LAT. 27 - Revues Plurielles
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Portugal...”), une de ses premières chansons, constitue une vision à la fois romancée et stéréotypée de l’immigration, reflétant plus le désir majoritaire chez les travailleurs portugais de “rentrer au pays” que sa propre revendication d’une possible installation durable en France grâce à une trajectoire atypique... Elle apprend peu à peu le métier. “J’ai découvert le spectacle en le faisant moi-même, raconte-t-elle. Pendant toute ma jeunesse, je ne suis jamais allée voir un chanteur au Portugal, ni même au théâtre, ni aux corridas. Je suis peut-être allée deux ou trois fois au cinéma, c’est tout. Nous n’avions pas les moyens. J’écoutais seulement la radio. Et j’ai découvert les chanteuses et les chanteurs ici en France après être devenue chanteuse moi-même.” Loin d’imaginer le mythe qu’elle va devenir, elle perçoit malgré tout avec un certain recul le caractère artificiel de son image vendue au public. Ainsi, la photo de son premier disque, où elle pose avec une rose “très folklore”, est pour elle l’élément décisif qui l’identifie comme portugaise. “Avant, raconte-t-elle, on me prenait pour une Espagnole, une Italienne, une Yougoslave, jamais pour une Portugaise. Mais après le disque, les gens me disaient : “Vous êtes typiquement portugaise, ça se voit tout de suite !” Le 20 janvier 1983, c’est pour elle la consécration : l’Olympia, qu’elle aborde «sans n’avoir jamais fait de 1ère partie». Sa famille est là, parmi le tout Paris et elle a l’impression que Piaf, dont la photo orne le bureau de Bruno Coquatrix, l’observe “du haut des cintres”. A propos de son public lors de ce concert qui restera unique, elle écrira, revendiquant l’identification sociale : “Parce que j’étais plutôt destinée à rester dans le rang des domestiques, on m’a très vite cataloguée comme l’idole des bonnes. (...) Je suis très fière du chemin parcouru et très fière de savoir que ce soir, un peu partout dans la salle, il y a toutes celles qui me sont si proches, et qu’elles se retrouvent en moi. Et tant mieux si ma réussite leur sert un peu d’étendard !” Son livre La Valise en carton, paru en 1984, est un tel succès commercial qu’on en fait, outre une série pour la télévision, une comédie musicale, en 1986, où elle monte sur les planches aux côtés de Françoise Dorin et Jean-Pierre Cassel. Fruit d’une époque où la production culturelle française cherche à mettre en scène, selon des images n° 27 - septembre 2006 LATITUDES formatées par les besoins du vedettariat médiatique, des chanteuses typées par leur teint ou leur accent, Linda de Suza a quitté le devant de la scène à la fin des années 1980. Figure éphémère, elle a aussi connu, parallèlement à son très grand succès populaire, les railleries les plus faciles, stigmatisant les clichés tenaces sur l’immigration portugaise. Sa rapide sortie de scène a mis court à une production musicale légère, dont les refrains faciles à mémoriser ont marqué une époque. D’un côté, elle semble avoir contri- bué à conforter une image assez édulcorée de l’immigration mais de l’autre, elle constitue le témoignage original d’un parcours de femme indépendante et courageuse, parvenue à atteindre un public large, audelà de la seule communauté 1 La Valise en carton, Lafon, 1984. Toutes les citations suivantes sont extraites de l’ouvrage. 2 Didier Barbelivien, Pascal Auriat. L’Etrangère, Carrère, 1982. 3 Vline Buggy, Pascal Auriat. Linda de Suza, Carrère, 1978. 4 Vline Buggy, Alex Alstone. Linda de Suza, Carrère, 1978. Helena Noguerra une chanteuse épicurienne ée en 1969 à Bruxelles de parents portugais, la jolie Helena Noguerra arrive à Paris à 15 ans, et s’immerge immédiatement dans l’univers du show business dont sa demi-sœur Lio (chanteuse du célèbre tube des années 80 “Les brunes n’comptent pas pour des prunes”) lui ouvre les portes. Successivement mannequin, actrice et animatrice de radio et de télévision (M6), Helena Noguerra côtoie le petit et le grand écran, participant récemment avec Jean-Pierre Darroussin, Valeria Bruni-Tedeschi et Richard Berry aux films Ah ! si j’étais riche (Gérard Bitton, Michel Munz 2002) ou encore La boîte noire (Richard Berry, 2005), aux côtés de José Garcia et Marion Cotillard. Dans la continuité d’un premier single, “Lunettes noires” sorti en 1989, Helena Noguerra a été surtout remarquée pour ses disques solo. Parmi ses inspirations musicales, elle admire Brigitte Bardot, Nico ou encore Marianne Faithfull. Son premier album solo, Projet Bikini (WEA Music France), donne le ton en réunissant des textes faussement légers sur une musique pop. Les deux suivants, Azul (Universal music, 2001) et Née dans la nature (Verve, 2004), dont elle a écrit les textes, en français, portugais et anglais (Helena parle en outre l’espagnol et l’italien) bénéficient des compositions talentueuses de son compagnon, le poète arrangeur dandy, Philippe Katerine, doué comme elle pour l’éclectisme. Azul, son album le plus cohérent, dont les arrangements sont signés par le trio jazz The Recyclers est inspiré de la bossa nova et de la pop, tandis que Née dans la nature égrène des comptines douces-amères intimistes qui N relèvent plus de l’univers de la chanson folk. L’interprétation d’Helena Noguerra, marquée par une diction sensuelle, dit le désir de voyage, la douceur du rêve et la complexité des âges. Figure transgenre, Helena se lance aussi dans le roman avec L’ennemi est à l’intérieur (Denoël, 2002) et Et je me suis mise à table (Denoël, 2004).En 2006, elle livre le disque Bang, fruit de sa cavale américaine avec Federico Pelegrini, mise en scène à la façon Bonnie and Clyde d’un duo rock folk minimal, «Dillinger Girl & Baby Face Nelson». S’interrogeant sur la nouvelle vague de la chanson française et le nécessaire “contre-pouvoir à la variété old-school”, Helena évoque sa philosophie1 : “Le voyage se fait naturellement. Au gré des rencontres, des mouvements de la vie, nous changeons. Rien n’est figé et je n’ai pas envie de refaire le même album toute ma vie ! Nous sommes dans un mouvement perpétuel.” A. P. 1 Interview présentée sur le blog d’Eric Boisson. 69