à un écrit
comme cela résulte des dispositions de I'article L 714 du C.P.I. et d'une
jurisprudence constante, que si cette autorisation ne semble pas avoir été
inscrite au Registre National des Marques (R.N.M.) selon les propres écritures
des demanderesses, la Sté DIOR ne la conteste pas;
Attendu enfin, qu'exploitant les marques en cause, C & Ajustifie d'un
lien suffisant avec les prétentions de la Sté ALDEMAR qui agit, quant à elle,
en contrefaçon de ses marques;
Attendu en conséquence, que l'intervention volontaire de C & A
FRANCE à la présente instance est donc recevable;
ïIO En ce qui concerne la contrefaçon
Attendu que les sociétés ALDEMAR et C & A FRANCEfont valorr :
I o sur I'exploitatzon des marcrues RODEO
- qu'elles font un usagetrès important des deux marques litigieuses de
puis de très nombreuses années, comme cela résulte des documents versés aux
débats :
* le prix de vente totale des articles vendus sous la marque RODEO s'élevant
dans les magasins C & A FRANCE respectivement à 4 787 941,24 euros pour
2000 et 4 824 861,61 euros pour 2001,307 686 articles de la marque RODEO
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ayant été vendus par C & A FRANCE en 2002 (pièce n" 13);
* le listing informatique comportant l'intégralité des commandes concernant
les articles RODEO pour 2000,2001 et 2002;
* sa liste de classification permet de retrouver le numéro sur chaque facture,
le fonctionnement de C & A reposant sur des numéros d'ordre (ou de
commande) comprenant 16 chiffres dont un numéro pour le fournisseur et un
numéro pour une classification des produits tels que vêtements de ski homme
RODEO, bain femme RODEO. etc ainsi les classifications 390,72 1,724,727,
731, 732 et 734 correspondent à des articles RODEO ;
* divers ordres de commande font apparaître que C & A BUYING a acquis
notanment des lunettes de marque RODEO destinées à être commercialisées,
notamment sur le marché français;
* uii nombre important de documents promotionnels et publicitaires attestent
de pltus fort de l'usage de la marque RODEO en France pour désigner des
vêtements et des lunettes tels des étiquettesRODE0, des affichettes présentées
dans le métro, des plaquettes publicitaires, des copies de catalogues, de
dossiers de presse, un classeur RODEO sport C & A;
2'sur I'usaae de la dénomination RODEO DRIVE uar la Sté DIOR
- que la Sté DIOR commercialise sous la dénomination "RODEO
DRIVE" une gamme de lunettes de soleil comme cela résulte :
* du P.V. de saisie contrefaçon du 2 avril 2002, la marque "RODEO DRIVE"
étant gavée sur la lunette elle-même, le modèle étant vendu 222 euros TTC et
déclin$ en 9 couleurs différentes;
* des P. V. de saisie contrefaçon du 7 mai 2002 l'ensemble des modèles de la
gamme figurant sur un catalogue destiné à être présenté à la clientèle
contrairement aux affirmations de la Sté DIOR, ces catalogues étant
consultables chez tous les opticiens;
* du P.V. de constat d'achat du 4 mars 2003 dans le magasin GRAND
--.
- que la Sté DIOR vend plusieurs modèles de lunettes solaires dont
OPTICAI.:
- - ..-
RODEO DRIVE, AVIATOR, MILLENIUM, STREET etc ...ce qui permet de
différencier les lunettes et de se démarquer des autres clients (le client
précisant nécessairement "j'ai acheté les RODEO DRIVE de Christian
DIOR"), qu'ainsi, RODEO DRIVE est utilisé pour distinguer les produits et
est employé comme marque, la fonction d'une marque étant d'identifier le
produit;
- qu'ainsi la Sté DIORest de parfaite mauvaise foi quand elle affirme
qu'elle ne ferait pas un usage public de la dénomination litigieuse d'autant que
celle-ci figure non seulement sur les catalogues mais également sur les produits
eux-memes et sur de nombreux sites Internet tels que "the eyes-shop.com ",
"sungales.com", "t~iiarnishades.com", "nzadshades.com","coguada.com",
"irnageofityle.com", "shop.s~ore.yahoo.com", "Unitedshades.com ";
3'sur la contrefacon
a ) sur les uroduits
* concernant la maraue RODEO n' 000790154, que la Sté DIOR
désigng sous la dénomination RODEO DRIVE des produits couverts par le
dépôt de cette marque qui protège, notamment, le libellé "appareils et
instrtrnlents optiques" recouvrant notamment, les lunettes de soleil;
* concernant la niaraue RODEO n' 000106252, qui désigne
notamment les "les vétements",qu' il s'agit de produits similaires avec les
lunettes au sens de l'article L 713-3 du C.P.I., ces dernières étant des
accessoires constituant un véritable objet de parure, complémentaire et, de ce
fait, complémentaire des articles d'habillement, ce qui ne peut être contesté par
la Sté DIOR;
b) sur les sipnes
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- que la dénomination RODEO DRIVE reproduit à l'identique les
marques RODEO en cause, l'intégralité de la marque RODEO étant reprise par
la dénomination RODEO DRIVE;
cl sur. le risoue de confusion
- que le risque de confusion est incontestable entre la dénomination
RODEO DRIVE utilisée par la Sté DIOR et les marques RODEO dont la Sté
ALDEMARest propriétaire et que lacontrefaçonest établieau sens de l'article
L 713.3 du C.P.I.;
- qu'en réponse à l'argumentation en défense de la Sté DIOR, les
pièces versées aux débats par celle-ci n'établissent nullement que la
dénomination RODEO DRIVE évoque pour le consommateur français
l'avenue du même nom sise à LOS ANGELES :
* que s'agissant d'une grande avenue de LOS ANGELES, il est
normal que la dénomination RODEO DRIVE soit à de multiples reprises sur
Inter.net ne serait-ce qu'à titre d'adresse des sociétés qui y sont domiciliées et
qu'il en serait de même des principales artères des grandes villes du monde
comme Le démontre une recherche similaire à propos de la Via Apia à Rome,
de la Pilace Stéphanie a Bruxelles ou de Bond Street à Londres, ce qui n'établit
pas que ces noms de rue, exploités à titre de marques, évoqueraient pour le
consommateur français des rues de Londres, Bruxelles ou Rome;
* qu'un guide touristique se réfère aux rues principales d'une ville
dans le but de décrire un site, un lieu, etc...et qu'un guide pour Paris ferait
forcément état de la rue de la Paix, un guide sur Rome de la Via Veneto, etc....;
* qu'il ne peut être sérieusement soutenu que le spectateur du film
"PRETTY W O M A N notera et retiendra le nom de la rue dans laquelle la
scène se déroule;
* qu'un simple sondage d'opinion, réalisé par l'Institut LOUIS
HARRIS, démontre immédiatement que la plupart des gens, même cultivés, ne
savent pas que RODEO DRIVE est une avenue de LOS ANGELES :
n seul 1 % des français associe spontanément "RODEO DRIVE" à une rue de
LOS ANGELES;
a cettedénomination de RODEO DRIVE n'a aucune signification pour 45 %
des personnes interrogées;
a qu'il en résulte que ces consommateurs seront donc incontestablement
amenés à isoler le terme RODEO au sein de la dénomination RODEO DRIVE;
t l que I'arçumcnratit~tidc;velopp?epar la Stt: DIOR selon laquelle la population
nisi.e~~uiconstituesa
client2lc aurait connaissance du fait aue RODE0 DRIVE
est une rue de LOS ANGELES est démentie par cette enquête qui démontre
qu'aucune des personnes de cette catégorie interrogée ne répond en ce sens;
* que s'il est vrai que la haute couture CHRISTIAN DIOR peut
difficilement être achetée par des personnes à revenus modestes, il n'en va pas
de même des foulards. ceintures, sacs, parfums, cosmétiques et lunettes qui
sont vendus dans des lieux bien moins élitistes que le Faubourg Saint Honoré
ou la Promenade des Anglais et que posséder une paire de lunette de chez
DIOR est un symbole très attractif pour les populations moyennes;
* qu'il est manifeste que s'il leur avait été indiqué qu'il s'agissait de
lunettes, le pourcentage des personnes interrogées ayant cité la rue de LOS
ANGELES aurait été encore plus faible;
* qu'enfin 12 % des personnes interrogées répondent que la
dénomination RODEO DRIVE leur évoque le rodéo;
- qu'ainsi, il apparaît que non seulement les similitudes visuelles et
phonétiques entre les signes sont incontestables mais qu'au surplus, il existe
une similitude intellectuelle entre ces deux dénominations :
* le consommateur français qui ne connaît pas la signification du terme DRIVE
percevra la dénomination complexe RODEO DRIVE comme la simple
'
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juxtaposition de deux termes sans donner à l'ensemble une signification
particulière, chaque tenne gardant son caractère distinctif propre;
* la présence en première position du tenne RODEO engendrera
incontestablement un risque de confusion entre la dénomination RODEO
DRIVE utilisée par la Sté DIOR et les marques RODEO dont ALDEMAR est
propriétaire:
Attendu que la Sté CHRISTIAN DIOR COUTUREfàit valoir :
1 Ostir 1'usaee de la dénomination RODEO DRIVE
- que la dénomination RODEO DRIVE constitue l'une des 48
dénominations servant à désigner les différentes lunettes de la collection
masque de la Sté DIOR et que celle-ci n'a pas été déposée à titre de marque,
toutes les lunettes étant commercialisées sous les marques CHRISTIAN DIOR
et CD, comme constaté par l'huissier mandaté par ALDEMAR;
- que cette dénomination ne figure dans aucun catalogue ou brochure
destinés au public :
* que le catalogue CHRISTIAN DIOR SUNGLASSES COLLECTION 2002
est un document remis en un exemplaire unique a chacun des revendeurs
agrébs des lunettes CHRISTIAN DIOR afin de leur permettre de prendre
connaissance de la collection et de passer commande et n'est nullement destiné
à la alientèle comme cela résulte du P.V. du 7 mai 2002;
* que si la dénomination litigieuse est apposée sur les branches des lunettes,
ce n'est que très discrètement à l'intérieur des branches telle une référence de
prodùiit, les mentions CHRISTIAN DIOR et CD apparaissant nettement plus
visibles à l'extérieur des branches sur la partie haute des lunettes lesquelles
sont présentées sur des panneaux comportant de manière très apparente la
marque CHRISTIAN DIOR ou DIOR;
* qu'enfin, les sites Internet évoqués n'ont pas été conçus par la Sté DIOR de
sorte que l'usage qui y est fait de la dénomination litigieuse ne saurait lui être
reprochée;
2 'sur l'absence de contrefacon
* sur l'absence de reoroduction a l'identiaue, la dénomination
RODEO DNVE n'étant oas la reoroduction à l'identiaue de la maraue
RODEO, ALDEMAR est donc mal h d é e à solliciter sa condamnation su; le
fondement des dispositions de l'article L 713-2 du C.P.I. qui sont réservées
aux cas d'identité des signes et des oroduits;
* siir l 'absence'dlmitatio~
- oue le grief de contrefacon ne oeut être examiné aue sur le
fondement de l'artize L 7 13-3 du c.P.~.qui sanctionne l'imitationd'un produit
à condition qu'il existe entre les dénominations en cause un risque de
confusion dans l'esprit d'un consommateur d'attention moyenne;
- que tel n'est pas le cas de l'espèce :
* le terme RODEO désignant un jeu sportif d'origine américaine qui
a faitl'objet d'une très large diffusion, notamment dans le cadre d'oeuvres
cinématographiques, il n'est pas contestable que sa signification est connue de
tous et notamment du public français;
* que la dénomination RODEO DRIVE désigne l'une des plus
célèbres avenues du monde dans le quartier de Beverly Hill àLOS ANGELES,
connue pour sa concentration de boutiques de grandes marques de luxe
internationales parmi lesquelles se trouve une boutique DIOR qui a utilisé la
dénomination litigieuse pour désigner cette prestigieuse avenue, naturellement
très connue dans le milieu de la mode ainsi que du grand public notamment
grâce'au film PRETTY WOMAN qui l'a mise à l'honneur;
* qu'ainsi, la dénomination RODEO DRlVE a une signification
~
-
~
~
~
~
~-
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propre totalement distincte du mot RODEO,
* que le sondage LOUIS HARRIS versé aux débats par les
demanderesses
a vise une tranche de population qui ne correspond pas à la clientèle des
lunettes DIOR,
a a été réalisé hors tout contexte alors que la dénomination litigieuse sert à
désigner un produit (des lunettes de luxe marquées CHRISTIAN DIOR) de
sorte que l'étude réalisée fait totalement abstraction du pouvoir évocateur de
la ddnomination choisie au regard du produit qu'elle désigne,
a au contraire, les nombreux articles de la presse féminine et "people"
évoquées précédemment, démontrent que la clientèle des lunettes DIOR
RODEO DRIVE connaît la célèbre rue de LOS ANGELES,
a il résulte de ce qui précède que l'ensemble formé par les mots RODEO
DRIVE constitue un ensemble doté d'une signification propre dans lequel le
mot RODEO perd toute individualité et qu'au-delà d'une différence de
structure, les signes en cause sont intellectuellement distincts, il n'existe donc
pas de risque de confusion entre ces dénominations pour un consommateur
d'attention moyenne ne les ayant pas simultanément sous les yeux,
0 néanmoins, dans ce contexte, 6% des personnes interrogées désignent les
Etats Unis et une rue de LOS ANGELES,
- que ce risque est d'autant plus inexistant que la marque RODEO des
demanderesses n'est absolument pas connue du public &angais pour les
produits visés par la dénomination RODEO DRIVE
* que la marque RODEO exploitée en France est celle qui désigne des
vêtements (no 000106252),
* que les catalogues et documents promotionnels du groupe C &A dont un
certain nombre sont en langue étrangère, ne concernent même pas la marque
RODEO et ne contiennent aucune indication quelconque de l'exploitation de
cette marque en France pour désigner des lunettes,
* que ces mêmes documents démontrent que la marque RODEO s'adresse à
une clientèle très ciblée
vêtements et chaussures de sport vendus
exclusivement dans les magasins C & A dont la vocation est de commercialiser
à grande échelle des vêtements et accessoires très bon marché à l'inverse de la
Sté DIOR qui est l'une des sociétés françaises de luxe la plus connue au
monde, présentant chaque année des défilés de Haute Couture et de Prêt à
porter alliant modernisme et luxe, portant sur des vêtements et divers
accessoires visant une clientèle élitiste, vendus dans des boutiques ou "corner"
CHRISTIAN DIOR ou revendeurs agréés,
***
Attendu que pour retenir une éventuelle contrefaçon des marques en
cause par la dénomination reprochée, encore faut-il, d'une part que les marques
précitées soient exploitées, d'autre part, que la dénomination dénoncée soit
effectivement utilisée,
l0 sur I'exploitation des marques "RODEO"
Attendu que la marque RODEO no 000106252 désigne, notamment
dans la classe 25, les "Vêtements, chaussures, chapellerie" tandis que la
marque RODEO no 000790154 désigne, notamment dans la classe 9, les
"Appareils et instruments scientifiques ( . ), optiques ( ),
Attendu que si les demanderesses justifient effectivement de l'usage
de leurs marques, il y a lieu d'observer que parmi les nombreuses pièces
versées, seule la pièce portant le no 721 sous la cote 7 du dossier de plaidoirie
permet d'établir qu'il s'agit bien d'articles de lunettes livrées en France, en
-
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Jugement du 15 septembre 2004
nombre nettement moins important que les chiffres donnés à l'occasion de la
présentation des sociétés en cause (le commentaire sur l'interprétation des
ordres de commandes à 16 chiffres ne permettant pas de savoir en quoi les
numéros 732 etc... correspondent à des articles de la marque RODEO et encore
moins, en quoi il s'agit de lunettes); qu'en effet, les chiffres initialement
donnés recouvrent la totalité des produits commercialisés, dont ceux relevant
des marques "RODEO" désignant essentiellement des vêtements et, parfois des
lunettes (comme le démontrent également la pièce n' 15 et les différents
exemplaires de publicité en tous genres versés aux débats);
2' - s u r l'usage de la dénomination ''RODE0 DRIVE"
Attendu que, s'agissant d'une dénomination et non d'une marque, la
Sté DIOR en minimise cependant la portée;
Attend~i,cependant, que cette dénomination figure effectivement sur
les branches des lunettes commercialisées par la société défenderesse
indépendamment des mentions "CHRISTIAN D I O R et "CD", marques sous
lesquelles ces lunettes sont exploitées;
Attendu par ailleurs, que si le catalogue dont photocopie aété annexée
aux P.V. de saisie-contrefaçon effectués le 07 mais 2002 dans les magasins
AFFLELOU et OPTICIENS CONSEILS semble bien n'avoir été distribué
qu'en un seul exemplaire par revendeur agréé, l'huissier instrumentaire note,
sur réponse de l'employée, que ce catalogue qui donne la nomenclature
complète des modèles CHRISTIAN DIOR, dont RODEO DRIVE, est
consiiltable par la clientèle ce qui remet à son exacte place l'affirmation de la
Sté DIOR selon laquelle cette dénomination "ne figure dans aucun catalogue
ou brochure destinée au public.";
3' - s u r la contrefacon alléguée
Attendu qu'aux termes de l'article L 7 13-2 du C.P.I. : "Sont interdits,
sauf autorisation du propriétaire :"
"
a) La reproduction, l'usage ou l'apposition d'une marque, même avec
l'adjonction des mots tels que : "formule, façon, système, imitation, genre,
méthode", ainsi que l'usage d'une marque reproduite, pour des produits ou
servives identiques à ceux désignés dans l'enregistrement;"
"b) La suppression ou la modification d'une marque régulièrement apposée.";
Attendu qu'aux termes de l'article L 713-3 du C.P.I. : "Sont interdits,
sauf autorisation du propriétaire, s'il peut en résulter un risque de confusion
dans l'esprit du public:"
"a) La reproduction, I'usage ou l'apposition d'une marque, ainsi que l'usage
d'une marque reproduite, pour des produits ou services similaires à ceux
désignés dans l'enregistrement;"
"b) L'imitation d'une marque et I'usage d'une marque imitée, pour des
produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans
l'enregistrement.";
a) s'agissant
de la contrefacon sur le fondement de l'article L 7132 du C.P.I.
Attendu que pour être retenue, la contrefaçon alléguée doit, au regard
de ce texte, consister en l'usage de la marque RODEO (no 000790154) pour
des produits ou services identiques (ici, dans la classe 9, les "Appareils et
instruments scientifiques (...), optiques (...));
Attendu qu'en l'espèce, l'identité des produits et services en cause
n'étant pas contestée (pour la marque RODEO no 000790154), il y a lieu de
remarquer que la dénomination RODEO DRIVE ne peut constituer une
reproduction à l'identique de la marque RODEO no 000790154;
Attendu en effet, qu'une telle reproduction s'entend, comme le
rappelle la Cour de Cassation renvoyant à l'article 5 SI a) de la Directive
8911041CEE du Conseil, d'un signe qui "reproduit, sans modification ni ajout,
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Jugement du 15 septembre 2004
iol1.i les L:lé~nrntscon.'>t~iu:~nt
la marque Iorsclu~.consiJ2rt;c dans son criscinble.
i l rc.c?lc des diffirciices si inhignifiantcs qu'elles peu\.cnt pazscr inapercucs
aux
. .
yeux d'un consommateur moyen.";
b) s'agissant de la contrefaçon s u r le fondement d e l'article
L 71373 du C.P.I.
Attendu qu'il résulte de ce qui précède que la contrefaçon alléguéene
peut relever que du b) de l'article en cause, c'est-à-dire de l'imitation des
marques RODEO no000790154 ["Appareils et instruments scientifiques (...),
optiques (...)] et RODEOn' 000 106252 ["Vêtements, chaussures, chapellerie"]
par l'usage de la dénomination RODEO DRIVE;
Attendu qu'il y a lieu de rechercher s'il existe ou non un risque de
confusion dans l'esprit du public;
Attendu que ce risque doit s'apprécier par rapport à un acheteur
d'attention moyenne n'ayant pas simultanément sous les yeux les signes en
présence, que cette appréciation doit se faire en fonction des ressemblances et
non des différences, les signes étant pris dans leur ensemble, au regard de la
connaissance de la marque sur le marché, de l'association qui peut en être faite
avec le signe utilisé et du degré de similitude entre la marque et le signe;
- s u r la similarité des produits
Attendu que la similarité entre les produits n'est pas contestée
concernant la marque RODEO n' 000790154 ["Appareils et instruments
scientifiques (...), optiques (...)];
Attendu, s'agissant de la marque RODEO n' 000106252 ["Vêtements,
chausspres, chapellerie"], qu'il est devenu de doctrine et de jurisprudence
constante que des montures de lunettes sont des produits similaires a des
vêtements dès lors qu'elles sont devenues des accessoires de la mode et des
articles d'habillement comme le démontre d'ailleurs la politique de
diversifications des maisons de haute couture (dont la défenderesse) qui
proposent maintenant systématiquement des accessoires, notamment de ce
type, parallèlement a leurs collections de produits de luxe;
- sur le risque de confusion
Attendu qu'il est indéniable que la marque RODEO se retrouve
intégralement dans la dénomination RODEO DRIVE;
Attendu cependant que le terme RODEO désigne, notamment, un jeu
sportif avec des animaux, immortalisé par la légende américaine des
"westerns"; que le mot DRIVE qui, outre "conduire", "aller en voiture",
"chasser", "pousser", "filer", peut signifier également "allée carrossable";
Attendu que pour établir que la dénomination complexe fait référence
à une célèbre rue de LOS ANGELES dans laquelle elle tient boutique, la Sté
DIOR verse aux débats un sondage ("Registrer.com Corporate Service, Pièce
n' 34), les sociétés demanderesses ripostant par un autre sondage de l'institut
LOUIS HARRIS ("Evaluation de la notoriété de la rue RODEO DRIVE",
Pièce n' 23), les résultats respectifs étant manifestement différents;
Attendu que le risque de confusion s'appréciant par rapport à un
consommateur d'attention moyenne n'ayant pas sous les yeux les deux signes
en même temps, la Sté DIOR est mal venue de réclamer un panel de personnes
triées sur le volet correspondant uniquement à sa clientèle de produits de luxe,
étant observé d'ailleurs, que cette dernière qui reprochait à ses adversaires de
verser des documents en langue étrangère, produit ici un document
essentiellement rédigé en anglais;
Attendu dès lors, que si auprès d'une clientèle très"ciblée$"' dont des
articles de presse variés se font effectivement l'écho (GALA septembre 2003,
JOURNAL DU TEXTILE mars et octobre 2003, VSD octobre 2003, VOICI
octobre et novembre 2003, sites archives Internet Le Monde du 7 avril 1990
et 16 décembre 1997, Le Figaro du 23 juin 1997, Challenge du ler janvier
,
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2001, Libération du 28juin2001, etc...), ladénomination RODEODRIVE fait
immédiatement penser à la rue du même nom dans le quartier chic de LOS
ANGELES, il n'en est pas de même pour le consommateur moyen (1 % dans
le sondage LOUIS HARRIS, comportant 48 % de population correspondant
à la clientèle de la Sté DIOR);
Attendu par ailleurs, que les sociétés demanderesses ne contestent pas
que les divers sites Internet mentionnés dans l'énoncé des faits et faisant état
des lunettes RODEO DRIVE n'ont pas été conçus par la Sté DIOR à laquelle
on ne peut donc reprocher l'usage de la dénomination litigieuse par ce moyen;
Attendu, enfin, que la mention de la tue RODEO DRIVE dans les
divers guides touristiques et sites Internet recensant des entreprises diverses
ayant leur Siège ou un établissement àLOS ANGELES ne peut être considérée
comme la démonstration que le même terme utilisé par la Sté DIOR désigne
immanquablement la rue du même nom à LOS ANGELES;
Attendu cependant que l'association des mots RODEO et DRIVE
constitue un cnscmble susccptiblc de donner une signification propre distincte
de la sigiiitication
du niot RODE0 emnlovi seul:
Attendu en effet, qu'au regard .du contexte de l'exploitation des
marques RODEO et de la dénomination RODEO DRIVE résultant des pièces
versées aux débats, que les clientèles respectives sont très différentes
(personnes aux revenus nioyens d'un côté, personnes particulièrement aisées
de l'autre), que les produits revêtus de lamarque RODEO sont essentiellement
des vêtements et des chaussures de sport et occasionnellement des lunettes
chez les demanderesses (environ 54 paires par an) alors que la dénomination
litigieuse est portée en référence d'un modèle et non a titre de marque, sur les
48 modèles de lunettes con~mercialiséespar la Sté DIOR, que les lunettes
RODEO sont vendues environ 10 e u o s la paire alors que les lunettes RODEO
DRIVE sont vendues 222 euros la paire;
Attendu en conséquence, que le risque de confusion allégué entre les
marques RODEO et la dénomination RODEO DRIVE utilisée par la
défenderesse pour désigner un modèle de lunettes parmi d'autres n'est pas
établi (étant observé, en tout état de cause, que si risque de confusion il y avait,
ce serait certainement au profit des sociétés demanderesses qui on tout intérêt
à ce que leurs produits évoquent des produits de luxe plutôt que des produits
de moindre qualité);
III' En ce qui concerne la concurrence déloyale
Attendu que les sociétés ALDEMAR et C & A FRANCE font valoir :
- que la Sté c & A FRANCE, bien que ne disposant pas de licence
inscrite sur les marques RODEO dont la société ALDEMAR est propriétaire,
bénéficie de l'exclusivité de la commercialisation des articles RODEO sur le
sol français;
- que la Sté DIOR reprenant intégralement la marque RODEO pour
désigner des lunettes, produits identiques ou similaires à ceux que C & A
FRANCE commercialise sous ses marques RODEO, il en résulte un risque de
confusion entre les deuxdénominations cequi constitue unacte deconcurrence
déloyale au préjudice de C & A FRANCE;
Attendu qz1e In Société CHRTSTIANDIOR COUTURE fait valoir
aue la dénomination RODEO DRIVE ne constituant oas la contrefacon des
ilarques RODEO, il y a lieu de rejeter purement et siniplernent les demandes
de C & A FRANCE;
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***
Attendu que l'action en concurrence déloyale ne peut aboutir que si
elle se fonde sur des faits distincts de ceux qui sont invoqués à l'appui de
l'action en contrefaçon;
Attendu, outre le fait que C & A FRANCE fonde expressément sa
demande sur le risque de confusion entre les signes en cause, motifs
précédemment invoqués, et discuté, dans le cadre de I'action en contrefaçon,
cette société ne démontre pas en quoi la défenderesse a volontairement créé
une confusion dans l'esprit du public par une présentation similaire des
produits en cause ou de leur emballage; qu'en effet, toute la discussion
développée à l'occasion de l'action en contrefaçon tend à démontrer le
contraire;
Attendu en conséquence, que C & A FRANCE sera déboutée de son
action en concurrence déloyale;
IV' En ce qui concerne la demande reconventionnelle
Atteridi~que la Société CHRISTIAN DIOR COUTUREfait valoir
- que l'action des demanderesses est abusive, n'étant qu'une riposte,
un mois plus tard, à une action en contrefaçon engagée par la Sté DIOR devant
le Tribunal de Commerce de Paris le 14 mars 2002 contre C & A FRANCE aui
commercialise des lunettes constituant une contrefaçon de son modèle 'de
lunettes AVIATOR/MOTARD;
- que C & A FRANCE, qui n'a donc agi qu'à titre de représailles, a
en outre fait pratiquer des saisies-contrefaçon dani l'une de ses boutiques et
chez deux onticiens agréés. ce aui a naturellement eu oour effet de oorter une
grave atteinie à sa réputation, ce; mesures étant par ailléurs inutiles <uisqu'elle
n'a jamais prétendu qu'il n'existait pas de catalogue
- mais qu'aucun catalogue
n'était destiné à la clientèle;
Attendu que les sociétés ALDEMAR et C & A FRANCE font valoir :
- que l'existence d'une autre action devant une autre juridiction ne
saurait absoudre la Sté DIOR de la contrefaçon reprochée des marques
RODEO;
- qu'elles font simplement valoir leur droits afin de mettre un terme
aux agissements préjudiciables de la Sté DIOR et obtenir réparation du
préjudice incontestablement subi;
-
***
Attendu que le seul fait d'user d'une voie de droit pour défendre ses
intérêts ne saurait constituer "de facto" un abus de droit; qu'en l'absence de
démonstration de faits caractérisant cet abus, la Sté DIOR doit être déboutée
de sa demande reconventionnelle;
V' En ce qui concerne les autres prétentions
Attendu qu'il résulte de ce qui précède que les demandes respectives
de dommages-intérêts doivent être rejetées;
Attendu qu'au regard du contexte de l'affaire il ne paraît pas
inéquitable de laisser aux parties la charge des frais non compris dans les
dépens;
Attendu, par contre, que les sociétés demanderesses succombant pour
I'essei~tielà l'instance, devront supporter la charge des dépens en résultant;
******
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Statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort,
Vidant son délibéré du 24 mars 2004,
Reçoit la Société C & AFRANCE en son intervention volontaire en
demande,
Reçoit la Société ALDEMAR A G., société de droit helvétique et la
Société C & A FRANCE en leurs demandes mais les dit mal fondées;
Reçoit la Société CHRISTIAN DIOR COUTURE S A. en sa
demande reconventionnelle mais la dit mal fondée;
En conséquence,
Déboute la Société ALDEMAR A.G., société de droit helvétique, la
Société C & AFRANCE et la Société CHRISTIAN DIOR COUTURE S.A.
de leurs demandes respectives;
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Nouveau Code de
Procédure Civile;
Condamne in solidum la Société ALDElMARA.G. et la Société C
& APRANCE aux entiers dépens et dit que ceux-ci pourront être directement
recouvrés par Maître Michel-Paul ESCANDE, avocat, conformément aux
dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile,
Prononcé à Paris, le 15 septembre 2004 par Madame APELLE,
VicwPrésident, assistée de madame LARCHE, Greffier.
./
Le Greffier
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