OR1 OR2 OR3 OH OH OH OR1 OR2 OH OR1 OH OR3 OH

Transcription

OR1 OR2 OR3 OH OH OH OR1 OR2 OH OR1 OH OR3 OH
3.7. LES AGENTS EMULSIFIANTS
De manière générale, les émulsifiants sont constitués de substances amphiphiles dont la
structure chimique comporte à la fois des fonctions hydrophiles et hydrophobes. Se plaçant à l'interface huileeau, ces molécules contribuent à augmenter la stabilité d'un système thermodynamiquement instable.
Mentionnons qu'en fait, ces molécules ont un rôle dépassant largement celui d'émulsifiant, puisqu'elles sont à
même de jouer un rôle stabilisant vaste, notamment en formant des complexes avec l'amidon et les protéines, ou
en contrôlant la cristallisation des matières grasses.
3.7.1. ORIGINES ET STRUCTURES CHIMIQUES
A l'exception de la lécithine qui est un phospholipide, tous les émulsifiants sont des
esters partiels d'acides gras et de polyols ou d'acides organiques. Les matières premières employées sont des
matières premières animales (lard, suif) ou végétales. Les esters sont préparés à la suite de réactions chimiques
en présence de catalyseurs. Les monoglycérides constituent 75 % du total des émulsifiants alimentaires.
3.7.1.1. Mono et diglycérides d’acides gras (E 471)
Leur fabrication fait appel à différents procédés. L'un des plus courants consiste en une
transestérification entre un triglycéride et du glycérol, à haute température (200-250°C), en présence d'un
catalyseur. Les matières premières employées sont du lard, du suif, des huiles de coton ou de tournesol ; le plus
souvent préalablement hydrogénées afin de saturer les triglycérides.
OR1
OR1
OH
OR2
OH
OH
1,2 diglycéride
OR1
OR2
OR3
Triglycéride
+
OH
OH
OH
Glycérol
NaOH
1 monoglycéride
OR1
OH
OR3
OH
OR2
OH
1,3 diglycéride
2 monoglycéride
OH
OR2
OR3
OH
OH
OR3
1,2 diglycéride
1 monoglycéride
Selon les conditions opératoires (stoechiométrie, température), on obtient entre 40 et 60
% de monoesters, 30 à 40 % de diesters et 10 à 20 % de triesters. Le mélange peut être utilisé tel quel, mais il est
bon de se souvenir que seuls les monoesters présentent des propriétés intéressantes, cependant que di- et
triglycérides sont inertes et peuvent même jouer un rôle négatif. Ceci rend souvent obligatoire une phase de
purification par distillation. Le mélange est distillé, les triglycérides étant obtenus vers 200°C sous 0,1 mmHg.
Le produit purifié peut alors contenir jusqu'à 95 % de monoesters. Observons un exemple de composition obtenu
à partir de lard raffiné et hydrogéné :
Monoglycérides
94 %
Diglycérides
3,6 %
Triglycérides
0,7 %
Composition en acides gras
Laurique C 12:0
0,2 %
Myristique C 14:0
3,0 %
Palmitique C 16:0
32,5 %
Stéarique C 18:0
62,3 %
Arachidique C 20:0
2,0 %
Glycérol
0,5 %
Indice d'iode
0,5 %
Indice de saponification
163,0 %
123
3.7.1.2. Monoglycérides estérifiés par un acide organique (E 472)
Il est possible, à partir des monoglycérides distillés, d'obtenir par estérification avec des
acides organiques les dérivés correspondant des monoglycérides. Les acides les plus couramment utilisés pour
l’estérification sont les suivants :
-
Acide acétique pour donner les esters acétiques (E 472a)
Acide lactique, pour donner les esters lactiques (E 472b)
Acide citrique, pour donner les esters citriques (E 472c)
Acide tartrique, pour donner les esters tartriques (E 472d)
Acides monoacétyl- et diacétyltartrique pour les esters correspondants (E 472 e)
Acide acétique et tatrique pour les esters mixtes correspondants (E 472f)
Ces dérivés présentent des caractéristiques analogues à celles des monoglycérides
classiques : liposolubles, insolubles dans l'eau. Ils affichent toutefois un caractère stabilisant plus marqué.
Ils sont utilisés dans les pains spéciaux, les produits de panification, biscuiterie,
biscotterie, spécialités laitières, matières grasses allégées. Les DATEM, abréviation d’esters diacétyltartriques (E
472e) sont largement utilisés en panification, où ils jouent un rôle texturant. Les esters citriques sont utilisés dans
les margarines, où ils exercent un rôle antioxydant.
3.7.1.3. Sucroesters (E 473) et sucroglycérides (E 474)
Les sucroesters sont des esters d'acides gras obtenus par estérification directe des
groupements hydroxyle primaires du saccharose par des acides gras. La manipulation consistant en une
transestérification à partir d’esters méthyliques d’acides gras. On peut ainsi, par cette voie, obtenir des mono-,
di- ou triesters. Les sucroglycérides sont des mélanges constitués de mono-diglycérides et de sucroesters obtenus
par transestérification du saccharose et des triglycérides en milieu solvant. Initialement, le solvant utilisé était la
DMF (diméthyl formamide). L'abandon obligé de ce solvant d'une grande toxicité, subsistant à l'état de traces
dans le produit final, a compliqué grandement la réaction, désormais effectuée en phase aqueuse microémulsionnée. Ceci a expliqué leur faible utilisation dans les années 70-80.
Les sucroesters possèdent l'intéressante propriété d'être assez hydrophiles, donc
facilement dispersables en phase aqueuse. Ils sont de plus, totalement biodégradables et métabolisables. Une
autre de leurs qualités est un goût "discret", en regard de celui, relativement accusé, des monoglycérides. Leur
stabilité à chaud est bonne, même si l’on note quelques phénomènes d’hydrolyse, et surtout une décomposition à
partir de 180°C, due à la caramélisation du sucre.
Les utilsations de ces deux produits sont identiques : produits de la biscuiterie,
biscotterie, pains spéciaux, pâtisserie, boissons sans alcool, ravioli et cannellonis, caramels, réglisse, confiserie,
desserts foisonnés, entremets, flans, "« jelly », gommes à mâcher…
3.7.1.4. Esters de propylène-glycol
Ces produits sont des mélanges de mono- et diesters de propane 1,2 diol d'acides gras
obtenus à partir d'huiles et graisses alimentaires. On perd ici une fonction alcool par rapport au glycérol, ce qui
fait que ces molécules sont encore moins hydrophiles que les monoglycérides. Leur intérêt réside dans leur
capacité à former des systèmes α en mélange avec des monoglycérides distillés, d'où leur rôle dans le
foisonnement en biscuiterie - pâtisserie. Les esters de propylène-glycol ne sont pas autorisés dans l’Union
Européenne en tant qu’additifs, mais en tant qu’auxiliaire technologique (E 477).
3.7.1.5. Esters polyglycériques d'acides gras (E 475)
Le glycérol, par chauffage sous vide, en présence de soude diluée, est susceptible de se
polymériser, pour donner naissance à un mélange de polymères. Si cette polymérisation est limitée, on obtient un
mélange de di-, tri- et tétraglycérol. La réaction avec des acides gras conduit à des esters de polyglycérol,
notoirement plus hydrophiles que les monoglycérides. Il est cependant possible de maîtriser la formation des
produits, en leur conférant un caractère hydrophobe plus ou moins marqué.
124
Ce paramètre intéressant permet en fait la préparation de dérivés aux qualités multiples
et variées. Ils ont été longtemps non autorisés en France, bien que la Directive CEE ait prévu leur emploi. Ils
sont utilisés principalement dans le foisonnement des produits de boulangerie fine et des pâtisseries.
3.7.1.6. Dérivés de l'acide lactique : SSL (E 481), CSL (E 482)
Les plus courants sont les stéaryl lactylates de sodium ou de calcium, obtenus par
estérification de l'acide lactique polymérisé, le plus souvent sous forme de dimère, par l'acide stéarique. Ces
agents sont surtout utilisés en panification, afin de prolonger la durée de vie du pain.
CH 3
C 17 H 35 COO - CH
COO
Ca
m
2
Stéaryl lactylate de calcium
(m = 2 ; en général)
3.7.1.7. Esters du sorbitol et du sorbitane
Le sorbitane est un dérivé du sorbitol obtenu par formation d'un pont éther entre les
carbones C3 et C6 . Les esters de sorbitane sont obtenus par estérification avec de l'acide stéarique ou oléique. Ils
sont susceptibles ultérieurement de réagir avec plusieurs molécules d'oxyde d'éthylène, pour donner des dérivés
polyoxyéthylénés, aux propriétés hydrophiles très intéressantes. Quoique non autorisés, en France du moins, aux
usages agro-alimentaires, ce sont des dérivés très célèbres dans le monde industriel.
CH
CH
2
2
CHOH
CH
(OCH2 CH 2 )
w
OH
CHOH
CH
(OCH2 CH2 )
x
OH
CH
CH
CHOH
CH
(OCH2 CH 2 )
y
OH
CH OCOR
2
CH (OCH2 CH2 )
2
z
O
Monoester de sorbitan
O
OCOC
H
17 33
(w + x + y + z = 20)
Monoester de polyoxyéthylène sorbitan
Désignation scientifique
Monostéarate de sorbitan
Monooléate de sorbitan
Dérivés polyoxyéthylénés de monostéarate de sorbitan
- de monooléate de sorbitan
Désignation commerciale
Sorbitan 60, SPAN 60
SPAN 80
Polysorbate 60, TWEEN 60
- TWEEN 80
Ces produits ne sont pas autorisés dans l’Union Européenne.
3.7.1.8. Phospholipides : lécithines (E 322)
- Les lécithines naturelles sont d'usage très ancien, notamment pour la lécithine d'œuf,
dont les qualités dans la stabilisation des émulsions huile/eau sont bien connues. Le coût très élevé du produit ne
permet pas l'usage industriel, aussi les lécithines commerciales sont elles le plus souvent extraites par solvant de
125
l'huile de soja qui en est riche (2-3 %). Les produits commerciaux sont des mélanges de phospholipides (environ
50 %), triglycérides (35 %), glycolipides (10 %).
Les composants actifs de la lécithine sont les phospholipides dont la
phosphatidylcholine (PC), la phosphatidyléthanolamine (PE) et le phosphatidylinositol (PI), en quantités à peu
près égales. La PC a des propriétés de stabilisation huile/eau, cependant que la PE, et, dans une moindre mesure
le PI ont des propriétés émulsifiantes eau/huile. Du fait de cet antagonisme, le produit brut est donc peu actif.
OCOR
OCOR'
O
O
P
OX
PHOSPHOLIPIDE
HO
CH2
Si X =
+
H3C
N
CH3
Phosphatidylcholine
H
Phosphatidyléthanolamine
H3C
H
CH2
+
N
Si X =
H
OH
Si X =
OH
O
OH
Phosphatidylinositol
OH
OH
On prépare donc des lécithines fractionnées dans l'alcool, l'une alcoolo-soluble avec
prédominance de phosphatidylcholine, l'autre alcoolo-insoluble avec prédominance de phosphatidylinositol. Il
est également possible d'opérer des modifiactions chimiques, à l'aide d'enzymes spécifiques (phospholipases), ou
par hydrolyse acide, acétylation, hydroxylation. L'objectif est de renforcer l'activité émulsifiante des lécithines.
non fractionnée
%
32,6
fraction alcoolo-soluble
%
32,5
Phosphatidyléthanol amine
Phosphatidylcholine
32,6
65,1
Posphatidylinositol
34,8
2,4
Comparaison des teneurs de lécithines fractionnées à l'alcool.
fraction alcooloinsoluble %
32,6
4,6
62,8
Les utilisations alimentaires des phospholipides naturels sont extrêmement diverses. Nous avons essayé de les
classifier dans un tableau, présenté à la page suivante :
126
UTILISATIONS
Margarine
Chocolaterie
Produits de boulangerie
et de confiserie
Produits de confiserie
Alimentation animale
ACTIONS
Emulsifiants eau/huile
Agent diminuant les
éclaboussures
Agent antibrunissant
Réduit la viscosité par
mouillage et dispersion
CONCENTRATIONS
0,12 à 0,5 %
Modifie les
caractéristiques du gluten,
Agent mouillant,
émulsifiant et antioxydant
Agent mouillant,
Anti-oxydant
0,1 - 0,3 % par rapport à
la farine
Agent émulsifiant Agent
anti-oxygène Propriétés
nutritionnelles
Variable
0,3 - 0,5 %
Variable
PROPRIETES
La concentration est
fonction des exigences :
stabilité de l'émulsion,
type de lécithine.
Efficacité supérieure et
coût plus faible que le
beurre de cacao.
La lécithine conserve la
stabilité du pain.
Industrie des caramels, du
chewing-gum. Facilite le
mélange sucre, graisses et
eau
Aliments pour volaille,
laits reconstitués (veaux)
- Les lécithines artificielles sont largement utilisées, notamment en Grande-Bretagne où
elles ont remplacé largement les lécithines de soja. Elles présentent l'avantage d'une plus grande efficacité, d'une
absence de saveur désagréable, et d'une standardisation difficile à atteindre par des produits naturels. Le
composé est obtenue à partir d'huile de colza hydrogénée, par glycérolyse, phosphorylation et neutralisation à
l'ammoniac gazeux. On obtient un mélange de triglycérides, de phospholipides et de sels d'ammonium d'acides
phosphorés. Le mélange est utilisé tel quel. Le produit constitue plus de 40 % du chocolat anglais auquel il
apporte de l’onctuosité. Ces produits ne sont pas autorisés en France (Lécithine YN), mais autorisés dans
l’Union Européenne sous le vocable de « phosphatides d’ammonium » (E 442).
3.7.2. CARACTERISTIQUES ET FONCTIONS DES EMULSIFIANTS
3.7.2.1. Caractéristiques physicochimiques
- La solubilité d'un émulsifiant est le premier paramètre régulant son efficacité. Un
principe simple est que l'émulsifiant doit être soluble dans la phase continue. Ainsi, pour stabiliser une émulsion
huile dans eau, il est souhaitable d'utiliser un émulsifiant hydrosoluble.
La solubilité d'un tensio-actif est caractérisé par sa balance hydrophile - lipophile
(HLB). Cet indice permet, a priori, l'appréciation de l'hydrophilicité de l'agent émulsifiant, en considérant les
proportions relatives des parties hydrophiles et hydrophobes. Le HLB est défini par :
HLB =
Poids de la par tie h ydrophile
100
!
Poids de la par tie h ydrophobe 5
Théoriquement, les valeurs de la HLB de chaque émulsifiant s'échelonnent entre 1 et 20.
Plus la valeur est faible, plus l'émulsifiant est lipophile et vice-versa. De façon approximative, le HLB d'un
mélange émulsifiant est la moyenne pondérée de chacun des émulsifiants. La connaissance du HLB d'un
émulsifiant permet un premier choix, mais ne permet pas la prévision de l'efficacité de celui-ci.
- L'état physique de l'émulsifiant conditionne également largement son efficacité. Cet
état physique dépend de la structure chimique et de deux paramètres essentiels, température et teneur en eau, qui
déterminent l'organisation des chaînes lipidiques les unes par rapport aux autres. Il existe ainsi, pour chaque type
d'émulsifiant, des structures caractéristiques, appelées mésophases.
Pour l'essentiel, ces mésophases peuvent être lamellaires, c'est à dire que les chaînes
hydrocarbonées sont orientées parallèlement les unes par rapport aux autres, et que les groupes polaires sont
situées côte à côte. en contact avec l'eau, et à une température supérieure à la température de Kraft (TC), les
chaînes hydrocarbonées perdent leur organisation cristalline, tandis que l'eau pénètre dans les couches polaires.
127
C'est alors la mésophase liquide - cristalline du type lamellaire, dont les propriétés conditionnent les conditions
d'utilisation des émulsifiants.
Type d'agent émulsifiant
Monostéarate de sorbitan
Monopalmitate de sorbitan
Monolaurate de sorbitan
Monolaurate de propylène - glycol
Monostéarate de propylène - glycol
Monostéarate de glycérol
Monostéarate de diglycérol
Monooléate de polyoxyéthylène (5) sorbitan
Monooléate de polyoxyéthylène (20) sorbitan
Monostéarate de polyoxyéthylène sorbitan
Lactopalmitate de glycérol
Ester acide succinique de monoglycérides
Ester acide diacétyltartrique de monoglycérides
Stéaryl 2 lactylate de sodium (SSL)
HLB
5,7
6,6
6,6
4,6
1,8
3,7
5,5
10,9
15,8
14,9
3,7
5,3
9,2
21
Cette mésophase lamellaire (appelée NEAT, du grec νεατ - filet) est caractérisée par
des épaisseurs de couches lipidiques et aqueuses de 38 et 16 Å (dA et dW sur le schéma). Au refroidissement à
une température inférieure à celle de Kraft, les chaînes lipidiques recristallisent en conservant la structure en
feuillets : c'est la phase "Gel α".
OOOOOOOOOOO
O O O O O OO O O O
OOOOOOOOOO
dA
OOOOOOOOOOO
OOOOOOOOOOO
dW
O O O O O OO O O O
OOOOOOOOOO
O O O O O O O O OO
OOOOOOOOOO
OOOOOOOOOOO
CRISTAL
T > TC
O O O
O O
O OOO O
MESOPHASE LAMELLAIRE
T < TC
PHASE GEL
+ EAU
La phase gel α est métastable et passe rapidement à l'état coagel avec eau plus stable.
Cette phase gel α est cependant intéressante, et l'on recherche souvent à la conserver.
Il existe d'autres types de mésophases, à savoir des systèmes hexagonaux, observés à
des teneurs en eau et des températures plus élevées plus élevées, voire des mésophases cubiques.
3.7.2.2. Fonction des agents émulsifiants
a). Stabilisation des émulsions
Le rôle est là, facile à expliquer. L'émulsifiant, à l'interface huile/eau, joue le rôle de
tensioactif, ce qui, par abaissement de la tension interfaciale, a pour effet de stabiliser les phases non miscibles.
Le HLB et sa connaissance jouent ici un rôle important. On estime que l'optimum de stabilité d'une émulsion
eau/huile se situe à des valeurs de HLB comprises entre 3,5 et 12. On a également pu remarquer qu'à HLB égale,
un mélange d'émulsifiants était plus efficace que l'emploi d'un émulsifiant seul. Ce phénomène semble imputable
à l'élasticité supérieure d'un mélange par rapport au corps pur, élasticité favorable à la limitation de la
coalescence des gouttelettes.
128
b). Stabilisation des mousses et foisonnement
Les mousses sont en général des milieux émulsionnés complexes, comprenant
notamment des matières grasses et des protéines. L'émulsifiant doit contribuer à donner un volume important,
une texture correcte, et doit assurer la stabilité contre la synérèse. Les émulsifiants à tendance α (monostéarate
de propylène-glycol, monoglycérides acétylés ou lactylés) s'avèrent être les plus efficaces en favorisant
l'agglomération des matières grasses. Ils sont de plus aisément solubles dans la matière grasse et forment un film
cristallin rigide à la surface des globules gras. Ils limitent alors le rôle d'émulsifiant naturel des protéines et
favorisent la formation d'agrégats lipidiques. Ceci confère à la mousse une grande rigidité, mais limite un peu le
foisonnement de celle-ci.
L'emploi des monoglycérides dans la crème glacée permet de se prémunir du risque de
déstabilisation lors de la congélation. De même, leur utilisation en biscuiterie-pâtisserie permet la confection de
produits homogènes, ne présentant pas de "défauts de gonflement", parce que le remplacement des protéines par
les monoglycérides, en tant qu'émulsifiants, permet de diminuer la coalescence de la mousse.
c) Formation de complexes avec les macromolécules
Cette hypothèse de réaction est, industriellement, très intéressante, car elle va conférer
aux émulsifiants des propriétés anti-rassissantes, dans la mesure où de l'amidon complexe est indisponible pour
d'autres réactions chimiques le conduisant à sa cristallisation. Les complexes se forment avec l'amidon, comme
nous l'avons déjà mentionné, mais aussi avec des protéines.
- L'amidon est un système macromoléculaire composé de molécules linéaires (amylose),
et de molécules ramifiées (amylopectine). La teneur en amylose est extrêmement variable et se situe entre 20 et
35 % (27 % en moyenne pour les amidons de blé). L'amylose forme, on le sait, aisément des complexes avec de
nombreux composés : iode, acides gras, tensio-actifs. Ceci est lié à la possibilité, pour l'amylose, de prendre une
structure hélicoïdale. Cette hélice a pour motif de bases un ensemble de six résidus glucose, et présente un
diamètre intérieur de 4,5 Å. L'intérieur de l'hélice est tapissé de groupement lipophiles (C - H), cependant que
l'extérieur voit les groupements hydrophiles (C - OH). Compte tenu du diamètre de l'hélice, seule une chaîne
linéaire peut y pénétrer, comme celle, par exemple, de la partie stéarate d'un monoglycéride. Le reste glycérol,
trop encombrant, ne peut pas pénétrer dans l'hélice.
Cette complexation est susceptible d'entraîner la précipitation de l'amidon, résultat
expérimentalement observé pour un rapport molaire monoglycéride/amylose de 100/1 (5/1 en rapport pondéral).
La réactivité des divers émulsifiants est très variable. La présence de doubles liaisons
sur la chaîne d'acide gras est un facteur défavorable, car il entraîne une augmentation de volume de celle-ci
préjudiciable au complexe.
Indice de complexation I de l'amylose par des émulsifiants alimentaires
Emulsifiants
I
Monoglycérides distillés (90-92 % de monoester)
1. Lard hydrogéné
92
2. Lard non hydrogéné (45% de monooléine)
35
3. Huile de soja hydro.(85% de monostéarine)
87
3. Huile de soja brute (55% de monolinoléine)
28
Mono-diglycérides (45% de monoester)
28
Monostéarate de tétraglycérol
34
Esters d'acides organiques de monoglycérides
1. Esters d'acide lactique
22
2. Esters d'acide succinique
63
3. Esters d'acide malique
36
3. Esters d'acide tartrique diacétylés (DATEM) 49
5. Esters d'acide citrique
36
Emulsifiants
Lécithine d'huile de soja
Monostéarate de propylèneglycol 90 %
Monostéarate de sorbitan
Tristéarate de sorbitan
Monostéarate de saccharose (commercial)
Distéarate de saccharose (commercial)
Monostéarate de polyoxyéthylène-sorbitan 20
Stéaryl-2-lactylate
Stéaryl-2-lactylate de sodium (SSL)
Stéaryl-2-lactylate de calcium (CSL)
Stéaryl fumarate de sodium
I
16
15
18
13
26
10
32
79
72
65
67
L'incorporation de monoglycérides saturés dans les produits de panification industriels
limite la vitesse de raffermissement de la mie. On suppose que le mélange homogène des émulsifiants avant
129
cuisson de la pâte leur permet d'être adsorbés à la surface des grains d'amidon. Cette adsorption limite le
gonflement des grains. Au refroidissement, l'amylose complexée précipite, "figeant" l'intérieur du grain et
rendant la réorganisation des chaînes d'amylopectine plus difficile.
- La complexation des protéines a souvent été observée, en ce sens qu'elle améliore
sensiblement la rhéologie de certaines pâtes. La machinabilité, la tolérance au pétrissage, la rétention d'eau et de
gaz sont ainsi très considérablement améliorés. On ne dispose pas, à l'heure actuelle, d'interprétation indiscutable
de ce phénomène. Les émulsifiants ioniques (stéaryl lactylates, DATA,etc.) et les sucro-glycérides semblent
particulièrement actifs.
d) Contrôle de cristallisation des matières grasses
Les triglycérides présentent différentes formes cristallines. Une matière grasse fondue,
puis rapidement refroidie cristallise d'abord sous forme α qui, instable, évolue vers des formes β et β', la forme β
constituant la forme la plus stable, qui présente le point de cristallisation le plus bas.
Il est possible de contrôler le processus sous l'influence d'un agent émulsifiant qui va
stabiliser la matière grasse sous les formes cristallines α ou β'. C'est ainsi que l'on utilise le tristéarate de
sorbitane pour cristalliser les graisses de margarine sous la forme β', la plus tartinable (la variété β cristallise
avec une consistance granuleuse). Le procédé semble même extensible aux émulsifiants entre eux, puisqu'il est
possible d'observer que le mélange à un monoglycéride d'émulsifiants à tendance α marquée permettait de
stabiliser de manière générale la forme α.
3.7.3. UTILISATIONS ALIMENTAIRES
Voyons tout d'abord la liste des émulsifiants admis par la CEE :
N° CEE
E 322
E 442
E 470
E 471
E 472a
E 472b
E 472c
E 472d
E 472e
E 472f
E 473
E 474
E 475
E 477
E 481
E 482
E 483
Annexe I
Dénomination
Lécithine
Phosphatides d’ammonium
Sels de Na, K et Ca d'acides gras
Mono- et diglycérides d'acides gras
Esters acétiques des mono- et diglycérides d'acides gras
Esters lactiques des mono- et diglycérides d'acides gras
Esters citriques des mono- et diglycérides d'acides gras
Esters tartriques des mono- et diglycérides d'acides gras
Esters mono- et diacétyl tartriques des mono- et diglycérides d'acides gras
Esters mixtes acétiques et tartriques de mono- et diglycérides d'acides gras
Sucroesters
Sucroglycérides
Esters polyglycériques d'acides gras
Esters du propylène-glycol d'acides gras
Stéaroyl-2-lactylate de sodium
Stéaroyl-2-lactylate de calcium
Tartrate de stéaryle
Annexe II
(Produits en général non autorisés, pouvant faire l’objet d’autorisations ponctuelles)
- Monolaurate de polyoxyéthylène (20) sorbitane (Polysorbate 20)
- Monopalmitate de polyoxyéthylène (20) sorbitane (Polysorbate 40)
- Monostéarate de polyoxyéthylène (20) sorbitane (Polysorbate 60)
- Tristéarate de polyoxyéthylène (20) sorbitane (Polysorbate 65)
- Monooléate de polyoxyéthylène (20) sorbitane (Polysorbate 80)
- Stéarate de polyoxyéthylène (8)
- Stéarate de polyoxyéthylène (40)
- Huile de soja oxydée par chauffage , réagie avec des monoglycérides et des diglycérides d'acides gras
alimentaires (Lécithine YN)
130
- Esters mixtes d'acide lactique et d'acides gras alimentaires avec le glycérol et le propylène-glycol.
Rappelons que ce n'est pas parce qu'un additif est autorisé par la CEE qu'il est autorisé
en France (Cas, notamment, du E 477).
3.7.3.1. Exemples d'utilisation des émulsifiants
- Crèmes glacées : Une crème glacée peut être décrite comme une mousse partiellement
gelée contenant 40 à 50 % d'air. La phase continue contient des éléments dissous ou dispersés : sucre, protéines,
stabilisants et matière grasse sous forme d'une émulsion huile/eau. Les protéines du lait sont partiellement reliées
aux globules gras.
La fabrication se fait en deux étapes : formation du mix et congélation. La première
étape de formation va consister à disperser au maximum les globules gras et les bulles d'air de manière à obtenir
un foisonnement correct. La congélation s'accompagne d'une désémulsification et d'une cristallisation des
matières grasses.
Les émulsifiants n'interviennent pratiquement pas dans la stabilisation du mix, rôle en
principe assumé par les phospholipides et les hydrocolloïdes. Ils vont par contre contrôler la déstabilisation des
matières grasses.
- Sauces émulsionnées : Il s'agit généralement d'émulsions huile/eau. Le cas le plus
typique est la sauce mayonnaise. La teneur en huile est variable, et l'on distingue trois catégories légales :
- Catégorie A : 80 % d'huile (mayonnaise)
- Catégorie B : entre 50 et 80 % d'huile (Sauces dérivées de la mayonnaise)
- Catégorie C : sauces salades entre 15 et 50 % de matière grasse.
Ces émulsions sont des mélanges complexes, et la phase continue aqueuse comporte
une grande variété de constituants : protéines, polysaccharides, sucres, agents acidifiants, sels minéraux, etc.. La
présence des phospholipides de l'oeuf, voire d'hydrocolloïdes suffit en principe à assurer la stabilité des
émulsions. L'émulsifiant de synthèse vient donc en fait limiter la quantité d'oeuf incorporé, et ce pour des raisons
surtout économiques, dans le cas de la mayonnaise du moins.
- Produits de cuisson : C'est, numériquement, le principal secteur utilisateur
d'émulsifiants. Pour les produits fermentés, l'effet recherché est double : effet antirassissant et effet conditionnant
de la pâte. Pour les produits levés chimiquement, l'effet est de contribuer au foisonnement de la pâte pour les
produits sans matière grasse, de stabiliser l'émulsion complexe pour les gâteaux en contenant. On obtiendra ainsi
un volume spécifique du gâteau plus élevé, de meilleures qualités organoleptiques, une structure plus moelleuse,
une bonne résistance au rassissement, de meilleures performances des ingrédients "nobles", d'où une diminution
du coût.
Les émulsifiants les plus utilisés sont des combinaisons mono- et diglycérides,
monostéarates de sorbitan et polysorbate 60. Ils sont en général rajoutés avec le shortening.
3.7.4. CONCLUSION
L'utilisation des émulsifiants s'est sensiblement généralisée depuis les années 60,
compte-tenu des avantages importants découlant de leur usage. Certains pays, comme les Etats-Unis, en sont des
consommateurs effrénés, à telle enseigne que l'on peut dire qu'il n'existe plus guère de produit de cuisson qui
n'en comporte pas là-bas. La liste des émulsifiants autorisés aux USA est comparativement 2 à 3 fois plus longue
que celle des produits autorisés en France, où la très forte consommation de pain restreint leur usage pour raison
de DJA trop difficile à établir.
Cela dit, l'utilisation d'émulsifiants, si elle s'accompagne de suffisamment de "savoirfaire" scientifique, ouvre la voie à la préparation de nombreux produits nouveaux, potentiellement intéressants. Il
semble prévisible que la faible toxicité de ces additifs, conjuguée à leurs intérêts multiples, contribue à assurer le
développement de leur consommation.
131
3.8. AGENTS DE CHARGE
Les agents de charge sont des substances permettant d’accroître le volume d’une denrée
alimentaire sans augmenter de manière appréciable sa valeur énergétique. Ces produits agissent le plus souvent
comme épaississants, structurants ou solubilisants. Ils sont souvent utilisés dans la formulation de produits
allégés, où ils atténuent la perte de masse due à l’absence d’un constituant.
3.8.1. POLYDEXTROSE (E 1200)
Le polydextrose est un polymère formé par polycondensation thermique du glucose en
présence d’acide citrique et de sorbitol, dans les proportions suivantes :
D-Glucose : 90 – Sorbitol : 2 à 6 – Acide citrique : 1
La liaison 1,6 glucosidique prédomine dans les polymères, quoique les autres liaisons
soient aussi représentées. Le produit commercial contient des traces de glucose, de sorbitol, de lévoglucosane et
d’acide citrique. Il se présente sous forme d’une poudre blanche commercialisée sous trois formes : litesse,
litesse Ii, litesse III.
La valeur calorifique du polydextrose est de 1 kcal/kg. Il n’est que très peu
fermentescible par les bactéries buccales et est le plus souvent utilisé en substitution du saccharose. Il intervient
également comme substituant des graisses dans les produits allégés.
Le produit est autorisé à la dose du quantum satis dans la plupart des denrées
alimentaires/ Les plus courantes sont : les crèmes glacées et les sorbets, les desserts congelés et les gâteaux, les
desserts lactés, la confiserie, les fourrages et enrobages, le chocolat, les barres céréalières et les snacks, les
sauces et mayonnaises et les boissons…
3.8.2. POLYVINYLPYRROLIDONE (PVP – E 1201), POLYVINYLPOLYPYRROLIDONE (PVPP – E 1202)
La PVP est utilisée par la Pharmacopée française comme solubilisant et liant pour des
compléments alimentaires en comprimés et en dragées, et pour édulcorants, conformément à l’annexe IV de la
Directive 95/2/CE, à la dose du quantum satis.
La PVPP est un polymère réticulé insoluble, utilisé comme désagrégeant pour les
comprimés, ou comme stabilisateur de suspension pour les compléments alimentaires en comprimés et dragées,
ou pour les édulcorants. Elle figure aussi à l’annexe IV de la 95/2/CE, à la dose du quantum satis.
PVP et PVPP sont très largement utilisés comme auxiliaires technologiques.
3.9. POUDRES A LEVER
Les poudres à lever ont un rôle important à jouer en termes de texture des produits
alimentaires, puisque leur rôle est de favoriser le gonflement à la cuisson des préparations à base de pâtes, en
libérant des gaz. Le mécanisme est toujours le même : un carbonate ou un bicarbonate alcalin ou d’ammonium
est mis au contact d’un acide, qui déplace alors l’acide carbonique H2CO3 de ses sels. L’acide carbonique n’étant
pas stable, il se décompose aussitôt en H2O et CO2, entraînant du même coup le gonflement de la pâte. De
manière à ce que l’effet se produise au moment de la cuisson, les poudres à lever se composent en général de
deux espèces solides séparées, le carbonate ou le bicarbonate d’une part, l’acide d’autre part. Leur mélange dans
la pâte et l’échauffement produisent la réaction de décomposition conduisant à l’émission de CO2.
Les mélanges d’additifs destinés au consommateur final pourraient, en fait être appelés
« levure chimique + poudre à lever ». La liste des additifs, présentée à la page suivante, comprend en fait les
fractions acides et les carbonates, qui peuvent être associés selon de nombreuses combinaisons. Ces substances
ne présentent aucun risque toxique particulier.
132
Poudres à lever : substances autorisées
Additifs
Acide citrique
Citrate de sodium
Citrate de potassium
Acide tartrique
Tartrate de sodium
Tartrate de potassium
Tartrate double de Na et K
Orthophosphates de Na
Orthophosphate monocalcique
Code CEE
E 330
E 331
E 332
E 334
E 335
E 336
E 337
E 339
E 341 i
Produits
Poudre à lever
Idem
Idem
Idem
Idem
Idem
Idem
Idem
Idem
Orthophosphate dicalcique
E 341 ii
Idem
Pyrophosphate acide de Na
Carbonate de sodium (i)
Carbonate acide de sodium (ii)
Carbonate de potassium (i)
Carbonate acide de K (ii)
Carbonate d’ammonium (i)
Carbonate acide d’ammonium
(ii)
Chlorure de potassium
Sulfate de calcium
E 450a i
E 500 i
E 500 ii
E 501 i
E 501 ii
E 503 i
E 503 ii
Poudre à lever
Idem
Idem
Idem
Idem
Idem
Idem
E 508
E 516
Carraghénanes
Préparation en poudre pour
crème pâtissière et sauce
béchamel
Préparations reconstituées à base
de viande et de chair de poisson
Poudre à lever
Poudre à lever (pâtisserie)
Préparations de viande avec
polyphosphates autorisés
Phosphate alumino-sodique
Glucono δ-lactone
Glycine et sel de sodium
E 541
E 575
E 640
Dose d’emploi
Selon usages
Idem
Idem
Idem
Idem
Idem
Idem
Idem
13 g/kg de pâte, exprimé
en P2O5
15 g/kg de pâte à pizza
réfrigérée, sauf si la pâte
est présentée comme
constituée de pâte à pain
Selon usages
Idem
Seul, ou en mélange
Selon usages
Idem
Idem
Idem
Quantum satis
Quantum satis
10 g/kg pour l’ensemble
des texturants
Selon usages
25 g/kg de farine
Quantum satis
3.10. SELS DE FONTE
Les sels de fonte sont des substances destinées à disperser les protéines contenues dans
le fromage, favorisant ainsi l’homogénéisation des matières grasses et des autres constituants. Ils sont à
distinguer des émulsifiants, en ce sens qu’ils ne contribuent pas directement à l’émulsion graisse/eau, mais qu’ils
permettent aux protéines émulsifiantes de jouer ce rôle par dispersion. Les produits autorisés sont les suivants :
E 270
E 296
E 325
E 330
E 331
E 334
E 335
E 339
E 341
E 350 i
E 350 ii
E 450a
Acide lactique
Acide malique (D + L)
Lactate de sodium
Acide citrique
Citrate de sodium
Acide tartrique
Tartrate de sodium
Orthophosphates de sodium
Orthophosphates de calcium
Malate de sodium
Malate acide de sodium (ii)
Pyrophosphates
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